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Mais c'est surtout la chanson de Guinegate (1479) qui contient de beaux morceaux :

(1)

Les Français s'avançaient vers nous
D'un pas ferme et sans broncher.

Notre prince Maximilien s'écria: Que chacun soit un homme!

« Il faut qu'à présent on se batte vaillamment.

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Que chaque soldat déploie le courage d'un lion! »

En même temps le comte de Romont clama:

• Valeureux Flamands, montrez qui vous êtes! »
Aussitôt les piquiers allèrent de l'avant.

Ils criaient tous: Flandre au lion!

En langue flamande.

Notre noble prince Maximilien
Descendit de son cheval

Et tomba à genoux,

Priant Dieu avec humilité :

Mes enfants, je veux que tous vous fassiez comme moi,
«Et vous aussi, seigneurs de baut

Il fit aussitôt le signe de la croix
En baisant la terre.

Les larmes remplissaient ses yeux.
Ils criaient tous: Flandre au lion!
En langue flamande (1).

D parage.

Die Franchoysen quamen an
seer cloeck ende onuersaecht.
Ons Prince sprack: « Elck si een man!

het moet, hier vroemelijck zijn gewacht!
» elck si gemoet ghelijck een lupaert! »
Daer sprack die graue van Romont:
. Edel Vlamingen, thoont uwen aert! >
Die pijckeniers doordronghen.

Si riepen alle: Flander de leeu!

met Vlaemschen tongen.

Ons edel Prynce Maximiliaen,
hy beete hem neder te voet
ende hi viel over zijn knien,
biddende Gode met ootmoet:

Kinderen, dus wil ick dat ghi allen doet,
» ende ghi, heeren van hoogher weerde. »
Met dien maecte hi een cruyce voor hem,
hi custe die aerde,

die tranen hem ontspronghen.

Si riepen alle Flander de leeu!

met Vlaemschen thonghen.

Serait-ce exagérer que de dire que ces strophes ont une allure épique?

Je m'arrête. Il y aurait encore bien d'autres points de vue à développer à propos de nos vieux chants historiques. Je crois en avoir dit assez pour montrer très incomplètement aux historiens tout le parti qu'on pourrait en tirer pour l'étude des mœurs, des idées, des passions et même des aspirations littéraires de la masse du peuple dans les Pays-Bas du moyen âge.

M. Sleeckx donne lecture du rapport suivant, fait au nom du jury qui a été chargé de juger les prix Joseph De Keyn. (Septième concours, seconde période, 1892-1893.) Enseignement moyen et art industriel (1).

Le jury chargé de juger les envois reçus par l'Académie jusqu'à la date du 31 décembre dernier, a eu à apprécier cinquante ouvrages, dont six manuscrits et un en partie imprimé, en partie manuscrit.

Les matières traitées sont des plus variées. Nous avons eu à examiner des livres d'agriculture et de comptabilité agricole, d'art grec et d'art industriel, d'économie domieslique et d'économie politique, d'histoire générale, d'histoire nationale et d'histoire religieuse, de littérature et de philologie françaises, flamandes, allemandes et grecques, de folklore, de pédagogie et de méthodologie, de pisciculture

(1) Le jury était composé de MM. Wagener, président, Candèzc, Léon Fredericq secrétaire, Neuberg, Vanderkindere, Willems et Sleeckx, rapporteur.

et de construction, de sciences morales, mathématiques, naturelles et même médicales.

De ces cinquante ouvrages il a fallu d'abord écarter ceux qui ne remplissaient pas les conditions du programme. Aux termes du règlement des concours De Keyn, n'étaient admissibles, pour la période 1892-1893, que les livres de classe ou de lecture conçus dans un esprit exclusivement laïque et ayant pour but l'éducation morale ou l'instruction moyenne, y compris l'art industriel. Sans compter quelques livres appartenant à l'enseignement primaire, la nomenclature ci-dessus suffira à prouver que plus d'un concurrent n'a pas songé à tenir compte de ces prescriptions.

Une autre raison a empêché le jury d'admettre plusieurs ouvrages imprimés: ils ne portent de millésime, ni au titre ni ailleurs. Depuis quelques années, des éditeurs adressent à l'Académie des livres où l'indication de l'année de publication, pour des motifs que nous n'avons pas à rechercher, fait défaut. Lorsque les membres du jury ne peuvent constater que ces livres ont été publiés réellement pendant la période réglementaire, ils se trouvent dans l'impossibilité de s'en occuper et il ne leur reste, parfois à leur grand regret, qu'à les éliminer.

Parmi les ouvrages admis à concourir il en est, comme toujours, d'excellents et de moins bons, de médiocres et de plus faibles encore. De franchement mauvais, le jury n'en a pas rencontré, et même dans les plus faibles il a constaté des indices du désir évident de bien faire, joint à des qualités estimables. Sous ce rapport nous sommes heureux de pouvoir déclarer que le résultat du concours est au moins satisfaisant.

Nous devons néanmoins répéter une observation faite déjà à l'occasion de concours précédents: en général les

auteurs négligent trop la partie pratique, la plus imporlante pour plus d'un pédagogue. Dans quelques ouvrages soumis au jury, la théorie joue un rôle trop prépondérant, quand elle n'est pas seule à y jouer un rôle. On oublie que, dans tout enseignement rationnel, les exemples doivent marcher de pair avec les préceptes; lorsqu'on dit ce qu'il faut faire, on doit montrer en même temps comment il faut procéder. Des auteurs croient à tort qu'ils peuvent négliger les applications ou ne s'en occuper qu'incidemment. Par suite de cette erreur nous ne recevons d'eux qu'un livre de mince valeur, alors qu'ils eussent pu produire une œuvre d'un mérite sérieux.

Nous avons encore à signaler des ouvrages dont les auteurs, sans vouloir composer des livres scientifiques, font intervenir dans leur enseignement la chimie, la zoologie, la physiologie, ou l'une des autres sciences physiques ou naturelles. I leur arrive fréquemment de commettre des erreurs matérielles, véritables hérésies, qu'ils eussent pu éviter en consultant de bons traités. Ces erreurs sont d'autant plus regrettables que nous avons eu à les constater dans des ouvrages d'une valeur réelle et qui, pour cette raison seule, n'ont pu être pris en considération pour l'obtention d'une récompense.

Après un examen attentif, le jury s'est mis d'accord pour juger dignes d'un des prix à allouer les quatre livres dont il nous reste à vous entretenir.

De tous les ouvrages de littérature et de philologie examinés, la belle anthologie de M. A. Piters, professeur de rhétorique à l'Athénée royal de Gand, publiée sous le titre : La littérature française. Extraits et notices, ne pouvait manquer de fixer en premier lieu notre attention. Le but de l'auteur a été de nous donner, en quelque sorte, une

histoire de la littérature, et en ce sens surtout son anthologie marque un progrès sérieux sur celles de ses devanciers, en justifiant de tous points le titre qu'elle porte.

Si le but que l'auteur s'est proposé mérite des éloges, la manière dont il a réussi à l'atteindre n'en mérite pas moins. Il ne s'agit pas ici d'un recueil, plus ou moins volumineux, de morceaux en vers et en prose pouvant servir de texte à des éclaircissements instructifs, à des analyses littéraires et autres. Tout en choisissant ses extraits avec une entente qui dénote l'homme de goût, autant que le professeur expérimenté, M. Piters a su les classer si habilement qu'ils nous font passer en revue toutes les périodes littéraires, et donnent une idée exacte de la marche suivie par les lettres françaises, dans les diverses phases de leur développement. En outre, il a cu soin de proportionner le nombre et l'étendue de ces morceaux, de façon à leur faire représenter ces périodes aussi équitablement et aussi complétement qu'on peut l'exiger d'un livre destiné aux élèves de nos athénées et de nos collèges. Sa chrestomathie est ainsi devenue mieux qu'une série d'extraits choisis heureusement: elle est devenue une véritable histoire de la littérature, illustrée d'exemples éloquents et faisant connaître, avec les différents genres de composition, toutes les écoles qui se sont succédé en France, à partir du moyen âge jusqu'à nos jours, depuis les Chroniques de Froissart jusqu'aux productions des naturalistes et des Parnassiens. Il accorde au moyen âge ce qui lui revient. Dans son introduction à cette première partie du volume, il fournit, sur la formation de la langue et sur les plus anciens monuments littéraires, des aperçus ingénieux qui, dans leur concision savante, enseignent à nos collégiens tout ce qu'ils doivent savoir, avant d'entamer

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