offerts à la curiosité des uns, des facilités de dépenses pour les autres, enfin des impôts prélevés sur le travail des classes laborieuses aux dépens de son bien-être et souvent de sa moralité. Il existe en Angleterre des associations composées d'ouvriers, qui, la journée terminée, se réunissent pour s'instruire par la lecture d'ouvrages didactiques et · moraux et de recueils scientifiques. Pourquoi n'essaierait-on pas d'en créer de pareilles en France? Ces lieux de réunion dans lesquels le travailleur trouverait, à l'exception des journaux politiques, des livres et des revues choisis qui le récréeraient et l'instruiraient, des gravures et des albums appropriés aux arts manuels et mécaniques, attireraient principalement les célibataires, feraient une utile diversion à ces mauvaises lectures qui empoisonnent l'esprit et une heureuse concurrence aux cafés et estaminets où va s'engloutir une partie du salaire si péniblement gagné et où les ouvriers contractent des habitudes de dissipation, de jeu et d'ivrognerie. Sans vouloir rivaliser avec le luxe déraisonnable de plusieurs de ces établissements nouveaux, il faudrait que le local de ces réunions fût simple et convenablement meublé, bien éclairé et chauffé. Les employés seraient d'anciens ouvriers d'une conduite irrépro chable. La gérance de ces cercles des travailleurs pourrait être abandonnée à d'anciens commerçants qui se feraient un honneur d'en être les patrons. Toute autre surveillance me paraît inutile pour des hommes intelligents et studieux qui cherchent une récréation dans les jouissances de l'esprit. Ceux qui la demandent aux émotions du jeu ou à la boisson, ont seuls besoin que l'autorité mette un frein à leurs passions et réprime les suites de leur intempérance. CHAPITRE VI. CONDITION PYHSIQUE ET MORALE DES OUVRIERS. LE On ne sait pas assez dans le monde ce qu'il faut de courage, d'abnégation et de vertu à l'ouvrier pour se conduire honnêtement. Ce n'est que par un labeur assidu et en vivant de privations qu'il peut élever sa famille. Quand je lis dans un journal qu'un travailleur a rendu à celui qui les avait perdus, 500 francs ou 1,000 francs, j'admire avec enthousiasme cet acte de probité. Si les riches et les heureux se doutaient de ce qu'il en coûte de sueurs et de peines pour gagner une pareille somme qui représente quelquefois une année de travail, combien peu d'ouvriers ont pu dans leur vie amasser un pareil trésor, ils apprécieraient à sa plus juste valeur ce qu'il y a de grand et de noble dans cette action si simple en apparence. Quel mérite pour celui qui ne manque de rien, qui peut satisfaire tous ses besoins, de ne pas détenir le bien d'autrui? Agir autrement ce serait mal faire gratuitement et pour la satisfaction de commettre une mauvaise action. Mais sait-on les combats qui ont pu s'élever dans l'esprit de l'ouvrier, les pensées bonnes et mauvaises qui l'ont assailli? Et, lorsque son honneur est resté victorieux, je le répète, il a fait plus qu'un acte de probité il a fait un acte de vertu. Il se passe peu de jours sans que les journaux n'annoncent que des ouvriers ou des gens peu aisés ont rapporté à leur propriétaire ou déposé chez les commissaires de police les objets qu'ils avaient trouvés. Pendant l'année 1856, d'après un document émané de la préfecture de police du département de la Seine, le montant des sommes en or, argent, billets de banque et valeurs au porteur oubliées dans les voitures de place et de remise et déposées par les cochers, s'est élevé à deux cent soixante-deux mille six francs quarante-un centimes, indépendamment d'un grand nombre de bijoux et autres objets plus ou moins précieux. C'est avec raison que l'on reproche aux classes ouvrières leurs défauts et leurs vices; mais, c'est en vain que je cherche dans les autres classes de la so ciété plus de moralité et plus d'honneur. Seulement, les vices des hommes qui les composent sont plus cachés. L'ouvrier qui s'enivre, et malheureusement il y en a beaucoup, rend le public témoin de son intempérance. L'homme aisé se grise chez lui, ou se fait reconduire en voiture. L'ouvrier qui se dérange cause nécessairement du trouble dans son ménage; tout son temps et son argent suffisant à peine aux charges de chaque jour. Ce qu'il en distrait produit la gêne, et sa femme ne peut manquer d'en connaître la cause. De là, discussion et brouille, S'il était riche, il lui serait facile de distraire de sa caisse les éléments de sa débauche, sans que sa femme s'en aperçût, et la concorde ne cesserait pas de régner, les affaires mêmes pourraient ne pas en souffrir. L'ouvrier va à l'estaminet, le soir; le monsieur va au cercle. L'un perd quelques sous qui lui feront faute au bout de la semaine; l'autre perd plusieurs louis qu'il passera à la fin du mois sur sa caisse par profits et pertes, ou menus plaisirs. Le premier, dont les passions ne sont pas réfrénées par l'éducation, est souvent violent, emporté. A bout de raisons, il lève le bras, il bat ou est battu. L'autre, en parfait gentilhomme, est calme, entièrement maître |