C'est pour parer, autant que possible, à de semblables inconvénients, que nous voudrions voir la protection de la loi s'étendre aussi bien sur l'instruction professionnelle que sur l'instruction intellectuelle. A Paris, l'apprentissage finit ordinairement entre seize et dix-sept ans. La conscription appelle l'ouvrier sous les drapeaux à vingt et un ans; s'il n'a pu économiser, ou si sa famille ne peut lui fournir la somme necessaire à son exemption, il est obligé de payer de sa personne sa dette au pays. S'il est maçon, charpentier, tailleur, cordonnier, ou qu'il possède un état de pr maère nécessité, pendant son temps de service il pourra exercer sa profession. De cette manière, il adoucira sa position et fera même des économies, qui lui donneront la facilité d'acquérir le prix de sa libération. En rentrant dans la vie civile, il reprendra son état sans avoir rien perdu de son habileté, ou quelques jours suffiront pour la lui rendre mais il en sera tout autrement s'il est bijoutier, graveur ou décorateur. Pendant les années de service, s'il n'a pas tout à fait perdu son état, il reviendra à l'atelier fort inexpérimenté et incapable de gagner sa vie. Si les moyens lui manquent pour recommencer un nouvel apprentissage, il sera obligé de prendre une industrie plus facile, par conséquent moins lucrative et moins en rapport avec ses goûts. C'est parmi les militaires ainsi déclasses, que se recrutent les garçons de magasin et les hommes. de peine. Il serait donc utile et avantageux que les parents comprissent toutes ces choses avant de se décider sur le choix de l'état à donner à leurs enfants; ils trouveraient tous ces renseignements auprès des conseils de prud'hommes organisés comme nous le demandons. L'homme est né pour le travail; Dieu lui en a donné l'exemple en créant le monde en six jours, alors que sa volonté scule suffisait pour que l'univers existât. Le travail est donc la condition de tous les hommes; ceux auxquels la fortune semble avoir fait une vie de loisir, concourent, dans une certaine mesure, au labeur commun. Cependant, par suite de l'harmonie générale qui est la loi des sociétés, tous ne pouvaient s'occuper des mêmes travaux. Aux uns a été départi le travail de l'esprit, la réflexion, la méditation; ceux-là sont les ouvriers de l'idée, les penseurs. Aux autres a été donnée la force musculaire, l'adresse des mains : ce sont les ouvriers de la matière, ceux que l'on nomme vulgairement travailleurs. Les travailleurs se divisent en deux espèces : les ouvriers agricoles, employés aux travaux des champs, et les ouvriers industriels, qui transforment la matière en mille manières différentes c'est de ceux-ci que nous allons nous occuper. Le travail est un capital que l'on échange contre un autre capital représenté par le signe monétaire. Il est donc utile que le travailleur fasse produire au premier le plus possible, et se serve du second avec le plus grand avantage s'il veut se ménager des secours pour les accidents ordinaires de la vie, et des ressources pour ses vieux jours. Nous savons que tous ne peuvent parvenir à ce double résultat, mais nous sommes convaincus que le plus grand nombre pourrait y atteindre, et que la règle pourrait devenir l'exception. Autrefois, l'apprentissage terminé, l'apprenti était obligé de rester encore quelques années chez un maître avant d'être reçu compagnon et de pouvoir s'établir. Aujourd'hui il est entièrement libre; la veille il était apprenti, le lendemain il peut être patron. Cette extrême liberté ne tourne pas toujours à l'avantage du jeune ouvrier: l'expérience lui manque, il ne peut pas toujours discerner la ligne de conduite qui doit le mener au bien. Il contracte des liaisons et des amitiés qui influent souvent bien fatalement sur toute sa vie; et quand, plus tard, il reconnaît son erreur et qu'il la déplore, il n'est plus temps de revenir sur un passé, qui ne lui laisse que des regrets inutiles. La préoccupation du nouveau travailleur, aussitôt qu il a satisfait aux conditions de son apprentissage, doit être de se rédimer de la conscription. Pour cela, il doit restreindre ses dépenses aux plus indispensables besoins, et placer chaque année à la Caisse d'épargne le fruit de ses économies'. Cette époque est la plus favorable de sa vie; il est dans la plénitude de la santé et de la force du travail; il n'a pas de charge, il lui est donc facile d'économiser. Si le sort l'atteint, il aura pourvu à son exemption; s il le favorise, il trouvera dans son pécule le commen Voir à l'Appendice la notice sur la Caisse d'épargue. |