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détruire leur commerce, l'Angleterre aura éprouvé l'humilia tion de revenir sur des mesures inconsidérées. Alors le commerce de l'Amérique porté au plus haut degré de prospérité, nous fournira abondamment les matières premières et les objets de consommation qui nous seront nécessaires, et prendra en échange les produits de nos manufactures dont il a besoin. Cette justice accordée par le gouvernement anglais au pavillon américain ouvrira en même-tems de nouveaux débouchés aux denrées de l'Angleterre, et cette crise, effrayante surtout pour le commerce de Londres, se trouvera atténuée.

Si au contraire l'Amérique ne peut obtenir satisfaction, nous De doutons point que la guerre soit le résultat de ce refus; la crise de l'Angleterre s'en accroîtra, et le moment si désiré d'une pacification juste sera d'autant moins éloigné.

Si un mezzo termine l'emporte, et que les conseils de l'Amérique jugent qu'ils doivent sonscrire à la visite de leurs vaisseaux; à la station obligée en Angleterre; au paiement de la contribution de 25 pour cent, imposée à tous les bâtimens navigans sous pavillons neutres; nous ne pourrons que plaindre les hommes éclairés, qui dirigent les affaires de l'Amérique, de n'avoir pas réussi à surmonter de si pénibles circonstances. Mais alors les bâtimens américains ayant à craindre, d'un coté, d'être détournés de leur route, et d'avoir à payer un tribut de 25 pour cent pour entrer dans les ports d'un pays encombré, où ils ne trouveraient pas l'emploi de leurs cargaisons; et de l'autre de se fermer les nombreux ports du continent, aimeront mieux courir quelques risques en prenant le seul parti à-la-fois utile et honorable. Il faudra seulement qu'ils naviguent avec des batimens assez forts pour résister à des bricks. Au moyen de cette précaution, ils seront à-peu-près assurés de parvenir à leur destination, les Anglais ne pouvant avoir partout des vaisseaux de guerre. Ainsi, dans la supposition même où l'Amérique ne réussirait dans ses négociations avec l'Angleterre, la France se trouvera suffisamment approvisionée des objets qui peuvent lui être utiles.

Celui-là est le maître du commerce qui a le plus de consommateurs, et la France, jouissant de toute la plénitude de son indépendance, première condition de toute paix à intervenir, établira à l'avenir, dans ses tarifs, des dispositions telles, que ceux qui voudront apporter des deurées dans ses ports, seront obligés de prendre en retour des produits de notre sol et de notre industrie.

Si des mesures si utiles n'ont pas été adoptées dans d'autres tems, il ne faut l'attribuer qu'à l'influence du cabinet de Londres sur celui de Versailles, dont la faiblesse cédait à la première menace de guerre. Est-ce lorsque la France était obligée de détruire Dunkerque ou de subir la loi d'un traité de commerce honteusement inégal, qu'elle pouvait instituer son acte de navigation et combiner les tarifs de ses douanes de

manière à s'assurer tous les avantages de son heureuse position ?

Nous avous en France du sucre et du café pour trois ans, nons avous du coton manufacturé pour près d'une année: fussions-nous dépourvus de denrées coloniales, nous trouverions encore, dans les circonstances actuelles, un dédommagement précieux. Si l'industrie prenait une autre direction, si elle s'attachait à la fabrication des objets dont le continent produit les matières premières, il faudrait remercier l'Angleterre qui nous aurait éclairés sur nos véritables intérêts, qui aurait fait préférér aux consommateurs les productions du continent, qui nous aurait appris à mettre à profit la soie, la laine, le lin, matières premières qui appartiennent à notre sol et qui peuvent suffire à nos besoins. Cette révolution dans nos usages, serait une crise dont l'Angleterre se sentirait longtem's et qui aurait la plus heureuse influence sur la prospérité continentale. Une Providence dirige la France, tandis qu'on reconnaît dans les conseils britanniques cet esprit d'irréflexion et de désordre, avant-conreur de la chute des nations. L'Europe sera toujours l'Europe, quand ses paysans et ses paysannes porteront moins de coton et seront habillés en étoffes de laine et de liu: quand le commerce par terre continuera pour toutes les nations, quand enfin le commerce maritime sera anéanti. Mais l'Angleterre ne sera plus l'Angleterre lorsque ses denrées coloniales, lorsque les produits de ses fabriques et de son immense commerce seront réduits à rien. On est donc en droit de dire que les dernières mesures prises par l'Angleterre, sans nuire essentiellement au continent, sont essentiellement nuisibles à l'Angleterre. On peut se demander aussi quel génie inspire le cabinet de Londres. Ce n'est pas celui de Chatam; c'est celui de la haine et de ces passions aveugles qui, dans leur délire ne distinguent plus ni le bien ni le mal. Mais espérons que cet esprit d'ordre, de calcul, de raison qui a porté si loin le commerce et les armes de l'Angleterre, l'emportera enfin sur cet esprit de vertige; espérons du moins qu'à défaut de ce retour aux idées saines, la force mettra un terme à cet horrible brigandage. Mais s'il était vrai que la querelle dût rester encore indécise pendant de longues années, le moindre mal qui en résulterait pour l'Angleterre serait de trouver l'Europe déshabituée des marchanises de ses fabriques, et toutes les nations réunies dans un seul intérêt pour favoriser les consommations des objets dont les matières premières ne seront pas assujetties aux caprices d'un gouvernement sans raison, et aux décisions du cabinet de Londres. En lisant ce qui s'est fait depuis six mois en Angleterre, la postérité se demandera si ce pays était gouverné par les ennemis on par les plus chands partisans de la France. L'empereur Napoléon en cherchant ce qui pouvait arriver de plus avantageux à la France n'aurait pas pu

désirer autre chore que l'expédition de Copenhague et les mesures destructives du commerce des neutres. Lorsqu'on examine ces dernières dispositions on croit voir les ouvriers de Lyon fanatisés par les clubs, brûlant en un jour tous les métiers qui leur donnaient du pain, et qui enrichissaient leur patrie. Ce ne sont pas aujourd'hui les métiers de l'Angleterre qui brise son gouvernement, mais il les rend inactifs; il faut sauter les écluses de ces immenses canaux, par lesquels pouvaient s'écouler les marchandises dont les magasins anglais sont encombrés, et qu'il tarit de ses propres mains; conceptions plus funestes à l'Angleterre, que ne le serait un banc de sable qui viendrait tout-à-coup fermer l'entrée de la Tamise. Les sans-culottes de Lyon etaient dirigés par des passions folles et désordonnées: les oligarques de Londres paraissent obéir à une direction semblable; les extrêmes se touchent, et les mêmes causes dans des lieux et sur des individus différens produisent les mêmes effets.

Paris le 6 Janvier.

Déclaration extraite de la gazette extraordinaire de Londres, publiée le Samedi 19 Decembre.

La déclaration publiée à Saint Petersbourg par S. M. l'empereur de toutes les Russies a causé à S. M. la plus grande surprise et les plus vifs regrets.

Sa majesté n'ignorait pas la nature des engagemens secrets auxquels la Russie avait été forcée de souscrire pendant les conférences de Tilsit (1); mais elle espérait qu'en jetant un nouveau coup-d'œil sur les transactiens de cette malheureuse négociation, et en appréciant convenablement les effets qu'elle doit produire sur la gloire du nom russe et sur les intérêts de l'empire de Russie, S. M. 1. aurait cherché à se soustraire aux nouveaux conseils et aux li

aisons qu'elle avait adoptées dans un moment d'alarme et

DD

(1) Nous sommmes autorisé à déclarer qu'il n'a été pris, pendant les conferénces de Tilsit, aucun engagement secret dont l'Angleterre puisse se plaindre, et qui la concerne en aucune maniére. Pourquoi le cabinet de Londres, s'il est instruit d'engagemens secrets contraires aux intérêts de l'Angleterre ne les fait-il pas connaitre ? Son manifeste deviendrait inutile, et la seule commu

d'abattement, et serait revenue à des principes politiques plus analogues à ceux qu'elle avait si invariablement professés, et plus propres à assurer l'honneur de sa couronne et la prospérité de ses états, (2)

nication de ces articles secrets justifierait sa conduite aux yeux de l'Europe, et redou blerait la bonne volonté et l'énergie de tout citoyen anglais. Mais c'est l'usage de ce gouvernement, de partir d'une assertion fausse pour autoriser ses injustices et pour chercher à justifier les vexations qu'il fait éprouver sans distinction à tous les peuples du monde. Lorsqu'il jugea convenable de ne point exé cuter l'article du traité d'Amiens qui exigeait l'évacuation de Malte, il fit dire au roi, dans un message au parlement, que tous les ports français étaient remplis de vaisseaux prêts à effectuer une descente en Angleterre, et l'Europe entière sait s'il y avait alors le moindre arme ment dans les ports de France. Lorsqu'il voulut ravir quelques millions de piastres que quatre frégates espagnoles rapportaient du continent de l'Amérique, il fit un mensonge, non moins grossier, pour justifier l'aggression la plus houteuse.

Lorsqu' enfin il veut excuser l'inexcusable expédition de Copenhague, il a recours à des suppositions d'une fausseté évidente pour toute l'Europe.

Mais si les dénégations formelles de la Russie et de la France, si l'éxpérience si souvent renouvelée de l'infidélité des assertions de l'Angleterre, si le défi qu'on lui fait de donner connaissance de quelque article secret du traité de Tilsit qui serait contraire à ses intérêts, ne

suffisent point pour convaincre tout homme impartial, un très-petit nombre de réflexions prouvera que l'Angleterre ne croit pas à ces engagemens secrets pris par la Russie contre elle.

dans

En effet, si le cabinet de Londres croyait qu'il existait de tels engagemens entre la France et la Russie, pour, quoi dans le moment même où il avait fait cette découverte, qui le portait à attaquer Copenhague, ne faisaitil pas attaquer l'escadre russe la Méditerranée, et lui permettait-il de franchir librement le détroit de Gibraltar? Pourquoi trois vaisseaux russes, qui venaient de la mer du nord, traversaient-ils l'escadre anglaise qui bloquait Copenhague ? Pourquoi, s'il était vrai que des conditions secrètes eussent été stipulées à Tilsit au désavantage de l'Angleterre, le cabinet de Londres recourait-il à la médiation de la Russie pour concilier ses différends avec le Danemarck? Que ces ministres soient aumoins d'accord avec eux-mêmes, et qu'ils ne disent pas quelques pages plus bas, ces propres mots :" "Et cependant jusqu'à la publication de la déclaration russe, c'est à

dire jusqu'en Novembre)

S. M. n'avait aucune raison de soupçonner que, quelle que pút être l'opinion de l'empereur de Russie sur les événemens de Copenhague, elle pût empecher S. M. I. de se charger, à la demande de la Grande-Bretagne, de ce même rôle de médiateur. Ainsi les

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