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veillance administrative et d'empêcher le déplacement et la division de la responsabilité, mais aussi et surtout de prévenir le morcellement si préjudiciable des exploitations et de pourvoir à l'intérêt général du bon aménagement des gîtes et à la conservation des richesses minérales; la cession du droit d'exploiter une partie de mine concédée, de même que le bail ou l'amodiation ne portant pas sur la totalité de la concession ne sont autre chose qu'une vente partielle ou un partage de mines, vente ou partage que la loi frappe de nullité; enfin, le droit de l'administration de faire cesser le fractionnement de l'exploitation n'exclut pas le droit des parties intéres-ées de se refuser à l'exécution d'actes et de conventions contraires à la disposition d'ordre public de l'article 7, et de faire prononcer la nullité desdits actes et conventions.

En fait, les traités de 1873 et 1874, malgré le soin quelque peu affecté que les parties ont apporté dans le choix des termes dont elles ont fait usage constituent, soit un bail à durée non limitée, soit un partage de l'exploitation de la concession de Dombasle entre Solvay et Cie et le concessionnaire.

En effet, s'il est incontestable que l'obtention de l'eau salée a été l'objectif des contractants et le but qu'ils se sont proposé, il n'en est pas moins certain que les contrats envisagés dans leur essence, donnent à Solvay et Cie le droit d'exploiter à leur- risques et périls, la mine de Dombasle, dans toute l'étendue de la concession, d'en retirer les produits sous forme d'eau salée, et d'y exercer les droits d'exploitation, concurremment avec le concessionnaire.

La faculté accordée à Solvay et Cie de foncer dans tout le périmètre de la concession un ou plusieurs trous de sonde pour s'alimenter, à volonté, d'eau salée, va ou peut aller, si cela leur convient, jusqu'à annihiler dans une large mesure et même en totalité les droits du concessionnaire et de mettre dans l'impossibilité de livrer à la consommation intérieure la quantité minima de sel que l'article 5 de la loi du 17 juin 1840 l'oblige formellement à fournir chaque année.

Sainement interprétés dans leur esprit et dans leur application, les traités litigieux n'ont que l'apparence d'une vente mobilière et s'appliquent à de l'eau salée; la saline de Dombasle ne s'engage pas à fournir par an à Solvay et Cie une certaine quantité déterminée d'eau saturée à 25 degrés en restant maîtresse de foncer des trous de sonde où bon lui semblera; elle ne s'engage même pas à fournir aux acheteurs prétendus une quantité

quelconque d'eau salée, puisqu'elle ne manquerait pas à ses engagements dans le cas où les trous de sonde foncés n'en feraient pas découvrir ou la donneraient insuffisamment saturée; les contrats ne stipulent aucun prix proportionnel, mais ils parlent d'une simple redevance dont le but évident est de payer le droit d'exploitation divergente el concurrente accordée à Solvay et Cie pour une durée indéfinie.

Solvay et Cine se sont nullement mépris sur le caractère véritable des traités; ils n'ignoraient pas que ces traités consacraient autre chose qu'une vente mobilière d'eau salée, ils ont euxmêmes et à l'avance tranché la question du procès; en effet, à la date du 15 octobre 1875, c'est-à dire dix huit mois après le contrat rectificatif, dans lequel les parties avaient répété à satiété qu'il n'y avait aucun droit de propriété au profit de Solvay et Cie sur la concession de la saline de Dombasle, que l'unité en était maintenue, ils ont, proprio motu, jugé bon et même nécessaire de présenter l'un et l'autre au bureau des hypothèques de Nancy, pour les faire transcrire ce qui a eu lieu le même jour.

La transcription qu'ils ont requise et dont le coût ne s'est pas élevé à moins de 606,21 ne peut s'expliquer que par l'un des deux motifs suivants : ou bien, ils envisageaient les actes comme translatifs d'un droit réel immobilier, ou bien, soit comme un bail à durée illimité, soit comme un bail d'une durée de plus de dix-huit années (loi du 23 mars 1855, article 1er, § 1er et article 2, § 4).

Dans la deuxième hypothèse, ces actes sont nuls aux termes de l'article 7 de la loi de 1810, puisqu'ils constitueraient l'amodiation partielle d'une mine.

Dans la première hypothèse, ils sont encore nuls aux termes de l'article 16, § 7 des statuts de la saline de Dombasle, cet article interdisant au gérant toute aliénation immobilière sans l'autorisation de la société réunie en assemblée générale.

S'agissant d'une nullité d'ordre public, ni le conseil de surveillance de la saline, ni l'assemblée générale des actionnaires n'ont pu la couvrir par leur ratification, même expresse; au surplus, le gérant Botta, dans son rapport à l'assemblée générale du 25 janvier 1873, s'est borné à dire qu'il avait cédé à Solvay et Cie le droit de faire, à leurs frais, un seul trou de sonde, moyennant une redevance annuelle de 2.000 francs, rachetable par un versement fixé à 30.000 francs.

En résumé, la société défenderesse est fondée dans sa demande en nullité des traités de 1873 et 1874, ces traités ne peu

vent être maintenus ni directement, ni indirectement, et par suite, il n'y a pas lieu de s'arrêter aux conclusions subsidiaires par lesquelles Solvay et Cie demandent que la saline de Dombasle soit tenue de leur fournir elle-même l'eau salée nécessaire à leur fabrication, sauf remboursement complet de ses dépenses; si ces conclusions étaient accueillies, ce serait faire revivre par une voie détournée une convention que la loi prohibe expressément. En ce qui concerne le premier chef de la demande principale:

Comme cela a déjà été dit, la saline de Dombasle s'est engagée, par le traité du 28 août 1873, au cas où Solvay et Cie auraient besoin de sels raffinés pour leur fabrication, à les leur fournir aux conditions les plus favorables accordées aux fabriques de soude et de produits chimiques par les salines de l'arrondissement de Saint-Nicolas, auxquels prix Solvay et Cie s'engageaient à s'approvisionner à la saline de Dombasle.

Les demandeurs entendent contraindre la saline :

1° A leur fournir le sel raffiné nécessaire à leur fabrication, aux conditions les plus favorables qu'amènerait pour les fabricants de produits chimiques le régime de la libre concurrence, soit au prix maximum de 1,60 le quintal;

2o A leur rembourser la somme de 105.062f,05, versée en trop à la date du 21 décembre 1879 sur les fournitures effectuées ;

Il y a lieu de donner acte à la saline de Dombasle, représentée aujourd'hui par la société Octobon et Cie de ce que, jusqu'à ce qu'il aura été statué définitivement sur la demande reconventionnelle, tendant à faire prononcer la nullité et la résolution des conventions du 28 août 1873 et 1er avril 1874, elle ne se refuse pas à en subir l'exécution.

Le comptoir des sels de l'Est a offert transactionnellement de ramener le prix des sels ordinaires livrés à Solvay et Cie depuis le 1er janvier 1877, au taux de 2 francs le quintal et de faire état à Octobon et Cie de la différence entre ce prix et ce qui a été facturé au delà.

Octobon et Cie ont fait à Solvay et Cie, qui les ont repoussées, les mêmes offres transactionnelles; ces offres sont donc réputées

non avenues.

Au fond, il y a lieu de distinguer deux périodes dans les livraisons de sels raffinés à Solvay et Cie.

La première part de juin 1875 et finit le 31 décembre 1876; durant cette période, le prix a été de 2 francs le quintal, sauf pendant 2 ou 3 mois, où il a été abaissé à 1o,80.

La première période a commencé le 1er janvier 1877, époque à laquelle le syndicat des salines de l'Est a été rétabli, sous le nom de Comptoir des sels; pendant ce laps temps, le prix a été, du 1er janvier 1877 au 28 février 1879, de 2,25 le quintal, et depuis le 1er mars 1879, de 2o,10.

Suivant Solvay et Cie, d'une part, le prix à payer par eux doit être celui qu'aurait amené ou amènerait pour les fabricants de produits chimiques le régime de la libre concurrence; d'autre part, ce prix ne devait pas dépasser 1,60 le quintal, la saline de Saint-Nicolas-Dombasle ayant, par un traité du 22 mars 1873, consenti à vendre à ce taux et pour une période de 10 ans, les sels raffinés à un s1 Kuhlmann, fabricant de produits chimiques, à Lille.

Il est certain que le traité du 28 août 1873 a été signé entre les parties, alors qu'une lutte acharnée était engagée entre les diverses salines de l'Est et que, par conséquent, la libre concurrence avait obligé les producteurs de sel, à abaisser leurs prix.

Il est néanmoins sans intérêt dans la cause d'examiner si, comme le soutiennent les demandeurs, le syndicat, qui a été rétabli à partir du 1er janvier 1877, et qui a amené une certaine surélévation des prix antérieurs, constitue une coalition illicite prévue et punie par l'article 419 du Code pénal.

En effet, Solvay et Cie écrivaient à la saline de Dombasle, le 24 décembre 1876, dans les termes suivants :

<< Tenez compte que vous nous fournissez en vrac. Nous n'avons donc pas trop présumé en admettant que nous arriverions à obtenir le prix de 1,75, dans ce moment où les salines donnent de si mauvais résultats; quoi qu'il en soit, nous attendons volontiers jusqu'à la fin de janvier vos propositions, nous ne doutons pas que le syndicat, s'il se constitue, ce que nous souhaitons pour l'industrie salicole du département, maintiendra les conditions exceptionnelles pour les fabricants de produits chimiques ».

Par suite, Solvay et Cie ont, à partir du 1er janvier 1877, accepté expressément, au point de vue des livraisons de sel raffiné, la substitution du syndicat au régime de la libre concurrence, sous l'empire duquel ils avaient traité en 1873, avec la saline de Dombasle; la seule réserve par eux faite, c'est que le syndicat maintienne les conditions exceptionnelles pour les fabricants de produits chimiques.

Il y a donc un contrat définitif et irrévocable, qui fixe une base conventionnelle pour les fournitures nouvelles à effectuer ;

ce contrat, qui n'est en rien contraire à l'ordre public, doit recevoir sa pleine et entière exécution.

Il ne s'agit plus que de rechercher si les prix facturés de juin 1875 au 31 décembre 1876 et du 1er janvier 1877 à ce jour, sont ou ne sont pas inférieurs aux prix les plus favorables que les salines de l'arrondissement de Saint Nicolas ont pu accorder aux fabricants de soude et de produits chimiques.

Sur ce point, Solvay et Cie invoquent d'abord deux factures en date des 17 octobre et 11 novembre 1876, qui établissent que la société Daguin et Cie et la saline de Crévic ont vendu des quantités, assez faibles du reste, de sel raffiné à un s' Janus, de Louvain (Belgique), au prix de 1,80 et 1.70 le quintal.

Janus est un marchand épicier et non un fabricant de produits chimiques.

Dès lors, les factures dont il s'agit ne peuvent appuyer la prétention des demandeurs.

Solvay et Cie se prévalent encore du traité Kuhlmann qui porte la date du 22 mars 1873, mais qui rétroagit au 1er janvier de la même année.

La saline de Dombasle soutient que ce traité lui est inopposable':

1° Parce qu'il n'était pas connu des contractants et qu'il est antérieur à la convention du 28 août 1873, laquelle vise uniqueinent l'avenir, c'est-à-dire les prix qui s'établiront ultérieurement;

2o Parce qu'il est conclu à forfait pour 10 ans, tandis que la convention de 1873 prévoit le cours pratiqué au moment de chaque livraison;

3° Parce qu'il comprend, en dehors du sel raffiné, des fournitures de sel égrugé, et que la perte sur le premier est compensée par le bénéfice que donne l'autre.

Le traité de Kuhlmann n'est produit aux débats par aucune des parties; dès lors, le tribunal ne peut en fixer la portée, ni le sens, ni l'applicabilité à la cause.

Par leurs conclusions subsidiaires, Solvay et Cie provoquent une expertise à l'effet :

1° De déterminer le prix des sels raffinés fournis et à fournir aux fabricants de produits chimiques, soit avant, soit après la formation du syndicat, tant par la société Botta et Cie, aujourd'hui Octobon et Cie, que par les saliniers dépendant du syndicat de la région de l'Est;

3o De fixer le prix qui pourrait être dû par 100 kilogrammes

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