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-l'adresse, qui en exposa les motifs, et M. Medrano qui ré"pondit au préopinant, en analysant à son exemple chaque paragraphe du projet, dont il demanda le rejet total comme n'exprimant pour ainsi dire sur aucun point les sentimens de l'assemblée, le ministre des finances (M. le comte -de Toreno) prit la parole, et combattit avec force tous les articles du projet. Il le critiqua sous les trois rapports du fond, de la forme et de la convenance. Il s'éleva avec chaleur contre l'épithète d'absurde donnée à la législation existante, et blama vivement l'espèce d'indifférence avec la laquelle le projet s'exprimait sur les événemens du 17 et du 18 juillet. Il adressa un reproche tout contraire au passage suivant sur l'insurrection carliste, et soutint que l'état de la nation n'était pas aussi fàcheux que le représentait la commission; ajoutant que, sans vouloir justifier l'ancien gouvernement des maux qu'il avait causés, on ne pouvait s'empêcher de reconnaître que des choses utiles, dont on commençait à recueillir le fruit, avaient été accomplies dans ces derniers temps. Il s'attacha ensuite à démontrer les dangers qu'aurait dans le moment actuel la liberté illimitée de la presse, telle que la demandait le projet. Il traça à ce propos l'historique des progrès que cette liberté, d'abord soumise à de grandes restrictions, avait faits successivement en Angleterre depuis 1688 jusqu'à nos jours, et en tira cette conséquence que ce n'était pas tout d'un coup qu'une nation pouvait être mise en jouissance de la plénitude d'un pareil droit. Il com- battit également comme intempestives la plupart des autres innovations indiquées par la commission, et notamment l'introduction du jury. Il s'étendit beaucoup sur la responsabilité des ministres, posant en fait qu'ils ne devaient être ponrsuivis que pour crimes de concussion ou de trahison, et que hors de là ils n'étaient soumis qu'à une responsabilité morale. Quelques réflexions générales sur le défaut de convenance et d'à propos du projet, terminèrent le discours du ministre.

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M. Lopez, qui avait déjà répliqué à M. Medrano, répondit encore au précédent orateur, qui fut ensuite fortement ap-1 puyé par M. Martinez de la Rosa. Il revint sur les passages› déjà critiqués par M. de Toreno, et prit pour tèxté, dans sa péroraison, le danger des innovations trop rapides.

- Malgré cette opposition du ministère, l'ensemble du projet d'adresse fut adopté le lendemain à une majorité de 14 voix; mais cette adoption, en quelque sorte provisoire, de l'ensemble, n'équivalait guère qu'à une prise en considération, et la discussion des articles permit aux ministres d'avoir leur revanche.

Dans le débat sur ce passage de l'adresse où la décadence de la nation espagnole était surtout attribuée aux déplorables effets d'une législation absurde, les uns soutinrent cette rédaction, que d'autres voulaient remplacer par ces mots, administration absurde. MM. Martinez de la Rosa et de Toreno repoussèrent également l'une et l'autre expression, et firent adopter une rédaction intermédiaire à laquelle adhéra la commission par l'organe de M. Lopez. Les paragraphes concernant les massacres du 17 juillet et les puissances qui n'avaient pas encore reconnu le gouvernement de la reine, furent aussi modifiés dans le sens ministériel.

La proposition, faite par un membre de l'opposition, de substituer à la dénomination de milice urbaine celle de milice nationale, fut rejetée.

Mais c'est sur la question de la liberté de la presse que la contestation fut vive, longue et opiniâtre: M. Mar tinez de la Rosa assura que la presse jouissait maintenant en Espagne de plus de liberté que jamais; le gouvernément ne comprimait nullement la manifestation des vues, des plans et des idées politiques; la nation était encore trop arriérée pour recevoir la dernière de toutes les institutions, et la Chambre elle-même ne pourrait s'aventurer à soutenir le contraire; l'initiative que la commission avait prise à ce sujet paraissait donc inopportune.

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Ces raisons furent énergiquement combattues par MM. Lopez, Gonzales, Caballero, Abargues, Trueba; mais ces orateurs, malgré leurs efforts et leur talent, perdirent la partie. La Chambre passa au vote, et décida à une majorité de 5 voix (44 contre 59), que le paragraphe objet du débat serait renvoyé à la commission pour qu'elle en modifiât la rédaction, Dans la séance du 6, les ministres ramenèrent encore l'assemblée à leur opinion sur quelques points, et le 7 l'adresse fut définitivement adoptée : voici comment elle se terminait.

« La machine politique est une agrégation de différens rouages, et il' est nécessaire que tous exécutent des mouvemens conformes à l'impulsion du premier agent. Tous les droits sociaux doivent être également protégés, car sans ce concours exact, le but de l'association est manqué. Il'est à désirer que la liberté de la presse, sentinelle avancée de toutes les autres garanties, reçoive chez nous toute la latitude qui soit compatible avec un système politique bien entendu, c'est-à-dire une latitude telle, que, sans courir le risque de blesser ou de détruire ni les coutumes ni les bases et les principes de la société, on puisse parvenir à répandre le plus facilement les connaissances et les vérités utiles au gouvernement et à la nation. » L'entretien et l'organisation la plus avantageuse de la milice urbaine est aussi un objet du plus haut intérêt. Le caractère de soldat-citoyen qu'ont les individus qui la composent, leur position au sein d'une famille, les nombreux et doux objets qui les identifient avec la patrie, les liens quí les attachent à son sort, répondent surabondamment d'eux, et indiquent tout ce qu'on peut espérer de leur civisme et de leur discipline.

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» Les procuradorès du royaume se flattent que, sous le glorieux règne de Votre Majesté, l'égalité des droits devant la loi, la liberté civile, la sû reté personnelle, et l'inviolabilité de la propriété, seront consacrées dans toute leur étendue contre les attaques du pouvoir et contre les abus.

>> En ajoutant à ces principes l'indépendance du pouvoir judiciaire dans toutes ses classes, et la responsabilité de ses actes, ainsi qu'une pareille responsabilité de la part du pouvoir ministériel, les peuples, en bénissant le nom de Votre Majesté, connaîtront la différence entre un gouvernement absolu qui opprime tout et un système paternel qui n'use de son autorité que pour procurer le bonheur commun. »

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Sans s'arrêter aux préoccupations politiques de la Cham

bre élective, dont cette adresse, bien qu'adoucie dans les termes, portait un témoignage évident, le gouvernement commença par appeler l'attention des Cortès sur la question de la dette espagnole et sur celle des mesures à prendre contre don Carlos; mais les procuradorès ne tardèrent pas à en revenir aux principes pour lesquels ils avaient déjà soutenu un premier combat. Une pétition à la reine sur les

droits civils et politiques, fut signée par un certain nombre de procuradorès; renvoyée aux commissions qui l'apprque vèrent, et finalement mise en discussion dans la Chambre le 1 septembre. Elle se terminait par la prière adressée à la reine de vouloir bien prendre en considération comme droits fondamentaux ceux que contenait le projet suivantit

Art!! feq. La liberté individuelle est protégée et garantie. En conséquence aucun Espagnol ne peut être obligé à faire ce que la loi n'or, donne point.

zio Art, 2. Tous les Espagnols peuvent publier leurs pensées par la presse, sans aucune censure préalable, mais en se soumettant aux lois qui prés priment

51 Art-3. Augun Espagnol ne peut être poursuivi, arrêtá, ni entevé de son domicile, sinon dans les cas prévus par la loi et dans les formes qu'elle prescrit

OD

Art. 4. La loi n'a point d'effet rétroactif; aucun 'Espagnol ne sera les tribunaux existans avant l'éjugé des commissions, mais bien par pár poque du délit, an Stelzo

les Espase qui ne peut être

Art. 5. La mas cas et dans la forme

viole, sinon

un a

la loi.

-Art. 6. La loi est égale pour tous les Espagnols; elle protége, décorby

pense

également.

ant.js Att. Tous les Espagnols sont également admissibles aux emplois civils et militaires, sans autre distinction que la capacité et le mérite. De même, ils doivent tous être également soumis aux charges du service publics Tires va

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Art. 8. Tous les Espagnols sont également obligés à payer les co tributions librement votées par les Cortès, en proportion de ce qu'ils vi bli troba possèdent, » Art. 9. La propriété est inviolable, et la confiscation des biens est abolie. Néanmoins la propriété reste soumise: ro aux peines légalement imposées et aux condamnations rendues par sentence légitimement exécutoire; 2° à l'obligation d'être cédée à l'état, quand l'exige quelque objet d'utilité publique; mais sous la condition d'une indemnité préalable réglée par jugement d'arbitres.

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10.

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L'autorité ou le fonctionnaire public qui attente à la liberte individuelle, à la sûreté personnelle ou à la propriété, commet un ctima, responsable devant la loi. fest. II. Les ministres sont responsables des infractions aux lois fonda mentales, des délits de trahison et concussion, et des attentats contre la liberté individuelle, la sûreté personnelle et le droit de popriété..

Art. 12. Il sera institué une garde nationnálé pour la conservationsde Fordce public et la défense des lois. Son organisation sera l'objet d'une loi 8

M. Trueba prit le premier la parole pour appuyer la peb tition. Aucune matière ne pouvait, selon lui, être soumise à la délibération de la Chambre, qui fût d'un intérêt plus grave que celui-ci. Le statut royal n'était qu'une loi orga nique et rien de plus; il manquait des bases fondamentales

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sur lesquelles tous les gouvernemens représentatifs doivent reposer. Sans doute il fallait que les Chambres procédassent peu à peu dans leurs travaux; mais cette marche, bonne pour les réformes, serait vicieuse par rapport aux principes! D'un autre côté, on alléguait qu'il serait imprudent dé faire dès à présent une déclaration des droits de l'homme; car, dans l'état actuel de la nation, la Chambre pourrait, d'un moment à l'autre, être forcée de voter des lois d'exception. Néanmoins la Chambre décida, à la majorité de 73 voix contre 36, que la pétition serait prise en considération. Sv2 septembre. L'ordre du jour appelant la discussion de l'art. i de la pétition, relatif à la liberté individuelle, M. Gonzalès s'attacha à prouver, par des exemples puisés dans l'histoire, que cette liberté avait existé en Espagne dès le XIII et le XIV siècle. Les Espagnols étaient-ils alors plus éclairés qu'aujourd'hui ? Aussi long-temps que les ministres resteraient au pouvoir, M. Gonzalès déclarait que la nation pourrait avoir confiance en eux; mais, s'ils se reti raient, quelles garanties aurait-elle? Il n'y avait aucun inconvénient à consacrer le principe de la liberté et de la sécurité individuelles. En cas de circonstances extraordi+ naires, les ministres demanderaient des mesures exceptionnelles qui leur seraient accordées.

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M. de Toreno, après avoir dit que la question était trèsdélicate, quelque parti qu'on prît d'ailleurs, ajouta que la pétition contenait des vérités incontestables. Cependant le moment était-il favorable pour les établir? Il y avait souvent du danger à proclamer ainsi des principes. En France, on avait dit : « périssent les colonies plutôt qu'un principe »; on savait ce qui était arrivé. Malheureusement la situation de l'Espagne avait beaucoup de ressemblance avec celle de la France en 1789, et le ministre croyait qu'au lieu de se livrer à des abstractions, on ferait mieux de ne suivre que des principes fixes et bien déterminés. On avait cité l'histoire d'Angleterre,, en › soutenant que les malheurs de ce pays

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