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tres. Nous ne jugeons point qu'on ait eu de telles vues mais la chofe pourroit aboutir à un tel dé

nouement.

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Autli l'on doit cet hommage à la générofité & à la religion des François, que la nouvelle de l'extinction future des dîmes n'a point obtenu les acclamations populaires, qu'elle n'a point excité les tranfports de la joie publique, ni provoqué ces fignes de fatisfaction que produit l'affranchiffement d'une fervitude; que l'intérêt même le plus flatté n'a guére pouffé les cœurs hors des bornes de l'indifference, & qu'en bien des contrées le nouveau projet a généralement caufé moins de fentimens d'approbation & de joie qu'une impreffion de furprise & de trifteffe. On n'a point été fort fenfible à l'avantage de rétracter des dons antiques, légitimes, facrés, ni à l'honneur de marcher fur les traces des Sectaires, qui dans les fiècles derniers fe féparérent de l'Eglife. On fe fouvient que dans le temps de la prétendue réforme, les Catholiques nos pères ne cédèrent point à l'appât de la cupidité, & que loin d'être les imitateurs des réformés, ils ne furent que plus zélés obfervateurs des anciennes pratiques. Aux exemples d'une avide & fauffe fagete, ils oppofèrent de plus grands exemples d'une fage prodigalité; au lieu de fe refferrer, leurs cœurs fe dilatérent, leurs mains s'ouvrirent à de nouvelles profufions, & on vit les fidéles multiplier à l'envi les fondations pieuses.

DES

DES LIBERTÉS FAUSSES ET PERNICIEUSES.

I.

De la liberté de la Preffe.

LEs fatales fuppreffions des biens, des ufages, des traditions, des dogmes religieux, des perfonnes mêmes que confacrent à la Religion leur état & leurs vœux, feroient mal rachetées par des franchises & des libertés immorales & irreligieufes. N'eft-ce point là ce que jugeront définitivement les États- Généraux du Royaume très

chrétien?

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On s'eft propofé de régénérer la France & d'y faire renaître l'âge d'or. Pour y réuffir, n'importet-il pas d'invoquer moins fouvent la liberté que la justice & la paix, ces deux mères de l'âge d'or? C'eft précisément la liberté mal entendue, qui autrefois les exila de la terre & les relégua dans le ciel aulieu de les en rappeller de nos jours elle les empêcheroit d'en redefcendre. O fo le liberté ! je vois en toi, tous les fiècles y ont vu, la plus inexorable ennemie de la vraie, de la douce liberté, qui fe trouve toujours dans les chaftes embraffemens de la juftice & de la paix elles-mêmes? Laquelle choifirons-nous donc des deux libertés, celle qui outrage & qui chaffe la paix & la justice, ou celle qui les accompagne & qui les couronne ?

Parmi les cahiers remis aux Députés des Sénéchauffées, il y en a qui contiennent la deman de indéfinie de la liberté de la presse. Nous nous

G

abftiendrons de cette queftion: pourquoi deman der ce qui exifte? Nous nous réduifons à celle-ci : pourquoi demander ce qui a été fi nuifible? La liberté de la prefle, & la libre lecture des ouvrages impies & lafcifs, ont produit un déluge de maux. Cette liberté a perverti la France bien plus incontestablement qu'elle ne l'a inftruite & polie : elle l'auroit fans doute parfaitement éclairée, fi la fcience du mal & la corruption pouvoient s'appeller lumière & fagefle.

O Francois! graces à la liberté de la preffe & à la licence des lectures, vos femmes ne font-elles pas affez vaines & affez perfides, vos enfans affez diffipés & affez ingrats, vos domestiques affez peu fidèles, les hommes chargés des intérêts publics, affez égoiftes? Vous mêmes partifans de la liberté de la preffe, n'avez-vous pas trop lu? Vous falloit-il tant lire pour la paix de votre confcience & le bonheur de vos jours? Craignez-vous que la génération préfente, ne tranfmette point affez fidèlement à vos neveux fes erreurs & fes vices, fi vous n'affuriez le moyen de propager le venin de race en race jufqu'à vos defcendants les plus reculés? On exclut du domaine de la liberté la faculté de nuire: Cette raifon oblige de profcrire l'indéfinie liberté de la preffe, & nous ordonne de préjuger que le décret définitif des Repréfentants de la France, ne confacrera que la pleine liberté d'écrire en faveur de la Religion, de la vertu, des mœurs & des bonnes lois; & qu'il autorifera feulement la libre impreffion & la libre circulation de tous les ouvrages, foit d'utilité, foit d'agrément, qui ne fronderont aucun de ces objets vénérables.

Hé! que fignifie cette liberté effentielle, inaliénable de penfer, de parler & d'écrire, qu'on fait fonner fi haut? On n'arrachera point à

l'homme le libre arbitre qui tient à fa nature, ni le pouvoir phyfique d'ufer & d'abuser même de fa liberté je le crois bien. Mais qui nous donnera la permiffion & le pouvoir légitime de mal penfer, de mal vouloir, de mal parler & de mal écrire? Quelle loi marquera du fceau de l'innocence la liberté que nous prendrions de déraifonner & de dépraver notre intelligence par des erreurs volontaires; de proftituer notre cœur aux défirs & aux deffeins pervers, & d'infecter nos femblables par la fcandaleufe manifestation de nos finiftres penfées, ou de les circonvenir & de les fuborner par des difcours artificieux & par de mauvais confeils? C'eft là une forte de permiffion que ne fauroit m'accorder Dieu lui-même ; ou plutôt c'est là précisément l'ufage de la liberté que Dien m'interdit par toutes fes lois. A la vérité, Dieu feul punit les volontés fecretes & les penfées mais tout mal externe & contagieux tombe fous la verge de la loi humaine; & c'eft un mal extérieur & communicatif que de mauvais écrits & de mauvais difcours. La parole proférée ou écrite n'eft-elle pas le lien de la fociété ? & fi ce lien devient meurtrier ou peftitentiel, pourra-t-il nous unir dans les bons principes & les bons fentimens ? nous attachera-t-il à la faine morale, l'unique confervatrice de l'ordre & du bonheur focial?

L'homme eft né libre, j'en conviens. Mais ne traités pas d'inaliénable une liberté abfolue qui doit être néceffairement aliénée. Nommez-moi, je vous prie, le premier article du pacte focial, ou plutôt l'acte fondamental, & formellement conftitutif de tout corps politiqne. Nous n'en connoiffons pas d'autre, me direz vous, que l'affujettiffement de la liberté perfonnelle à l'autorité des conventions publiques & à la fa

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geffe des lois. Par conféquent le recouvrement de l'abfolue liberté individuelle eft la défunion effentielle & la diffolution de toute fociété. Lors donc que vous ferez vivre un homme par fa mort, vous conftituerez une focieté par le principe même qui la divife & qui la diffout.

L'homme eft né libre, mais tout-à-la-fois fujet; foumis à cela même qui le fait Roi, à la raifon; foumis aux loix du Créateur, de la nature, & de la fociété dans le fein & fous les aufpices de laquelle il a reçu la vie, & dont il s'eft trouvé membre en naiffant; foumis aux parens, aux chefs, aux maîtres que fa naiffance & la Providence lui ont donnés. Au milieu de ces dépendances naturelles, l'homme conferve auffi fes franchises naturelles & indeftructibles, comprifes dans les règles fuivantes que dicte le bon fens: C'eft que la liberté de l'homme ne doit être gênée & reftreinte que par des lois honnêtes & juftes; que l'innocent ne peut être maltraité & puni par aucune autorité, & que le coupable ne peut l'être que par l'autorité légitime; qu'aucun homme ne doit être violenté, vexé, maffacré par d'autres hommes fans autorité & fans titre ni devenir jamais la victime du pouvoir arbitraire de la feule force, ni de la fureur. Voilà des principes qui appartiennent effentiellement à la raifon, & qui font pour elle inaliénables; voilà les premiers droits de l'homme vraiment facrés & inviolables.

I I.

De la liberté de Confcience.

QUELQUE voix s'eft fait entendre qui demandé la liberté de confcience.

Analyfons ces mots & connoiffons-en la valeur. Lorfqu'on fait la demande générale & illimitée

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