Page images
PDF
EPUB

que sous réserve des droits des tiers intéressés : son interprétation des volontés du donateur ou du testateur peut être contestée par ces tiers devant l'autorité judiciaire qui la contrôlera et, au besoin, la rectifiera.

Un legs ayant été adressé à l'église Notre-Dame-de-Grâce par un habitant de Cambrai, la question s'est posée de savoir de quelle église il s'agissait; la section de l'Intérieur a estimé que le legs devait être considéré comme fait à l'église cathédrale de Cambrai et qu'en conséquence il y avait lieu d'auto-. riser la fabrique de ladite église à l'accepter, sauf à l'autorité judiciaire à statuer définitivement sur l'attribution de la libéralité (Avis de la sect. de l'Int., 19 mai 1886) (1).

Quelquefois la personne morale donataire ou légataire, sans être nommée par le donateur ou le testateur, se trouve désignée d'une façon indirecte; c'est ce qui arrive lorsqu'il est fait un don ou un legs à un service public national : nous avons dit dans un précédent chapitre que les libéralités, dont les services publics nationaux sont gratifiés, doivent être considérées comme faites à l'État qui a le droit d'intervenir pour les accepter (V. supra, nos 93 et suiv.). De même, les départements et les communes ont qualité pour accepter les dons et legs faits aux services départementaux et communaux (V. supra, nos 106 et suiv., 112 et suiv.); mais quelquefois le

La section de

(1) Avis de la sect. de l'Int. 19 mai 1886 (no 59,161). l'Intérieur, des Cultes, de l'Instruction publique et des Beaux-Arts, du Conseil d'État qui a pris connaissance d'un projet de décret approuvant notamment une délibération du conseil de fabrique de l'église cathédrale de Cambrai répudiant un legs de 1,000 francs; - Considérant que, si le conseil de fabrique de l'église cathédrale de Cambrai a déclaré qu'en présence du refus de consentement des héritiers il répudiait le legs, il a d'ailleurs ajouté qu'il s'en remettait à l'appréciation de l'autorité supérieure ; Considérant que toutes les autorités consultées ont déclaré que sous le nom de N. D. de Grâce on devait reconnaître l'église cathédrale de Cambrai ; Considérant que les héritiers seuls ont contesté cette désignation; Considérant que dans ces conditions il ne paraît pas qu'il y ait lieu par un refus d'autorisation de priver l'établissement religieux d'un legs auquel il paraît avoir droit et qu'en cas de contestation c'est à l'autorité judiciaire qu'il appartiendra de statuer définitivement;

--

Est d'avis qu'il y a lieu de substituer à l'article proposé un article conçu dans le sens des observations qui précèdent (M. Mourier, rapporteur).

caractere d'un service public local est indécis et, par exemple, l'on s'est demandé si le service des cimetières relève des communes ou des fabriques: la section de l'Intérieur du Conseil d'État est d'avis qu'il s'agit là d'un service municipal et que, par conséquent, les dons et legs faits pour les cimetières doivent être acceptés par les communes et non par les fabriques (V. supra, no 245, note de la sect. de l'Int., 18 septembre 1884, legs Jeannin).

Une hypothèse aussi délicate que complexe est celle où un testateur a prescrit qu'une certaine somme serait prélevée sur sa succession pour être distribuée aux pauvres ou pour faire célébrer des messes; se trouve-t-on en présence d'une simple charge d'hérédité, dont l'exécution est abandonnée à la discrétion des héritiers du testateur, ou, au contraire, d'un véritable legs fait aux pauvres ou à une fabrique? Telle est la première difficulté que l'on a à trancher et dont la solution variera suivant les circonstances de chaque espèce (V. supra, nos 69 et suiv., et infra, nos 346 et suiv.). S'il est reconnu que l'on a affaire à un legs et non à une charge d'hérédité, il reste à se demander quelle est la commune dont le testateur a entendu gratifier les pauvres ou quelle est la paroisse dont il a voulu instituer la fabrique légataire.

Nous avons dit plus haut qu'à notre avis un legs fait aux pauvres sans autre détermination s'adressait, en règle générale, aux pauvres de la commune où le testateur résidait lors de son décès (V. supra, no 140). De même la section de l'Intérieur a décidé, aux termes d'une note du 4 février 1892, qu'un legs destiné à faire dire des messes devait être accepté par la fabrique du lieu de la mort du testateur (1).

286. Quand une libéralité, tout en s'adressant à une personne morale, qui a seule qualité pour recueillir les biens

La section

(1) Note de la sect. de l'Int. 4 février 1892 (no 90,686). de l'Intérieur, des Cultes, de l'Instruction publique et des Beaux-Arts du Conseil d'État qui a pris connaissance d'un projet de décret, autorisant la supérieure de l'établissement des Petites-Sœurs des Pauvres, reconnu à Nice (Alpes-Maritimes), à accepter un legs gratuit de 500 francs fait à cet établissement par le sieur Salamito, a remarqué que ledit décret omet à tort de statuer sur une disposition du testament, dispo

donnés ou légués, est susceptible de profiter à une autre personne morale, la première accepte la libéralité qui lui est faite et la seconde le bénéfice qui peut résulter pour elle de l'exécution du don ou du legs.

Telle est la règle que nous trouvons formulée de la manière suivante dans les « Notes de jurisprudence » publiées en 1892 sous le haut patronage de M. le président de la section de l'Intérieur: « Lorsqu'une libéralité doit profiter indirectement à un établissement public, il y a lieu d'autoriser ledit établissement à accepter le bénéfice de cette libéralité. Il importe, en effet, que les établissements bénéficiaires soient mis à même de contrôler l'emploi des fonds et d'en exiger une affectation conforme à la volonté du testateur » (1) (Cf. Avis de principe du C. d'Ét., 6 mars et 24 juillet 1873, supra, no 324).

L'établissement bénéficiaire n'a aucune vocation aux biens donnés ou légués et l'autorisation qui lui est donnée a simplement pour but de l'habiliter à surveiller l'exécution du don ou legs recueilli par l'établissement institué et, au besoin, à contraindre celui-ci par toutes voies de droit à s'acquitter des charges prescrites par le donateur ou le testateur.

Sur quoi peut-on se fonder pour reconnaître à l'établissement bénéficiaire le droit d'user ainsi de procédés coercitifs vis-à-vis de l'établissement institué? Il est permis de dire qu'à un certain point de vue l'établissement bénéficiaire est un donataire ou légataire; le donateur ou testateur a grevé l'établissement institué d'une obligation de faire au profit de l'établissement bénéficiaire et il a par là même légué à ce dernier un véritable droit de créance. L'établissement bénéficiaire n'a aucun droit de propriété sur les biens donnés ou légués, mais il est créancier de l'établissement institué qui

sition aux termes de laquelle le testateur charge sa légataire universelle de faire célébrer 50 messes et une chaque année, le jour anniversaire de son décès. Cette dernière libéralité constitue, à raison de la fondation qu'elle comporte, un véritable legs et non une simple charge d'hérédité sur laquelle il n'y aurait pas lieu de statuer. La section estime, en conséquence, qu'il conviendrait, avant de statuer, d'inviter la fabrique de la paroisse du Port, lieu du décès du testateur, à délibérer à nouveau sur l'acceptation de la libéralité (M. Noël, rapporteur). (1) Page 172.

doit les employer conformément aux prescriptions de l'acte de donation ou du testament.

La jurisprudence qui permet qu'un établissement accepte le bénéfice pouvant résulter pour lui d'une libéralité faite à un autre est d'une application journalière; bornons-nous à quelques exemples.

Dans le cas où un don ou un legs est destiné à faire face aux grosses réparations d'une église qui appartient à la commune où elle est située, il est accepté par la fabrique de ladite église et le maire accepte au nom de la commune le bénéfice que doit procurer à celle-ci l'exécution du don ou legs (Note de la sect. de l'Int. 14 mai 1884, legs Bousquet) (1); si la libéralité n'est affectée qu'à des réparations d'entretien ou si

La section de

(1) Note de la sect. de l'Int. 14 mai 1884 (no 50,944). l'Intérieur, des Cultes, de l'Instruction publique et des Beaux-Arts du Conseil d'État, qui a pris connaissance d'un projet de décret relatif à un legs de 3,000 francs, fait par la dame Bousquet pour les réparations de l'église de Frayssinet de Lozère ou pour le presbytère, n'a pas cru pouvoir maintenir la disposition qui autorise le maire et le trésorier de la fabrique à accepter conjointement cette libéralité. Rien n'indique en effet dans le testament de la dame Bousquet qu'elle ait eu l'intention de gratifier à la fois la commune et la fabrique. La section a pensé qu'il y avait lieu, en l'absence d'un légataire expressément désigné par la testatrice, de rechercher quel était, de la commune ou de la fabrique, le véritable légataire du legs dont il s'agit. L'article 136 S11 el 12 de la loi municipale du 5 avril 1884, ne laisse subsister aucun doute à cet égard. Cet article n'a maintenu à la charge des communes les grosses réparations des édifices communaux destinės au culte qu'après l'application préalable des revenus et ressources disponibles des fabriques à ces réparations. Quant aux réparations d'entretien, elles ne peuvent jamais être à la charge des communes. Il en résulte qu'une libéralité destinée à pourvoir aux réparations de l'église intéresse principalement la fabrique, s'il s'agit de grosses réparations et l'intéresse uniquement s'il s'agit de simples réparations d'entretien. - Quant à la destination subsidiaire du legs de Mme Bousquet (le presbytère), elle intéresse encore directement l'établissement ecclésiastique, soit que ce legs doive être appliqué à la réparation de l'ancien presbytère, soit qu'on se propose d'en employer le montant à la reconstruction. C'est en effet à la fabrique et, à son défaut seulement, à la commune qu'incomberait le payement d'une indemnité de logement, s'il n'existait pas de presbytère. Le maire ne doit donc être autorisé à accepter, au nom de la commune, que le bénéfice pouvant résulter pour elle du legs de Mme Bousquet, ce bénéfice ne devant exister qu'autant que le legs ou une partie du legs sera appliqué soit aux grosses réparations de l'église, soit à la réparation ou à la reconstruction du presbytère. La section a modifié le projet de décret dans le sens des observations qui précèdent (M. Cottu, rapporteur).

elle doit être consacrée à l'ornementation d'un autel, il n'y a lieu, depuis la loi du 5 avril 1884, à aucune intervention de la commune (Note précitée du 14 mai 1884 et note de la sect. de l'Int. 8 août 1891, legs Bonheury) (1).

Si un legs est fait à une fabrique à charge de prélever tous les ans sur les revenus des biens légués une somme qui sera payée au curé à titre de supplément de traitement, il convient, tout en autorisant la fabrique à accepter le legs, d'habiliter la cure à en accepter le bénéfice (Avis C. d'Ét., 3 août 1881; v. supra, no 243).

Les curés et les desservants peuvent être autorisés à recevoir les dons et legs qui leur sont faits à charge de services religieux, mais les fabriques doivent être appelées à accepter le bénéfice résultant pour elles de ces libéralités (Note de la sect. de l'Int., 19 février 1889, legs Bernouville; v. supra, no 248). Le bénéfice à provenir de l'exécution de pareilles libéralités devrait être accepté tout à la fois par les fabriques et par les maires, au nom des pauvres, si les services religieux dont elles se trouvent grevées étaient des services funéraires d'indigents (Note et projet de décret de la sect. de l'Int. 16 avril 1890, legs Richard) (2).

La section de

(1) Note de la sect. de l'Int. 8 août 1891 (no 88,542). l'Intérieur, des Cultes, de l'Instruction publique et des Beaux-Arts, du Conseil d'État, tout en adoptant le projet de décret relatif aux legs faits par la demoiselle Bonheury à divers établissements de la Meuse, a cru devoir supprimer l'article 4 dudit décret. Il lui a semblé inutile, en effet, en présence des dispositions de la loi du 5 avril 1884, qui exonèrent les communes de toute contribution aux frais du culte, de faire accepter par le maire de la commune de Brabant-le-Roi (Meuse) le bénéfice du legs fait à la fabrique de l'église succursale de Brabant-leRoi et consistan en « une somme de 100 francs pour orner l'autel de. la Sainte-Vierge » (M. Noël, rapporteur).

(2) Note de la sect. de l'Int. 16 avril 1890 (no 82,353). La section de l'Intérieur, tout en adoptant un projet de décret relatif aux legs faits par le sieur Richard à divers établissements des Deux-Sèvres, a cru devoir insérer dans ledit projet, une disposition autorisant le maire de Saint-Maixent, au nom des pauvres, à accepter le bénéfice résultant pour eux du legs d'une rente de 500 francs fait au curé de la paroisse, à la charge de célébrer gratuitement les services funéraires des pauvres. L'article proposé par la section aura pour effet de permettre au maire de surveiller l'exécution de la disposition testamentaire dont il s'agit (M. Simon, rapporteur).

Projet de décret adopté par la section de l'Intérieur (même affaire). Art. 1er. Le curé de l'église paroissiale de Saint-Maixent (Deux

« PreviousContinue »