Page images
PDF
EPUB

de Belgique ait payé des intérêts et des dividendes à ses actionnaires aux dépens de leur capital, dans le seul but de conserver aux actions une valeur artificielle et trompeuse, comment le commissaire du gouvernement n'a-t-il pas signalé l'irrégularité d'un semblable expédient, bien capable de porter la lumière dans le mystère des autres opérations? Comment n'a-t-on pas cessé de tourner cette roue? Où sont les 20 millions du capital? où sont les dépôts des caisses d'épargne? que signifie l'audacieux bilan qu'on a présenté, et que valent ces fonds publics sur lesquels vous avez prété des millions (1)? Or, maintenant, il faut qu'on sache qu'une bonne

(1) Voici le bilan de la Banque au 31 décembre 1838.

[blocks in formation]

partie de ce capital a été souscrit avec une prime énorme de 45 et 50 p. o/o sur la place de Paris, c'est-à-dire fourni avec des fonds français. Tel qui a payé 1,450 francs une action de 1,000 francs de la Banque de Belgique, l'a vue tomber en quelques jours à 560 francs, subissant ainsi une perte énorme de 900 francs par action. Nul ne sait comment cette liquidation se terminera, puisque jusqu'à ce jour c'est avec des fonds avancés par le gouvernement que la Banque de Belgique a payé ses premières dettes criardes; mais il est certain que si ce pays faisait la guerre, l'espoir qui reste à ses créanciers reposerait sur une base bien fragile.

Un moment la Banque a cru pouvoir sortir du mauvais pas où elle s'était engagée; ce fut à l'occasion du projet de chemin de fer de Paris à Bruxelles, dont

[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

M. Cockerill (avec lequel elle faisait de grandes affaires et qu'elle a entraîné dans sa chute) demandait la concession. Sans doute M. Cockerill voulait faire le chemin, mais la Banque espérait jouer sur les actions. Elle comptait les vendre à primes (on a parlé de 50 millions!) pour réaliser des bénéfices et faire sa balance avant la débâcle des preneurs. Aussi, à combien de sacrifices ne s'est-elle pas résignée pour atteindre cet heureux moment! que de sollicitations et de démarches pour conserver des dépôts dont on demandait le remboursement, et pour lesquels elle offrait vainement 5, 6 et jusqu'à 7 p. 0/0 d'intérêt. Heureusement pour nous, malheureusement pour elle, l'événement a déjoué ses calculs ; nos chambres ont eu la sagesse de refuser la concession de cette ligne importante, sans quoi nous aurions eu une nouvelle page à ajouter à l'histoire de l'agiotage moderne, et les souscripteurs du nouveau chemin auraient payé de leurs deniers les mécomptes et les fautes de la Banque de Belgique.

Ce fait, pour le dire en passant, est un nouvel argument en faveur du système d'exécution des chemins de fer par l'État, dont je suis plus que jamais partisan, surtout depuis que j'ai vu ce qui a été fait de cette manière en Belgique.

Ce régime abusif durera-t-il longtemps? Les honnêtes gens qui gagnent leur vie à la sueur de leur front ne se lasseront-ils pas d'être dupes des corporations qui s'enrichissent sans travailler? Les peuples ne voient-ils pas qu'après leur avoir pris leur argent, on veut encore prendre leur honneur?

« Prêtez, souscrivez, leur dit-on, et puis, quand il << s'agit de produits et de rentes, prenez bien garde, ajoute-t-on, soyez tranquilles, soyez sages, sinon

vous n'aurez rien. »

CONCLUSION.

Les embarras actuels de la Belgique lui viennent peut-être en partie de la diplomatie; mais, on vient de le voir, ils lui viennent aussi d'elle-même : c'est à nous à profiter de la leçon qu'elle nous donne.

Non, l'agiotage n'est pas le caractère véritable de l'industrie; ce n'est pas sur un pareil terrain qu'elle peut s'asseoir solidement. On recueille aujourd'hui les fruits amers de la démoralisation qu'entretient dans les esprits cette soif effrénée des richesses, dont les chefs de l'industrie offrent le triste exemple. Ces richesses ne sont pas la preuve de l'accroissement, mais du déplacement de capitaux. La valeur, c'est le corps; le certificat n'est que l'ombre. Quand de hardis spéculateurs combattent bardés de fer contre des gens désarmés, il n'y a pas lutte égale, mais spoliation. Chaque profit correspond à une perte, et non pas à un gain. Tout l'échafaudage de richesses qu'on étale ne se compose que de quantités négatives; tel se lève dans un palais qui doit coucher à l'hôpital. La vie n'est plus qu'une série de sensations violentes où périssent les nobles sentiments. Chez les individus, la persévérance et l'amour du travail; chez les nations, la dignité. On n'ose plus se battre de peur de se ruiner; on place la lâcheté sous la

protection de l'ordre, et l'on n'a plus de ces beaux désespoirs qui sauvent les empires.

Voilà le mal de la Belgique; mal profond, invétéré, qui tourmente à des degrés divers l'Europe tout entière. Pour le salut commun, il faut se hâter de le guérir, en revenant au travail et à l'emploi moral des institutions de crédit.

1

EXTRAITS DES STATUTS DE LA société générale, de LA BANQUE DE BELGIQUE ET DE LEURS SUCCURSALES.

SOCIÉTÉ GÉNÉRALE

POUR FAVORISER L'INDUSTRIE nationale.

Art. Ier. La Société sera établie à Bruxelles, sous le nom de Société

générale des Pays-Bas, , pour favoriser l'industrie nationale. Sa durée sera de 27 ans, à commencer de la date de l'approbation des statuts jusques et compris le 31 décembre 1849.

Art. II. Elle ne pourra, dans ses opérations, porter d'atteinte quelconque aux droits accordés, par l'octroi du 25 mars 1814, à la banque établie à Amsterdam, sous le nom de Nederlandsche Bank.

Art. III. La Société pourra avoir des agents et des correspondants dans d'autres villes du royaume, afin d'y étendre le cercle de ses opérations; mais ce ne sera jamais que sous la réserve expressse de l'article précédent.

Art. IV. La Société cherchera à établir avec la Nederlandsche Bank des rapports tendant à augmenter la prospérité des deux établissements.

« PreviousContinue »