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Tant qu'elles n'auront pas été réformées par le plus grand nombre d'Etats on ne pourra, en général, faire de leurs imperfections une cause de réclamation diplomatique, susceptible d'être éventuellement soumise à un arbitrage. Mais l'autorité coupable manquerait à tous ses devoirs si elle n'exprimait son déplaisir ou son blâme en présence de semblable situation, et si elle n'offrait tout au moins des excuses à la victime.

Si l'arrestation, la détention arbitraire ou le châtiment corporel subi est la conséquence non pas d'une « erreur » judiciaire, mais d'un dol (ce qui ne se présentera point dans un Etat police), la victime aura droit, par voie diplomatique, à la réparation complète, morale et matérielle, de l'outrage subi (Affaire Magee déjà citée).

Au surplus tout prévenu a, non seulement comme citoyen, comme sujet d'un Etat déterminé, mais en sa seule qualité d'être humain, droit à certaines prérogatives, dont la méconnaissance donne légitimement lieu à réclamation diplomatique.

Des marins anglais sont arrêtés au Pérou. Pendant plus d'un an on les détient préventivement, soumis à des traitements non exempts de cruauté; on les parque dans des prisons si mal surveillées que l'un d'eux est assassiné par un codétenu.

On arrête deux jeunes gens anglais dans le même pays; une présomption sérieuse pèse sur l'un d'eux. Mais on les détient dans une caverne longue de 21 pieds, large de 7, haute de 10 pieds, où il n'y a ni lit ni couvertures. Dans cet espace où l'air ne pénètre que par une seule ouverture, ces deux jeunes gens restent enfermés, parfois avec trente et un codétenus, pendant plus de onze mois!

Dans les deux cas, estimant que les lois de l'humanité avaient été violées, le Gouvernement anglais fit des représentations au Gouvernement péruvien, et demanda réparation pour les victimes. Et, sur la réponse de cet Etat, « qu'on n'avait fait qu'appliquer à ces étrangers les lois nationales »>, le comte de Derby réplique, le 20 juin 1876 (dépêche du Foreign Office): « Le Gouvernement de Sa Majesté ne conteste pas que les lois de votre pays aient été suivies, et ce serait là, dans des circonstances ordinaires, une réponse suffisante, car son désir n'est point de s'immiscer dans l'ad

ministration de la justice d'un pays étranger. Mais le Gouvernement maintient son droit de protéger les sujets anglais contre toute injustice manifeste à l'étranger, même si cette injustice est infligée en conformité avec les dispositions légales du pays. Le Gouvernement britannique, profondément convaincu que le cas de K... constitue une flagrante injustice, ne peut se contenter, comme seule réponse à ses représentations, de l'affirmation que tout se serait passé conformément aux lois. >>

Tout mauvais traitement infligé sans justification, soit dans l'exercice du droit de police, soit dans l'arrestation, le transfert ou l'emprisonnement, donne lieu aux mêmes droits de réclamation. L'Etat échappera généralement à toute responsabilité s'il blâme et punit le coupable, suivant le cas, témoignant ainsi ou d'une autre façon sa réprobation de l'acte commis. Si, au contraire, il ne blâme pas le fonctionnaire fautif, ne lui inflige aucune pénalité, et s'il ne prend pas les mesures pour empêcher le renouvellement des actes reprochés, il s'en fait le complice, et en devient directement responsable.

Le droit de défense est aussi sacré que celui du respect de la personne. Aucun Etat ne tolérerait que ses sujets fussent emprisonnés sans pouvoir jamais communiquer avec le dehors, et fussent contraints de subir une détention préventive sans que les moyens légaux fussent mis à leur disposition pour y mettre fin.

Comparaissent-ils devant l'accusateur ou le tribunal, la liberté de leur défense doit être assurée, ainsi que celle de se choisir librement un défenseur. L'agent diplomatique ou consulaire étant le défenseur naturel de son compatriote devrait toujours obtenir, pour lui-même ou pour un mandataire légal, le droit de communiquer avec le détenu qui a fait l'appel à la protection de sa patrie.

Le déni de justice ou criminel peut revêtir des formes diverses, outre celles que nous avons signalées pour la juridiction civile, mais tout aussi répréhensibles au regard du droit international.

Il surgira quand le pouvoir compétent ne tiendra aucun compte d'une plainte formulée par l'étranger, ou négligera, de propos délibéré, de l'instruire convenablement ou d'y donner les suites que la loi nationale prévoit. Il consistera dans

le refus d'arrêter un coupable notoirement connu pour avoir causé à un étranger des blessures ou tout autre mal puni de peines d'emprisonnement, et pour lequel acte l'arrestation immédiate est ordonnée dans des circonstances analogues'. Il faudra assimiler le fait par l'Etat de laisser, de propos délibéré, fuir des prévenus, en les soustrayant ainsi, indirectement, au châtiment. Ce fait s'aggravera quand l'attention de l'Etat a été appelée sur le danger d'une pareille éventualité, et que l'Etat aura non seulement favorisé la fuite, mais encore accueilli les fugitifs dans les rangs de son armée". NOTE. Cf. Clunet, Tables générales, vo Etat étranger, p.{776; et IV, vo Responsabilité, p. 605.

DE LA SITUATION DES SOCIÉTÉS ÉTRANGÈRES EN Angleterre. SOURCE: Israël Davis, barister at law, Londres. Congrès de dr. intern. compar., Paris, 1900. Procès-verbaux, Paris, Pichon et Durand-Auzias, 1905, I, p. Cf. Clunet, Tables générales, IV, vo Sociétés étrangères, p. 738; nos 4 et s; p. 770, nos 245 et s. ; p. 777, nos 336 et s.

536.

Les Cours anglaises, sans loi spéciale et par le seul effet de la « Common Law », reconnaissent l'existence des sociétés étrangères et leur accordent la pleine jouissance de leurs droits, sans qu'elles aient besoin de satisfaire à aucune condition préalable, comme par exemple l'enregistrement en Angleterre. Dans quelques colonies britanniques cependant, des réglements ordonnent aux sociétés étrangères de se faire enregistrer si elles veulent jouir, dans ces colonies, des avantages commerciaux que donne l'enregistrement. Ces réglements sont d'ailleurs peu recommandés par le Conseil privé (Cour d'appel en matière coloniale); mais compétence appartient toutefois sur ce point aux législations coloniales. Ces règlements s'appliquent aux sociétés anglaises comme aux sociétés étrangères; mais en Angleterre il n'y a pas

1. Affaire du meurtre de M. Robert à San Juan del Porto, Espagne, en 1876.

2. Réclamation anglaise lors dų meurtre du capitaine Cornwall, sur le steamer Bobyeito en 1871.

besoin d'enregistrement et une société étrangère ne pourrait même s'y faire enregistrer comme société étrangère. Seulement des individus étrangers peuvent se faire enregistrer individuellement comme formant une société; mais alors la société est une société anglaise.

Le statut qui régit une société étrangère est son statut personnel, et, s'il limite la responsabilité des associés, les créanciers anglais doivent respecter cette limitation. Pour les sociétés non incorporées, il y a des questions délicates qui ne sont pas encore bien élucidées. On peut les résoudre par application des principes de la représentation. On sait d'ailleurs que, d'après la loi anglaise, une société privée n'est pas une personne morale, mais seulement un groupe d'individus et que l'incorporation est nécessaire en Angleterre pour conférer la personnalité.

Pour éluder les dispositions de la loi anglaise sur les sociétés anonymes, des sociétés se font enregistrer à l'Ile de Man ou dans les îles de la Manche avec l'intention de faire le commerce dans le Royaume-Uni. Ces îles sont, en effet, au regard de la la loi municipale anglaise, pays étranger. Et la liberté dont ces sociétés jouissent pour exercer leur commerce est un exemple de la liberté qui est accordée en Angleterre aux sociétés étrangères. De même encore, des sociétés se forment en Ecosse pour commercer en Angleterre et réci proquement.

Une société étrangère peut ester en justice, en Angleterre, se soumettant à la caution judicatum solvi si elle n'a pas de propriétés dans le ressort des Cours anglaises.

Ce droit coutumier a été reconnu et confirmé par des traités passés avec plusieurs pays. Ces traités ne s'imposent pas à la loi municipale anglaise, mais le Gouvernement a l'habitude de prendre ses précautious pour éviter toute contradiction entre eux, soit par l'intermédiaire de la coutume, soit par une loi spéciale. Le traité avec la France peut être cité comme exemple de ces conventions. Il est en date du 30 avril 1862 (V. vol. Clunet, Tables générales, I, p. 187).

Des traités conçus dans les mêmes termes ont été passés avec la Belgique (traité du 13 novembre 1862), l'Italie (traité du 26 novembre 1867), l'Espagne (traité du 29 janvier 1883), la Grèce (traité du 4 août 1888). Quant à l'Allemagne, la déclaration du 27 mars 1874 contient le paragraphe addition

nel suivant : « Il est convenu qu'une société ou association de ce genre (c'est-à-dire étrangère), établie sur le territoire de l'un ou de l'autre des pays contractants, ne sera admise à y faire le commerce ou à y exploiter son entreprise si elle se conforme aux conditions imposées par la loi de ce pays. » Une clause du même genre est insérée dans le traité général de 1875 avec Tunis (art. 16).

Les sociétés étrangères qui font le commerce en Angleterre peuvent être assignées en Angleterre. L'assignation est signifiée au directeur du principal établissement de la société en Angleterre. Cette règle s'applique aux sociétés de commerce, mais non aux congrégations d'éducation. Quelquefois les étrangers stipulent expressément dans les conventions qu'ils passent que les assignations les concernant pourront être signifiées à telle personne désignée à cet effet en Angleterre. Une telle convention est valable et les assignations ainsi notifiées introduisent régulièrement l'instance; les sociétés étrangères qui n'ont point d'établissement commercial en Angleterre peuvent y être citées en justice de la même façon et dans les mêmes circonstances que les particuliers. Quand il s'agit d'une sommation à fin de modification du registre des brevets, des dessins et marques de commerce, les notifications aux personnes ou aux sociétés qui ont leur domicile à l'étranger sont faites par lettre. Quant aux demandes en justice, l'assignation est signifiee aux individus étrangers ou aux sociétés étrangères én pays étranger. Mais cette signification ne peut se faire en dehors du Royaume-Uni sans une permission de justice; et cette permission n'est accordée que dans les cas suivants :

a) Lorsque la difficulté qui donne naissance à l'action a pour objet une terre située en Angleterre, que celle-ci donne ou non des revenus ;

b) Lorsqu'il s'agit d'un acte (convention, testament, contrat, obligation) portant sur une terre ou des biens situés en Angleterre dont on demande l'interprétation, la rectification, l'abrogation ou la consolidation;

c) Ou d'une plainte contre une personne domiciliée ou résidant habituellement en Angleterre.

d) Quand le litige naît à propos de l'administration d'un domaine personnel;

ou des biens d'une personne décédée

qui, au moment de sa mort, était domiciliée en Angleterre ;

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