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acquitté le médecin, qui divulgue à la mère, qui vient le consulter avec sa fille, la maladie de cette dernière, la présence de la malade relève du secret, car elle est censée consentir à sa divulgation. Pourtant, les médecins qui ont écrit sur le secret professionnel n'admettent pas même cette correction et quelques-uns vont même jusqu'à soutenir que le médecin ne doit pas révéler la maladie du mineur à son père ou à son tuteur. Mais, au moins en cas de minorité, cette opinion paraît juridiquement insoutenable.

Au surplus, il est peut-être permis de trouver que la distinction des points de vue objectif et subjectif dans la conception que paraissent en avoir les jurisconsultes d'outre-Rhin, est une arme à deux tranchants propre à résoudre arbitrairement les difficultés de nature très différentes.

Note. Cf. Clunet, Tables générales, IV, vo Médecin, no 9, p. 186.

QUESTIONS ET SOLUTIONS PRATIQUES

Legs. Clause de viduité. Validité et nullité. Conflit entre la loi du testateur et la loi du gratifié. QUESTION 159.- Un étranger décédé en France, sans postérité, a légué à sa ceuve, d'origine française et redevenue Française, l'usufruit d'un immeuble sis en France et de valeurs mobilières, sous la condition qu'elle ne se remarie pas.

La « clause de viduité » est tenue pour illicite par la loi du testateur, mais elle est acceptée par la jurisprudence française.

La veuve, redevenue Française, perdra-t-elle en se remariant l'usufruit de l'immeuble et des valeurs mobilières (Loi française de la femme) ? ou pourra-t-elle le conserver? (Loi étrangère du mari).

La clause de viduité, par laquelle un mari prétend révoquer un legs universel fait à sa femme au cas où celle-ci contracterait une seconde union, doit-elle en droit français être reconnue comme valable? Cela revient à se demander si cette clause est contraire à la morale juridique, à l'ordre public. C'était l'opinion du législateur révolutionnaire. Lois du 5 brumaire et du 17 nivôse an II. Le Code est resté muet sur la question.

La jurisprudence française, après quelques hésitations, admet la licéité et la validité de cette clause (Paris, 1er avril 1862, Sirey, 1862, 2.145, avec la note magistrale de Labbé ; Cass. req., 18 mars 1867, Dalloz, 1867.1.322). Le dernier arrêt de cassation est celui de la chambre civile du 22 décembre 1896. (Cass. civ., 23 décembre 1896, Dalloz, 1898.1.537; Sirey, 1897.1.398; Pand. fr., 1897.1.321), rendu sur les conclusions conformes de M. l'avocat général Desjardins. La Cour décide très prudemment que si en principe la clause de viduité est valable, il pourrait en être autrement au cas où il apparaîtrait en fait que cette clause a été inspirée au testateur par des mobiles répréhensibles; mais ce serait alors à la partie, qui en demanderait la nullité, de faire la preuve de ces mobiles.

On négligera donc comme ayant perdu toute autorité : Pau, 29 avril 1874, Sirey, 1874.2.312, qui avait proclamé en principe la nullité de la clause de viduité. V., dans le même sens que l'arrêt de cass., 22 décembre 1896: Bourges, 29 mars 1897, Dalloz, 1897.2.302. Ce dernier arrêt, à vrai dire, vise une hypothèse un peu différente de la nôtre. La clause de viduité devait avoir pour effet, dans l'espèce soumise à la Cour de Bourges, non pas la révocation d'un legs universel fait à la femme, mais la disparition du droit d'usufruit accordé par l'art. 767 à la femme survivante. Mais les raisons de décider sont évidemment les mêmes dans les deux cas. V. enfin, comme reproduisant purement et simplement et dans la même hypothèse la doctrine de l'arrêt de cassation. Rennes, 5 décembre 1899, Sirey, 1902.1.165, et Poitiers, 21 janvier 1901, Sirey, 1902.2.237. La validité de la condition de viduité, sous réserve de la preuve d'un mobile illicite chez le disposant peut donc être considérée comme acquise au point de vue de la jurisprudence française.

La même solution paraît prévaloir dans les pays anglosaxons. V., pour l'Amérique, Cour d'appel de New-York 28 février 1882, Clunet 1883, 419, et pour l'Angleterre. Cour du banc de la reine cité sans date dans Clunet 1876, 293, et aussi Haute-Cour d'Angleterre, 13 novembre 1880, Clunet 1882.100. Dans ces diverses espèces, d'ailleurs, il s'agissait tantôt de la clause de viduité proprement dite, tantôt de celle de ne se marier que dans des conditions déterminées. Pour la Belgique, au contraire, la jurisprudence paraît

annuler en principe la clause de viduité: Liège, 11 janvier 1883, Clunet 1884, 423.

Ceci posé, un conflit de loi va s'élever, si la loi du testateur prohibe la clause de viduité et si la loi du légataire en reconnaît au contraire la validité. Quelle est de ces deux lois celle qui devra recevoir son application ? La solution du conflit pourra peut-être varier suivant la juridiction appelée à en connaître. Supposons que la question soit portée devant un tribunal français.

La jurisprudence française paraît tout à fait fixée pour distinguer au point de vue du droit successoral, les immeubles et les meubles. Si donc l'usufruit du conjoint qui est menacé par la condition de viduité porte sur cet immeuble, il faudrait admettre, par application de l'art. 3 du Code civil, que c'est la loi du lieu de situation de l'immeuble qui devra recevoir son application. S'agit-il au contraire d'un meuble, la jurisprudence, d'accord cette fois avec la doctrine (Weiss, Traité, IV, p. 613), appliquera la loi personnelle du testateur.

Cette double solution, qui paraît certaine au point de vue pratique quand on pose le problème d'une manière très générale, va-t-elle pouvoir être maintenue dans notre hypothèse particulière, où la question de droit successoral consiste précisément dans la validité des clauses de viduité. Deux objections sont possibles, à l'application de la loi étrangère prohi bitive de la condition de viduité :

1o La jurisprudence française a souvent manifesté sa répugnance à l'application de la loi étrangère lorsque cette appli cation conduirait pratiquement à donner tort aux prétentions d'un plaideur français. C'est une tendance injustifiable en raison, mais dont en pratique il faut bien tenir compte. Comme cette tendance ne se fonde sur aucun argument rationnel, il est impossible de la discuter. Nous ne pouvons que la signaler.

2o La seconde objection au contraire soulève des théories délicates. Ne pourrait-on pas écarter l'application de la loi étrangère prohibant notre clause au nom de l'ordre public français? Non, dira-t-on, parce que la loi française admettant la clause dont s'agit, est une disposition de nature permissive, et que seules les dispositions légales à caractère impératif ou prohibitif peuvent appartenir aux lois d'ordre public [Savigny, Traité de droit romain, § 349, traduction Guenoux, VIII,

35; Despagnets, L'ordre public en droit international privé Clunet 1889, 213 et 215).

En réalité, c'est toute la théorie de l'ordre public en droit international privé qui se trouve engagée. Voici comment : si l'on admet que les lois d'ordre public sont celles auxquelles un législateur donné a attaché une importance particulière, il est évident qu'avec cette idée on ne concevrait pas qu'une disposition simplement permissive pût être d'ordre public. Si au contraire on estime avec plus de raison que la loi d'ordre public s'analyse dans une exclusion anormale de la loi étrangère normalement compétente, fondée sur ce que dans le cas particulier dont s'agit, la communauté internationale n'existe pas entre le législateur étranger et le pays dont dépend le juge saisi, il est non moins évident que ces divergences profondes de conceptions entre deux législations peuvent se présenter à propos de n'importe quelle loi, et qu'il n'y a aucune raison de distinguer à ce point de vue entre les lois impératives et les lois permissives. V., sur cette dualité fondamentale de points de vue, Bartin, Les dispositions d'ordre public, Rev. de droit international, 1897, p. 614 et suiv.

La question de savoir si une loi permissive peut être une loi d'ordre public s'est posée en pratique et a été diversement résolue principalement à propos du divorce. Une loi qui permet le divorce s'imposera-t-elle au nom de l'ordre public à des étrangers, dont la loi nationale (loi normalement compétente d'après le système international français) prohibe le divorce? Pour la jurisprudence allemande, l'affirmative paraît certaine. (Trib. d'appel des Deux-Ponts, 27 juin 1870, Clunet 1875, 120; Trib. d'empire, 22 avril 1884 ; Clunet 1885, 316 et la note; Trib. d'empire, 22 juin 1886; Clunet 1888, 530.) Pour l'Angleterre, la solution affirmative paraît aussi dominante (Cour suprême, 16, 19 juillet et 8 novembre 1878, Clunet 1879, 195; Contra: Haute-Cour d'Angleterre, 26 mars 1878, Clunet 1879, 288). La jurisprudence française a admis d'abord elle aussi l'affirmative: Cass., 22 mars 1806, Sirey, chron., II, 1.226, mais la négative a prévalu, quand la loi de 1884 a rétabli le divorce.

Si de ce cas particulier de loi permissive que présente le divorce, on conclut à une solution générale, on dira donc que pour nos tribunaux une loi permissive n'est pas d'ordre

public, et que la loi française validant, et par conséquent permettant, la clause de viduité ne saurait faire obstacle à l'application de la loi étrangère du testateur qui l'annule.

NOTE. - V. sur la clause de viduité en Angleterre, Clunet, Tables générales, IV, vo Testament, nos 25 et s. ; en Belgique, ibid., nos 29 et s.

Echelles du Levant. — Contestations entre étrangers de nationalités différentes. Tribunal consulaire. -Loi applicable.

QUESTION 170.

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Dans les contestations nées en Turquie entre étrangers de nationalités différentes, quelle est la loi qui devra être appliquée par le tribunal consulaire compétent? Dans les contestations nées en Turquie, entre étrangers de nationalités différentes, le tribunal compétent est celui de la nation à laquelle appartient le défendeur.

Quelle sera la loi que ce tribunal consulaire devra appliquer pour résoudre la contestation qui lui est soumise ?

Nous n'entendons nous occuper que des obligations conventionnelles et mobilières.

La loi applicable est la loi nationale du tribunal saisi du litige.

Telle est, on le sait, la pratique suivie par tous les tribunaux consulaires.

Cette pratique, nous la croyons critiquable. Et, par sa constance, elle est, suivant nous, un abus, contre lequel il ne serait pas inutile de réagir, dans l'intérêt et du droit et de l'équité.

Une vente commerciale est conclue, une société est fondée, un prêt est consenti, un gage est constitué, une assurance est contractée, une convention enfin quelconque est intervenue entre un Autrichien et un Français, individus ou sociétés.

Est-ce la loi autrichienne, est-ce la loi française, est-ce la loi ottomane qui va régir la convention des parties, et qui résoudra les difficultés qui pourront se produire, ultérieurement, sur leurs rapports, leurs droits et leurs obligations?

On répondra dans le système pratiqué par les tribunaux consulaires : On n'en sait rien, a priori. Ce sera la loi autrichienne, si, en cas de procès, c'est le Français qui réclame devant le tribunal consulaire autrichien. Ce sera la loi fran

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