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arrêtés les Secrétaires d'Etat, les conseils communaux et leurs magistrats. (Art. 37 et 52 de la loi des 14 Juin. 4 Juillet 1872 sur les conseils communaux ).

CHAPITRE III

ORGANISATION POLITIQUE.

« C'est une expérience éternelle, disait Montesquieu, que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser; il va jusqu'où il trouve des limites. Pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition même des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. »>

Cette pensée reçut une forme solennelle dans l'art XVI de la Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen: «Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée n'a pas de Constitution. » Pour mieux dire, en vue d'assurer le bon ordre, la sécurité, on admet que ceux qui font la loi ne peuvent en assurer l'exécution comme administrateurs ou comme juges, et qu'à l'inverse ceux qui sont chargés de faire la loi ne peuvent légiférer. Malheureusement si on admet généralement cette idée, on est loin de lui don ner toujours la même formule. D'après Montes quieu, il existe trois pouvoirs: pouvoirs législatif

exécutif, judiciaire. Cette division tripartite a été critiquée et a trouvé des adversaires.

1° On a reproché à Montesquieu de prolonger trop loin cette séparation entre les autorités. Le judiciaire n'est qu'une dépendance de l'exécutif Il ne faut done admettre que deux pouvoirs: le législatif et l'exécutif. C'est le dualisme qui serait la véritable formule, et selon les partisans de ce système, ce serait la vraie pensée de Montesquieu. Cette opinion est particulièrement chère à M. Ducrocq, le savant professeur de Droit administratif à la Faculté de Droit de Paris.

2o D'autres repoussent même le principe de l'Esprit des lois et l'idée de séparation des pouvoirs La souveraineté ne peut se morceler. Et cela est si vrai que les partisans les plus intraitables de la séparation des pouvoirs doivent reconnaître que le fossé de séparation entre les pouvoirs se comble et disparaît. En effet, disent-ils, on peut constater une intervention incessante du législatif dans le domaine de l'exécutif. C'est lui qui renverse les ministères; qui contrôle les actes du gouvernement; qui lui demande des comptes. La séparation est plus apparente que réelle. A l'inverse, l'exécutif n'a-t-il pas le droit d'initiative qui est l'atteinte grave aux pouvoirs de légiférer, le droit de demander une seconde délibération pour un message motivé?

De même pour les rapports du pouvoir législatif et du pouvoir judicaire. N'y a-t-il pas une juridiction politique qui appartient aux Chambres? Aussi conclut-on, il n'y a pas de séparation; elle doit être relégué au rang des vieux dogmes.

3o Suivant une troisième théorie, Montesquieu pose nettement le principe de la séparation des pouvoirs. Mais il s'occupe exclusivement du système pénal. Il déclare et établit la séparation des

pouvoirs nécessaires pour empêcher la tyrannie du Chef de l'Etat et de l'Assemblée.

Il accorde que l'exécutif peut avoir un certain rôle dans le législatif, et réciproquement. Quant au pouvoir judiciaire, il admet que, dans certains cas, il peut être exercé par le législatif, (abus de pouvoir des ministres, attentat contre l'Etat. ) Presque tout le XVIIIe siècle approuve cette séparation. D'après Rousseau, (1) la puissance législative est le cœur de l'Etat, tandis que l'exécutif en est le cerveau. Il distingue dans le corps politique, la force (exécutif), la volonté (législatif). Montesquieu et Rousseau dégageaient ces principes de la Constitution anglaise.

Quant à nous, nous sommes partisan de ce der nier système. Assurément, la mission de légiférer ne peut-être confondue avec celle d'administrer et de rendre la justice. La répartition des attributions en diverses mains ne saurait être illimitée et absolue. Il doit y avoir une limite à ce partage d'attributions. Un pouvoir ne se contient que s'il est contenu.

S'il faut en croire certains historiens, l'origine de cette séparation remonte très haut. On la trouve dans les lois les plus anciennes de la Grèce. et de la République romaine. Solon indique que des archontes élus pour un an avaient le pouvoir exécutif et l'Areopage, le pouvoir législatif. A Rome, le Sénat et le peuple faisaient les lois, et la puissance exécutive appartenait aux consuls.

Dans l'ancien régime, on trouve également le principe de la séparation des pouvoirs. Le pouvoir législatif existait dans les Etats-Généraux. A la tête de l'autorité judiciaire, il y avait treize parlements et quatre conseils souverains. Audessous, il y avait des baillages ou sénéchaussées appelés aussi présidiaux, dont le plus important

1. Contrat social, livre 41, chap. XI.

était le Châtelet de Paris; l'appel de ces juridictions était au Parlement.

La justice commerciale appartenait à des juges spéciaux à Paris, le prévôt des marchands et des juges consulaires élus. Le Conseil d'Etat séparé du Conseil du Roi était le plus important du royaume, surtout depuis Louis XIV.

Sa Constitution fut l'oeuvre de Richelieu et de Colbert. On distinguait comme divisions administratives: 1° les provinces et les gouvernements militaires; 2o les généralités ou divisions financières au nombre de 34 à la tête desquelles était un intendant au pouvoir considérable; 3° la division en pays d'Etat et en pays d'Election.

A l'heure actuelle, cette séparation existe dans toutes les Constitutions modernes; même dans les monarchies absolues, le prince ne peut pas toujours accomplir sa propre volonté. En Russie, le tzar a beau être un prince autocratique, il n'en est pas moins tenu de respecter certains principes. «Les souverains les plus absolus, dit Bluntchsli, rencontrent un ordre juridique devant lequel ils doivent s'incliner. >>

Cette séparation existe-elle en Haïti? Elle existe et est regardée comme une règle fondamentale de notre droit public.

L'article 34, de la Constitution de 1889, dit formellement que ces trois pouvoir forment le gouvernement de la République, lequel est essentiellement démocratique et représentatif.

En France, cette séparation n'est pas écrite dans la Constitution de 1875, mais, malgré ce silence, elle existe et découle de son organisation qui repose sur la souveraineté nationale.

Le régime représentatif y fonctionne latissimo sensu, c'est-à-dire la nation n'use en personne d'aucun des pouvoirs qui lui appartiennent, elle

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