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seil, quelques-unes des captives se déterminèrent à signer, parce qu'on s'étudia à embrouiller cette affaire par des subtilités qu'elles ne pouvoient démêler, et qui leur cachoient le véritable état des choses. L'archevêque même, pour les porter à la signature, leur déclaroit verbalement qu'il ne demandoit pas d'elles la créance du fait. Mais quelque pardonnable que fût leur faute, elles en conçurent une vive douleur dès qu'elles connurent l'état des choses, et que le trouble où elles s'étoient trouvées se fut dissipé. Il y en eut deux dans la maison de Paris, les soeurs Flavie et Dorothée, dont la chute fut bien plus funeste, parce que l'ambition en fut le principe. Elles signèrent le formulaire, et contribuèrent à séduire huit ou dix de leurs sœurs, qui étoient des esprits foibles, et dont il y en avoit deux imbéciles. Elles agirent ensuite de concert avec M. l'archevêque et les filles de la visitation, pour tourmenter celles qui demeuroient fidèles à leurs devoirs et à leur conscience. Cependant la cause de ces saintes religieuses, ou plutôt celle de l'église, étoit défendue par des écrits lumineux. M. Arnauld, aidé de M. Nicole, entreprit de faire connoître leur innocence. L'Apologie de Port-Royal, les Imaginaires, ét tant d'autres ouvrages solides et convaincants, manifestoient à toute la terre l'injustice de cette persécution. Mais, comme on ne pouvoit montrer Pinnocence des religieuses sans dévoiler la turpi

tude de leurs persécuteurs, ces mêmes écrits qui justifioient les religieuses opprimées, mettoient en fureur leurs ennemis, qui les persécutoient avec encore plus de chaleur.

Au reste, M. de Péréfixe lui-même faisoit leur apologie, en avouant qu'il n'avoit rien trouvé que de régulier et d'édifiant dans la visite qu'il avoit faite. Il publioit souvent, dans le temps même qu'il les traitoit avec la plus grande rigueur, que ces filles étoient pures comme des anges; mais il ajoutoit qu'elles étoient orgueilleuses comme des démons; parce qu'il lui plaisoit de traiter d'orgueil insupportable, le refus d'obéir à un commandement qu'il n'auroit pas dû leur faire, qui, quand il auroit été juste, n'étoit d'aucune utilité, et auquel elles ne pouvoient se soumettre sans blesser la sincérité. D'ailleurs il avouoit qu'elles n'étoient attachées à aucune erreur, et se trouvoit quelquefois embarrassé quand elles le pressoient d'expliquer nettement ce qu'il leur demandoit. C'est ce que nous avons vu en parlant des requêtes que lui présentèrent les religieuses du monastère des champs.

LETTRES

DE

JEAN RACINE,

PUBLIÉES

PAR LOUIS RACINE, SON FILS.

སྐྱེ

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