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la crosse coupée. Cette machine devait être placée sur une petite voiture que l'on aurait inopinément et dans un tems donné, fait sortir d'une porte pour obstruer un instant le passage, et alors à l'aide d'une ficelle on eut fait partir la détente, et renversé tout ce qui se serait trouvé dans les environs.

D'énormes marons d'artifices devaient être jetés au même instant de toutes parts, pour augmenter le trouble et la confusion. Demain dans la journée les interrogatoires seront terminés, et l'on en présentera l'analyse dans un rapport.

On observe que plusieurs des invidus arrêtés ont déjà paru plus d'une fois au tribunal criminel, et que tous ont figuré parmi tout ce que la demagogie a de plus impur et de plus dégoûtant.

1801.

(Moniteur, No. 104, 14 Nivôse an 9.) Extraits des Rapports du Préfet de Police.

Du 2 Fructidor, an S.

Les enragés continuent leurs réunions, mais avec plus de précaution que jamais.

L'arrestation par ordre du préfet de police, des nommés Lemery, médecin en chef de l'hospice du fauxbourg St. Jacques, de Château, et de Delaunay, imprimeur, rue des Fossés St. Victor, tous trois regardés comme des hommes importans pour le parti, les met au désespoir.

Ils n'en conservent pas moins l'espérance d'arriver à leur but, et ils la nourissent dans l'esprit de tous leurs subalternes.

Quelques uns des chefs cependant se cachent depuis quelques jours, et sont introuvables; Metge et Bescher particulierement sont délogés dans la nuit du 28 du mois dernier et ne se montrent plus.

Ils ne trouvent plus de partisans dans la classe autrefois égarée. Tous les citoyens bénissent le gouvernement, qui a ranimé le commerce et l'industrie; aucun artisan ne manque de travail.

Pour copie,

(Signé)

Le secrétaire d'état, (Signé)

Du 3 Fructidor, an 8.

DUBOIS.

H. B. MARET.

Il est constant que les enragés méditent un attentat, qu'ils sont vivement poussés, sans qu'ils s'en doutent peut-être, par une faction que l'étranger soudove.

On sait que Duperron, l'un des chefs de la contre-police royale, était le plus enragé des enragés, et l'un des principaux meneurs du parti. Il a un successeur à coup sûr, et de la recherche duquel on s'occupe avec soin.

La masse des citoyens est étrangere à ces complots. Paris est tranquille. (comme ci-dessus.)

(Signé)

Du 4 Fructidor, an 8.

Les enragés se remuent toujours. L'un d'eux disait hier que tout allait bien.

Que c'était l'argent qui les tenait, mais qu'ils venaient d'apprendre qu'on pouvait compter sur une assez bonne sɔmme, et qu'il était bientôt tems de mettre les fers au feu.

Qu'ils savaient bien tous, que le gouvernement se tenait sur ses gardes, mais que cela les importait peu, qu'ils n'en étaient pas moins sûrs de succès, et que toutes les mesures étaient bien combinées. Les anciens meneurs du faubourg Antoine répandaient aujourd'hui le bruit que Marseille était au pouvoir des Anglais, qui n'en sortiraient qu'après y avoir établi un foyer de guerre civile et fourni des moyens nécessaires à son accroissement.

Ces discours ne produisaient aucun effet. Le mépris des Anglais est aussi populaire que la confiance dans l'énergie du premier Consul.

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La société des enragés est un peu rallentie. Mais le feu couve toujours sous la cendre. On se réunit, on ne dit presque rien aux subalternes et l'on observe le plus profond silence sur les projets que l'on médite. Ils ont fait une liste de ceux de leurs hommes sur lesquels ils comptent le plus en cas d'événement. On en á été informé par l'un d'eux, qui, à son insu, a été porté sur celle liste, et auquel on en a fait part ensuite.

On signale aujourd'hui comme principal instigateur le nommé Moyse Bayle, ex-conventionnel; les premiers agens sont Menessier, Claude, Ficquet et Gillem, ils ont 24 affidés sous leurs ordres. Paris est tranquille.

(Signé)

Du 7 Fructidor, an 8.

(comme ci-dessus.)

Les enragés se sont réunis hier dans divers endroits. Ils couvent toujours les mêmes projets, et ne varient point dans leur sys tême. Ils n'osent plus, depuis l'arrestation de quelques uns d'entr'eux, se mêler dans les groupes, soit aux Tuileries, soit dans les autres endroits publics.

(Signé)

Du 8 Fructidor, an 8.

(idem.)

Il doit y avoir aujourd'hui une réunion de quelques enragés marquans, et dans laquelle l'on doit s'occuper de différens projets. Le préfet de police y a fait introduire un de ses agens qui saura

et entendra tout.

Cet agent a su se lier avec le nommé Chateauneuf, l'un des plus enragés. Celui-ci ne lui cache rien de tout ce que les freres et amis méditent.

Chateauneuf eût déjà été arrêté, si l'on n'avait craint de ne pas retrouver un moyen aussi sûr d'être toujours au courant,

La tranquillité la plus parfaite regne dans les faubourgs et dans la ville.

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Le préfet de police à fait arrêter hier deux des plus marquans parmi les enragés, Massard et Barbier.

Tous deux se sont toujours montrés ouvertement dans les mouvemens qui semblaient annoncer des troubles.

Tous deux ont constamment cherché à inquiéter les esprits, à les aigrir contre le gouvernement qu'ils ont toujours calomnié à outrance, parce que l'ordre et la tranquillité ne conviennent ni à leur caractere ni à leurs principes.

Massard est aussi bavard que hardi: il court ordinairement les cabarets des faubourgs; il connaît tous les enragés, comme il en est bien connu.

On a trouvé chez lui une quantité de papier telle, qu'on en a rempli trois valises énormes, on y a trouvé encore trois paires de pistolets, un fusil à deux coups garni d'une bayonette, de la poudre, un paquet de cartouches et un sabre; toutes les armes sont chargées.

Barbier est un de ceux qu'on remarque sans cesse dans les groupes du jardins des Tuileries. C'est lui qui est chargé de débiter et répandre, soit aux Tuileries, soit dans les faubourgs, les fausses nouvelles que la clique croit utiles à l'accomplissement de ses projets.

On est à la recherche de deux autres non moins importans, mais qui changent chaque jour de demeure et ne se montrent presque pas depuis quelques jours.

Barbier et Massard vont subir interrogatoire; et leurs papiers seront examinés avec le plus grand soin.

Le parti devrait être déconcerté par la maniere dont ses intrigues sont repoussés dans les faubourgs. La classe des ouvriers particulierement se distingue par son attachement au premier consul. (Signé) (idem.)

Du 23 Fructidor, an 8,

Les freres et amis qui se rendaient chez l'un d'eux, nommé André pres Saint Sulpice, ne reparaissent plus depuis quelques jours. On sait que la plupart d'entr'eux ne sortent plus sans être armiés. On surveille de près un nommé Brancas, demeurant au Gros Caillou.

Cet individu disait ce matin qu'il était bien sûr que sous peu de momens il y aurait un coup terrible, et qu'il avait envoyé sa femme à la campagne pour la soustraire aux dangers.

(Signé)

Du 24 Fructidor, an 8.

(idem.)

Le préfet de police a été informé que le nommé Baubin, cidevant greffier du tribunal révolutionnaire, demeurant chez Baron,

professeur de langue Française, au séminaire de St. Sulpice, tient les propos les plus inquiétans, ne fréquente que des enragés, et que Baron et lui le sont de la bonne trempe.

Que dans le quartier on les soupçonne vivement de méditer des sinistres projets. Babin est sans état, sans moyens d'existence, et extrêmement dangereux par ses principes révolutionnaires. Paris est tranquille.

(Signé)

(idem.)

PREFECTURE DE POLICE.

Paris, le 4e jour complémentaire, an 9. Un complot affreux a été tramé contre la personne du premier consul; des circonstances indépendantes de la volonté des conjurés en ont arrêté l'exécution. Tel est le résultat de la procédure instruite contre Chapelle, Humbert, Perrault-Dufour, Jallabert, Guibert et Saunier, arrêtés par ordre du préfet de police. Les interrogatoires subis par chacun d'eux, les contra ictions dans lesquelles ils sont tombés, en établissent la parfaite conviction: c'est ce rapprochement, rédigé avec l'impartialité la plus vraie, que nous soumettons au gouvernement.

Le 26 Fructidor, Chapelle se présente chez le citoyen Lavoisier, menuisier, rue Mably, l'amene à un cabaret voisin; il lui dit, qu'il a quelque chose à lui communiquer; qu'il a un projet à exécuter. I le presse de se rendre à un cabaret situé rue de la Loi, au coin de celle de Louvois, et il ajoute à Lavoisier, qu'il s'agit de faire sauter le petit caporal, c'est ainsi qu'il désigne le premier consul. Lavoisier interroge Chapelle sur ses moyens d'exécution.⚫

Chapelle, persuadé qu'il a trouvé dans Lavoisier un nouveau Seide, entre dans les plus grands détails vis-à-vis de lui: il lui confie qu'un bon nombre de conjurés sont divisés en brigades; que chacune d'elles a ses chefs particuliers; que ces individus se réunissent en divers cabarets, toujours au nombre de deux ou trois, jamais au-dessus; que les deux premiers venus demandent trois verres, en renversant un sur la table; que tel est le signal convenu, le point de ralliement.

Chapelle ajoute, que le moyen consiste à former un tumulte à la porte d'un spectacle auquel se trouverait le premier consul; et à l'aide de ce mouvement de le poignarder.

Que toutes les mesures sont prises; que dans le cas ou la cavalerie formant l'escorte, opposerait résistance, elle sera sur le champ hachée, hommes et chevaux; qu'à cet effet les brigades se répandraient dans les cabarets, au pourtour des théâtres de la république, des Italiens et de l'Opéra.

Que le jour convenu ou reconnu propre pour l'exécution, lui, Chapelle entrera dans le cabaret où sera réunie sa brigade, ayant un verre de vin à la main; qu'il le boira et sortira aussitôt; qu'à ce signal, sa brigade le suivra, se rendra au théâtre, en formant

tumulte et en s'écriant: Qu'y a-t-il là? Qu'en ce moment, ceux qui doivent frapper le consul, exécuteront le coup, et que de suite les conjurés se rendront sur la place victoire, pour ensuite se porter à l'hôtel Toulouse, s'emparer des papiers ét en autres endroits qu'il ne désigne pas; que dans ce cas où ce premier moyen ne réussirait pas, trente hommes, bien déterminés et armés d'espingoles, doivent attendre le consul sur la route de Malmaison, et faire feu sur sa voiture, à la premiere occasion favorable. Il nomme comme chefs ou agens de ce complot Guibert, Dufour, Feon et Rossignol. Et après ce criminel épauchement, Chapelle quitte Lavoisier.

Ce dernier est indigné de ce que vient de lui révéler Chapelle: il éprouve l'horreur la plus forte, et il désire que le consul soit instruit du danger qu'il court; il n'ose en être le révélateur direct.

Il va trouver le nommé Leroi, cordonnier, rue honoré, No. 44; il lui raconte ce qu'il a appris; il lui témoigne son indignation, ses craintes, le désir qu'il a d'en instruire le premier consul, et il se retire.

Leroi, livré à ses réflexions, se décide à écrire au premier consul; il le fait et va lui-même ponter sa lettre. Le premier consul étant absent, on le conduit au général Caffarelli; il lui remet sa lettre, lui donne tous les détails qu'il tient de Lavoisier; Le général l'écoute avec attention; il l'engage à suivre cette affaire avec le plus grand soin, à épier toutes les démarches des conjurés, à revenir lui en rendre compte. Il veut témoigner sa gratitude à Leroi: celui-ci refuse, et répond que l'intérêt ne détermine pas sa démarche. I quitte le général en lui promettant de revenir le lendemain 27, et d'amener Lavoisier.

Le 27 au matin, Leroi retourne seul chez le général Caffarelli, il confirme sa révélation de la veille.

Il va ensuite rejoindre Lavoisier, ils dinent ensemble, ils descendent chez le citoyen Jugié et en sa présence Leroi déclare à Lavoisier.

"Qu'il est allé chez le général Caffarelli, qu'il lui a rendu compte de tout, qu'il va y retourner et l'invite à l'y accompagner. Lavoisier accepte, il se rend avec Leroi, et là, il répete ce que lui a dit Chapelle."

Le général réitere son invitation de fréquenter les conjurés, et le 28 à six heures du matin, Lavoisier se rend chez Chapelle; il était déjà sorti: Lavoisier lui indique un rendez-vous pour trois heures dans sa demeure, et va dire à Leroi que, dans la soirée, il le joindra pour aller au cabaret au coin des rues de la Loi et de Louvois; Chapelle se rend chez Lavoisier aux heurex et lieus indiqués, ils descendent en un cabaret voisin, d'où ils sortent peu après.

Chapelle conduit Lavoisier jusqu'au boulevard, et là, en présence d'un tiers, il parle hautement de ses projets, et les invite tous deux à se rendre au cabaret au coin des rues de Louvois et de la Loi; l'un refuse avec indignation et l'autre par un motif non

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