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L'action consommée, les conjurés se rendront maîtres de l'arsenal; ils s'empareront de 40 à 60 pieces de canon qui se trouvent Vincennes. Deux millions qui existent dans les caisses de la loterie, suffiront, pour les premieres dépenses; les assemblées primaires seront convoquées, et le milliard promis aux militaires sera assuré.

Le même jour Demerville avertit Harel qu'il ne faut pas perdre un seul instant, et pour trouver des hommes et pour se procurer des armes; une nouvelle somme de cent francs est donnée, elle est destinée à cet achat. Harel observe en présence d'un Romain, de Ceracchi, qu'il s'est informé du prix et que cette somme ne peut suffire. On promet de faire de nouveaux efforts, et en effet, dans la soirée, le Romain Ceracchi, remet encore 160 francs.

Enfin le 17, tout est arrêté, c'est le 18, à l'opéra, que Bonaparte doit périr.

Harel de nouveau se rend chez le ministre de la police générale, qui le renvoie à la préfecture, on lui donne quatre hommes sûrs, qui doivent jouer le rôle de conjurés.

Le 18, au matin, Harel achete quatre paires de pistolets, et une paire d'espingoles; deux paires sont remises à Demerville, une à Ceracchi; il doit armer trois hommes décidés.

Harel, de son côté, reçoit six poignards des mains de De

merville.

Il en confie quatre, à quatre citoyens qui depuis les ont deposés à la préfecture.

(Signé)

Du 19 Vendémiaire, an 9.

(Idem.)

Dans la nuit du 18 au 19, Ceracchi et Diana, arrêtés au théâtre des arts, ont été interrogés.

La fille Fumey, Delavigne et Detecq ont été arrêtés.

Paris est dans l'indignation, mais tranquille. L'arrestation des scélérats n'inquiete que leurs complices qui doivent être peu nombreux.

Ils appartiennent à un petit nombre d'enragés que la masse da peuple batfoue quand ils osent montrer des prétentions et maltraitent même lorsqu'ils laissent pénétrer leurs projets.

(Signé)

Du 20 Vendémiaire.

(Idem.)

Demerville a subi interrogatoire ainsi que la fille Fumey, Delavigne et Detecq. On a recueilli des aveux précieux. Le tribunal s'occupe de la procédure.

Paris est tranquille. On n'a pu recueillir dans les faubourgs ni ailleurs une seule expression d'intérêt pour les coupables. L'attachement au premier consul, et la haine de ses ennemis se manifeste avec une ardeur qui ferait craindre pour ceux des enragés qui viendraient à être soupçonnés d'avoir trempé dans le complot.

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Du 28 Vendémiaire, an 9.

Les enragés n'ont plus un seul point de réunion fixe; ils évitent avec le plus grand soin l'œil de la police qui les suit; on sait néanmoins que loin de renoncer à leurs projets, ils les suivent avec ardeur.

Ce sont toujours des hommes sans moyens, sans état, sans consistance qu'ils mettent en avant, et ces misérables qui n'ont rien à perdre, ne craignent pas de s'exposer.

Ce sont ceux-là qui vont clabaudant de cabarets en cabarets, dans les atteliers et dans les places publiques.

Le préfet a été informé qu'aujourd'hui des individus dont les intentions sont toujours suspectes, s'étaient promis de se réunir au théâtre des arts; il a donné sur le champ l'ordre à six commissaires de police et à un certain nombre d'agens de s'y transporter avant l'arrivée du public, et d'employer tous les moyens de surveillance et de répression nécessaires.

Il a requis en même-tems le commandant d'armes de la place d'y placer une forte armée imposante. Paris est tranquille.

(Signé)

Du 5 Brumaire, an 9.

(Idem.)

L'un des agens qui suivent les enragés, rapporte qu'ils ont dit qu'il fallait renoncer au projet de jeter des matieres inflammables dans les caves du palais des Tuileries; que la surveillance était trop bien établie, mais qu'ils sauraient prendre d'autres me

sures.

Aujourd'hui, à trois heures après midi, ils étaient cinq ou six réunis chez un nommé Grabier, marchand de vin auprès des fossés de la Bastille. L'un d'eux a dit qu'il serait peut-être possible de s'introduire sous le château, par un passage ou espece d'acqueduc donnant sur la riviere, près le pont des Tuileries. Un autre a observé que la chose était difficile, attendu qu'on pourrait les obser ver facilement des bains.

(Signé)

Du 7 Brumaire, an 9.

(Idem.)

Les enragés dont il a été question dans le rapport d'hier, se sont présentés ce matin à cinq heures pour ouvrir la grille de l'acqueduc qui donne près le pont des Tuileries.

L'agent rapporte qu'ils sont venus à bout d'ouvrir la premiere grille; mais qu'entrés d'environ vingt cinq pas, ils en ont trouvé une seconde dont la serrure ne s'ouvrant que du côté du château, leur a ôté tout espoir de pouvoir pénétrer plus avant. Ils se sont retirés, et ont entierement renoncé à ce projet.

Ce matin ils se sont réunis à six ou sept, toujours chez le même marchand de vin. Là on s'est occupé de nouveaux projets; il a té question de fabriquer des chevaux de frise pour les jeter dans

les rues voisines des spectacles. On connait le serrurier chargé de les faire, et si l'entreprise a lieu, on sera averti pour le saisir en plein travail.

Les faubourgs et la ville sont dans une tranquillité parfaite. Les enragés sont abhorrés; mais on les méprise à tel point qu'il n'est pas à craindre que la baine qu'on leur porte soit une occasion de trouble pour l'ordre public.

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Les enragés ont eu hier et aujourd'hui plusieurs réunions partielles, notamment une dans un cabaret de Vauvres près Yssy.

Parmi beaucoup de propos qui s'y sont tenus, on a remarqué ceux-ci: nous n'aurons pas de repos, dit l'un d'eux, que ce gouvernement-ci ne soit à bas, et nous prendrons tous les moyens possibles.

Plusieurs d'entre'eux s'occupent de fusées ou artifices qu'ils croient pouvoir lancer à quelque distance; et c'est pour le moment et pour le lieu qu'ils croiront propres à l'exécution de leur projet, qu'ils ont conçu l'idée d'avoir les chevaux de frise, dont on a parlé dans le rapport d'hier.

(Signé)

Du 12 Brumaire, an 9.1

(Idem.)

Les enragés continuent leurs tripots dans les cabarets où ils ont soin de prendre toujours une chambre séparée.

Ils s'occupent du projet des fusées et des chevaux de frise dont il a déjà été question dans le rapport précédent.

Un nommé Chevalier, déjà signalé, et que l'on cherche depuis la fin de Fructidor, se remontre dans ces conciliabules.

Le préfet de police a mis à la suite de cet individu, qui he couche jamais deux nuits de suite dans le même endroit, deux agens adroits qui ne lâcheront point prise quils ne l'aient arrêté.

Ce Chevalier a dit hier qu'il fallait qu'on prit aujourd'hui une résolution définitive, ou qu'autrement il renonçait à tout, et quitterait Paris pour se rendre à Bordeaux.

On a découvert le petit attelier où le nommé Descreppes fabrique les chevaux de frise; une surveillance sévere est établie aux environs de ce local où l'on ne travaille que la nuit; on saisira les choses et les personnes au moment même de l'opération, et quand on se sera assuré qu'on est en pleine activité.

- Il n'est pas de rêveries absurdes que ces malheureux ne prennent pour des vérités: et tout leur paraît possible quand ils croient arriver à leur but.

Il est un seul objet sur lequel ils ne conservent pas d'espérance. Ils accusent ce qu'ils appellent le sommeil du peuple, et se plaignent amerement de ne pouvoir agiter un seul atelier dans les fau

bourgs. La confiance qu'inspire le gouvernement, réduit à quel ques scélérats le nombre de leurs complices.

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Les enragés continuent leurs menées. Jumillard et Brisevin deux des plus marquans ont été arrêtés ce matin.

On est à la recherche de plusieurs autres. Les hommes ne sortent presque plus; ce sont les femmes qui colportent les nouvelles et vont chercher de l'argent.

Le nommé Chevalier, qui s'occupait des fusées dont il a été déjà question, a changé de nom; il a pris celui de François et se cache avec un soin extrême. Depuis trois jours et trois nuits on est à sa recherche et on ne quittera point prise qu'on ne l'ait trouvé. Paris est tranquille.

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L'arrestation des deux enragés d'hier a produit des effets différens parmi ces factieux.

Le premier, nommé Brisevin, demeure faubourg Antoine. Les exclusifs de ce quartier disent qu'on va les enlever tous, et que l'arrestation de cet homme est le signal d'une déportation générale; et de là mille et mille projets.

Le second, nommé Jumillard, demeure dans le faubourg Marceau. Celui-ci est un véritable chef de bande. C'est chez lui qu'on s'est réuni le plus souvent; qu'on y a conçu et médité les plus exécrables projets et qu'on a fixé le prix et la récompense du crime. Tous ceux qui l'ont fréquentés sont éperdus, se cachent et n'osent plus se montrer les uns aux autres. Ils disent qu'ils sont vendus par quelques-uns des leurs, mais que les traîtres seront assassinés.

Paris est tranquille.

(Signé)

Du 16 Brumaire, an 9.

(Idem.)

Le préfet de police faisait rechercher depuis plusieurs jours les nommés Gombaut, Lachaise et Desforges, septembriseurs bien connus dans le parti, et tenant chez eux, à l'abbaye aux bois, de fréquens conciliabules: ils ont été arrêtés ce matin, dans une maison rue Fromentel, près la rue St. Jacques; le logeur a d'abord nié qu'ils fussent chez lui; on a été obligé de faire ouvrir les portes par le serrurier.

Le nommé Bousquet, qui demeurait rue de l'Echelle, et prévenu d'avoir remis de l'argent à Metge, pour l'exécution de ses plans exécrables, a été aussi arrêté ce matin, rue Fretillon. On a encore nié qu'il fut dans la maison; on l'a trouvé couché entre deux matelats, et deux de ses amis couchés dans le lit par dessus lui, ont été également arrêtés parce qu'ils n'ont pu justifier de papiers de sûreté. (Idem.)

(Signé)

Le Préfet de Police au Premier Consul. Paris ce 17 Brumaire

Citoyen Consul,

an 9.

J'ai l'honneur de vous prévenir que, cette nuit à deux heures, j'ai fait arrêter le nommé Chevalier, logé momentanément dans la maison des Blancs Manteaux; on a saisi chez lui une machine infernale, construite dans le plus criminel dessin, un panier plein d'artifices et quelques papiers.

J'ai fait arrêter en même-tems le nommé Veycer, signalé comme un de ses complices, et chez lequel il était couché; un noinmé Burloy et une femme Bucquet, qui tous deux ont affirmés que Chevalier n'était pas dans la maison à l'instant où l'on s'y est présenté, quoiqu'ils le sussent bien et qu'ils eussent des liaisons avec lui.

J'ai fait faire de suite perquisition au domicile de Chevalier, rue Dominique, près les Invalides. On y a encore trouvé de l'artifice et des cartouches, qui ont été saisis.

Ces quatre individus sont détenus séparément et au secret; on va les interroger, et j'aurai l'honneur de vous rendre compte du résultat de leurs interrogatoires

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Extraits des Rapports de la Préfecture de Police, du 17 Bru

maire an 9.

Les interrogatoires de Chevalier et complices sont commencés. Douze individus arrêtés en ce moment paraissent évidemment faire partie de la conjuration.

1°. Desforges, Gombaut, Lachaise, Jumillard, Brisevin ont vu fréquemment Chevalier, l'ont reçu chez eux, et tous les rapports s'accordent à dire qu'ils l'ont secondé de tous leurs moyens pécuniaires pour sa détestable entreprise.

2o. Gueraud et Thibaud, qui recelaient chez eux Bousquet avec tant de soins; Bousquet, leur ami intime, ne pouvait rien ignorer de ce que l'on méditait.

3°. Veycer, Burloy, et la femme Bucquet, qui ont donné asile à Chevalier dans la maison des Blanc Manteaux, étaient également instruits; Veycer surtout, dans la chambre duquel on a trouvé la machine infernale.

4°. Descreppes enfin qui voyait Chevalier tous les jours, qui devait fabriquer, et a peut-être même fabriqué les chevaux de frise, dont on a parlé dans les précédens rapports.

Ce n'est qu'après que tous ces individus auront été interrogés et confrontés que l'on pourra savoir au juste jusqu'où allaient leurs projets.

Ce qu'on en sait jusqu'à présent n'a été connu que par les rapports des agens secrets, rapports qui paraissent tous coincider. Ceux qui sont interrogés se tienneut fortement sur la defensive,

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