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dans l'affaire du 18 Vendémiaire, ont seuls passé au jury d'accusation.

Metge, Humbert, Chapelle et les autres, sont encore au Temple, et aucune instruction judiciaire n'a été commencée contre

eux.

Quelques, jours s'étaient à peine écoulés, que l'on reçut d'autres renseignemens. Des hommes qui ne soupirent qu'après l'anarchie, furent encore signalés. L'un d'eux s'occupait d'une machine inconnue; il était difficile de le saisir. Eloigné de son domicile, il fallait connaître l'endroit qu'il avoit choisi pour exécuter ses coupables desseins. Enfin, ou fut averti qu'il s'était retiré dans la maison des Blancs Manteaux.

Le 17 Brumaire, un commissaire de police, accompagné de la force armée, s'y transporte, monte au second étage, et frappe à la porte désignée. Personne ne répond; un serrurier est appelé; la porte ne cède qu'en partie. Elle reste embarrassée. Des précautions avaient été prises par les nommés Veycer et Chevalier, qui se trouvaient dans la chambre. Ces deux hommes sont arrêtés, et reconnus pour avoir déjà été traduits devant le tribunal criminel. Ils y avaient été déclarés atteints et convaincus d'avoir participé à une conspiration dont le but était de rétablir le régime de 1793. La question intentionnelle put seule les

sauver.

Une perquisition exacte est faite. On trouve des balles, des cartouches, six paquets de mârons, et une machine infernale que Chevalier reconnaît pour lui appartenir.

On trouve aussi des bretelles en cuir garnies d'un anneau de fer, et dans la cour une petite charette à bras.

Veycer dit l'avoir achetée la veille, pour rendre des falourdes. Chevalier, Veycer, Guerault, Bourguet, Jumilliard, Decreps, Desforges, et Gombaut Lachaize furent amenés à la préfecture et depuis conduits au Temple.

Les interrogatoires subis par Chevalier, ne laissent point de doute sur ses intentions. Suivant lui, sa machine pouvait être utile aux armateurs, et il n'en connaît aucun.

Il devait la faire transporter à Bordeaux, et il ne peut désigner la personne qui l'eut reçue, et il convient qu'il est dans le dénûment le plus absolu, dénùment tel, qu'il n'aurait pu même payer les frais de transport.

La machine apportée à la préfecture, le citoyen Monge, membre de l'institut national, consentit à l'examiner.

Son rapport effrayant sous un point de vue, rassurait au moins

sous un autre.

Elle pourrait blesser et même tuer indistinctement une quantité de personnes réunies, comme par exemple dans un cas d'abordage, mais en supposant son auteur un homme sensé, elle ne paraissait point imaginée pour une vengeance particulière, pour une personne designée.

Dans le courant de Frimaire, l'on sut que des individus mal intentionnés cherchaient à égarer cette classe estimable du peuple

R

qui, occupée de son travail, n'est pas toujours assez instruite pour résister à des impressions étrangeres; mais que bien loin de réussir, partout le peuple témoigna attachement et estime au gouvernement et au premier consul en particulier. Dans plusieurs cabarets même, et notamment dans les faubourgs, les bons ouvriers conspuent les brigands.

Le premier, le deux Nivôse, des rapports faisaient connoître que les enragés étaient en mouvement; mais aucun fait positif n'était encore connu; rien ne semblait devoir donner d'inquiétudes fondées.

Le trois Nivôse, deux tonneaux, l'un grand, l'autre petit, remplis de poudre, furent amenées rue Nicaise, sur une charrette, attelée d'une jument. La voiture du premier consul était à peine passée, qu'une explosion terrible se fit entendre. Elle a jetée des families dans le deuil, plongée Paris dans la consternation, et exposée la France entiere.

Le chef du gouvernement, échappé au danger, donna l'ordre au préfet de police de se transporter sur les lieux.

Les blessés furent portés aux hospices ou conduits chez eux. Quatre cadavres ont été déposés à la basse géole.

Je vous présente l'état des uns et des autres.

Des procès-verbaux constatent les funestes effets de cette infernale explosion.

Quarante-six maisons sont extrêmement endommagées.

Le dégât des immeubles est estimé à la somme de 40845 fr. Celui des meubles à celle de 123645 fr.

Les maisons nationales ne sont point comprises dans cette esti

mation.

Une foule de citoyens gémissent sur la perte de leur fortune. Le cheval, les débris de la voiture, et quelques parties des tonneaux ont été apportés à la préfecture.

Ces débris ont été scrupuleusement recueillis; l'on a pris avee le plus grand soin le sigualement du cheval.

Dès les premiers momens de l'explosion, on a fait une enquête sur les lieux mêmes. Des déclarations furent reçues, et au milieu des cris que la douleur arrachait aux malheureuses victimes du plus atroce des attentats, le cœur put encore éprouver une sensation agréable; ces infortunés s'oubliaient pour ne penser qu'au premier consul; c'était pour lui qu'ils demandoient vengeance.

Depuis, les citoyens se sont empressés de communiquer les moindres indices qu'ils ont recueillis. Tous paraissent animés du mème esprit. Tous voudraient faire connaître les auteurs du plus horrible des crimes.

La police continue les plus actives recherches.

Salut et respect,

Le préfet de police, (Signé)
Certifié conforme,

Le secrétaire d'état,

DUBOIS.

(Signé) H. B. MARET.

Tribunal Criminel du Département de la Seine, 21 Nivôse, An 9.

Le 17 Nivôse, le tribunal criminel de la Seine a commencé l'iustruction de la procédure contre les individus prévenus d'avoir voulu attenter aux jours du premier consul, dans la soirée du 18 Vendémia.re dernier.

A 10 heures, l'audience a été ouverte, et les nommés Dominique Demerville, ci-devant employé au comité de salut public, âge de 33 ans; Joseph Ceracchi, sculpteur et réfugié romain, âgé de 47 ans; Joseph Aréna, ex-législateur, âgé de 39 ans ; Jean François Baptiste Topino Lebrun, peintre d'histoire, âgé de 34 ans; Joseph Dianna, notaire et réfugié romain, âgé de 28 ans; Madelaine Charlotte Claudine Fumey, âgé de 38 ans ; Armand Daiteg, sculpteur, âgé de 67; et Denis Lavigne, âgé de 66 ans, ont pris place au banc des accusés.

Le greffier, a fait lecture de l'acte d'accusation. Il résultait des faits contenus dans cet acte que les nommés Demerville Ceracchi, Aréna, Topino Lebrun, avaient formé le projet de renverser le gouvernement, et que le premier moyen arrêté par les conjurés, pour parvenir à l'exécution de leur dessein, était l'assassinat du premier consul. ·

Le tribunal a entendu les dépositions de six témoins, les citoyens Harel, Général Lasnes, Barrere, Lefebvre, Serva, Pottier, et un grand nombre de témoins a décharge.

Les citoyens Domanget, Guichard et Cotterel, hommes de loi, ont parlé pour la dépense des accusés.

Les débats qui avaient commencé le 17, ont été fermés le 19, à midi. Le président les a résumés, et a présenté aux jury la série de questions sur lesquelles le jury a fait la réponse suivante:

Qu'il est constant qu'il a existé dans le mois de Vendemiaire dernier, un complot tendant au meurtre du premier consul; que l'accusé Demerville est convaincu d'avoir pris part à ce complot, qu'il l'a fait dans l'intention d'en faciliter l'exécution.

Que l'accusé Ceracchi est convaincu d'avoir pris part à ce complôt, qu'il l'a fait dans lintention d'en faciliter l'exécution. Que l'accusé Aréna est convaincu d'avoir pris part à ce complot, qu'il l'a fait dans l'intention d'en faciliter l'exécution.

Que l'accusé Dianna n'est pas convaincu d'avoir pris part à ce complot.

Que l'accusé Fumey n'est pas convaincu d'avoir pris part à ce complot.

Que l'accusé Topino Lebrun est convaincu d'avoir pris part à ce complot, qu'il l'a fait dans l'intention d'en faciliter l'exé

cution.

Que l'accusé Daiteg n'est pas convaincu d'avoir pris part à ce complot.

Que l'accusé Lavigne n'est pas convaincu d'avoir pris part à ce complot.

Qu'il a été distribué des armes pour l'exécution de ce complot.

Que l'accusé Ceracchi s'était rendu le 18 Vendemiaire au théâtre des arts; qu'il s'y était rendu pour l'exécution de ce complot.

Que l'accusé Arena s'était rendu le 18 Vendémiaire au théâtre des arts; qu'il s'y était rendu pour l'exécution de ce complot.

Que l'accusé Diana, s'était rendu le 18 Vendémiaire au théâtre des arts; qu'il ne s'y était pas rendu pour l'exécution de ce complot.

(Signé)

MOULIN, Chef du jury.
HEMART, Président.

Après cette déclaration ont été introduits les accuses Diana, femme Fumey, Daiteg, et Lavigne. Le président leur a déclaré que d'après la déclaration du jury, ils étaient acquittés de l'accusation portée contre eux et seraient mis en liberté dans les vingtquatre heures, s'ils n'étaient retenus pour d'autres causes.

On a ensuite introduit les accusés Demerville, Ceracchi, Arena et Topino Lebrun, le président leur a également fait lecture de la déclaration unanime des jurés.

Le commissaire du gouvernement a demandé, qu'aux termes de l'article 610 du code des délits et des peines, la peine de mort fut appliquée à ces quatre accusés,

Les défenseurs Domanget et Guichard, out réclamé contre l'application de cet article du code pénal, comme ne se trouvant pas en rapport exact avec les questions soumises aux jurés.

Le tribunal s'est retiré dans la chambre du conseil pour délibérer sur cette demande. Une demi-heure après il est rentré, et à onze heures du soir, il a prononcé le jugement dont la teneur

suit.

Le tribunal après avoir entendu le citoyen Gerard, substitut du commissaire du gouvernement, et son requisitoire motivé et tendant à l'application de l'article 612 de la loi du 2 Brumaire, an 4: les observations successivement présentées contre le dit requisitoire par Domanget et Guichard, défenseurs des accusés, leurs conclusions fixées par écrit, signées par Simon, avoué, déposées sur le bureau tendantes à ce qu'il plaise au tribunal, attendu que le fait déclaré par le jury est seulement, qu'il a existé en Vendémiaire dernier, un complot tendant au meurtre du premier consul.

Attendu que le commissaire du gouvernement ne fonde sou requisitoire afin d'application de la peine prévue par l'article 612 du code pénal, que sur son induction tendante à caractériser le délit par une circonstance du fond sur laquelle seule les jurés avaient le droit de prononcer:

Attendu que le tribunal ne peut prononcer ni sur le fait, ni sur les circonstances qui caractérisent le délit, ni sur les intentions des accusés; attendu enfin que le délit spécifié en l'article 612, est autre que le fait déclaré par le jury, déclare, conformément à l'article 432 même code, que les accusés, Demerville, Ce racchi, Arena et Topino Lebrun sont acquittés de l'accusation."

Après s'être retirés dans la chambre du conseil, y avoir délibéré, rentrés à l'audience, les juges ayant donné leur avis conformément à la loi;

Le tribunal faisant droit sur le requisitoire du commissaire du gouvernement, sans s'arrêter aux conclusions prises par les défenseurs des accusés.

Attendu la déclaration unanime du jury, qu'il a existé un complot tendant au meurtre du premier consul; qu'à l'effet d'exécuter ce complot, il y a eu distributions d'armes, et que Arena, Ceracchi, se sont rendus, le 18 Vendémiaire dernier, au théâtre des arts;

Attendu que le complot déclaré constant par la déclaration du jury tendait à troubler la république par une guerre civile, en armant les citoyens les uns contre les autres et contre l'exercice de l'autorité légitime;

Attendu que les fonctions du jury sont essentiellement distinctes de celles du tribunal criminel; que c'est au jury qu'il appartient de décider si le fait résultant de l'acte d'accusation est constant, mais que c'est au tribunal à fixer le caractere du fait et à juger si ce fait tend à troubler la république.

Vu l'article 612 du code des délits et des peines, ainsi conçu : "Toute conspiration et complot tendant à troubler la république par une guerre civile, eu armant les citoyens les uns contre les autres, et contre l'exercice de l'autorité légitime, seront punis de mort, tant que cette peine subsistera, et de vingt-quatre années de fers quand elle sera abolie."

Condamné les nommés Dominique Demerville, Joseph Ceracchi, Joseph Arena, et J. B. Topino Lebrun à la peine de mort, &c.

Fait et prononcé à Paris, ce 19 Nivôse, onze heures du soir et après trois jours de débats, à l'audience publique où siégaient, Hemard, président; Selves et Bourguignon, juges; et Fremin, grethier en chef.

ACTES DU GOUVERNEMENT.

Rapport du Ministre de la Police Générale sur les Auteurs de l'Attentat du 3 Nivóse.-Paris, le 11 Pluvióse, An 9.

Citoyens Consuls,

Deux des auteurs de l'attentat du 3 Nivôse sont dans les mains de la police, et leurs aveux ont nommé les autres.

Du premier instant de l'horrible explosion, un seul soupçon se fit entendre, une haine publique et méritée en accusa les mêmes hommes qui venaient de conspirer la mort du premier consul par les mèmes moyens de destruction.

La police, à ce premier moment, eut d'autres soupçons parce qu'elle avait d'autres indications.

Dès le mois de Brumaire dernier, j'étais instruit que Georges,

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