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de retour en Angleterre, en avait apporté de nouveaux projets d'assassinat et des guinées pour enhardir et payer les assassing. Ceux qui étaient venus à Paris pour préparer le crime et le consommer, n'avaient été signalés. Jusqu'au 15 Frimaire, la police, dont les mains invisibles environnaient les scélérats, à entendu tous leurs discours, a suivi tous leurs pas; et si elle n'a pas donné d'abord l'ordre de les arrêter, c'est qu'elle voulait les saisir avec des pièces de conviction, autrement on l'eut accusée d'arrêter sur des soupçons, ou d'après de faux rapports.

Les auteurs de l'attentat du 3 Nivôse, tous agens de Georges, paraissent successivement à Paris. Joyau dit d'Assas arrive le 13 Brumaire, Lahaye Saint Hilaire dit Raoul le 17, et Limoelan dit Beaumont le 20 Brumaire au soir.

Le caractere de ce dernier, parvenu à mériter le titre de brigand parmi des brigands, explique bien le choix qui fut fait de

sa personne.

C'est lui qui va se mettre à la tête de tous les complots; et afin de se dérober aux regards et aux recherches de la police, il prend plusieurs logemens.

Il n'est d'abord question, dans les conciliabules, que de plans pour assurer le vol des fouds publics, que de projets vagues et indéterminés contre le gouvernement, que des moyens de rallumer la guerre civile dès que les hostilités, suspendues alors par un armistice, auraient recommencé.

Le 25 Brumaire, on décide le pillage de la diligence de Troyes. Le lieu en est fixé au cinquieme mille de la route, au-dessus de Charenton. François Carbon, dit le petit François né à Paris, exchefde Chouans, qui va devenir l'instrument d'un plus grand crime, est chargé de faire passer les armes à la barrière, dans un rouHeau de toile, mais l'arrestation trop précipitée d'un des complices, fait avorter le projet.

Le 30 Brumaire, Limoelan reçoit, par la voie de Boulogne, des nouvelles de Londres; elles annoncent l'arrivée d'un commissaire, nommé Riviere. Les avis qui m'en instruisent ne contiennent rien de positif sur la nature de ses projets et sur ses moyens, mais suffisent pour donner un nouvel éveil à la police.

Ces lettres venues d'Angleterre sont bientôt suivies de dépêches de Georges. Limoelan en fait lecture à ses complices le 5 Frimaire; elles annoncent qu'un nommé Mercier, c'est Saint Régent, chef de Chouans du département d'Ille et Vilaine, connu sous le nom de Pierrot; et cet homme est un monstre dont les crimes font frémir l'humanité! Il est chargé de frapper le premier

consul.

L'intervalle du 7 au 11 Frimaire est consacré à divers soins que conseillait la prudence; on s'assure de nouveaux logemens; on fait faire des démarches pour pénétrer la police, on lui prépare des pieges pour donner le change à sa surveillance,

On balance long-tems sur le choix des armes; Limoelan et Saint-Regent achetent le 8, chez Bourin, armurier, Palais Egalité, chacun un nécessaire d'armes de 50 louis. Ils les essaient au

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bois de Boulogne. Quelques jours après, ils achetent des carabines à vent pour s'en servir à l'un des théâtres.

Le 11 Frimaire, arrive l'agent de l'Angleterre; mais au lieu de Riviere, c'est le nommé Hyde, le même personnage qu'on a vu figurer dans la correspondance du comité Anglais. Il rassemble ce jour-là même, à l'hotel des deux Ponts, les agens de Georges, et discute avec eux les moyens de faire réussir l'attentat que le cabinet de Londres, pressé par les victoires des armées Françaises, leur ordonnait de consommer promptement.

Ce fut dans ce conciliabule que le complot prit pour la premiere fois un caractere fixe et déterminé. Il fut décidé que le premier consul serait assassiné.

Saint-Régent reçoit une lettre de Georges le 14; par laquelle il l'informe de l'affreux succès de l'assassinat de l'évêque de Quimper; il loue le sang-froid et l'audace des assassins, il les présente pour modèles, il annonce un envoi d'argent, et exhorte à tout mettre en usage pour presser l'exécution de la grande affaire.

Le 9 Frimaire, on se rassemble pour arrêter définitivement le moment et le genre de l'assassinat; mais des deux individus qui au milieu de ces scélérats servaient la police, l'un laissa. tomber son masque en entrant à midi au ministere de la police, et l'autre me fut enlevé par une circonstance imprévue et forcée qui vous est connue.

Il y a apparence que l'idée du complot de Chevalier fit songer à l'explosion des barils à poudre. Cette idée aura été d'autant mieux accueillie, que le soupçon du crime devait naturellement tomber sur les auteurs du premier complot.

La police n'avait dans cette circonstance d'autre parti à prendre que celui de faire arrêter ceux qu'elle ne pouvait plus suivre ; j'en donnai l'ordre sur-le-champ, par une lettre en date du 15 au préfet de police. Malheureusement une autre arrestation faite à côté d'eux, leur donna l'allarme. On ne les vit plus nulle part; on ne les entendit plus; on les chercha toujours. Les tenebres où ils se dérobaient auraient pu être dissipées par certains amnistiés qui communiquaient tous les jours avec la police, et avec les conspirateurs, mais ces hommes épaississaient les tenebres.

Tous ces détails, citoyens consuls, sont consignés dans les rapports de la police, qui sont sous vos yeux.

Tels étaient les renseignemens au jour et au moment de l'explosion. Les premieres recherches de la police, dans cet état de choses, devaient tendre à découvrir quelque rapport en ce qu'elle savait des complots de l'Angleterre et de Georges, et les traces qu'avait laissées dans la rue Nicaise l'attentat qui venait d'y être commis. Le bouleversement produit était si grand, que les débris et les traces du crime semblaient avoir été effacées ou emportées dans la violence de l'explosion; cependant tous les, débris dont la rue était semée, furent conservés et interrogés, et on en vit sortir bientôt plus de lumieres qu'on n'en espérait.

Parmi les marchands de chevaux de Paris qui furent appelés

par le préfet de police, celui qui avait vendu le cheval, le reconnut et donna le signalement de l'homme qui l'avait acheté; on arriva bientôt au grainetier qui avait vendu le grain dont le cheval s'était nourri; au tonnelier qui avait cerclé le barril de poudre; à l'individu qui avait vendu la charette; à la rue où la charette avait remisée; au portier et au propriétaire de la maison; au fripier chez lequel les auteurs du crime avaient pris les blonses bleues dont ils étaient couverts, en se préparant au crime et en l'exécutant.

Les signalemens donnés par tant de personnes si diverses, se trouvaient d'une similitude parfaite; et ce qui était plus fait encore que cette conformité pour frapper la police, et pour l'éclairer, c'est que chacun de ces signalemens en particulier, et tous ensemble se rapportaient par les traits du visage, par les proportions de la taille, par le genre des costumes et du langage, à ces agens de Georges, sur lesquels tous mes soupçons s'étaient fixés dès les premiers jours. Si ces soupçons n'étaient pas fondés, ceux qu'ils accusaient devaient paraître; en paraissant, en se faisant confronter, à ceux qui avaient donné les signalemens, ils étaient justifiés. Si ces soupçons étaient fondés, ceux qu'ils accusaient devaient se cacher plus que jamais; s'ils se laissaient saisir tous ceux qui avaient donné les signalemens auraient dit: Ce sont eux que nous avons signalés.

Or, jusqu'au 3 Nivôse, plusieurs des amnistiés les avaient vus; et depuis le 3 Nivôse, on eut cru qu'ils avaient disparu de la terre.

A la suite de toutes les autres circonstances, une pareille disparation était de nature à convaincre tous les esprits; mais je sentais et je savais que dans la tournure que cette affaire avait prise, pour offrir une preuve, il fallait au moins avoir un des coupables.

Tout se faisait à Paris sur les domiciles qu'ils y avaient occupés; j'ai fait demander des renseignemens autour de George même, et c'est de là que sont venus ceux qui ont conduit la police dans la maison habitée par le nommé François Carbon, avant le 3 Nivôse et depuis encore; il n'y était plus, mais on y a trouvé un baril de poudre et des cercles qui auraient pu servir au même crime. On y a interrogé des personnes qui ont révélé son nouvel asile; on l'y a arrêté. L'espece de cet asile est une circonstance remarquable de cette affaire; c'est une maison occupée par des ci-devant religieuses, Rue Notre Dame des champs. Mesdames de Goyon, de Cicé et plusieurs autres se trouvent compromises.

François Carbon voyant que son silence ne pouvait sauver que ses complices, reconnu d'ailleurs par tous les vendeurs, du cheval, de la charette, des barils à poudre, par le propriétaire de la remise, &c. &c.: et espérant que ses révelations le sauveraient lui-mème, a fait connaître tous les détails du crime, tous ses auteurs et tous ses instrumens. Les auteurs, ce sont les mêmes agens de Georges, suivis, observés et recherchés par la police depuis et avant le S Nivôse.

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Si les révélations de François, avaient été obtenus de lui, deux heures plutôt, Saint-Régent, dit Pierrot, était aussi arrêté le même jour; mais averti de l'arrestation de François, il a pensé que son complice dirigerait la police dans son asile, et il en a cherché un autre. On a trouvé dans celui qu'il venait de quitter, et sous son lit, une lettre de sa main à Georges, dans laquelle, sans presque aucun déguisement de langage, il lui rend le compte, le plus circonstancié de tout ce qui a précédé, accompagné et suivi l'explosion de la rue Nicaise.

Saint Régent qui a mis lui-même le feu à la poudre, jeté par l'explosion sur une borne, a failli périr avec les victimes de son attentat. Le préfet de police a reçu la déclaration du médecin Collin qui l'a visité, et qui, par sa conduite dans cette affaire, a rendu son arrestation indispensable. Dans les premiers jours, il se croyait assez caché par l'opinion publique elle-même, qui portait tous les soupçons sur une autre cla-se d'hommes.

Un agent de Georges que j'avais laissé libre, parce qu'il était désormais le seul qui put me conduire à Saint-Régent, trahit sans s'en douter, son asile, en y entrant lui-même le 7 Pluviôse, Je donnai ordre sur-le-champ au préfet de police de le faire arrêter, ce qui fut exécuté à la sortie même de la maison que je lui avais indiquée.

Si Hyde, Limoelan, Saint Hilaire et Joyau étaient déjà entre les mains de la police et de la justice, il ne serait pas plus avéré qu'ils sont avec Saint Régent et François Carbon les auteurs de l'attentat du 3 Nivôse; leurs aveux même ne peuvent rien ajouter aux preuves qui existent. Leur arrestation manque à leur châtiment, mais non pas à leur conviction. S'il n'y eut jamais un forfait plus horrible, il n'y eut jamais non plus de scélérats mieux dévoilés, et mieux commis. Toute la France, attentive à cette découverte, attend avec impatience le jugement solennel des coupables.

Je demande, Citoyens Consuls, qu'ils soient traduits devant les tribunaux.

Le ministre de la police générale,

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Renvoyé au ministre de la justice, pour faire poursuivre l'exécution des lois de la république à l'égard des individus dénommés dans le rapport du ministre de la police générale, leurs fauteurs et complices.

Le 11 Pluviose, An 9.

Le secrétaire d'état

Le premier Consul,
(Signé)
Par le premier Consul,
(Signé)

BONAPARTE.

H. B. MARET.

CONSEIL D'ETAT.

Extrait du Registre des Délibérations du Conseil d'Etat.— Séance du 12 Pluvióse, An 9 de la République. Projet de Loi concernant la Formation et le Renouvellement des Listes d'Eligibilité prescrites par la Constitution.

CHAPITRE PREMIER.

Elections pour la Notabilité communale.

Titre Premier.-Opérations préliminaires et Préparations; Ela's des Citoyens; Division des Citoyens en Séries; Détermination du Dixieme de leur Nombre; Directeur de Scrutin et Scrutateurs,

Section Premiere.-Préliminaires communs aux Elections communales de l'An 9, et aux Elections communales des Années postérieures.

Ari. I. Le 1er germinal de la présente année, et ensuite de trois ans en trois ans, à la même époque, le conseil de chaque municipalité ayant droit de voter dans l'arrondissement communal, suivant la constitution.

II. Du 15 au 20 Germinal, le maire de chaque municipalité adressera l'état des citoyens de sa Municipalité ayant droit de voter au sous préfet de l'arrondissement communal.

III. Le sous-préfet divisera en séries les citoyens de l'arrondissement ayant droit de voter.

Il fera une seule série de toute municipalité composé de cinquante un à cent cinquante votans; il en formera deux dans celles de cent cinquante un à deux cents cinquante; trois dans celle de deux cents cinquante-un à trois cens cinquante, et ainsi de suite.

Il divisera, dans chaque municipalité, le nombre total, des votans par parties les plus égales qu'il sera possible.

IV. Dans les municipalités où il y aura moins de cinquanteun citoyens ayant droit de voter, ils seront réunis avec ceux d'une ou plusieurs municipalités voisines; et și la réunion excède cent cinquante elle sera partagée en séries comme le seront, en pareil cas, les citoyens d'une mème municipalité.

V. Le sous-prefet indiquera dans un tableau:

1. Le nombre des series de chaque municipalité, ou réunion de municipalités;

2 Le nombre des citoyens ayant droit de voter dans chaque série;

3. Le nombre des citoyens ayant droit de voter dans toute l'étendue de l'arrondissement communal.

Il determinera et indiquera dans le même tableau.

4. Le nombre de dixaines dont se trouvera composé l'arrondissement.

VI. Pour fixer le nombre des dixaines dont sera composée

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