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le pays Vénitien, la Styrie, la Carinthie, la Carniole, l'Istrie, la Dalmatie, &c. auraient été réunies au territoire Français lors des préliminaires de Leoben. La moitié de l'Allemagne, le royaume de Naples auraient subi le même sort, lors du traité de Lunéville. La Balavie, la Cisalpine et la Suisse, conquises par les armées Françaises, formeraient dès long-tems des départemens Français, et le Portugal deviendrait aujourd'hui une province Espagnole. Certes, si le principe de garder tout ce qu'on prend devait être désormais la base de la diplomatie européenne, l'Angleterre n'y gagnerait rien, et son empire ne serait pas de longue durée.

De toutes ces conquêtes, au contraire, la France n'a gardé que la plus petite partie. Tout a été évacué, et l'équilibre de l'Europe rétablie; parce que le peuple Français ne veut que vivre tranquille chez lui, et qu'il laissera en paix les puissances qui le laisseront vivre en paix.

Que le ministre Anglais imite cette conduite, et la paix sera bientôt faite.

La Batavie, l'Helvétie et la Cisalpine sont indépendantes.

Naples et le Portugal sont au nombre des puissances.

La France ne s'est pas accrue de plus de cinq millions d'habitans; elle a restitué des pays peuplés de plus de 30 millions d'habitans.

Ces cinq millions d'habitans ne font que compenser les quatre millions de population qu'à acquise l'Autriche par le partage de la Pologne.

Cet ex-ministre paraît ne pas mieux entendre la politique qu'il n'entend la guerre, et il ne serait point extraordinaire qu'il eût assez peu de discernement pour ne pas voir que la situation de l'Angleterre, aujourd'hui, est absolument celle dans laquelle se trouve une armée agissant contre un ennemi, lorsque deux ou trois armées confédérées, dont les efforts étaient unis aux siens, ont été battues; mais il y a plus, pendant que les alliés de l'Angleterre sur le continent étaient défaits, et se réunissaient à la République, de nouvelles puissances se sont coalisées contre le gouvernement Britannique. La Russie, la Suede, le Dannemark et la Prusse ont été et sont encore dans un état hostile contre l'Angleterre.

Sans la mort de Paul I., la bataille de Copenhague eût eu des suites bien contraires aux espérances de ceux qui l'avaient ordonnée; mais si les embarras d'un nouveau regne, si le désir généreux de l'empereur Alexandre d'en illustrer le commencement par une pacification générale, l'ont porté à adoucir une partie des mesures qu'avait prises son prédécesseur, il n'en sent pas moins les obligations que lui impose la puissance de la nation à laquelle il commande; et Lord Saint-Hélens, si propre par son caractere personnel à réussir dans toutes les missions diplomatiques qui lui sont confiées, est bien loin de trouver à Petersbourg les dispositions dont se flattait le ministere Anglais.

Une nombreuse escadre Auglaise est encore dans la Baltique,

La Prusse occupe toujours le Hanovre, et dans le systême de cet ancien ministre Anglais, puisque l'on doit garder tout ce que l'on tient, la Prusse aussi garderait le Hanovre. Cet électorat ne se trouve dans aucun de deux cas prévus dans le traité de Luneville; il n'appartient ni à un prince ecclésiastique, mi à un prince séculier; c'est une contrée de l'empire d'Allemagne soumise à l'empereur Britannique, et actuellement, surtout que le roi d'Angleterre est empereur, il ne peut plus vouloir être considéré comme membre de l'empire Germanique. Il est vrai que l'Angleterre est éminemment dédommagée de l'occupation du Hanovre, et du million qu'en retire le roi de Prusse par les magasins trouvés dans les colonies Danoises.

Que peut-on conclure de tout ceci? 1°. C'est que si l'Europe était gouvernée par des hommes du caractere de cet ex-ministre Anglais, on se battrait long-tems; à moins cependant qu'il n'y eût des puissances dont la guerre fût dirigée par des hommes comme lui; car alors elles ne tarderaient pas à être subjuguées.

2. Que le nouveau ministere Anglais ne montrera ses dispositions pacifiques qu'en proposant un systême d'équilibre qui concilie le plus grand nombre d'intérêts possibles.

3. Que dans la position actuelle des nations, aucune n'a plus d'intérêt que l'Angleterre à abjurer le principe qu'à la paix on doit garder tout ce que les armées ont occupé pendant la guerre. 4. Que lorsqu'il existe dans une nation des hommes furibonds et assez ennemis de l'humanité pour désirer des guerres perpétuelles et d'extermination, on devrait bien se garder de les admettre dans les conseils, mais les faire passer des années entieres éloignés de leur famille, de leur patrie, sur les cutters, bloquant des rades au sein des tempêtes d'hiver, ou les placer au milieu des déserts de l'Arabie, ou sur le champ de carnage le jour d'une bataille; si tout sentiment d'humanité n'était pas étouffé dans leur cœur, ils abjureraient sans doute ces principes atroces. On a toujours vu que les hommes qui crient à tue tête guerre à mort dans une assemblée sont des lâches qui ne sont jamais sortis du sein de la mollesse; car l'homme brave fait la guerre pour l'honneur, la gloire, le bien de son pays, et emploie ses veilles, ses discours à ramener les nations à des sentimens de fraternité, de conciliation et de justice.

Français,

(Moniteur, No. 295.) ADDRESSE AUX FRANCAIS.

Sur le Quatorze Juillet.

La journée du Quatorze Juillet est une de ces époques qui seront éternellement remarquables dans l'histoire des peuples.

Le Quatorze Juillet consacre tous les principes de morale, de vertu, d'égalité sociale; il reconquit sur les préjugés l'empire de la raison, et sur l'autorité les droits qu'elle avait usurpés; il ren

dit à l'homme sa diguité, au citoyen ses prérogatives, au commerce ses franchises, aux campagnes leur indépendance, et à l'état une force que les abus avaient énérvée, et une considération que des grandes fautes lui avaient fait perdre.

Avant cette époque, la France gémissait sous des liens que l'habitude seule rendait supportables, mais que les lumieres et J'instruction devaieut lui apprendre à briser.

L'état, divisé en deux classes, en nobles et en roturiers, voyait les premiers obtenir toutes les faveurs, tandis que les seconds étaient exclus de tous les emplois. Le mérite était compté pour rien, le génie condamné à l'oubli, s'il n'était accompagné de la naissance: mais avec des aïeux, ou seulement avec une noblesse achetée, on parvenait à tous honneurs; aussi voyait-on chaque jour les destinées de l'état, l'existence et la propriété des citoyens, livrées à des mains ignorantes, et mille injustices consacrées par les actes de l'autorité.

La vénalité des charges était encore une barriere qui s'opposait à l'avancement de l'homme qui n'avait qu'une médiocre fortune, et le chemin de la gloire lui était fermé par les institutious politiques.

Le titre même de pere de l'église se donnait à la naissance, rarement à la piété aussi ne retrouvait-on plus dans le clergé ses antiques vertus. La dime l'enrichissait du produit le plus précieux des travaux de l'agriculteur; les évêques consumaient en profanes jouissances les fonds que la charité avait imprudemment placés dans leurs mains pour le soulagement des pauvres; ils négligeaient leurs augustes fonctions, scandalisaient le peuple par leur luxe, et laissaient à peine l'absolu nécessaire aux curés des campagnes, ces véritables consolateurs des miseres humaines.

Les campagnes subissaient le joug de la féodalité; et les hommes, devenus la propriété des seigneurs par un véritable servage, leur payaient le tribut onéreux et humiliant du fruit de leurs sueurs: les droits de champart et de tusque leur enlevaient une portion de leur récolte; la banalité leur ôtait toute propriété publique; le cens personnel pesait sur leur individu comme sur leur domaine.

Les vassaux juraient foi et hommage à leur seigneur, ne reconnaissaient que ses juges et ses officiers; le magistrat qui représentait la commune, était forcé de porter la livrée féodale dans les marques de sa dignité.

La chasse était interdite aussi bien que la pêche, et des peines infamantes attendaient le propriétaire, s'il osait tuer le gibier qui devastait son champ.

Le seigneur recevait l'encens à l'église, le salut dans les rues, vendait les habitans avec la terre, et le droit d'exiger d'eux les mêmes marques de servitude.

Les corvées écrasaient une grande partie des malheureux habitans des campagnes, qui réparaient, au prix de leurs sueurs, les

routes qui servaient plus aux jouissances du luxe, qu'aux besoins de l'agriculture.

Le gouvernement perdait chaque jour de sa considération par des vices d'un autre ordre, et par des fautes qui décélaient la faiblesse et l'impéritie. L'abandon de la Hollande, malgré des assurances formelles et le vain appareil de la protection; l'impolitique aveu d'un déficit dans les finances; l'inutile convocation des notables; la scandaleuse affaire qui flétrit devant les tribunaux, aux yeux de l'Europe indignée, la majesté royale, et l'une des premieres dignités de l'église; tout concourait à ébranler les bases du trône, et à hâter l'instant de sa chute.

Français, vous demandâtes à grands cris des réformes; et un concours étonnant de lumieres, un accord de volonté plus étonnant encore, hâta l'instant de la régénération.

On détruisit les abus, on combattit les préjugés, on brisa les liens de la féodalité, on limita la fortune du clergé; on abolit la dime, et l'on affranchit les campagnes de toute espece de joug

oppresseur.

Les titres de noblesse furent supprimés, celui de citoyen ennobli: et chacun, selon ses talens et ses vertus, put espérer de la considération des emplois et des honneurs.

Des lois tolérantes permirent à chaque secte d'avoir son culte et ses prêtres, sans craindre des pérsécations ou des outrages.

Tels furent les bienfaits du Quatorze Juillet. Jamais peut-être on ne vit de spectacle plus auguste que celui que présenta la France, lorsque, de tous les points de ce vaste empire, se firent entendre les mêmes vœux, les mêmes cris d'union, d'amour, de gloire et de liberté.,

Le génie et la vertu dirigèrent ce grand mouvement, et après de longs travaux et de pénibles efforts, donnèrent enfin au monde l'exemple de la régénération d'un peuple d'après les lois de la justice et de la morale, tracerent une route nouvelle à la politique, et substituerent à des lois faites pour l'intérêt d'un seul, des lois établies pour le bonheur de tous.

Alors tout semblait vous promettre les destinées les plus heureuses: mais à peine eut-on atteint le but, qu'il fut dépassé, Le ferment des passions amena des excès: en vain les mains savantes qui avaient élevé l'édifice constitutionnel, voulurent le défendre contre les attaques des partis; l'intérêt général fut oublié ; des factions se formerent dans toutes les classes; et les secousses, les déchiremens qu'elles produisirent, amenerent enfin la rujne totale du gouvernement et une désorganisation générale.

Dès ce moment, on oublia les principes sublimes, les salutaires institutions, qui avaient été consacrés par le Quatorze Juillet. On avait proclamé des lois protectrices de l'ordre et de la liberté, on eut des lois révolutionnaires; on avait aboli les priviléges, on détruisit la propriété; on avait établi la liberté des cultes, on dévasta les temples, on égorgea les prêtres. Bientôt le délire fut jusqu'à la rage: on proclama la fraternité sur les échafauds, la

liberté dans les prisons, l'égalité pendant que la France asservie recevait à genoux la loi de ses assassins.

On passa, de cet état affreux, à un gouvernement faible par la nature même de sa constitution. Jouet de tous les partis qu'il n'avait pas la force de combattre, il ne lui restait que la dangereuse ressource de les opposer l'un à l'autre, et de se maintenir par cette lutte continuelle qui tenait lieu d'équilibre. Privé des moyens de suivre une marche réguliere, il était forcé de remplacer l'impulsion de l'esprit public par des secousses, et la confiance par des mesures violentes.

La loi sur l'emprunt forcé paralysait tout commerce, ruinait tous les propriétaires; la lois des otages faisait trembler l'innocence; des colonnes mobiles désolaient les campagues; des milliers de citoyens victimes de la loi du 19 Fructidor, gémissaient loin de leur patrie: la déportation avait peuplé la Guiane d'une foule de citoyens recommandables; la persécution avai! soulevé des départemens entiers, y avait allumé la guerre civile, et le sang Français coulait sous la main des Français.

Français! au milieu de tous ces maux, la journée du Quatorze Juillet ne paraissait plus à vos regards que comme un point de notre histoire, séparé, par plusieurs siecies, de l'époque où vous vous trouviez, lorsque le Dix-Huit Brumaire vous y reporta tout à-coup,

Il avait fallu la volonté énergique de tout un peuple pour produire le Quatorze Juillet: il fallut le pouvoir du génie et l'ascendant de la gloire d'un héros pour le faire revivre.

Dix ans de malheurs, d'exagération, de barbarie, de destructions, furent oubliés en un instant, et ne nous parurent plus qu'un rêve long et pénible. Le Quatorze Juillet ne nous sembla séparé que par une nuit orageuse du Dix-huit-Brumaire, qu'en fût pour ainsi dire, le lendemain.

Tous les principes qui avaient été méconnus, furent consacrés de nouveau; et le gouvernement, en les rappelant, appliqua tous ses soins à effacer les traces du régime destructeur auquel il succedait, et à suivre les intentions du peuple Français, lorsqu'il proclama sa liberté au Quatorze Juillet.

Il rapporta toutes les lois désastreuses, rappela les citoyens injustement proscrits, essuya les larmes des familles, fit disparaître les ruines, effaça les traces du vandalisme, et mérita le double titre de gouvernement consolateur et de gouvernement réparateur.

Il rendit aux Français la liberté, l'égalité, telles qu'ils les avaient d'abord proclamées. Les peuples, affranchis de l'ancien despotisme et des lois révolutionnaires, se trouverent, comnie au Quatorze Juillet, libres des entraves de la féodalité et des dangers de la terreur; l'agriculteur ne paya plus ni dime ni emprunt forcé, ne craignit plus d'être emprisonné par son seigneur ou d'être détenu comme ôtage.

Le quatorze-Juillet avait consacré la liberté entiere des cultes;

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