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"Après s'être occupée, dans ses séances, de cet objet le plus important de tout, après avoir, dans diverses discussions, développé toutes les idées qui s'associent à cette élection, elle est toujours arrivée, par différentes voies, à une même conclusion.

"S'il ne se trouve pas ordinairement dans les états, beaucoup d'hommes capables de monter à la premiere place, il faut convenir que notre situation intérieure doit les rendre encore plus rares parmi nous.

"En effet on conçoit aisément que, dans le temps très-court qui s'est écoulé depuis que la République Cisalpine s'est formée de la réunion de differentes nations, ces nations n'ont pu se connaître assez les unes les autres, pour que les hommes les plus distingués qu'elles renferment, inspirent partout une égale confiance. Choisir dans leur sein ne serait pas sans danger, si l'on considere que divisés, comme nous le sommes, de lois, d'usages et de mœurs, habitués à différentes opinions de toute espece, on ne peut gueres espérer de trouver chez nous l'homme qui saura se séparer des systèmes particuliers, pour conduire la masse entiere loin des autiques habitudes, et y faire naître cet esprit national qui est le fondement le plus solide des républiques.

"L'histoire des révolutions passées de la République Cisalpine n'a pu faciliter les recherches de la commission. En effet, les hommes qui ont traversé ces révolutions, ou n'ont point rempli de fonc tions publiques, et par conséquent, on ne peut pas présumer qu'ils soient assez versés dans l'art, toujours difficile, mais trèsdifficile surtout parini nous, de gouverner la chose publique; ou bien ils ont tenu à cette époque les rênes du gouvernement; mais agités par le tourbillon des opinions, contrariés dans leur marche de mille manieres, et poussés par des influences étrangeres, ils n'ont pu se faire une réputation qui, dans des temps inoins malheureux, leur aurait obtenu la confiance publique.

"Mais en supposant, que malgré de si nombreux obstacles, il se fût rencontré un homme capable de soutenir un si grand fardeau, bien d'autres, et de bien plus grandes difficultés se présentent bientôt, qui ne permettent pas de se reposer sur ce choix.

"La République Cisalpine ne peut pas encore être totalement évacuée par les troupes Françaises. Bien des raisons politiques, et notre propre intérêt, dans le dénùment où nous sommes encore de troupes nationales, ne le permettent pas en ce moment.

"D'ailleurs, la République Cisalpine, quoique son existence soit assurée par les traités de Tolentino et de Lunéville, ne peut espérer d'obtenir par elle-même, et dès ses premiers pas, des anciens gouvernemens de l'Europe, cette considération qui lui est néces◄ saire pour la consolider entierement au-dedans et au-dehors.

"Il lui faut un appui qui la fasse reconnaître par plusieurs Puissances qui n'ont point encore eu de communication avec elle. Elle a donc besoin d'un homme qui, par l'ascendant de son nom et de son pouvoir, la place au rang qui convient à sa grandeur: ce Bom, ce pouvoir, on les cherchetait en vain parmi nous.

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Pour assurer donc la dignité du gouvernement contre l'afflu

ence des troupes étrangeres, pour répandre l'éclat et la grandenr sur le berceau de la Cisalpine, la commission a reconnu qu'il était essentiel à la félicité de la République, qu'elle fût soutenue dans ces premiers momers par un appui qui eût plus que tout autre de grandeur et de forces.

"D'après de si puissantes raisons, la commission a donc dû conclure que si d'un côté la consulte extraordinaire doit former le vœu que la constitution soit proclamée, et que les colléges, les législateurs et les autres autorités soient choisis parmi les hommes qui lui ont paru le plus dignes de son estime, afin de mettre un terme au régime provisoire; d'un autre côté elle doit désirer ardemment que le Général Bonaparte veuille honorer la République Cisalpine en continuant de la gouverner, et en associant à la direction des affaires de la France le soin de nous conduire nous-mêmes pendant tout le temps qu'il croira nécessaire pour réduire toutes les parties de notre territoire à l'uniformité des mêmes principes, et pour faire reconnaitre la République Cisalpine par toutes les Puissances de l'Europe."

Pour copie conforme,

(Signé) STRECELLI, Secrétaire, Hier 6, le premier consul accompagné du ministre des relations extérieures, et de celui de l'intérieur, de quatre conseillers d'état, de vingt préfets et de plusieurs officiers-généraux, s'est rendu à la séance de la consulte Cisalpine, et a prononcé en Italien le discours suivant.

"La République Cisalpine, reconnue depuis Campo Formio, a déjà éprouvé bien des vicissitudes.

Les premiers efforts que l'on a faits pour la constituer, out mal réussi.

"Envahie depuis par des armées ennemies, son existence ne paraissait plus probable, lorsque le peuple Français, pour la seconde fois, chiassa par la force de ses armes, vos ennemis de votre territoire.

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Depuis ce temps, on a tout tenté pour vous démembrer.-"La protection de la France l'a emporté—.

"Vous avez été reconnus à Lunéville.

"Accrues d'un cinquieme, vous existez plus puissans, plus consolidés, avec plus d'espérances !!!

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Composés de six nations différentes, vous allez être réunis sous le régime d'une constitution plus adaptée que toute autre à vos mœurs et à vos circonstances.

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Je vous ai réunis à Lyons autour de moi comme les principaux citoyens de la Cisalpine. Vous m'avez donné les renseignemens nécessaires pour remplir la tâche auguste que m'imposait mou devoir, comme premier magistrat du peuple Français, et comme l'homme qui a le plus contribué à votre création.

Les choix que j'ai faits pour remplir vos premieres magistratures, l'ont été indépendamment de toute idée de parti, de tout esprit de localité.

"Celle de président, je n'ai trouvé personne parmi vous qui eût encore assez de droits sur l'opinion publique, qui fût assez indépendant de l'esprit de localité, et qui eût enfin rendu d'assez grands services à son pays, pour la lui confier.

“Le procès-verbal que vous n'avez fait remettre par votre comité des trente, où sont analysées avec autant de précision que de vérité les circonstances intérieures et extérieures dans lesquelles se trouve votre patrie, m'ont vivement pénétré. J'adhere à votre vœu-Je conserverai encore pendant le temps que ces circonstances le voudront, la grande pensée de vos affaires.

"Au milieu des méditations continuelles qu'exige le poste où je me trouve, tout ce qui vous sera relatif, et pourra consolider votre existence el votre prospérité, ne sera point étranger aux affections les plus cheres de mon âme.

"Vous n'avez que des lois particulieres, il vous faut désormais des lois générales.

"Votre peuple n'a que des habitudes locales, il faut qu'il prenne des habitudes nationales.

"Enfin, vous n'avez point d'armée, les Puissances qui pourraient devenir vos ennemis en ont de fortes;-mais vous avez ce qui peat les produire, une population nombreuse, des campagnes fertiles, et l'exemple qu'a donné dans toutes les circonstances essentielles le premier peuple de l'Europe."

Dijon, le 4 Pluviose.

Le dégel que nous venons d'essuyer a fait craindre, avec raison, pour les ports de la Saone qui, en général, sont en très-mauvais état. Le préfet, par un arrêté du 29 Nivôse, a invité l'ingénieur en chef à envoyer sur-le-champ à Pontailler, Auxonne, Belle-Défense, et autres lieux, des conducteurs de travaux publics pour prévenir la chute de ces ponts. Dix mariniers choisis par le maire de Pontailler, ont travaillé pendant 36 heures à briser les glaces; ils sont parvenus à en casser un morceau, qui n'avait pas moins de 32 centimétres (11 pouces 2 Ignes) d'épaisseur, sur 150 metres (592 pieds 6 lignes) de longueur, et 50 metres (195 p. 10 l.) de largeur. Ce long travail fut à peine terminé, que la debacle est venue le 2, sur les dix heures du matin, et ce n'est qu'à dix heures du soir, que l'on a été assuré que le pont ne courait plus aucun risque. Les secousses enormes qu'il a essuyées pendant toute la journée, ont arraché douze fiches d'avant-bec, cassé et enlevé des liens et des moises. Nous n'avons point encore reçu de nouvelles des autres ponts de cette riviére.

Le Havre, le 6 Pluviose.

Nous avons joui hier d'un spectacle bien agréable, et qui nous a rappelé les jours de prospérité de notre port. Il faisait un temps superbe; les vents qui soufflaient à l'est, étaient tempérés à midi par les rayons du soleil. Plus de vingt navires de toutes grandeurs et de toutes formes, mâtés à trois mâts, en bricks, senaus, goëlettes, galiotes, dogres, smacks et sloops, voguaient à pleines

voiles au milieu de notre port, et nous représentaient l'illusion de ces jeux célébrés avec tant d'élégance par Homere et Virgile; ils semblaient se disputer l'honneur d'arriver les premiers au bout de nos jetées. Quand ils furent tous sur notre rade, on eût cru voir une escadre formée de bâtimens de toutes les nations. La variété de leurs pavillons, en nous annonçant que le commerce est le lieu de tous les peuples, nous rend plus sensibles les douceurs de la paix, et nous fait désirer que la sagesse et l'humanité tiennent longtemps enchaîné le démon de la guerre. Au même moment, paraissent sur rade plusieurs autres bâtimens.

Rouen, le 4 Pluviose.

Les eaux de la Seine ont heureusement baissé de nouveau, et le vent ayant passé au nord et au nord-est, il y a lieu d'espérer que la fonte des neiges n'occasionnera point une nouvelle inondation, ce qu'on avait lieu de craindre, si les vents eussent continué de souffler de l'ouest, et si les pluies eussent été abondantes.

(Moniteur, No. 131. Paris, le 10 Pluviôse.)

Proces-verbal des Opérations de la Consulta extraordinaire de la République Cisalpine, à Lyon.

La République Cisalpine formée au milieu de la guerre par la réunion de plusieurs états, ne pouvait attendre que de la paix, du temps, et d'un gouvernement fort, sa consistence politique et sa tranquilité intérieure. Son vœu était d'obtenir une organisation définitive; elle en fit la demande au premier cousul, et attendit de la main qui l'avait fondée en l'an 6, et rétablie deux ans après, l'appui dont elle avoit besoin, pour se constituer et s'unir en corps de nation.

Le premier consul, en déférant au vœu qui lui était exprimé, voulut s'entourer de toutes les lumieres, que pouvaient avoir les Cisalpins eux-mêmes sur les intérêts de leur pays, et ce fut pour répondre aux vues bienveillantes du premier consul, et pour lui donner les renseignemens qu'il désirait, qu'une consulta extraordinaire de 450 membres, choisis parmi les membres les plus éclairés et les plus recommandables de la République Cisalpine, fut convoquée par son gouvernement. Lyon fut désigné pour le lieu de la session, comme plus à portée de cette république et du preinier consul, et plus remarquable par ses nombreux rapports avec le nord de l'Italie.

Le ministre des relations extérieures se rendit à Lyon le 7 Nivôse, et le citoyen Marescalchi, député de la République Cisalpine près le gouvernement Français, devenant en cette qualité, l'intermédiaire naturel des communications du ministre avec les notables cisalpins, lui présenta successivement ceux du Milanais, des trois légations ecclésiastiques, des pays détachés de l'Etat de Venise, du ci-devant Modenois, du Novarais et de la Valteline,

Ces conférences partielles avaient l'avantage d'établir des rapports plus intimes entre le ministre et les notables des fractions territoriales de la République Cisalpine.

Une consulta aussi nombreuse n'aurait pu se réunir sur le territoire Français, sans l'autorisation du gouvernement, et c'était à Ini qu'appartenait la désignation du mode, suivant lequel elle pouvait s'assembler. Le ministre s'occupa de l'organisation de la consulla de concert avec un bureau de délibération, composé de cinq membres appartenans aux cinq divisions territoriales de la Cisalpine; à la connaissance des intérêts, des localités, les membres joignaient l'avantage de pouvoir servir de centre de réunion.

La consulta législative dont les membres faisaient partie de la consulta extraordinaire, et qui avait rendu la loi sur la convocation de celle-ci, concourait encore à l'exécution de cette loi, en discutant et en convertissant en arrêtés les propositions du bu reau de délibération. Elle devint un nouveau lien de communication entre ce bureau et l'assemblée générale, et d'après la proposition du bureau, elle arrêta que la consulta extraordinaire serait partagée en 5 sections, dont chacune correspondait également à l'une des 5 principales nations cisalpines, dans une assemblée dont les élémens étaient si homogénes. Cette division promettait des opérations plus calmes, elle offrait plus de facilité pour constater l'assentiment de chaque peuple à sa réunion en un seul état; et cet assentiment bien prononcé, devenait nécessaire pour donner plus de consistence à la République.

Les cinq sections s'assemblerent séparément, et leur bureau fut formé des citoyens Melzi et Strigelli pour la section Milanaise, Aldini et Belmonte pour les légations: Bargnani et Carissimi pour les provinces Venitienues; Paradisi et Candrini pour le Modenois; de Bernardi et Guicciardi Guido pour le Novarrois et la Valteline. Dans chaque section l'on suivit une marche uniforme, afin d'avoir au moment de l'arrivée du premier consul, une opinion bien formée sur les différens objets sur lesquels il désirait des renseignemens. Les bases de la constitution déjà adoptée par la consulta législative de Milan furent présentées aux différentes sections, pour obtenir d'elles les observations les plus propres à en déduire des lois organiques. Chaque section jugea convenable de charger de leur examen une commission particuliere prise dans son sein, et elle discuta ensuite les observations. Toutes celles que les cinq sections adopterent furent réunies et présentées au ministre des relations extérieures.

Chaque assemblée était aussi chargée de préparer une liste nombreuse de citoyens que la confiance et l'estime publique appelaient de préférence au corps-législatif. On passa au scrutin secret; chaque membre donna 60 noms, et ces bulletins furent remis au ministre, pour être présentés au premier consul, dont l'arrivée à Lyon eût lieu le 21 Nivóse. Le premier consul prit connaissance des opérations antérieures; et regardant la formation des trois colleges électoraux comme la base de la nouvelle organisation de

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