Page images
PDF
EPUB

XV. Les pêcheries sur les côtes de Terre-Neuve, et des îles adjacentes, et dans le Golphe de Saint Laurent, sont remises sur le même pied où elles étaient avant la guerre.

Les pêcheurs Français de Terre-Neuve, et les habitans des îles Saint Pierre et Miquelon, pourront couper les bois qui leur se ront nécessaires dans les baies de Fortune et du Désespoir pentdant la premiere année, à compter de la notification du pré

sent traité.

XVI. Pour prévenir tous les sujets de plaintes et de contestations qui pourraient naître à l'occasion des prises qui auraient été faites en mer, après la signature des articles préliminaires, il est réciproquement convenu que les vaisseaux et effets qui pourraient avoir été pris dans la Manche, et dans les mers du Nord après l'espace de douze jours, à compter de l'échange des ratifications des articles préliminaires, seront de part et d'autre restitués; que le terme sera d'un mois, depuis la Manche et les mers du Nord jusqu'aux îles Canaries inclusivement, soit dans l'Océan, soit dans la Méditerannée; de deux mois depuis les îles Canaries jusqu'à l'Equateur et enfin de cinq mois dans toutes les autres parties du monde, sans aucune exception ni autre distinction plus particuliere de tems de lieu.

XVII. Les ambassadeurs, ministres et autres agens des puissances contractantes, jouiront respectivement, dans les états desdites puissances, des mêmes rangs priviléges, prérogatives, et immunités dont jouissaient, avant la guerre, les agens de la

même classe.

La branche de la maison de Nassau qui était établi dans la ci-devant République des Provinces-Unies, actuellement la République Batave, y ayant fait des pertes, tant en propriétés particuliers que par le changement de constitution adoptée dans ce pays, il lui sera procuré une compensation équivalente pour lesdites pertes.

XIX. Le présent traité définitif de paix est déclaré commun à la Sublime Porte Ottomane, alliée de Sa Majesté Britannique, et la Sublime Porte sera invitée à transmettre son acte d'accession dans le plus court délai possible.

XX. Il est convenu que les parties contractantes, sur les réquisitions faites par elles respectivement, ou par leurs ministres et officiers duement autorisés à cet effet, seront tenues de livrer en justice les personnes accusées des crimes de meurtre, de falsification ou banqueroute frauduleuse, commis dans la jurisdiction de la partie requérante, pourvu que cela ne soit fait que lorsque l'évidence du crime sera si bien constatée, que les lois du lieu on l'on découvrira la personne ainsi accusée, auraient autorisé sa détention et sa traduction devant la justice, au cas que le crime y út été commis. Les frais de la prise de corps et de la traduction en justice, seront à la charge de ceux qui feront la réquisition : bien entendu que cet article ne regarde en aucune maniere les

crimes de meurtre, de falsification ou de banqueronte frauduleuse, commis antérieurement à la conclusion de ce traité définitif.

XXI. Les parties contractantes promettent d'observer sincérement et de bonne foi tous les articles contenus au présent traité, et elles ne souffriront pas qu'il y soit fait de contravention directe ou indirecte par leurs citoyens ou sujets respectifs, et les susdites parties contractantes se garantissent généralement et réciproquement toutes les stipulations du présent traité.

XXII. Le présent traité sera ratifié par les parties contractantes dans l'espace de trente jours, ou plutôt si faire se peut, et les ratifications en due forme seront échangées à Paris. En foi de quoi, nous soussignés plénipotentiares avons signé de notre main, et en vertu de nos pleins pouvoirs respectifs le présent traité définitif, ☛y avons fait apposer nos cachets respectifs.

Fait à Amiens, le 4 Germinal, an 10, (25 Mars, 1802).
(Signés)

BONAPARTE, Cornwallis, AZARA
ET SCHIMMELPENNINCK.

(Moniteur, No. 196, 16 Germinal, an 10.)

CORPS LEGISLATIF.

Seance du 15 Germinal.

Conseiller d'Etat Portalis.

Citoyens Législateurs,

Depuis long-temps le gouvernement s'occupait des moyens de rétablir la paix religieuse en France; j'ai l'honneur de vous présenter l'important résultat de ses opérations, et de mettre sous vos yeux les circonstances et les principes qui les ont dirigées.

Le catholicisme avait toujours été, parmi nous, la religion dominante; depuis plus d'un siècle, son culte était le seul dont l'exercise public fut autorisé; les institutions civiles et politiques étaient intimément liées avec les institutions religieuses; le clergé était le premier ordre de l'état; il possédait de grands biens, il jouissait d'un grand crédit, il exerçait un grand pouvoir.

Cet ordre de choses a disparu avec la révolution. Alors la liberté de conscience fut proclamée: les propriétés du clergé furent mises à la disposition de la nation, on s'engagea seulement à fournir aux dépenses du culte catholique, et à salarier ses ministres.

On entreprit bientôt de donner une nouvelle forme à la police ecclésiastique.

Le nouveau régime avait à lutter contre les institutions anciennes.

L'assemblée constituante voulut s'assurer, par un serment, de la fidélité des ecclésiastiques, dont elle changeait la situation et l'état. La formule de ce serment fut tracée par les articles 21 et 38 du titre II de la constitution civile du clergé décrétée le 12 Juillet, 1790, et proclamée le 24 Août suivant.

Il est plus aisé de rédiger des lois que de gagner les esprits et de changer les opinions. La plupart des ecclésiastiques refuserent le serment ordonné, et ils furent remplacés dans leurs fonctions par d'autres ministres.

Les prêtres Français se trouverent ainsi divisés en deux classes; celle des assermentés, et celle des non-assermentés. Les fideles se diviserent d'opinion comme les ministres. L'opposition qui existait entre les divers intérêts politiques, rendit plus vive celle qui existait entre les divers intérêts réligieux. Les esprits s'aigrirent; les dissensions théologiques prirent un caractere qui inspira de justes alarmes à la politique.

Quand on vit l'autorité pré-occupée de ce qui se passait, on chercha à la tromper ou à la suprendre.

Tous les partis s'accuserent réciproquement.

La législation qui sortit de cet état de fermentation et de trouble

est assez connue.

Je ne la retracerai pas; je me borne à dire qu'elle varia selon les circonstances, et qu'elle suivit le cours des événemens publics.

Au milieu de ces événemens, les consciences étaient toujours plus ou moins froissées. On sait que le désordre était à son comble, lorsque le 18 Brumaire vint subitement placer la France sous un meilleur génie.

A cette époque, les affaires de la religion fixerent la sollicitude du sage, du héros qui avait été appelé par la confiance naționale au gouvernement de l'état, et qui, dans ses brillantes campagnes d'Italie, dans ses importantes négociations avec les divers cabinets de l'Europe, et dans ses glorieuses expéditions d'outre-mer, avait acquis une si grande connaissance des choses et des hommes.

Une premiere question se présentait: la religion en général estelle nécessaire aux hommes?

Nous naissons dans des sociétés formées et vieillies; nous y trovous un gouvernement, des institutions, des lois, des habitudes, des maximes reçues; nous ne daignons pas nous enquérir jusqu'à quel point ces diverses choses se tiennent entr'elles; nous ne demandons pas dans quel ordre elles se sont établies; nous ignorons l'influence successive qu'elles ont eue sur notre civilisation, et qu'elles conservent sur les mœurs publiques et sur l'esprit général; trop confians dans nos lumieres acquises, fiers de l'état de perfection où nous sommes arrivés, nous imaginons que, sans aucun danger pour le bonheur commun, nous pourrions désormais renoncer à tout ce que nous appelons préjugés antiques, et nous séparer brusquement de tout ce qui nous a civilisés, de là l'indiffé rence de notre siécle pour les institutions religieuses, et pour tout ce qui ne tient pas aux sciences et aux arts, aux moyens d'indus trie et de commerce qui ont été si heureusement développés de nos jours, et aux objets d'économie politique, sur lesquels nous paraissons fouder exclusivement la prospérité des états.

Je m'empresserai toujours de rendre hommage à nos decouvertes, à notre instruction, à la philosophie de nos tems modernes.

Mais quels que soient nos avantages, quel que soit le perfectionnement de notre espece, les bons esprits sont forcés de convenir qu'aucune société ne pourrait subsister sans morale, et que l'on ne peut encore se passer de magistrats et de lois.

Or, l'utilité ou la necessité de la religion ne dérive-t-elle pas de la necessité même d'avoir une morale? L'idée d'un Dieu législateur n'est-elle pas aussi essentielle au monde intelligent, que l'est au monde physique celle d'un Dieu créateur et premier moteur de toutes les causes secondes? L'athée qui ne reconnaît aucun dessein dans l'univers, et qui semble n'user de son intelligence que pour tout abandonner à une fatalité aveugle, peut-il utilement prêcher la regle des mœurs, en desséchant par ses désolantes opinions la source de toute moralité?

Pourquoi existe-t-il des magistrats? pourquoi existe-t-il des lois pourquoi annoncent-elles des récompenses et des peines? C'est que les hommes ne suivant pas uniquement leur raison; c'est qu'ils sont naturellement disposés à espérer et à craindre et que les instituteurs des nations out cru devoir mettre cette disposition à profit pour les conduire au bonheur et à la vertu. Comment donc la religion, qui fait de si grandes promesses et de si grandes menaces, ne serait elle pas utile à la société !

Les lois et la morale ne sauraient suffire.

Les lois ne reglent que certaines actious; la religion les em; brasse toutes. Les lois n'arrêtent que le bras; la religion regle le cœur. Les lois ne sont relatives qu'au citoyen; la religion s'empare de l'homme.

Quant à la morale, que serait-elle si elle demeurait réléguée dans la haute région des sciences et si les institutions religieuses ne l'en faisaient pas descendre pour la rendre sensible au peuple!

La morale sans préceptes positifs laisserait la raison sans regle; la morale sans dogmes religieux ne serait qu'une justice sans tribunaux.

Quand nous parlons de la force des lois, savons-nous bien quel est le principe de cette force? 11 réside moins dans la bonté des lois que dans leur puissance. Leur bonté seule serait toujours plus ou moins un objet de controverse. Sans doute une loi est plus durable et mieux accueillie quand elle est bonne; mais son principal mérite est d'être loi, c'est-à-dire, son principal mérite est d'être non un raisonnement mais une décision; non un simple these mais un fait. Conséquemment une morale religieuse, qui se résout en commandemens formnels, a necessairement une force qu'aucune morale purement philosophique ne saurait avoir. La multitude est plus frappée de ce qu'on lui ordonne que de ce qu'on lui prouve. Les hommes, en général, out besoin d'être fixés; il leur faut des maximes plutôt que des démonstrations.

La diversité des religious positives ne saurait être présentée comme un obstacle à ce que la vraie morale, à ce que la morale naturelle puisse jamais devenir universelle sur la terre. Si les diverses reHigions positives ne se ressemblent pas, si elles different dans leur

culte extérieur et dans leurs dogmes, il est du moins certain que les principaux articles de la morale naturelle constituent le fond de toutes les religions positives. Par-là, les maximes et les vertus les plus nécessaires à la conservation de l'ordre sociale sont partout sous la sauve-garde des sentimens religieux et de la conscience. Elles acquierent ainsi un caractere d'énergie, de fixité et de certitude, qu'elles ne pourraient tenir de la science des hommes.

Un des grands avantages des religions positives est encore de lier la morale à des rits, à des cérémonies, à des pratiques qui en deviennent l'appui. Car n'allons pas croire que l'on puisse conduire les hommes avec des abstractions ou des maximes froidement calculées. La morale n'est pas une science spéculative; elle ne consiste pas uniquement dans l'art de bien penser, mais daus celui de bien faire. Il est mois question de connaître que d'agir; or les bonnes actions ne peuvent être préparés et garanties que par les bonnes habitudes. C'est en pratiquant des choses qui menent à la vertu ou qui du moins en rappellent l'idée, qu'on apprend à aimer et à pratiquer la vertu même.

Sans doute, il n'est pas plus vrai de dire, dans l'ordre religieux, que les rits et les cérémonies sont la vertu, qu'il ne le serait de dire, dans l'ordre civil, que les formes judiciaires sont la justice; mais comme la justice ne peut être garantie que par des formes réglées qui préviennent l'arbitraire, dans l'ordre moral, la vertu ne peut être assurée que par l'usage et la sainteté de certaines pratiques qui préviennent la négligence et l'oubli.

La vrai philosophie respecte les formes autant que l'orgueil les dédaigne. Il faut une discipline pour la conduite, comme il faut un ordre pour les idées. Nier l'utilité des rits et des pratiques religieuses en matiere de morale, ce serait nier l'empire des notions sensibles sur des êtres qui ne sont pas de purs esprits, ce serait nier la force de l'habitude.

Il est une religion naturelle, dont les dogmes et les préceptes n'ont point échappé aux sages de l'antiquité, et à laquelle on peut s'élever par les seuls efforts d'une raison cultivée. Mais une religion purement intellectuelle ou abstraite pourrait-elle jamais devenir nationale ou populaire? Une religion sans culte public ne s'affaiblirait-elle pas bientôt? ne rammenerait-elle pas infailliblement la multitude à l'idolatrie! S'il faut juger du culte par la doctrine, ne faut il pas conserver la doctrine par le culte ? Une religion qui ne parlerait point aux yeux et à l'imagination, pourrait-elle conserver l'empire des âmes? Si rien ne réunissait ceux qui professant la même croyance, n'y aurait-il pas en peu d'années autant de systêmes religieux qu'il y a d'individus! les vérités utiles n'ont-elles pas besoin d'être consacrées par de salutaires institutions?

Les hommes, en s'éclairant, deviennent-ils des anges? peuvent ils donc espérer qu'en communiquant leurs lumieres, ils éléveront leurs semblables au rang sublime des pures intelligences? Les savans et les philosophes de tous les siecles ont constam

« PreviousContinue »