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lois n'avouent pas, l'état de leurs enfans et la solidité de leurs propres contrats. Il est nécessaire d'arrêter ce désordre, et d'éclairer les citoyens sur un objet duquel dépend la tranquillité des familles,

En général c'est à la société à régler les mariages: nous en attestons l'usage de tous les gouvernemens, de tous les peuples, de toutes les nations.

Le droit de régler les mariages est même, pour la société, d'une nécessité absolue et indispensable. C'est un droit essentiel et inhérent à tout gouvernement bien ordonné, qui ne peut abandonner aux passions et à la licence, les conditions d'un contrat le plus nécessaire de tous les contrats, et qui est la base et le fondement du genre humain.

Nous savons que le mariage n'est pas étranger à la religion, qui le dirige par sa morale, et qui le bénit par un sacrément.

Mais les lumieres que nous recevons de la morale chrétienne, ne sont certainement pas un principe de jurisdiction pour l'église; si non, il faudrait dire que l'église a droit de tout gouverner puisqu'elle a une morale universelle qui s'étend à tout et qui ne laisse rien d'indifférent dans les actes humains. Ce serait renouveler les anciennes erreurs, qui, sur le fondement que toutes les actions avaient du rapport avec la conscience, faisaient de cette relation un principe d'attraction universelle pour tout transporter à l'église. Le rapport du mariage au sacrément n'est pas non plus une cause suffisante pour rendre l'église maîtresse des mariages.

Aujourd'hui même on reconnaît des mariages légitimes qui ne sont pas sanctifiés par le sacrément; tels sont les mariages des infideles, et de tous ceux qui ont une foi contraire à la foi catholique; tels étaient les mariages présumés, qui étaient si communs avant l'ordonnance de Blois. L'usage de l'église est même de ne pas remarier les infideles qui se convertissent.

Le mariage est un contrat qui, comme tous les autres, est dụ ressort de la puissance séculaire, à laquelle seule il appartient de régler les contrats.

Les principes que j'invoque, furent attestés par le Chancelier de Pontchartrain, dans une lettre écrite, le 13 Septembre 1712, au premier président du parlement de Besançon. Dans cette lettre, le Chancelier Ponchartrain, après avoir distingué le mariage d'avec le sacrément de mariage, établit que le mariage en soi est uniquement du ressort de la puissance civile; que le sacrément ne peut-être appliqué qu'à un mariage contracté selon les lois; que la bénédiction nuptiale, appliquée à un mariage qui n'existerait point encore, serait un accident sans sujet, et qu'un tel abus des choses religieuses serait intolérable.

Il est donc évident qu'il doit être défendu aux ministres du culte d'administrer le sacrément du mariage, toutes les fois qu'on ne leur justifiera pas d'un mariage civilement contracté.

Après avoir déterminé les rapports essentiels qui existent entre le gouvernement de l'état et l'exercice du culte, les articles orga

niques entrent dans quelques détails sur la discipline ecclésiastique considerée en elle-même, et daus ses rapports avec la religion.

La majestueuse simplicité des premiers âges avait été altérée par une multitude d'institutions arbitraires. Le véritable gouvernement de l'église était devenu méconnaissable au milieu de toutes ces institutions. Depuis long-tems on s'était proposé de reformer l'église dans le chef et dans les membres. Mais ces reformes salutaires rencontraient sans cesse de nouveaux obstacles; la voix des prélats vertueux et éclairés était étouffée, et le mal continuait sous les apparences et le prétexte du bien.

Les circonstances actuelles sollicitent et favorisent le retour aux antiques maximes de la hiérarchie chrétienne.

Tel est l'ordre fondamental de cette hiérarchie; tous ceux qui professent la religion catholique sont sous la conduite des évêques, qui les gouvernent dans les choses purement spirituelles, avec le secours des prêtres et des autres clercs.

Les évêques sont tous égaux entre eux, quant à ce qui est l'essence du sacerdoce; il n'y en a qu'un qui soit regardé comme établi de droit divin au-dessus des autres, pour conserver l'unité de l'église, et lui donner un chef visible, successeur de celui que le fondateur même du christianisme plaça le premier entre ses apôtres.

Toutes les autres distinctions sont réputées de droit humain et police ecclésiastique (Fleury, Institut. au droit eccles. Part I. chap. 14.) Aussi ne sont-elles pas uniformes; elles varient selon les tems et les lieux.

Dans les premieres années de l'établissement du christianisme, les apôtres et leurs disciples résiderent d'abord dans les grandes villes. Ils envoyerent des évêques et des prêtres pour gouverner les églises situées dans les villes les moins considérables. Ces églises regarderent comme leurs meres, les églises des grandes villes, que l'on appelait déjà métropoles dans le gouvernement politique.

Lorsqu'une religion naît et se forme dans un état, elle suit ordinairement le plan du gouvernement où elle s'établit : car les hommes qui la reçoivent et ceux qui la font recevoir, n'ont guere d'autres idées de police que celles de l'état dans lequel ils vivent.

En conséquence, à l'imitation de ce qui se passait dans le gou vernement politique, les évêques des grandes villes, tels que ceux d'Alexandrie, Antioche et autres, obtinrent de grandes distinc tions; et il faut convenir que ces distinctions furent utiles à la discipline. On reconnut des églises métropolitaines. Les pasteurs qui étaient à la tête de ces églises furent appelés archevêques. Dans la suite, on donna à quelques-uns d'entre eux, les noms de patriarche, exarque ou primat. Quelquefois un grand pouvoir était attaché à ces titres; quelquefois ces titres étaient donnés sans nouvelle attribution de pouvoir.

Les noms de patriarche, exarque, et autres semblables, furent sur-tout en usage chez les Grecs. En occident, le titre d'archévêque fut uniformément donné à tous les métropolitains; et si les diverses révolutious arrivées dans les états qui se formerent

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des débris de l'empire romain, donnerent lieu à l'établissement de plusieurs primats, ce titre ne fut qu'honorifique pour tous ceux qui porterent, à l'exception du primat archevêque de Lyon, dont la supériorité était reconnue par l'archevêque de Tours, par l'archevêque de Sens, et par celui de Paris, autrefois suffragant de Sens (Fleury, xvi. ch. 14).

L'ancienneté des métropoles et leur évidente utilité pour le maintien de la discipline, doivent en garantir la conservation. Mais le judicieux Abbé Fleury, a remarqué qu'elles avaient été trop multipliées, et qu'on ne les avaient souvent érigées que pour honorer certaines villes. Il observe qu'elles étaient plus rares dans les premiers siécles, et que leur trop grand nombre est un abus préjudiciable au bien de l'église (Fleury, Dis. IV. No. 4).

Dans les premiers tems, il y avait un évêque dans chaque ville: dans la suite, plusieurs villes ont été sous la direction du même évèque.

L'étendue plus ou moins grande des dioceses a suivi les changemens et les circonstances qui influaient plus ou moins sur leur circonscription. On trouve des dioceses immenses en Allemagne et en Pologne. Ils sont plus réduits en Italie. En France, on les réunissait ou on les démembrait, selon que des motifs d'utilité publique paraissaient l'exiger. Aujourd'hui les changemens survenus dans les circonstances politiques et civiles rendent indispensable une nouvelle circonscription des métropoles et des dioceses dans l'ordre ecclésiastique: car la police extérieure de l'église a toujours plus ou moins de rapport avec celle de l'empire. Pour conserver l'unité, il ne faut qu'un évêque dans chaque diocese.

Les fonctions essentiellement attachées à l'épiscopat sont connues: les évêques ont exclusivement l'administration des sacrémens de l'ordre et de la confirmation; ils ont la direction et la surveillance de l'instruction chrétienne, des prieres, et de tout ce qui concerne l'administration des choses spirituelles; ils doivent prévenir les abus et écarter toutes les superstitions (Fleury, Instit. au droit eccles. Part. I. ch. 12).

Dans les articles organiques, on rappelle aux évêques l'obligation qui leur a été imposée, dans tous les tems, de résider dans leur diocese, et celle de visiter annuellement au moins une partie des églises confiées à leur soin. Cette résidence continue est la vraie garantie de l'accomplissement de tous leurs devoirs.

Les prêtres et les autres clercs doivent reconnaître les évêques pour supérieurs; car les évêques sont comptables à l'église et à l'état, de la conduite de tous ceux qui administrent les choses ecclésiastiques sous leur surveillance.

La division de chaque diocese en différentes paroisses a été menagée pour la commodité des chrétiens, et pour assurer par-tout la distribution des bienfaits de la religion, dans un ordre capable d'écarter tout arbitraire et de ne rien laisser d'incertain dans la police de l'église.

La loi de la résidence est obligatoire pour les prêtres qui ont une destination déterminée comme pour les évêques.

Un des plus grands abus dans la discipline de nos tems modernes, prenait sa source dans les obligationis vagues et sans litre, qui multipliaient les prêtres sans fonction, dont l'existence était une surcharge pour l'état, et souvent un sujet de scandale pour l'église. Les évêques sont invités à faire cesser cet abus: ils seront tenus de faire connaître au gouvernement tous ceux qui se destinent à la cléricature; et ils ne pourront promouvoir aux ordres que des hommes qui puissent offrir par une propriété personnelle, un gage de la bonne éducation qu'ils ont reçue, et des liens qui les attachent à la patrie.

On laisse aux évêques la liberté d'établir des chapitres cathédraux, et de choisir des co-opérateurs connus sous le nom de vicaires généraux; mais ils n'oublieront pas que ces co-opérateurs naturels sont les prêtes attachés à la principale église du diocese pour l'administration de la parole et des sacrémens, et que la plus sage antiquité a toujours regardés conime le véritable sénat de l'évêque. Ils peuvent choisir encore, parmi les curés qui desservent les paroisses, un premier prêtre chargé de correspondre avec eux sur tout ce qui est relatif aux besoins et à la discipline des églises. Ce premier prêtre, quelquefois désigné sous le nom d'archiprêtre, quelquefois sous celui de doyen rural, ou sõus toute autre dénomination, a été connu dans le gouvernement de l'église, dès les tems les plus reculés.

Pour avoir de bons prêtres et de bons évêques, il est nécessaire que ceux qui se destinent aux fonctions ecclésiastiques, reçoivent l'instruction et contractent les habitudes convenables à leur état.

De là l'établissement des séminaires, autorisé et souvent ordonné par les lois (Ordonnance de Blois.) Les séminaires sont comme des maisons de probation où l'on examine la vocation des clercs, et où on les prépare à recevoir les ordres, ét a faire les fonctions qui y sont attachées. L'enseignement des sémi naires, comme celui de tous les autres établissemens d'instruction publique, est sous l'inspection du magistrat politique. Les ar ticles organiques rappellent les dispositions des ordonnances qui enjoignent à tous professeurs de séminaire, d'enseigner les maximes qui ont été l'objet de la déclaration du clergé de France en 1682, et qui ne peuvent être méconnues par aucun bon citoyen.

C'est aux archevêques ou métropolitains à veiller sur la disci pline des dioceses, à écouter les réclamations et les plaintes qui peuvent leur être portées contre les évêques; à pourvoir pendant la vacance des siéges, au gouvernement des dioceses, dans les lieux où il n'y a point de chapitres cathédraux, autorisés par le dernier état de la discipline; à pourvoir par des vicaires généraux au gouvernement des siéges vacans.

Toute distinction entre le clergé séculier et régulier est effacée. Les conciles généraux avaient depuis long-tems défendu d'établir de nouveaux ordres religieux, crainte que leur trop grande diversité

n'apportât de la confusion dans l'église; et ils avaient ordonné à toutes les personnes engagées dans les ordres ou congrégations déjà existantes, de rentrer dans leurs cloîtres et de s'abstenir de l'administration des curés, attendu que leur devoir était de s'occuper, dans le silence et dans la solitude, de leur propre perfection, et qu'ils n'avaient point reçu la mission de communiquer la perfection aux autres. Toutes ces prohibitions avaient été inutiles;' il a été remarqué que la plupart des ordres religieux n'ont été établis que depuis les défenses qui ont été faites d'en former. II est à remarquer encore que nonobstant les prohibitions des conciles, le clergé régulier continuait à gouverner des cures importantes. Ce qui est certain, c'est que la ferveur dans chaque ordre religieuse, n'a guere duré plus d'un siècle, et qu'il fallait sans cesse établir des maisons de réforme, qui bientôt elles-mêmes avaient besoin de réformation.

Toutes les institutions monastiques ont disparu: elles avaient été minées par le tems. Il n'est pas nécessaire à la religion qu'il existe des institutions pareilles; et quand elles existent, il est nécessaire qu'elles remplissent le but pieux de leur établissement. La politique d'accord avec la piété, a donc sagement fait de ne s'occuper que de la régéneration des clercs séculiers, c'est-à-dire,' de ceux qui sont vraiment préposés, par leur origine et par leur caractere, à l'exercice du culte.

La discipline ecclésiastique ne sera plus défigurée par des exemptions et des privileges funestes et injustes, ou par des établissemens arbitraires qui n'étaient point la religion.

Tous les pasteurs exerceront leurs fonctions conformément aux lois de l'état et aux canons de l'église. Ceux d'entre eux qui occupent le premier rang, n'oublieront pas que toute domination leur est interdite sur les consciences, et qu'ils doivent respecter, dans leurs inférieurs, la liberté chrétienne, si fort recommandée par la loi évangelique, et qui ne comporte, entre les différens ministres du culte, qu'une autorité modérée, et une obéissance raisonnable.

Sous un gouvernement qui protégé tous les cultes, il importe que tous les cultes se tolèrent reciproquement. Le devoir des ecclésiastiques est donc de s'abstenir, dans l'exercice de leur ministere, de toute déclamation indiscrete qui pourrait troubler le bon ordre. Le christianisme, ami de l'humanité, commande lui-même de ménager ceux qui ont une croyance différente, de souffrir tout ce que Dieu souffre, et de vivre en paix avec tous les hommes.

Quand on connait la nature de l'esprit humain et la force des opinions religieuses, on ne peut s'aveugler sur la grande influence que les ministres de la religion peuvent avoir dans la société. Cependant qui pourrait croire que, depuis dix ans, l'autorité publique a demeuré étrangere au choix de ces ministres ? elle semble avoir renoncé à tous les moyens de surveiller utilement leur conduite. Ignorait-on que le culte qui n'est pas exercé publiquement

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