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sous l'inspection de la police, un culte dont on ne connaît pas les ministres, et dont les ministres ne connaissent pas eux-mêmes les conditions sous lesquelles ils existent, un culte qui embrasse une multitude invisible d'hommes, souvent façonnés, dans le secret et dans le mystere, à tous les genres de superstition, peut à chaque instant devenir un foyer d'intrigues de machinations ténébreuses, et dégénérer en conspiration sourde contre l'état? La sagesse des nations n'a pas cru devoir abandonner ainsi au fanaticisme de quelques inspirés, ou à l'esprit dominateur de quelques intrigans, un des plus grands ressorts de la société humaine. En France, le gouvernement a toujours présidé d'une maniere plus ou moins directe à la conduite des affaires ecclésiastiques. Aucun particulier ne pouvait autrefois être promu à la cléricature, sans une permission expresse du souverain. C'est la raison d'état qui, dans ce moment, commendait plus que jamais les mesures qui ont été concertées pour placer, non l'état dans l'église, mais l'église dans l'état ; pour faire connaître, dans le gouvernement, le droit essentiel de nommer les ministres du culte, et de s'assurer ainsi de leur fidélité et de leur soumission aux lois de la patrie.

Après avoir réglé tout ce qui peut intéresser l'ordre public, on a pourvu, dans les articles organiques, à la subsistence de ceux qui se vouent au service de l'autel, à l'établissement et l'entretien des édifices destinés à l'exercice de la religion.

Il ne faut pas, sans doute, que la religion soit un impôt; mais il faut des temples où puissent se réunir ceux qui la professent. "Tous les peuples policés, dit un philosophe moderne, habitent "dans des maisons. De là est venue naturellement l'idée de bâ"tir à Dieu une maison où ils puissent l'adorer, et l'aller chercher "dans leurs craintes ou leurs espérances. En effet, rien n'est "plus consolant pour les homines, qu'un lieu où ils trouvent la "divinité plus présente, et où tous ensemble ils font parler leurs "faiblesses et leur miseres." (Esprit des Lois, liv. xxv, chap.3.)

D'autre part une religion ne pouvant subsister sans ministres, il est juste que ces ministres soient assurés des choses nécessaires à la vie, si l'on veut qu'ils puissent exercer toutes leurs fonctions, et en remplir les devoirs sans être distraits par le soin inquiet de leur conservation et de leur existence. (Ibid. chap. 4.)

En France, il y avait par-tout des temples consacrés au culte catholique. Ceux de ces temples qui sont aliénés, le sont irrévocablement. S'il en ait qui aient été consacrés à quelque usage pu blic, il ne faut point changer la nouvelle destination qu'ils ont reçue; mais ce sera un acte de bonne administraion de ne point aliéner ceux qui ne le sont point encore, et de leur conserver leur destination primitive. Dans les lieux où il n'y aurait point d'édifices disponibles, les préfets, les administrateurs locaux pourront se concerter avec les évêques pour trouver un édifice convenable.

Quant à la subsistence, et à l'entretien des ministres, il y était pourvu dans la primitive église par les oblations libres des chré

tiens. Dans la suite, les églises furent richement dotées, et alors on ue s'occupa qu'à mettre des bornes aux biens et aux possessions du clergé. Ces grands biens ont disparu; et les ministres de la religion se trouvent de nouveau réduits à solliciter de la piété, le nécessaire qui leur manque.

Dans les premiers âges de christianisme, le désintéressement des ministres ne pouvait être soupçonné, et la ferveur des chrétiens était grande. On ne pouvait craindre que les ministres exigeassent trop, ou que les chrétiens donnassent trop peu; on pouvait s'en rapporter avec confiance aux vertus de tous. L'affaiblis

sement de la piété et le relâchement de la discipline donnerent lieu à des taxations, autrefois inusitées, et changerent les rétributions volontaires en contributions forcées. De là les droits que les ecclési stiques ont perçus sous le titre d'honoraires, pour l'administration des sacrémens. Ces droits, dit l'abbé Fleury, qui ne se paient qu'à près l'exercice des fonctions, ne présentent rien qui ne soit légitime, pourvu que l'intention des ministres qui les reçoivent soit pure, et qu'ils ne les régardent pas comme un prix des sacrémens ou des fonctions spirituelles, mais comme un moyen de subvenir à leurs nécessités temporelles.

Les ministres du culte pourront trouver une ressource dans les droits dont nous parlons, et qui ont toujours été maintenus sous le nom de louables coutumes. Mais la fixation de ces droits est une opération purement civile et temporelle, puisqu'elle se résout en une levée de deniers sur les citoyens. Il n'appartient donc qu'au magistrat politique de faire une telle fixation. Les évêques et les prêtres ne pourraient s'en arroger la faculté. Le gouvernement seul doit demeurer arbitre entre le ministre qui reçoit et le particulier qui paye. Si les évêques statuaient autrefois sur ces matieres par forme de réglement, c'est qu'ils y avaient été autorisés par les lois de l'état, et nullement par la suite ou la conséquence d'un pouvoir inhérent à l'épiscopat. Cependant, comme ils peuvent éclairer sur ce point le magistrat politique, on a cru qu'ils pouvaient être invités à présenter les projets de réglement, en réservant au gouvernement la sanction et l'autorisation de ces projets.

Les fondations particulieres peuvent être une autre source de revenus pour les ministres du culte. Mais il est des précautions à prendre pour arrêter la vanité des fondateurs, pour prévenir les surprises qui pourraient leur être faites, et pour empêcher que les ecclésiastiques ne deviennent les héritiers de tous ceux qui n'en ont point ou qui ne veulent point en avoir. L'édit de 1749, intervenu sur les acquisitions des gens de main-morte, portait que toute fondation, quelque favorable qu'elle fût, ne pourrait être exécutée sans l'aveu du magistrat politique; il ne permettait d'appliquer aux fondations que des biens d'une certaine nature; il ne permettait pas que les familles fussent dépouillées de leurs immeubles, ou que l'on arrachât de la circulation des objets qui sont dans le commerce. Aujourd'hui était d'autant plus essentiel de se conformer aux

sages vues de cette loi, que la faculté de donner des immeubles joindrait à tant d'autres inconvéniens, celui de devenir un prétexte de solliciter et d'obtenir, sous les apparences d'une fondation libre, la restitution souvent forcée des biens qui ont appartenus aux ecclésiastiques, et dont l'aliénation a été ordonnée par les lois.

Cependant il a paru raisonnable de faire une exception à la défense de donner des immeubles, dans les cas où la libéralité n'aurait pour objet qu'un édifice destiné à ménager un logement convenable à l'évêque ou au curé. Le logement fait partie de la subsistence et du nécessaire absolu : il a toujours été rangé par les lois dans la classe des choses qu'elles ont indéfiniment designées sous le nom d'alimens. Au reste, le produit des fondations est trop éventuel pour garantir la subsistence actuelle des ministres ; celui des oblations est étranger aux évêques, et il serait insuffisant pour le curé. Il faut pourtant que les uns et les autres puissent vivre avec décence et sans compromettre la dignité de leur ministere; il faut même, jusqu'à un certain point que les ministres du culte puissent devenir des ministres de bienfaisance, et qu'ils aient quelques moyens de soulager la pauvreté et de consoler l'infortune.

D'après la nouvelle circonscription des métropoles, des dioceses, et des paroisses, on a pensé que l'on ne pouvait assigner aux archevêques ou métropolitains un revenu au-dessous de quinze mille francs, et aux évêques, au-dessous de dix-mille.

Les curés peuvent être distribués en deux classes. Le revenu des curts de la premiere classe sera fixé à quinze cents francs; celui de la seconde, á mille francs.

Les pensions décrétées par l'assemblée constituante en faveur des anciens ecclésiastiques, seront payées en acquittement du traitement déterminé. Le produit des oblations et des fondations présente une autre resource; en sorte qu'il ne s'agira jamais que de fournir le supplément nécessaire pour assurer la subsistence et l'entretien des ministres.

Les ecclésiastiques pensionnaires de l'état, ne doivent point avoir la liberté de refuser arbitrairement les fonctions qui pourront leur être confiées: ils seront privés de leurs pensions, si des causes légitimes, telles que leur grand âge ou leurs infirmités, ne justifient leur refus.

En déclarant nationaux les biens du clergé catholique, on avait compris qu'il était juste d'assurer la subsistence des ministres à qui ces biens avaient été originairement donnés: on ne fera donc qu'exécuter ce principe de justice, en assignant aux ministres catholiques des secours supplémentaires jusqu'à la concurrence de la somme réglée pour le traitement de ces ministres.

Telles sont les bases des articles organiques. Quelles espérances n'est-on pas en droit de concevoir pour le rétablissement des mœurs publiques! Les sciences ont banni pour toujours la superstition et le fanatisme, qui ont été si long-tems les fléaux des états. La sagesse ramene à l'esprit de la pure antiquité, des institutions qui sont, par leur nature, la source et la garantie de la morale,

Désormais les ministres de la religion seront dans l'heureuse impuissance de se distinguer autrement que par leurs vertus. Tous les bons esprits bénissent, dans cette occurrence, les vues et les opérations du gouvernement. Dans le seizieme siècle, le chef de la religion catholique fut le restaurateur des lettres en Enrope; dans le dix-neuvieme, un héros philosophe devient le restorateur de la religion.

Rapport du Citoyen Portalis sur les Articles Organiques des Cultes Protestans.

Une portion du peuple Français professe la religion protestante. Cette religion se divise en diverses branches; mais nous ne connaissons guere en France que les protestans connus sous le nom de réformés, et les luthériens de la confession d'Augsbourg.

Toutes les communions protestantes s'accordent sur certains principes. Elles n'admettent aucune hiérarchie entre les pasteurs; elles ne reconnaissent en eux aucun pouvoir émané d'en haut : elles n'ont point de chef visible. Elles enseignent que tous les droits et tous les pouvoirs sont dans la société des fideles, et en dérivant: Si elles ont une police, une discipline, cette police et cette discipline sont réputées n'être que des établissemens de couvention. Rien dans tout cela n'est réputé de droit divin.

Nous ne parlerons pas de la diversité de croyance sur certaines doctrines; l'examen du dogme est étranger à notre objet.

Nous observerons seulement que les diverses communions protestantes ne se régissent pas de la même maniere dans leur gouvernement extérieur.

Le gouvernement des églises de la confession d'Augsbourg est plas gradué que celui des églises réformées; il a des formes plus sévères. Les églises reformées, par leur régime, sont plus constamment isolées; elles ne se sont donné aucun centre commun auquel elles puissent se rallier, dans l'intervalle plus ou moins long d'une assemblée synodale à une autre.

Ces différences dans le gouvernement des églises réformées, et dans celui des églises de la confession d'Augsbourg, ont leur source dans les circonstances diverses qui ont présidé à l'établissement de ces églises. Les pasteurs des diverses communions protestantes nous ont adressé toutes les instructions nécessaires. Je dois à tous le témoignage qu'ils se sont empressés de faire parvenir leurs déclarations de soumission et de fidélité aux lois de la république et au gouvernement. Ils professent unanimément que l'église est dans l'état, et que l'on est citoyen avant d'être ecclésiastique, et qu'en devenant ecclésiastique, on ne cesse pas d'être citoyen. Ils se félicitent de professer une religion qui recommande partout l'amour de la patrie et l'obéissance à la puissance publique. Ils bénissent à l'envi le gouvernement Français, de la protection éclatante qu'il accorde à tous les cultes qui ont leur fondement dans les grandes vérités que le christianisme a notifiés à l'univers. D'après les instructions reçues soit par écrit, soit dans des confé

rances, il était facile de fixer le régime convenable à chaque communion protestante. On ne pouvait confondre des églises qui ont leur discipline particuliere et séparée.

Delà les articles organiques ont distingué les églises de la confession d'Augsbourg d'avec les églises réformées, pour conserver à toutes leur police et la forme de leur gouvernement.

D'abord on s'est occupé de la circonscription de chaque église ou paroisse; on a donné un consistoire local à chaque église, pour représenter la société des fideles, en qui, d'après la doctrine protestante, résident tous les pouvoirs. On a fixé le nombre des membres qui doivent composer ce consistoire; on a déterminé leur qualité et la maniere de les élire. Les églises réformées sont maintenues dans la faculté d'avoir des assemblées synodales; et les églises de la confession d'Augsbourg auront, outre les consistoires locaux et particuliers à chaque église des inspections et des consistoires généraux.

Les articles organiques s'occupent ensuite du traitement des pasteurs ils maintiennent en leur faveur les oblations qui sont consacrées par l'usage, ou qui pourront l'être par des réglemens; ils pourvoient à l'établissement des académies ou séminaires destinés à l'instruction de ceux qui se vouent au ministere ecclésiastique. Rien n'a été négligé pour faire participer les protestans au grand bienfait de la liberté des cultes. Cette liberté, jusqu'ici trop illusoire se réalise aujourd'hui. Qu'il est heureux de voir ainsi les institutions religieuses placées sous la protection des lois, et les lois sous la sauve-garde, sous la salutaire influence des institutions religieuses.

PROJET DE LOI.

La convention passée à Paris, le 26 Messidor, an 9, entre le Pape et le gouvernement Français, dont les ratifications ont été échangées à Paris, le 23 Fructidor an 9, (10 Septembre 1801), ensemble les articles organiques de ladite convention les articles organiques des cultes protestans, dont la teneur suit, seront promulgués et exécutés comme des lois de la république.

› Convention entre le Gouvernement Français et Sa Sainteté Pie VII. échangée le 23 Fructidor, An 9. (10 Septembre, 1801).

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LE PREMIER CONSUL de la république Française, et Sa Sainteté le Souverain Pontife Pie VII, ont nommé pour leurs plénipotentiaires respectifs :

Le premier consul, les citoyens Joseph Bonaparte, conseiller d'état; Cretet, conseiller d'état, et Bernier, docteur en théologie, curé de Saint-Laud d'Angers, munis de pleins pouvoirs;

Sa Sainteté, son Eminence Monseigneur Hercule Consalvi, cardinal de la sainte église romaine, diacre de Sainte-Agathe ad Suburram, son secrétaire d'état; Joseph Spina, archevêque de Corinthe, prélat domestique de Sa Sainteté, assistant du trône

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