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argumens trop étendus et dans leurs développemens et dans leurs conséquences.

Un culte public qui occupera et attachera les individus sans les asservir; qui réunira ceux qui aimeront à le suivre, sans contraindre ceux qui n'en voudront pas.

Un culte soumis à tous les réglemens que les lieux et les circonstances pourront exiger.

Rien d'exclusif. Le chrétien protestant aussi libre, aussi protégé dans l'exercice de sa croyance que chrétien catholique.

Le nom de la République et de ses premiers magistrats, prennent dans les temples et dans les prieres publiques, la place qui lui appartient, et dont le vide entretenait des prétentions et des vaines espérances.

Les ministres de tous les cultes soumis particulierement à l'influence du gouvernement qui les choisit ou les approuve, auquel ils se tient par les promesses les plus solennelles, et qui les tient dans sa dépendance par leurs salaires.

Ils renoncent à cette antique et riche dotation que les siecles avaient accumulée en leur faveur. Ils reconnaissent qu'elle a pu être alienee, et consolident ainsi jusques dans l'intérieur des consciences les plus scrupulenses, la propriété et la sécurité de plusieurs milliers de familles.

Plus de prétexte aux inquiétudes des acquéreurs des domaines nationaux, plus de crainte que la richesse ne distrait ou corrompe les ministres du culte; tout puissans pour le bien qu'on attend d'eux, ils sont constitués dans l'impuissance du mal.

On n'a point encore oublié les exemples touchans et sublimes que donnerent souvent les chefs de l'église Gallicane. Fénélon remplissant son palais des victimes de la guerre, sans distinction de nation et de croyance; Belzunce prodiguant ses sollicitudes et sa vie au milieu des pestiferes; un autre se précipitant au travers d'un incendie, plaçaut, au profit d'un enfant qu'il arracha aux flammes, la somme qu'il avait offerte en vain à des hommes moins courageux que lui.

Ils marcherout sur ces traces honorables, ces pasteurs éprouvés à l'adversité, qui, ayant déjà fait à leur foi le sacrifice de leur fortune, viennent de faire à la paix de l'église celui de leur existence. Ils y marcheront également ceux qui ont aussi obéi aux invitations du souverain pontife dont ils n'entendirent jamais se séparer, et qui, réconnaissant sa voix, lui ont abandonné les siéges qu'ils occupaient pour obéir à la loi de l'Etat. Tous réconciliés et réubis, ils n'attendent que d'être appelés pour justifier et faire bénir la grande mesure qui va être prise.

L'humanité sans doute peut, seule, inspirer de belles actions; mais on ne niera pas que la religion n'y ajoute un graud caractere. La dignité du ministre répand sur ses soins quelque chose de sacré et de céleste; elle le fait apparaître comme un ange au milieu des malheureux. L'humanité n'a que des secours bornés et trop souvent insuffisans; là où elle ne peut plus rien; la religion devient toute-puissante; elle donne des espérances et des pro

messes qui adoucissent la mort; elle fut toujours chez tous les peuples le refuge commun des malheureux contre le désespoir. Ne fut-ce qu'à ce titre, il aurait fallu la rétablir comme un port secourable après tant de tempêtes.

Et les pasteurs d'un autre ordre, je parle, des ministres protestant comme des curés catholiques, qui n'a pas de témoins de leurs services multipliés et journaliers? Qui ne les a pas vus instruisant l'enfance, conseillant l'âge viril, consolant la caducité, étouffant les dissentions, ramenant les esprits? Qui n'a pas été témoin des égards et du respect que leur conciliait l'utilité de leur état: égards que leur rendaient ceux mêmes qui, ne croyant pas à la religion, ne pouvaient s'empêcher de reconnaitre dans leurs discours et leurs actions la bienfaisante influence? Ces bienfaits de tous les jours et de tous les momens, ils étaient perdus, et ils vont être rendus à nos villes et à nos campagnes qui en étaient altérées.

A côté de ces éloges, on pourrait, j'en conviens, placer de reproches, et opposer aux avantages dont je parle, des inconvéniens et des abus; car il n'est aucune institution qui n'en soit mêlée; mais où la somme des biens excède celle des maux, où des précautions sages peuvent restreindre celle-ci et augmenter celle-là, on ne saurait balancer.

Les abus reprochés au clergé ont été, depuis dix ans, développés sans mesure; on a fait l'expérience de son anéantissement. Les vingt-neuf trentiemes des Français réclament contre cette expérience; leurs vœux, leurs affections appellent le clergé ; ils le déclarent plus utile que dangereux; il leur est nécessaire. Ce cri, presqu'unanime, réfute toutes des théories.

D'ailleurs, le rétablissement tel qu'il est, satisfaisant pour ceux qui le réclament, ne gênera en rien la conduite de ceux qui n'en éprouvent pas le besoin. La religion ne contraint personne; elle ne demande plus pour elle que la tolérance dont jouit l'incrédulité.

Que ceux qui se croient forts et heureux avec Spinosa et Hobbes, jouissent de leur force et de leur bonheur; mais qu'ils laissent à ceux qui le professent, le culte des Paschal, des Fénélon, ou celui de Claude et des Saurins: qu'ils n'exigent pas que le Gouvernement vive dans l'indifférence des religions, lorsque cette indifference aliénerait de lui un grand nombre de citoyens, lorsqu'elle effraierait les nations, qui toutes mettent la religion au premier rang des affaires d'Etat.

C'est principalement sous ce point de vue, citoyens tribuns, que la commission que vous avez nommée a pensé que la concordat mérite votre pleine et entiere approbation.

Il me reste à vous entretenir des articles organiques qui accompagnent et completent le concordat.

Je ne fatiguerai pas votre attention par l'examen minutieux de chaque détail: ils sortent tous comme autant de corollaires des principes qui ont dù déterminer le concordat, et que j'ai tâché de vous développer. Je ne vous ferai remarquer que les dispositions

principales: vous y appercevrez, je crois, de nouveaux motifs d'adopter le projet de loi qui est soumis à votre examen.

Quoique les entreprises de la cour de Rome, grâces aux progrès des lumieres et à sa propre sagesse, puissent être reléguées parmi les vieux faits historiques, dont on doit peu craindre le retour, la France s'en était trop bien défendue; elle avait trop bien établi même sous le pieux Louis IX, l'indépendance de son gouvernement et les libertés de son église, pour que l'on pût négliger les barrieres déjà existantes.

Comme, auparavant, une bulle, bref, rescrit, ou quelqu'expédition que ce soit venant de Rome, ne pourra être reçue, imprimée, publiée ou exécutée sans l'autorisation du gouvernement.

Le gouvernement examinera, avant qu'on puisse les publier, les décrets des synodes étrangers et même des conciles généraux. Il vérifiera et repoussera tout ce qu'ils auraient de contraire aux lois de la République, à ses franchises et à la tranquillité publique.

Point de concile national ni aucune assemblée ecclésiastique sans sa permission expresse.

L'appel comme d'abus est rétabli contre l'usurpation et l'excès, du pouvoir, les contraventions aux lois et réglemens de la République, l'infraction des canons reçus en France, l'attentat aux libertés et franchises de l'église Gallicane, contre toute entreprise ou procédé qui compromettrait l'honneur des citoyens, troublerait arbitrairement leur conscience, tournerait contr'eux oppresion, ou en injure.

en

Ainsi toutes les précautions sont prises et pour le dedans et pour le dehors.

Les archevêques et les évêques seront des hommes mûrs et déjà éprouvés. Ils ne pourront être nommés avant l'âge de

trente ans.

Ils devront être originaires Français.

Ils seront examinés sur leur doctrine par un évêque et deux prètres nommés par le premier consul.

Ils feront serment, non-seulement d'obéissance et de fidélité au gouvernement établi par la constitution de la République, mais de ne concourir directement ni indirectement à rien de ce qui serait contraire à la tranquillite publique et d'avertir de ce qu'ils découvriraient ou apprendraient de préjudiciable à l'Etat. Les curés, leurs co-opérateurs prêteront le même serment. Ils devront être agréés par le premier consul.

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L'organisation des séminaires lui sera soumise.

Les professeurs devront signer la déclaration de 1682, et enseigner la doctrine qui y est contenue.

Le nombre des étudians et des aspirans à l'Etat ecclésiastique sera annuellement communiqué au gouvernement, et pour que cette milice utile ne se multiplie cependant pas outre-mesure, les ordinations ne pourront être faites sans que le gouvernement n'en connaisse l'étendue et ne l'ait approuvée.

La différence des lithurgies et des catéchismes avait eu des

inconvéniens qui pourraient se reproduire; elle semblait rompre l'unité de doctrine et de cutte. Il n'y aura plus pour toute la France catholique qu'une seule lithurgie et un même catéchisme. On reprochait au culte Romain la multiplicité de ses fêtes: plus de fêtes sans la permission du gouvernement, à l'exception du dimanche, qui est la fête universelle de tous les chrétiens.

La pompe des cérémonies sera retenue plus ou moins dans les temples, selon que le gouvernement jugera que les localités permettent une plus grande publicité, ou qu'il faut respecter l'indépendance et la liberté des cultes différens.

Des places distinguées seront assignées dans les temples aux autorités civiles et militaires: à la tête des citoyens, durant les solennités religieuses, comme dans les fêtes civiles, leur présence protégera le culte, et contiendra an besoin les indiscrétions du zele.

Trop long-tems on avait confondu le mariage, que le seul consentement des époux constitue, avec la bénédiction qui le consacre; désormais les ecclésiastiques, ministres tout spirituels, étrangers à l'union naturelle et civile, ne pourront répandre leurs prieres et les bénédictions du ciel, que sur les mariages contractés devant l'officier qui doit en être, au nom de la societé, le témoin et le rédacteur.

Le progrès des sciences physiques nous a donné un calendrier d'équinoxe et décimal; beaucoup d'hommes resteront au calendrier des solstices par habitude, c'eut été un léger inconvénient, si cette habitude ne s'était fortifiée de la répugnance pour des institutions nouvelles plus importantes: si elle n'avait forme dans l'état comme deux peuples, qui n'avaient plus la même langue pour s'entendre sur les divisions de l'année; l'exemple des ecclésiastiques entretenait cette bigarrure: ils suivrout le calendrier de la République, ils pourront seulement désigner les jours, par les noms qui leur sont donnés, depuis un tems immémorial, chez toutes les nations.

Il importait peu à la liberté que le jour du repos fut le dixieme ou le septieme. Mais il importait aux individus que le retour de ce jour fait plus rapproché. Il importait aux protestans comme aux catholiques, c'est-à-dire, à presque tous les Français, qui célébrerent le dimanche, de n'en être pas détournés par les travaux dont ceux qui étaient fonctionnaires publics n'avaient pas la faculté de s'abstenir même dans ce jour; il im portait à l'état, qui doit craindre la multiplicité des fêtes, que l'oisiveté et la débauche ne saisissent de toutes et ne déshonorassent tour-à-tour le décadi et le dimanche.

Le dimanche amenera donc le repos général. Ainsi tout se concilie, tout se rapproche; et jusque dans des détails qu'on aurait d'abord cru minutieux, on découvre une profonde sagesse et un ensemble parfait.

Chacun vit de son travail ou de ses fonctions; c'est le droit de tous les hommes: les prêtres ne sauraient en être exclus. De pieuses prodigalités avaient comblé de richesses le clergé de

France, et lui avaient crée une immense patrimoine. L'assemblée constituante l'appliqua aux besoins de l'état, mais sous la promesse de salarier les fonctions ecclésiastiques. Cette obligation trop négligée sera remplie avec justice, économie et intelli

gence.

Les pensions des ecclésiastiques, établies par l'assemblée constituante, s'élevent à environ 10 millions. On emploiera de préférence les ecclésiastiques pensionnés; on imputera leurs pensions à leurs traitemens, et en y ajoutant 2,600,000 francs, tout le culte sera soldé. Il n'en coûte pas au trésor public la quinzieme partie de ce que la nation a gagné à la réunion des biens du clergé.

L'ancien traitement des curés à portion congrue, qui étaient les plus nombreux, est amélioré.

Distribués en deux classes, ils recevront les appointemens de la premiere ou de la seconde, selon l'importance de leurs paroisses. Plus de cette scandaleuse différence entre le curé simple congru et le curé gros décimateur. Aucuu ecclésiastique ne viendra dimer sur le champ qu'il n'a pas cultivé et disputer au propriétaire une partie de sa récolte. Cette institution, à laquelle les députés du clergé renoncerent dans la célebre nuit du 4 Août, ne reparaîtra plus: c'est de l'etat seul que les ecclésiastiques, comme les autres fonctionnaires publics, recevront un honorable salaire. Quelques oblations légeres et proportionnées seront seulement établies ou permises, à raison de l'établissement des

sacrémens.

La richesse des évêques est notablement diminuée. Ce n'est pas du faste que l'on attend d'eux, c'est l'exemple, et ils promettent de la modération et des vertus.

Si des hommes pieux veulent établir des fondations, et redoter le clergé, le gouvernement auquel ces fondations seront soumises, en modérera l'excès. D'avance il est pourvu à ce que des bienfonds ne soient pas soustraits à la circulation des ventes, et ne tombent pas en main-morte. Les fondations ne pourront être qu'en rentes continuées sur l'état. Ingénieuse conception qui achève d'attachér les ecclésiastiques à la fortune de la République: qui les intéresse au maintien de son crédit et de sa pros périté!

Tels sont, citoyens tribuns, les traits principaux qui nous ont paru recommander les articles organiques du concordat à votre adoption et à la sanction du Corps-législatif. Le résultat en est l'accord heureurs, et ce semble, imperturbable de l'empire et du sacerdoce. L'nglise placée et protégée dans l'état pour l'utilité publique et pour la consolation individuelle, mais sans danger pour l'état et sa constitution. Les ecclésiastiques incorporés avec les citoyens et les fonctionnaires publics, soumis comme eux au gouvernement, sans aucun privilége, pourront; sans doute, enseigner leurs dogmes, parler avec la franchise de leur ministere au nom du ciel, mais sans troubler la terre.

C'est avec un bien vif sentiment de plaisir que l'on voit ce bel

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