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breuvage de mort, il dit à ses amis en pleurs: " consolezvous; il existe la-haut un Dieu qui punit et qui récompense."

Oui, la force toute-puissante de la religion est prouvée par l'expérience de tous les siecles, et sentie par le cœur de tous les hommies.

Loin de nous ces doctrines désolantes qui livrent la societé au hasard, et le creur humain à ses passions! malheur à cette fausse métaphysique, à cette métaphysique meurtriere qui flétrit tout ce qu'elle touche! Elle se vante de tout analyser en morale ; elle ne fait que tout dissoudre; elle parvient à dénaturer le sentiment même de l'honneur, et tous les élémens des passions géné renses. Ecoutez-la: l'amour de la patrie n'est que de l'ambition! l'héroïsme n'est que du bonheur! misérables sophistes! c'est en vain que vous accumulerez les argumens: l'influence mystérieuse de la religion est incompréhensible pour les cœurs desséchés; sa puissance morale, comme celle du genie, se sent, se conçoit, et l'on n'argumente pas sur son existence.

La nécessité de la religiou une fois admise, on ne proscrira pas sans doute son langage nécessaire; le culte est à la religion ce que les signes sont aux pensées. La société religieuse ne peut point différer de la société civile, et il faut que toutes les deux établissent entre leurs membres des rapports extérieurs et donnent à leurs lois des formes sensibles. Il n'est de peuple auquel une religion abstraite puisse convenir, les signes, les cérémonies, merveilleux sont l'indispensable aliment de l'imagination et du cœur; le législateur religieux ne peut point maîtriser les âmes et les volontés, s'il n'inspire cette respectueuse et profonde adoration qui nait des choses mystérieuses. Ce fait incontestable dépose en faveur des cultes et des lois, fussent-ils tous des erreurs, ces erreurs deviennent sacrées, puisqu'elles sont nécessaires au bonhear des hommes; et l'incrédulité qui calcule avec froideur, qui décompose avec ironie, fút-elle la verité même, elle n'en serait pas moins la plus fatale ennemie des individus, des familles des peuples et des gouvernemens.

Les cultes sont utiles, nécessaires dans un état. Le gouvernement doit donc les organiser: ce serait donc être ennemi du peuple Français que de négliger plus long-temps ce grand moyen d'ordre et d'utilité publique. Ici la politique révolutionnaire se présente dans son assurance dédaigneuse; si les cultes existent, elle veut que le gouvernement leur soit étranger: l'indifference pour toutes les religions, dit cette politique, est le meilleur moyen de les contenir toutes.

Maxime dangereuse, prudence imaginaire! cette théorie proclamée avec tant de faste ne nous a fait que des maux; tous ceux qui l'ont professée pendant nos troubles civils, se sont vus reduits' à s'en écarter, parce qu'elle est fausse et que son application est impossible parmi nous. On commence par être indifférent; et l'indifférence produit bientôt l'inquiétude, et pour calmer l'inquié tude on a recours à la persecution.

On dira que la Hollande et l'Amérique suivent ce système pour

les cultes de leurs diverses provinces; mais ces cultes, établis en même temps, avec les mêmes prérogatives, trouvent un remede à leur danger dans leur nombre même, et dans les mœurs des peuples qui les professent.

Parmi nous au contraire, si le christianisme n'existe pas seul, il existe au moins sans contre-poids; l'autorité civile doit lui en servir parmi nous: quarante mille réunions qui se correspondent, reconnaissent une hiérarchie positive. Pouvons-nous dédaigner leur force, ou croire à leur faiblesse, quand tant de consciences sont dirigées par un même esprit ?

Si nous les négligions, nous nous préparerions de nouveaux orages dans les temps à venir; car là où une puissance morale, unique, existe indépendamment de l'état, l'état porte dans son sein le germe des discordes. La moindre secousse qui ébranle les extremités, peut menacer ses fondemens. Là, le pouvoir du gouvernement n'est point affermi: car, dans un Etat libre, qu'estce que le pouvoir.

Ce n'est pas sans doute la violence de ces minorités, savantes daus l'art de se former de se réunir et de prodiguer les trésors de l'Etat, pour resister pendant quelques mois à l'opinion qui les repousse. Ces minorités ressemblent au puissant dont parle l'écriture: J'ai passé, ils n'étaient plus. Dans un Etat libre, le pouvoir ne peut être formé que par l'opinion nationale, et sur-tout par celle de l'immense population des campagnes : oui, c'est dans les campagnes que la religion exerce sa plus grande influence, et il fallait donc, au moins par politique, s'emparer de ce grand ressort et l'utiliser.

Cette politique a guidé constamment ceux dont l'histoire vante la sagesse rappelons-nous l'histoire des grands hommes, des conquérans qui firent ou renouvellerent les empires; ces puissans génies, orgueil de la race humaine, n'ont point négligé la force de la religion. Ils ont su l'employer avec profondeur, et loin de rester indifférens à son action toute puissante, ils se sont identifiés avec elle.-Invoquerons nous le souvenir colossal de cette Rome, qui mêla toujours à ses projets de conquêtes les véritables idées de l'ordre public? Rome donnait le droit de cité dans le capitole à tous les dieux des peuples conquis.-Invoquerons-nous l'autorité de Numa, de Lycurge et de Solon? Mais ne consultons que les propres oracles du siecle, interrogeons Rousseau, et ce Montesquieu le plus sage des publicistes; leur voix annonce que la religion doit être au premier rang des affaires de l'état; écoutons l'orateur de la révolution, écoutons Mirabeau lui-même, à l'époque ou l'anarchie et l'impiété voulaient s'autoriser de son nom. Cette homme prodigieux, à qui le trouble des passions et des intrigues ne pouvait dérober les grandes vérités politiques, laissa échapper ces paroles mémorables: Avouons à la face de toutes "les nations et de tous les siecles, que Dieu est aussi nécessaire "que la liberté au Peuple Français, et plantons le signe auguste "de la croix sur la cime de tous les départemens. Qu'on ne nous impute point le crime d'avoir voulu tarir la derniere res

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*source de l'ordre public, et éteindre le dernier espoir de la "vertu malheureuse."

Nous avons aussi devant nous l'exemple d'un peuple voisin. L'Angleterre, qui parut toujours si jalouse de sa liberté, n'en est pas moins religieuse: loin d'être indépendant de l'Etat, le clergé Anglican, soutenu par lui, le soutient à son tour. Puisse seulement cette nation imiter notre exemple, et traiter les systèmes religieux avec une égale faveur?

Mais qui sont-ils donc ceux qui récusent et l'exemple des grands peuples, et l'autorité des grands hommes et le témoig nage des grands écrivains? qui sont-ils ? Connus seulement par les maux qu'ils ont faits, fameux par erreurs dont les suites ont boulversé la patrie, leurs démarches ont attiré la guerre civile, leur ignorance a prolongé nos troubles, leurs folles théories ont trainé la France sur le bord du précipice; et lorsque cette expérience accablante pese sur eux, au lieu d'invoquer l'oubli, cette puissance protectrice, ils déclament contre un gouvernement auquel ils ont laissé tout à réparer: ces hommes disent aujourd'hui, que nous devons laisser les cultes sans organisation....... Ils disaient hier que les prêtres refractaires exerçaient une influence effrayante pour la République; ils allaient plus loin; ne présumant pas que le silence du gouvernement tenait à des vues plus profondes, la plainte amere s'exhalait de leur bouche: ils demandaient des palliatifs lorsqu'on préparait le grand remede; ils eussent voulu peut-être que l'on préférât la violence à la sagesse, et qu'au lieu d'organiser les cultes, on re-peuplât la Guyane de 20 mille prêtres; ces artisans de nos guerres civiles ne savent-ils pas encore que nous ne voulons plus, que personne ne veut plus ni de leurs sanglans essais, ni de leurs théories politiques?

C'est à des principes meilleurs et long-temps méconnus que le gouvernement a dû revenir : il a dû rétablir les bases essentielles de cette religion que nos aucêtres nous ont léguée. Et en matiere de croyance religieuse, l'autorité des ancêtres est une preuve admise dans tous les lieux et dans tous les âges. On dirait que plus une religion s'enfonce dans l'obscurité des temps, et plus elle semble s'approcher de celui qui doit exister au-delà des temps et qui précéda leur naissance.

Cette religion se mêle à toute l'histoire de cet Empire. Elle est écrite dans tous ses monumens: que dis-je ? Elle est vivante, dans ses ruines même! d'où elle semble élever une voix immortelle. Elle s'est affermie par les secousses, qui auraient dû l'ébranler, et peut-être par les exiles et les souffrances de ses ministres.

Il est vrai que ces persécutions qui semblent la rendre plus chere au peuple, l'ont rendu dangereuse à l'Etat. Quelques évêques proscrits, ont pu, du fond des pays étrangers où ils ont porté un esprit d'aigreur, exercer une influence séditieuse sur des consciences timides qu'ils ont autrefois dirigées..... C'est une raison de plus pour que le législateur dût s'emparer d'un ressort qui n'était pas impuissant.

D'ailleurs, le christianisme fût-il moins ancien, moins utile, il est la croyance du peuple, et à ce seul titre il vous serait cher sans doute. Vous savez que si la liberté, l'égalité, la proprieté, sont des droits sacrés, l'inviolabilité des consciences est le premier des droits. Vous savez que les nations ne peuvent pas supporter le mépris, et qu'on ne peut pas leur donner une plus grande marque de mépris que d'outrager les premiers objets de leur vénéra

tion.

Mais fût-il en votre pouvoir de créer un culte nouveau et meilleur; est-ce avec des lois qu'on établit des religions? Pouvezvous ordonner l'enthousiasme, et décréter la croyance? Toute puissance humaine vient échouer contre la persuasion du cœur, et même contre les préjugés de l'opinion.

Je suppose un moment qu'une religion nouvelle soit prête à sortir des autres ignores qui cachent ses mysteres; mais ne savezvous pas comment les sectes uaissantes s'établissent? Recueillez les leçons du passé. Voyez dans les Gaules latines le Christianisme luttant avec effort contre la barbarie; avant qu'il soit parvenu à la perfection, qui est l'essence de sa doctrine, avant que l'équilibre, entre les puissances ecclésiastique et civile ait été déterminé, que d'essais funestes! que de superstitions cruelles ! que d'erreurs expiées par le sang des peuples! quelles longues éclipses de la raison huinaine! Voyez dans l'Arabie ensanglantée, le Dieu de Mahomet prouvé par le glaive, et sa doctrine, bouleversant les états de l'Asie, devenue pour ainsi dire aussi mouvanle que les sables des déserts?

Et, sans parler de ces enfautemens laborieux d'une religion nouvelle, ne craindriez-vous pas ces retours terribles, et jusqu'au silence menaçant d'une religion persécutée? J'en atteste ces guerres impies qui ont tant de fois desolé nos ayeux, pour quelques légeres differences dans la maniere d'honorer la divinité!

Ah! récréons un culte acheté par tant de travaux et justifié par taut de bienfaits. Redoutons ces grandes et douloureuses épreuves qui ménacent également les lois et la morale: respectons ces bornes sacrées qu'on ne peut remuer impunément,

S'il est prouvé que le gouvernement devait retablir le christianisme, quelles devaient être les bases adoptées pour son organisation? Il a dù considérer l'état de la République: il a vu que le christianisme embrassait parmi nous la religion romaine et les sectes protestantes.

Cette vérité reconnue lui impose le devoir d'organiser publiquement le culte catholique et les cultes protestans: le projet de loi atteint ce but. Il est composé d'un concordat fait avec le chef de l'église romaine, et d'articles réglémentaires sur les diverses communions protestantes. Ce projet rétablit l'église catholique, apostolique et Romaine; mais en déclarant cette religion publique, il organise celle des autres sectes d'une maniere paralJele; parce qu'en fait de conscience la majorité même n'impose point la lui.

Que peut-on opposer à cette mesure vraiment sage et philoso phique? On peut renouveler contre elle la grande objection de quelques publicistes, qui reprochent à la religion Romaine d'avoir pour chef suprême un prince étranger. Peut-on citer l'exemple de l'Angleterre, qui, vers le milieu du 15e siecle, rompit toute liaison avec le saint-siege, et constitua une secte indépendante? Mais personne n'ignore quel motif honteux poussa Henri VIII à se déclarer chef de l'égise anglicane. D'ailleurs Henri VIII établit une religion nationale dominante, et le concordat évite ce grand écueil. Il les organise toutes, et les dirige toutes également. Certes, l'exemple de l'Angleterre, en ce sens, ne doit pas être cité cette innovation religieuse n'a pas été sans conséquence pour elle: peut-être l'homme d'état y voit-il la cause de toutes les tempêtes politiques qui, deux siecles après, l'exposerent à tant de naufrages; peut-être les troubles qui, nagueres, agitaient une de ses provinces, se rattachent-ils à la même cause. Si des feux long-temps concentrés ont dévoré l'Irlande; si le sort de ce pays a pù dépendre d'un vent propice, ne peut-on pas croire que le système religieux de l'Angleterre, qui entretient de profondes querelles, est funeste à sa tranquillité?-La prudence et le temps peut cicatriser des plaies profoudes; mais comment ce peuple éclairé n'établit-il pas l'égalité dans les différens cultes? Comment maintient-il encore la loi du test? S'il continue à méconnaitre que le droit des consciences est au-dessus du pouvoir des souverains, nous pouvons lui dire du haut de cette tribune qu'il ne se montrera pas digne du siecle où nous vivons. Il parviendra difficilement à réunir en un seul corps de nation, les iles de son empire; et cette faute premiere peut amener des résultats qu'il n'appartient qu'à l'histoire de calculer.

Mais quand la politique de Henri VIII n'aurait pas pris de fausses directions, quelle utilité pourrions-nous tirer de son exemple? Quel parallele établirait-on entre son siecle et le nôtre. En Angleterre, la révolution n'avait pas été irréligieuse? Henri VIII avait sous la main tous les chefs d'un clergé puissant qui le secondit, tous les ressorts d'un culte établi qu'il put s'approprier, et le point où nous nous trouvons est à l'autre extrémité: il appelait à son secours un culte que la vénération publique avait consacré. Nous recréons un culte qu'on a voulu anéantir par la persecution et le mépris. D'ailleurs les îles Britanniques n'ont point de rapports géographiques avec Rome; mais la République, en ayant de toute espece, l'établissement d'une secte indépendante eût peut-être ôté quelque chose à notre influence Européenne; et d'un autre côté, le centre de la religion catholique est-il hors de la sphere de cette influence? Et, si ses domaines furent donnés à l'église par la France, si cette église fut soutenue par nos ayeux, plus libéraux, plus éclairés, plus vraiment philosophiques, les temps où nous vivons ne sont pas moins glorieux pour la nation Française, et aujourd'hui comme au temps de Charlemagne, la cour de Rome nous est liée par son existence comme par ses affections.

Le caractere du chef qui gouverne l'église, rend ses liaisons

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