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que la sûreté de leurs personnes et de leurs propriétés, la liberté de conscience: et en les attachant aussi plus fortememt à notre régéneration politique, elle tarira pour l'avenir, une source féconde de ressentimens, de haines et de calamités.

Le premier consul a rétabli, par de sages mesures, la bonne intelligence avec la cour de Rome; l'église gallicane fut toujours jalouse de ses libertés; mais un ministre purement spirituel ne peut dégénérer en une domination oppressive; et, suivant l'heureuse expression du rapporteur du conseil-d'état, les articles organiques de la convention du 26 Messidor tendent tous à ramener à l'esprit de la pure et respectable antiquité, des institutions qui sont la base et la garantie de la morale.

Les ministres protestans sont, par la nature même de leurs institutions, toujours rapprochés de cette simplicité évangelique, et leur doctrine envisagée sous le rapport de l'ordre social, offre de sûrs garans de leur soumission et de leur fidélité aux lois de la république et à son gouvernement. Jaloux d'unir à la qualité d'instituteurs de la morale religieuse celle de citoyens, jamais ils ne voudront isoler les devoirs qui leur sont imposés sous ce double rapport.

Une classe nombreuse de citoyens fut long-temps victime de la persécution. L'éclat d'un regne glorieux pour les lettres et les arts, fut terui par la proscription des protestans. La France perdit avec eux des talens utiles, des établissemens précieux et une partie considérable de son commerce.

La philosophie alors éleva la voix et s'efforça constamment d'arrêter la persécution qu'on exerçait encore contre les familles qui, malgré les menaces et la crainte de supplices ne pouvaient se resoudre à abandonner la France. Ces succès furent lents et difficiles, mais enfin sa voix fut respectée. La tolérance ne fut plus regardée comme un bienfait, mais comme un devoir, et l'on pour rait presque dire que la nation Française avait proclamée la liberté des cultes avant même l'assemblée constituante.

Aujourd'hui les vastes provinces qui out aggrandi le territoire de la république, ont considérablement augmenté la population protestante. Le retour de l'ordre et de la prospérité, la liberté religiense et la sagesse de nos institutions vont probablement en accroître encore le nombre. La loi que vous allez rendre, citoyens législateurs, s'il est permis de présager d'avance votre décret, retentira dans toute l'Europe. Les descendans des réfugiés portent encore un cœur Français, ils rentreront dans cette partie, que l'on ne peut jamais oublier, et le dix-neuviene siécle acquittera les torts du siècle de Louis XIV.

Séance du 19 Germinal.

[DISCOURS SUR LE CONCORDAT.]

Bassaget obtient la parole.

Bassaget, Citoyens législateurs, la convention faite entre le gouvernement Français et le Saint-Siége, que vous avez convertie en loi, et celle que vous venez aussi de rendre sur les deux cultes protestans, feront époque dans le 19 siécle.

Qu'il soit permis, citoyens législateurs, à celui qui a passé queiques années dans des pays où la religion protestante était seule professée, qui, de retour en France, a dirigé les principes et les diverses institutions de ce culte, d'élever aujourd'hui sa voix dans cette anguste, assemblée, au nom de trois millions de citoyens Français, suivans les mêmes opinions religieuses, et parmi lesquelles l'agriculture compte d'utiles propriétaires, les manufactures d'industrieux ouvriers, et le commerce d'habiles et riches négocians; ils ne désapprouveront point, j'en suis certain, l'expression de ma reconnaissance pour le bienfait dont va les faire jouir le génie la victoire et le conquérant de la paix.

Pendant les dix premieres années de la révolution, la contrainte a pesé sur les consciences ; une intolérance plus ou moins active les a toutes accablées. Depuis deux ans, elles ont commencé à respirer; mais aujourd'hui elles recouvrent toute l'étendue de leur domaine, grâces aux lumieres et à la sagesse des consuls.

Dans le respect de ces magistrats pour la liberté des opinions religieuses, les protestans sentiront et apprécieront comme il doit l'être, l'acte qui, pour la premiere fois, depuis cet édit si fameux par les exceptions avantageuses faites à leur profit, plus fameux encore pour les maux et les désordres irréparables dans lesquels sa révocation plongea la patrie, vient garantir le droit naturel et imprescriptible qui leur appartient de suivre les mouvemens bien ordonnés de leur conscience sans gêner celle d'autrui; rétablir leur culte sans exciter la jalousie, ni provoquer les réclamations du culte du plus grand nombre des Français, et par l'impartiale bienveillance du gouvernement envers les croyans de toutes les commmunions, disposer leurs pasteurs à vivre entr'eux dans la paix et la concorde, et travailler tous ensemble à la tranquillité et au bonheur de la république.

Partout la religion réformée s'accommode de toutes les formes de gouvernement, sa maxime fondamentale est d'aimer la patrie, de respecter les lois, de seconder la volonté des chefs des états qui la protégent, de vivre dans une parfaite harmonie avec tous les hommes, même avec ceux qui ne la professent pas, et de leur être utile dans toutes les circonstances de la vie. Elle recommande essentiellement la pratique des vertus sur lesquelles reposent le per

fectionnement et la dignité de l'espece humaine, et celle des devoirs qui font prospérer les nations.

Telles sont les bases de la croyance et des mœurs des protestans de tous les pays. Tels se sont montrés ceux de France, même pendant le siécle dernier, si fertile pour eux en événemens déplorables. Tant de malheurs ne purent étouffer au fond de leur cœur, l'amour qu'ils avaient pour leur ingrate patrie.

Ils défendirent le trône qui les opprimait en refusant d'entrer dans les vues d'une puissance alors armée contre la France, et qui sur tous les points du territoire qu'ils habitaient chercha plusieurs fois à leur inspirer des dispositions hostiles, pour seconder ses projets contre elle. Le chef de l'ancien gouvernement eut connaissance de leur magnanime générosité et du mal incalculable qu'ils eussent pu lui faire. Dès-lors il se montra plus juste à leur égard.

Si, dans une situation si voisine du désespoir, les protestans Français ont pu, par leur système religieux et l'ascendant de leurs pasteurs, étouffer des ressentimens bien légitimes et d'autant plus faciles à satisfaire, qu'ils n'avaient qu'à vouloir pour réussir, que n'en doit pas espérer le gouvernement actuel qui, après avoir arrêté ce torrent du sang, où celui des enfans s'est mêlé pour le triomphe de la république, leur donne la certitude que ce sang, jadis menacé par des imaginations délirantes, désormais à l'abri des fureurs et des passions haineuses, ne sera plus versé que pour la gloire de la patrie; ce gouvernement qui, après avoir réconcilié la grande nation avec toutes les nations de l'univers, a réconcilié entre elles les opinions politiques et religieuses, d'un bout à l'autre du territoire Français, leur a permis de se manifester, mais à condition de ne point se combattre; leur a laissé à toutes la liberté de penser et d'agir, mais en leur ordonnant de se supporter, de se respecter mutuellement; qui, enfin, après avoir perfectionné la législation, épuré, adouci les mœurs, frappera de sa massue les insensés qui, pour propager, étayer ou venger leur principes, quelles qu'en soit la nature ou la couleur, voudraient renouveller les anciennes ou les nouvelles proscriptions, ouvrir encore les cachots, dépouiller les familles, et arroser la terre du sang de leurs conci

toyens.

Puissent ces faits et ces réflexions, qu'il est plus utile qu'on ne pense, de publier à cette tribune, dissiper l'illusion de ce petit nombre d'hommes qui, dans l'extrême ignorance des causes de la révolution, attribuent aux protestans l'intensité des maux qui la suivirent de près. La religion reformée n'est pas, plus que les autres religions, avide de changemens politiques, qui, nulle part, ne peuvent tourner à son profit, parce que la simplicité est son essence, l'agriculture, les arts et le commerce son domaine, et que sa condition est d'être étrangere à toute administration et à l'exercice de toute puissance publique. Il est de sa nature de craindre les in

Rovations qui, pour l'ordinaire, lui sont toujours défavorables. Ses dispositions tendent à conserver et non à acquérir. Les habitudes, les usages établis, voilà ses goûts.

Au lieu de donner la commotion révolutionnaire, les protestans devaient la recevoir. A cette époque ils étaient moins malheureux; il était possible qu'ils le devinssent davantage sous un nouvel ordre de choses. Autrefois ils s'étaient déclarés les amis des Jumieres et des bonnes mœurs, pouvaient-ils être insensibles aux principes régénérateurs que les meilleurs génies développaient et publiaient comme étant seuls capables de faire prospérer la patrie ?

L'état de l'ancienne France fut changé par des principes auxquels mulle puissance humaine ne pouvait résister. Ils renverserent ensuite l'ordre moral; devait-on, pouvait-on exiger que le dixieme seul de sa population demeurât immobile au milieu de ce torrent débordé ? Et d'ailleurs, les protestans ont toujours été en si petit nombre dans les assemblées nationales et dans les fonctions publiques! Presque tous ceux qui ont eu l'honneur d'y siéger, se moutreut constamment sages dans leurs vues et modérés dans leurs affections; presque tous coopérerent au bien qui se fit, et furent étrangers au mal qu'on laissa faire. Pas plus que les catholiques, la tourmente et la faulx révolutionnaires n'ont épargné les protestans. Ceux qui en étaient la fleur et l'ornement sont devenus les illustres victimes de ces tems qui sont déjà loin de nous. Pas plus que les catholiques, les protestans, pendant la crise qui a mis la patrie en deuil, ne reposerent sur des lits de roses.

Mais laissons les regrets, lorsque nous avons a nous livrer à des sentimens plus généreux. Oui, l'amour et la reconnaissance des protestans Français, retentirout aux oreilles du pacificateur des nations; puissent-elles le recréer au milieu de ses immortels travaux! puisse-je les offrir d'une maniere qui lui soit agréable!

La confiance des protestans Français, investira ensuite les hommes d'état qui ont concouru à la restauration de leur culte ; elle suivra par-tout, les orateurs qui ont préparé, les législateurs qui out sanctionné ce grand acte; enfin elle honorera les dépositaires de la constitution, et tous ceux qui répandent quelques luinieres sur le sentier tortueux de la vie humaine.

Le corps-législatif ordonne l'impression de ce discours.
La séance est ajournée au 21.

TRIBUNAT.

Présidence de Girardin.-Séance du 19 Germinal.

Traduction de la Bulle de Ratification de la Convention signée entre la République Française et Sa Sainteté.

PIE, EVEQUE, SERVITEUR DES SERVITEURS de Dieu, POUR EN PERPETUER LE SOUVENIR.

L'église de J. C. qui parut aux regards de Saint Jean sous l'image de la Jérusalem nouvelle, descendant du ciel, tire sa consistance et son ornement non-seulement de ce qu'elle est sainte, catholique et apostolique, mais encore de ce qu'elle est une et fondée sur la solidité d'une seule pierre angulaire.

Toute la force et la beauté de ce corps mystique résulte de la ferme et la constante union de tous les membres de l'église dans la même foi, dans les mêmes sacrémens, dans les mêmes liens d'une charité mutuelle, dans la soumission et l'obéissance au chef de l'église.

Le Rédempteur des hommes, après avoir acquis cette église au prix de son sang, a voulu que ce mérite de l'unité fut pour elle un attribut propre et particulier qu'elle conservat jusqu'à la fin des siécles. Aussi voyens-nous qu'avant de remonter au ciel, it adresse pour l'unité de l'église, cette priere mémorable à son pere. "Dieu saint et éternel, conservez ceux que vous m'avez donnés. "Faites qu'ils forment entr'eux un seul corps, comme nous formons nous-mêmes une substance unique, que leur union devienne le symbole de celle en vertu de laquelle j'existe en vous et vous en moi; et qu'ils n'aient en nous et par nous qu'un cœur et " un esprit."

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Pénétrés de ces grandes idées, dès que la divine Providence, par un trait ineffable de sa bonté, a daigné nous appeler, quoique indigne, au pouvoir suprême de l'apostolat, nos regards se sont portés sur le peuple acquis par J. E. avec le plus vif désir de notre part de conserver l'unité catholique dans les liens de la paix; mais c'est surtout la France que nous avons fixée, ce pays célebre depuis tant de siécles par l'étendue de son territoire, par sa population, par la richesse de ses habitans, et surtout par la gloire qu'il s'était acquise aux yeux de la religion. Quelle douleur profonde n'avons-nous pas ressentie en voyant que ses contrées heureuses qui faisaient depuis si long-tems la gloire et les délices de l'église, avaient, dans ces dernier tems, éprouvé des troubles si violens, que la religion elle-même n'avait pas été respectée, malgré les soins et la vigilance de notre prédécesseur d'heureuse mémoire, le pontife Pie VI.

Mais, à Dieu ne plaise que par le souvenir de ces maux cruels,

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