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création des quatre mille éleves placés aux lycées par un con

cours.

On doit à l'établissement de l'école polytechnique les grandes études faites en mathématiques, le goût si répandu de cette science, et la formation d'une foule d'écoles où on les enseigne aujourd'hui. En voyant cette multitude d'écoles particulieres ouvertes depuis sept années à la science des calculs, en comptant le nombre considérable d'éleves qui viennent y puiser une instruction faite pour leur ouvrir une carriere fructueuse, on serait tenté de craindre que cette ardeur pour les mathématiques ne repoussât, et ne fit négliger d'autres branches non moins utiles de connaissances. Cet exemple, au moins, est une grande et utile leçon pour le législateur. Il permet d'espérer que la création de quatre mille pensions dans les lycées rendra plus florissantes les écoles secondaires actuelles, et qu'elle engagera les communes ou les individus, à en établir de nouvelles. Ainsi le sort des Iveées doit fixer et améliorer celui des écoles particulieres qui tiennent aujourd'hui lieu des colléges; ils doivent devenir un puissant motif d'encouragement pour en fonder de nouvelles, dans les lieux où il n'y en a point encore, surtout pour les villes qui, possédant autrefois un ou plusieurs colléges, se trouvent privées, depuis près de dix années, de cette source d'instruction.

Lorsque les éleves auront fini leur six années d'études dans les lycées, leur application et leurs progrès trouveront, au premier terme de leurs travaux, une nouvelle carriere d'expériences et de succès. Deux dixiemes d'entr'eux seront placés dans les diverses écoles spéciales, bù ils continueront d'être instruits et entretenus aux frais du trésor public, de manière à acquérir avec gloire un élat, et une existence assurée dans la république. Jamais avantage plus grand n'a été offert à la jeunesse studieuse. La bonne conduite, l'attachement à leurs devoirs, les études fructueuses conduiront ceux des élèves qui se seront le plus distingués, à puiser dans les sciences ou dans les arts libéraux, les moyens de parvenir à une profession honorable. Jurisprudence, médecine, mathématiques, physique, art militaire, manufactures, diplomatie, administration, astronomie, commerce, peinture, architecture, toutes les routes du savoir et des talens qui rendent les hommes cheres et utiles à leurs semblables, leur seront ouvertes. Ceux qui ne pas seront pas par ce genre de concours dans les écoles spéciales pourront se destiner par une étude particuliere des mathématiques, aux écoles de service publics, et s'ouvrir ainsi une autre carriere non moins glorieuse et non moins avantageuse dans le gé nie, l'artillerie, la marine, les ponts et chaussées, les mines et la géographie.

Le gouvernement n'a pas parlé de ces dernieres écoles spéciales, connues depuis quelques années sous la dénomination précise d'écoles d'applications où de service publics, destinées à lui fournir des sujets éclairés pour fortifier et défendre les places de

l'état, élever ses monumens publics, ouvrir ses routes, creuser ses canaux, construire et diriger ses flottes, rectifier l'exploitation de ses mines; toutes ces écoles sont dans u⚫e activité et jouissant d'un éclat qui ne laisse presque rien à désirer. Placées plus près du gouvernement, parce qu'elles lui sont plus immédiatement utiles, elles doivent être laissées à sa direction immédiate. Il doit avoir la faculté de les disposer, de les modifier suivant ses besoins; mais il ne peut méconnaître les rapports et les contacts qui existent entre elles et les lycées, et les autres écoles spéciales, dont il vous propose aujourd'hui la création. Il sait, que puisqu' elles ont toutes des affinités intimes, elles doivent avoir aussi des influences réciproques les unes sur les autres. Les éleves des premieres peuvent devenir les éleves des secondes; l'émulation doublera leurs efforts, et le bien qui doit résulter de ce concours, rejaillira tout entier sur la prospérité publique.

L'article qui termine le titre 7, autorise le gouvernement à distribuer en quantité inégale les éleves nationaux dans les lycées. Si le partage uniforme était établi par la loi, on voudrait en vain, et contre la nature des choses, élever toutes les écoles au même niveau, et ce genre de nivellement pourrait bien amener une médiocr té é zale dans toutes, sans produire, sans faire même espérer une supériorité remarquable dans aucune. D'ailleurs il n'y aurait plus d'émulation, de concurrance pour faire mieux, et pour atteindre la perfection. Toute ouverture, toute voie aux récompenses serait interdite, et le but de la loi serait manqué.

Le titre 8 a pour objet la fixation générale des pensions et leur emploi, pour l'entretien des lycées. Il fixe le terme moyen des six mille quatre cents pensions à 700 francs. Il laisse au gouvernement à déterminer et à varier le taux de ces pensions pour chaque lycée; les unes, en effet, pourront s'élever au-dessus de 700 francs, et les autres être reduites à 500, suivant les lieux où ces écoles seront placées, et suivant le prix des vivres et des denrées de ces différens lieux. Ces pensious serviront à la nourriture, à l'entretien et à l'instruction des éleves. Celles que paieront les parens pour leurs enfans seront égales aux pensions du gouvernement parce qu'il ne doit y avoir aucun prétexte de préeminence entre les éleves, ni aucune espérance laissée aux spéculations des administrateurs. Les éleves externes des lycées, comme ceux des écoles spéciales paieront une rétribution qui devra être proposée par les bureaux d'administration des lycées, et confirmée par le gouvernement.

Non-seulement les pensious serviront à la nourriture et à l'entretien des éleves; elles fourniront en outre au traitement fixe des trois administrateurs et des professeurs des lycées, qui sera déterminé par le gouvernement, et prélevé sur ces pensions. A ce traitement fixe sera joint un traitement supplétif pris sur celles des pensionnaires non nationaux et sur la rétribution des externes, el ce supplément sera également fixé par le gouvernement. Par là, le mérite et le zèle des professeurs, du censeur et du procu

reur de chaque lycée recevront une récompense proportionnée au hombre des éleves qu'ils attireront. On a jugé convenable de ne pas comprendre dans cette disposition les proviseurs des lycées qui recevront immédiatement du gouvernement un supplément d'honoraires relatif à leur traitement, et à leurs services. Dans le neuvieme et dernier titre du projet de loi, sont comprises plusieurs dispositions générales qui en completent le systême et qui n'appartiennent à aucuns des titres précédens; telles sont l'entretien des bâtimens des écoles mis à la charge des communes où elles seront placées; la défense de donner le nom d'Institut et de Lycée à aucun des établissemens particulieres, la fixation d'une retraite pour les administrateurs et les professeurs des écoles; l'acceptation par le gouvernement, des dons, legs, et fondations en faveur de l'instruction. Je dois répéter ici, relativeinent à ce dernier article, que le gouvernement, frappé des malheurs dont a été suivie la destruction presque totale des dotations' anciennes des établissemens d'instruction, et la nécessité de rappeler la bienfaisance et l'amour des lettres à l'une de ses plus douces et de ses plus utiles conceptions, est bien déterminé à entourer du respect le plus profond, et le plus inaltérable ces dotations, comme les fruits les plus précieux de la philantropie, et de consacrer des monumeus durables de la reconnaissance nationale pour les bienfaiteurs de l'humanité qui feront ce grand et noble usage de leur fortune.

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Je ferai ici une remarque générale sur l'ensemble du projet. II semble ne rien contenir sur l'éducation des enfans et des jeunes gens, et avoir ainsi isolée l'instruction. Mais outre que dans des écoles bien organisées, l'étude et la culture des lettres est un grand moyen de bonne éducation, les deux bases sur lesquelles celle-ci repose, sont à la disposition du gouvernement, soit dans les réglemens que l'organisation des écoles exigera, soit dans le choix des maîtres et des fonctionnaires de ces institutions. Le bon et l'entier emploi du tems, des occupations réglées qui le partageront tout entier, et surtout de bons exemples, des mœurs pures et douces dans les chefs, voilà le véritable cours de morale qu'il faut faire suivre àl a jeunesse, et la vraie maniere de faire prendre à ces passions naissantes la direction qui doit la conduire à son bonheur et à celui des autres.

Le projet ne présente point de titre sur les dépenses de l'instruction, et sur les fonds qui y seront affectés. Il fixe cependant le taux, le nombre, et par conséquent, le montant des pensions destinées à l'entretien des lycées; quant aux autres dépenses, surtout celles des écoles spéciales, elles feront partie du budjet présenté, chaque année, au corps législatif, et seront comprises dans les fonds attribués au ministere de l'intérieur. Cependant il est utile à l'exposé du projet, que le corps législatif soit instruit du total des dépenses que le nouveau plan exigera, et quoiqu'on ne puisse donner ici sur cet objet qu'un simple aperçu, il suffira néaumoins pour éclairer les législateurs.

Aux 4,480,000 francs distribués en six mille quatre cent pensions dans les lycées, il faut ajouter 2 millions pour les écoles spéc ales, 560,000 francs pour les sept cent élèves entretenus chaque année auprès de ces dernieres écoles; 150,000 francs pour les graufications des cinquante maîtres des écoles secondaires; 120.000 francs pour le traitement et les voyages des trois inspecteurs généraux, pour les frais d'examens annuels des éleves. des écoles secondaires, et quelques dépenses imprévues; ces sommes réunies forment un total de 7,310,000 francs pour toute lustructin publique, ce qui excede de près de 2 millions les dépenses attribuées à cette partie de l'administration dans les dernieres années; mais cette augmentation qui, d'ailleurs n'aura lieu que peu à peu, et d'ici à dix-huit mois, au plutôt, paraîtra sans doute bien faible, si on la compare aux avantages qui naîtront du nouveaux systême. A la vérité on n'a porté dans le calcul approximatif les dépenses des écoles spéciales, soit anciennes, soit nouvelles, qu'à 2 millions, quoiqu'elles paraissent devoir coûter davantage, à en juger par celles qui existent déjà parce qu'on suppose que la rétribution exigée des éleves des écoles de droit et de médecine, soit pour en suivre les leçons, soit pour y acquérir, par les examens et la reception, le droit d'en exercer les professions, suffira en peu de temps aux frais de leur entretien, et que ces frais seront diminués pour les autres écoles spéciales par la rétribution qu'on imposera aux éleves qui les fréquenteront. Si ce secours

pas compté, il faudrait ajouter au moins 690,000 francs à la somme indiquée, et l'instruction coûterait 8 millions au lieu de 7,310,000 francs. Dans tous les cas, ce surcroit de dépenses de 2 millions et demi à peu près, ne pesera que très-peu sur le trésor public, puisque, sans parler de quelques anciennes fondations qui subsistent encore, la loi du 29 Ventôse an 9, affecte un fonds particulier de domaines nationaux pour ce service important; et ce fonds, à mesure qu'il sera réalisé, pourra fournir au gou vernement, le moyen de donner à l'instruction publique un déve loppement qu'il ne serait pas prudent d'adopter aujourd'hui, mais qu'il est permis d'espérer pour un tems plus éloigné.

Voilà, citoyens législateurs, et les bases et les motifs du projet que le gouvernement soumet aujourd'hui à vos lumieres. Il espere que vous y reconnaîtrez l'esprit qui l'anime pour la prospérité de l'état, et que vous y trouverez les moyens d'atteindre le but vers lequel plusieurs autres projets out sans doute été dirigés, sans qu'ils aient pu y parvenir encore; il ne s'est pas dissimulé les objections de tous les genres qui pourraient y être faites,-Ce sujet, comme tous les problêmes indéterminés, est de sa nature, susceptible de tous les écarts de l'imagination, de tous les prestiges qu'elle peut enfanter. C'est un champ vaste et sans limite où la pensée peut s'égarer dans mille routes diverses, et où les meilleurs esprits, peuvent errer sans se rencontrer jamais. Pour bien juger un plan d'instruction publique, pour porter dans ce Jugement un esprit indépendant et dégagé de toute prédilection,

de toute préoccupation en faveur d'un système, il faudrait en quelque sorte oublier tout ce que les autres ont publié, tout ce qui a existé jusqu'ici, faire presque abnégation de ses propres idées. Peut-être est-il permis de croire, d'après la divergence des opinions, des théories, de la pratique même, que la recherche de la vérité admet, dans ce genre d'institution, une diversité de méthodes, comme il en existe dans les sciences les plus exactes. Ce n'est donc pas la maniere individuelle de voir et de sentir qu'il faut consulter ici, car elle ne ferait que conduire à un dissentiment dont il serait impossible de prévoir le terme. Il s'agit véri tablement de savoir si le plan qu'on propose, convient au peuple Français, s'il s'accorde avec les idées libérales adoptées aujour d'hui, avec la marche du gouvernement, avec les moyens qui sont à sa disposition; il s'agit de le comparer à l'état actuel de l'instruction, aux besoins; aux habitudes du peuple Français, aux conveuances du moment.

Faut-il ajouter ici que ce plan a réuni l'assentiment de quelquesuns des hommes dont l'Europe estime les grandes connaissances et consulte avec fruit les méditations. Eu vous les présentant avec confiance, le gouvernement qui le croit approprié au genie des Français désire surtout que vous trouviez les germes de toutes les améliorations et de l'extension future dont il lui paraît être susceptible. En l'adoptant comme loi de l'état, il pense que vous aurez rendu un nouveau service au peuple et décrété l'une des bases les plus solides de la prospérité publique.

L'orateur donne lecture du projet de loi. (Nous en donnerons le texte demain.)

Le gouvernement pense que la discussion de ce projet doit s'ou

vrir le 10 Floréal.

Le corps législatif ordonne l'impression à six exemplaires dų projet de loi et des motifs, et leur communication au tribunat. Les conseillers d'état Roederer et Fourcroy se retirent.

(Moniteur, No. 212.)

CORPS LEGISLATIF.
Présidence de Marcorelle.

Addition à la Séance du 30 Germinal.

Texte du projet de loi sur l'organisation de l'instruction pu blique.

TITRE PREMIER.-Division de l'Instruction.

ART. 1. L'instruction sera donnée

1o. Dans les écoles primaires établies par les communes; 2o. Dans les écoles sécondaires établies par des communes, ou tenues par des maîtres particuliers:

3. Dans les lycées et dans les écoles spéciales entretenues aux frais du trésor public.

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