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un grade supérieur, qu'après avoir passé par le plus simple grade.

X. Les détails de l'organisation seront déterminés par les réglemens d'administration publique; elle devra être faite au ler. Vendemiaire, an 12, et passé ce temps, il ne pourra y être rien changé que par des lois.

Roederer. La légion d'honneur qui vous est proposée, doit être une institution auxiliaire de toutes nos lois républicaines, et servir à l'affermissement, de la révolution.

Elle paye aux services militaires comme aux services civils, le prix du courage qu'ils ont tous mérité. Elle les confond dans la même gloire, comme la nation les confond dans sa reconnais

sance.

Elle unit par une distinction commune des hommes déjà unis par d'honorables souvenirs; elle convie à de douces affections des hommes qu'une estime réciproque disposait à s'aimer.

Elle met sous l'abri de leur considération et de leur serment nos lois conservatrices de l'égalité, de la liberté, de la propriété. Elle efface les distinctions nobiliaires qui plaçaient la gloire héritée avant la gloi.e acquise, et les descendans des grands hommes avant les grauds hommes.

C'est une institution morale qui ajoute de la force et de l'activité à ce ressort de l'honneur qui meut si puissament la nation Française.

C'est une institution politique qui place dans la société des intermédiaires par lesquels les actes du pouvoir sont traduits à l'opinion avec fidélité et bienveillance, et par lesquels l'opinion peut remonter jusqu'au pouvoir.

C'est une institution militaire qui attierra dans nos armées cetle portion de la jeunesse Française qu'il faudrait peut-être disputer sans elle, à la mollesse compagne de la grande aisance.

Enfin c'est la création d'une nouvelle monnaie, d'une bien autre valeur que celle qui sort du trésor public; d'une monnaie dont le titre est inaltérable, et dont la mine ne peut-être épuisée, puisqu'elle réside dans l'honneur Français; d'une monnaie enfin qui peut seni ètre la récompense des actions regardées comme supérieures à toutes les récompenses.

(Moniteur, No. 238.)

CORPS LEGISLATIF,

Présidence de Rabaut, Jeune.

Séance du 27 Floréal.

Un message des consuls annonce au corps. législatif que des orateurs se rendront aujourd'hui à sa séance pour lui présenter deux projets de lois.

On introduit les conseillers d'état Dupuy, Bruix et Desolles. Ces orateurs sont chargés de présenter un projet de loi relatif aux colonies restituées à la France par le traite d'Amiens, et aux autres colonies Françaises.

Dupuy. Citoyens législateurs, le traité d'Amiens rend à la France plusieurs colonies importantes; le gouvernement croit indispensable de vous proposer une loi sans laquelle cette stipulation, toute avantageuse qu'elle est, ne produirait qu'une source de dé sastres et de maux incalculables.

Au moment où nous allons reprendre possession de la Marti nique, Sainte Lucie, Tabago, et de nos établissemens dans l'Inde, il est urgent d'en, rassurer les colons.

Il est digne de votre sollicitude, comine de celle du gouverne, ment, d'effacer par une disposition précise et solennelle, des craintes qu'une expérience malheureuse n'a que trop bien jus; tifiées.

En effet, le sort des colonies, est depuis long-temps, l'objet des conversations générales, et tout le monde sait combien elles ont souffert.

On sait comment les illusions de la liberté et de l'égalité ont été propagées vers ces contrées lointaines, où la difference remarquable entre l'homme civilisé, et celui qui ne l'est point, la difference des climats, des couleurs, des habitudes, et principalement la sureté des familles Européennes, exigeaient impérieusement de grandes différences dans l'état civil et politique des personnes.

On sait encore quel a été le funeste résultat de ces innovations ardemment sollicitées par des zélateurs, dont la plupart, sans doute, n'avaient été stimulés que par l'intention honorable de servir la cause de l'humanité, et qui cherchant à rendre indistinctement tous les hommes des colonies égaux en droits, n'out su parvenir qu'à les rendre également malheureux.

Si, dans un sujet aussi grave, il était permis d'employer les images, nous dirions que les accens d'une philantropie faussement appliquée, ont produit dans nos colonies l'effet du chant des syrénes; avec eux sont venus des maux de toute espece, le désespoir et la mort.

Deux conséquences funestes résultent de cette expérience.

La premiere, que les colouies qui nous sont rendues par le traité d'Amiens, et les isles de France et de la Réunion qui, sans avoir été conquises, se sont également conservées, doivent être maintenues dans le régime sous lequel, depuis leur origine, elles ont constammeut prospéré.

La seconde, que dans les colonies où les lois révolutionnaires ont été mises à exécution, il faut se hâter de substituer aux seduisantes théories, un système réparateur dont les combinaisons se lient aux circonstances, varient avec elles et soient confiées à la sagesse du gouvernement.

Tel est le vœu des hommes sans prévention qui ne craignent pas d'avouer que la révision des lois, et la réformation de celles qui ont été préjudiciables, sont un devoir essentiel du legislateur,

Tels sont aussi les motifs du projet de loi que nous vous présentons, au nom du gouvernement, el dont l'adoption, nécessaire pour les colonies, vous paraîtra encore infiniment utile à la nation entiere, puisque les colonies, le commerce et la marine sont inséparables dans leurs intérêts.

L'orateur lit ensuite le projet suivant, dont la discussion est indiquée, au 29.

Art. I. Dans les colonies restituées à la France en exécution du traité d'Amiens, en date du 6 Germinal, an 10, l'esclavage sera maintenu, conformément aux lois et réglemens antérieurs à 1789.

II. Il en sera de même dans les autres colonies françaises au delà du Cap de Bonne Espérance.

III. La traite des noirs, et leur importation dans les dites colonies, auront lieu conformément aux lois et réglemeus existans avant la dite époque de 1789.

IV. Non-obstant toutes lois antérieures, le régime des colonies est soumis pendant dix ans aux réglemens qui seront faits par le gouvernement.

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Lucien Bonaparte, au nom de la Section de l'intérieur, fait un rapport sur le Projet relatif à la Création d'une Légion d'honneur.

Il examine le projet sous le double aspect des récompenses militaires et des récompenses civiles; il établit que le moment est arrivé d'exécuter l'art. LXXXVII de la constitution envers les guerriers qui se sont distingués en combattant pour la République et il fait remarquer que déjà le gouvernement à commencé l'exécution de cette volonté constitutionnelle en distributant un grand nombre de brevets d'honneur.

Il analyse et examine les dispositions du projet. Il établit que la légion d'honneur n'est pas un corps privilégié, qu'elle n'est ni allarmante pour la liberté ni contraire à l'égalite; qu'il n'attribue aux légionnaires, aucun droit, aucune prérogative militaire, civile ni judiciaire; qu'il consacre seulement une distinction personnelle, qui n'a aucun résultat dans l'ordre politique; que le projet de loi à l'avantage de fixer d'une maniere indépendante du trésor public, et conformé à l'intérêt national, les pensions attachées aux brevets d'honneur; que le projet s'applique, avec une égale justice, aux citoyens qui ont rendu de grands services civils. Malgré Je silence de la constitution, la loi doit récompenser ces services; elle ne peut le faire plus convenablement qu'en admettant dans la légion d'honneur les fonctionnaires publics qui s'en seront montrés digues. Le rapporteur conclut à l'adoption du projet.

Le tribunat ordonne l'impression.

Savoy Rollin. Depuis que le tribunat existe, il n'a point reçu de loi plus importante que celle qu'on lui propose: en me déterminant à la combattre, je n'ai consulté ni mes forces, ui la breveté du tems laissé à la discussion; je viens remplir un rigoureux devoir; vous m'écouterez avec indulgence: vous n'en refuserez point à un travail nécessairement précipité. Vous m'écouterez avec attention, car il s'agit de l'examen d'une loi qui attaque dans ses fondemens la liberté publique.

Quel est le but qu'énonce la loi proposée ? C'est de décerner des récompenses aux militaires et aux fonctionnaires publics qui auront rendu de grands services à la République.

Quel est le moyen qu'elle emploie? C'est d'organiser une légion d'honneur qui sera composée de six mille légionnaires à vie, et qui recevra dans son sein successivement, et à mesure des vacances, tous ceux qui ont mérité des distinctions militaires et civiles.

Ce moyen est si visiblement étranger au but que la loi assigne, il est si palpable qu'il n'est pas nécessaire de créer un corps privilégié pour récompenser les défenseurs d'une République, qu'il a bien fallu chercher à revêtir ce corps de fonctions tout à-la-fois imposantes et spéciales: en conséquence, on le dévoue, par un serment d'honneur "au service de la Republique, à la conserva“sion de son territoire, à la défense de son gouvernement, de ses "lois, de ses propriétés, à repousser toute entreprise tendant à rétablir le régime féodal, et les titres et qualités qui en étaient l'attribut, à concourir enfin de tout son pouvoir au maintien de " la liberté et de l'égalité."

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Je n'examine point encore si l'universalité des citoyens étant soumise aux mêmes devoirs, aux mêmes obligations que ce serment prescrit, il n'en résulte pas que les attributions de ce corps ne sauraient former un titre à son existence: je découvre dans les motifs joints à la loi de nouveaux rapports qu'on essaie de lui rendre favorables; il est considéré comme une institution auxiliaire de toutes les lois républicaines: on veut que cette institution soit morale, en ce qu'elle replacera dans toutes les âmes le ressort si puissant de l'honneur; qu'elle soit politique, en ce qu'elle sera un intermédiaire propre à concilier les actes du gouvernement avec les vœux de l'opinion; qu'elle soit militaire, en ce qu'elle ouvrira de brillantes perspectives à la jeunesse Française; il ne suffit pas dit-on, d'organiser des pouvoirs politiques et civils; ils attendent la vie des institutions; les institutions sont au corps social ce que le mouvement est à la matiere.

Il est facile sans doute de présenter une institution sous des faces riantes, lorsqu'en supposant particulièrement ce qui est en question, on en fait découler tous les biens qui seraient enviés par les gouvernemens les plus libres: cette méthode de raisonner des auteurs du projet m'indique la marche que je dois suivre, c'est de remettre en question tout ce qu'ils ont supposé prouvé. Ainsi je démontrerai que l'institution d'une légion d'honneur est

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diamétralement contraire à la lettre parce qu'elle n'autorise point la création d'un corps militaire, distinct des forces de terre et de iner par des fonctions et des prérogatives extraordinaires : à son esprit, parce que dans une constitution représentative la division des pouvoirs ne peut être altérée én aucun sens.

Si le corps intermediare qu'on propose participait de tous les pouvoirs, comme on le donne a entendre, il serait inconstitutionnel par sa confusion même s'il avait des prérogatives particulieres sans pouvoir, il serait encore inconstitutionnel parce qu'il romprait l'égalité des droits: un Etat libre ne comporte qu'un ordre de cilovens et de magistrats: si ce corps n'avait ni pouvoirs ni prérogatives, il serait inutile et ne doit pas être l'objet d'une loi.

L'institution blesse littéralement la constitution: le prétexte dont le projet de loi se colore est dans l'article LXXXVIII de l'acte Constitutionnel: sa seule lecture dément le prétexte; il sera décerné des récompenses nationales aux guerriers qui auront rendu des services éclatans en combattant pour la République. Je vois là des récompenses individuelles accordées à nos braves; mais pouvait-on penser qu'on abuserait de cet article au point d'en induire qu'il autorise la formation d'un corps privilégié et perpétuel, concentrant parmi six miile individus trois millions de rentes, et n'offrant au reste d'une armée immense que les chances incertaines et tantives des remplacemens? La constitution n'a ni exprimé ni indiqué une semblable mesure, et en l'interprêtant ainsi, on ne l'exécute pas, on la viole.

Elle est encore mise ouvertement à l'écart sous un autre rapport : la légion d'honneur a un grand conseil d'administration: ce conseil aura donc quelque chose à administrer; or, administrer en vertu d'une loi, c'est tracer une fonction publique. Je le demande, comment un sénateur à jamais inéligible à toute autre fonction publique sera-t-il du conseil d'administration sans choquer expressément l'acte constitutionnel?

Si l'on m'objectait qu'il y a trop de subtilité dans ces argumens, je répondrais qu'il est puise dans la signification naturelle des mots, au lieu qu'il a fallu oublier, au même moment, et sa langue, et sa Constitution, pour découvrir un ordre de chevalerie, dans une simple promesse de récompenses accordées à nos guerriers les plus distingués.

Quand l'expression littérale d'un acte est si peu ménagée, il est inévitable que son esprit le soit encore moins.

En admettant que la légion d'honneur soit un nouveau pouvoir à introduire dans l'état, je soutiens que le pacte constitutionnel s'y oppose; je cherche dans le serment qu'elle prononce, la nature 'de ses fonctions: elles consistent à veiller au maintien du gouvernement comme à celui des droits du peuple; mais tout citoyen a la meme tâche à remplir: serait-ce donc le serment d'honneur qui la rendrait plus spéciale? Serait-ce encore que la plupart dés membres de cette légion s'étant illustrés dans les differentes car rieres qu'ils ont parcourues, ont acquis une influence proportioniré à l'éclat de leur réputation? S'ils en usent comme de simples

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