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sera le résultat du traité que vous allez convertir en loi, et la rêpublique trouvera dans la paix qu'il consacre, tous les moyens de prospérité, comme elle épuisa pendant les hostilités, tous les genres de gloire militaire. L'impression est ordonnée.

Chauvelin, orateur du tribunat. Législateurs destinés aujourd'hui, par l'honorahle mission dont nous sommes revêtus, à vous ramener sur des pensées que déjà une jouissance de plusieurs mois, une habitude de satisfaction et de bonheur, vous ont rendues familieres, nous nous permettrons surtout de revenir et d'insister devant vous sur la plus douce de toutes ces pensées, sur la longue durée de la paix, dont le traité que nous vous apportons présente, et renferme tous les gages. Cette réflexion consolante naît toute entiere des circonstances générales qui ont préparé, environné ce grand ouvrage, des dispositions mutuelles des peuples qu'il réconcilie, de toutes les conditions qu'il renferme, des termes dans lesquels il est conçu.

La conclusion du traité de Lunéville avait donné la paix au continent, fixé le sort de la France combiné avec une haute sagesse les divers intérêts des grandes puissances de l'Europe continentale. En consacrant d'une maniere irrévocable l'une de ces époques périodiques de l'histoire des nations, où les combinaisons du passé, devenues insuffisantes à régler les destinées de l'avenir, le sort des états et leurs rapports réciproques doivent se rasseoir sur des fondemens plus modernes et plus solides, cette paix mémorable avait jeté d'avance toutes les bases d'un rapprochement avec nos derniers ennemis. La sagesse et l'habileté du gouvernement de la république avait triomphé de tous les obstacles qui s'opposaient à la paix de Lunéville, sa sagesse et son habileté savent profiter de toutes les circonstances que cette paix devait produire; et depuis, chaque vicissitude, chaque événement de l'Europe, quelques contraires qu'ils dussent être à ses vues, semblerent disposés et dirigés par lui vers l'accomplissement de ses grands desseins.

Alors et progressivement, les dispositions réciproques des deux nations furent modifiées, les ressentimens s'arrêterent, la haine se tut, puis se calma, la sagesse, la raison dominerent dans les conseils, et comme dans l'un de ces repos d'un duel violent et acharné la sensation des douleurs et de toutes les blessures de la guerre se présenta plus pressante et plus vive. Il faut le remarquer, cet heareux changement devait surtout préparer la paix, entre nous et ce peuple, appelé par ses institutions et ses lumieres à participer efficacement et sans cesse à tous les actes de son gouvernement, chez lequel, pour avoir la guerre ou la paix, il faut nationaliser l'une et l'autre.

Mais si de telles conditions pouvaient seules préparer la paix, la fierté, le courage, l'énergie des deux nations en exigeaient d'autres pour qu'elle fût durable.

Pour que leur rapprochement, pur de tout reste de ressentiment, de toute prétention mal satisfaite, fût vraiment une réconciliation, il fallait que chacune des deux, eut atteint le but qu'elle avait dû

se proposer dans la guerre; il fallait qu'une ample portion de gloire, de succès, d'avantages, eût justement satisfait la dignité, la noble ambition de toutes deux ; il fallait enfin qu'il leur fût assuré de se reposer dans l'estime d'elles-mêmes, et dans celle de leurs propres enneinis.

Toutes les stipulations du traité, étudiées avec attention, soigneusement pesées dans la balance des vrais intérêts des deux pays, offrent également des garanties de la durée de cet ouvrage. L'espece de partage qu'il établit entre les avantages qu'il assigne, éminemment conforme au besoin des états, à leur destination paturelle, les appelle parallellement et sans danger, au développement le plus étendu, le plus productif de leur industrie et de leurs res

sources.

Enfin, les termes de tous ses articles respirent si bien la bonnefoi, la franchise, la candeur, experiment des intentions si libérales, si généreuses, si rassurantes pour l'Europe entiere, qu'elles promettent encore sa durée, comme elles justifient le vœu unanime de remercîment émaué du tribunat, pour l'habile et modeste négociateur, qui a déposé toutes les traces de ses talens et de son caractere dans les traités de Lunéville et d'Amiens.

Législateurs, l'heure va sonner d'où datera l'ére de la paix du monde. Enfin, réunis dans cette enceinte après 12 ans de sacrifices et de combats, appelés à prononcer vous-mêmes cette proclamation de bonheur et de gloire, achetée par les efforts de la France entiere, par les triomphes de 3 millions de Français, par le dévouement et la mort de tant de nos braves, dont les souvenirs, chers et douloureux, viennent encore annoblir et consacrer une solennité si touchante, je vous vois impatiens de saisir et de fixer cette grande époque.

Je renouvelle, au nom de mes collégues, l'émission du voté d'adoption du tribunat.

L'impression est ordonnée.

Berlier, orateur du gouvernement. Citoyens législateus, en venant aussi payer mon tribut à la paix, je ne me livrerai ni à de nouveaux développemens, ni même à la simple analyse des avan tages nombreux que le traité d'Amiens renferme, et dont vous êtes pénétrés sans doute.

Dans cette grande circonstance, dans cette majestueuse délibé ration, c'est le cœur qui doit voter, et les fortes émotions laissent peu d'accès aux paroles.

Qu'est-il besoin de recourir aux formes et au style de la discussion, quand les accens de l'approbation et même de la reconnaissance sont les seuls qui retentissent dans cette auguste enceinte, et ne sont eux-mêmes que l'écho de l'approbation et de la reconnaissance nationales?

Législateurs, le gouvernement appelle votre sanction sur un ace te solennel qui, en faisant assez pour la gloire du peuple Français, a ménagé aussi le plus qu'il était possible, les intérêts de ses alliés;

sur un traité honorable, sans doute, mais qui n'en est pas moins marqué au coin de la modération.

Hatez-vous de lui donner le caractere de loi, et que ce dernier acte de votre session devienne pour la république le gage durable de son bonheur.

Le corps-législatif ordonne l'impression du discours.
Il procede de suite au scrutin sur le projet de loi.
Le nombre des votans est de 285.
animes en faveur du projet de loi.

Tous les suffrages sout un

L'ordre du jour appelle la discussion sur le projet relatif aux colonies.

Jaubert (de la Géronde), orateur du tribunat. Citoyens législateurs, l'excès de la philantropie est souvent à côté de l'erreur politique.

Quels exemples nous en avons vu dans ces dernieres années.

Ne soyons pas néanmoins trop séveres envers ceux qui euxmêmes avaient été séduits par des sentimens généreux.

Ils n'avaient vu l'homme qu'isolément.

La raison veut que dans beaucoup de matieres nous ne considé rions que la societé.

Une nation n'est pas toujours la maîtresse de se conduire autrement que les autres irations.

Il est des points sur lesquels un peuple ne pourrait pas adopter une doctrine particuliere sans devenir l'ennemi ou la victime des autres peuples,

. Delà le droit des gens et tous ses effets.

Il était donc nécessaire que les premiers momens de la paix générale fussent aussi ceux ou le gouvernement Français rétablit tous les anneaux de cette association qui doit lier tous les peuples, en faisant disparaître une théorie dont les consequences out déjà causé de si épouvantables catastrophes.

L'intérêt de la France et l'intérêt de l'Europe, ont dicté le projet de loi soumis aujourd'hui à votre sanction.

L'effet de cette loi sera de conserver à la France ses colonies, et d'en retirer à l'avenir tous les avantages que nous y trouvions autrefois.

Législateurs, nous n'avons pas besoin de retracer toute l'importance de ces posessions.

Personne n'ignore que la prospérité des colonies avait élevé la France à ce degré de splendeur qui faisait le désespoir de nos rivaux. Sans doute la France renferme les richesses premieres.

Mais ces richesses premieres ne suffisent plus aux besoins que le tems nous a donnés.

Combinées avec les productions du Nouveau-Monde, elles nous rendaient arbitres de ces échanges, qui, après nous avoir abondam. ment pourvus, nous enrichissaient par les résultats de la balance.

Le commerce des colonies portait des sommes immenses dans le trésor public.

Il était aussi un des principaux moyens d'accroissement pour la marine du commerce, et conséquemment pour la marine de l'état.

Toutes ses vérités sont reconnues.

Mais une vérité qu'on ne saurait assez répéter, c'est que le commerce des colonies avait une influence immédiate sur toutes les par- . ties du territoire Français.

Des hommes irréfléchis n'ont vu quelquefois le commerce des colonies que dans les ports.

Oui, c'est dans les ports qu'il paraît dans tout son éclat.

Mais ses effets remontent dans l'intérieur, au moyen de cette circulation vivifiante qui, tour-à-tour, fournit, attire et con

somme.

L'agriculture, les arts et les manufactures, ces trois bases de la prospérité et du bonheur sont, dans l'état présent de l'Europe, liés au succès du commerce; et le commerce est lui-même subordonné à la possession des colonies.

Dans un tems ou la fureur d'innover a fait mettre en question les choses les plus positives, on a pu demander si la France ne devait pas être ramenée à la seule qualité d'agricole.

Mais enfin toutes les abstractions sont bannies.

On reconnaît surtout que la France doit agir d'après sa situation combinée avec celle de nos voisins et avec l'état général de l'Europe.

Nos voisins ont des colonies riches; nous devons donc conserver, ou du moins recouvrer les nôtres; autrement plus d'équilibre.

Disons mieux; sans les colonies, la France ne trouvérait pas dans la paix le moyen de conserver sa gloire et le fruit de ses triomphes.

Non, non, la France ne sera pas réduite à l'état de tributaire, Nous en attestons la volonté du peuple Français, la sagesse de ses législateurs et l'énergie de son gouvernement.

Ce ne sera pas en vain que nous aurons fait tant et de si grands sacrifices pour reconquérir les colonies que nos ayeux avaient formées.

Qu'elles soient pour la métropole tout ce qu'elles doivent être.

Mais pour que ces destinées soient remplies, il faut que la culture des colonies soit assurée; il faut vaincre la difficulté du climat.

En Europe, la terre est la matiere premiere. Partout des bras s'offrent pour elle; et nous voyons que les hommes qui sont voués aux travaux mécaniques de l'agriculture, savent se rendre dignes d'être comptés au rang de citoyens.

Daus nos colonies, les bras sont presque tout.

L'expérience nous apprends quels sont les bras qui seuls peuvent être employés à leur culture.

Elle nous dit quels sont les êtres pour lesquels la liberté n'est qu'un fruit empoisonné.

Détournons nos regards des tableaux que ces idées nous rappellent.

Si les regrets ne peuvent pas effacer le passé, que du nioins l'avenir ne lui ressemble pas.

Obéissons à la grande loi des empires, à la nécessité.

Ne troublons pas le monde par des théories.

L'assemblée constituante connaissait tout le pris des idées li bérales.

Elle se garda 'bien de toutler à la base fondamentale de la culture.

Le tribunat a donc dû applaudir à la pensée du gouvernement, forsqu'il vous a proposé, citoyens législateurs, de revenir aux lois anciennes sur l'état des personnes dans les colonies, et sur les moyens de repeupler la classe des cultivateurs.

Un autre objet devait également appeler sa prévoyance.

Le régime des colonies doit être réglé par de lois spéciales. Le moment est-il venu où l'organisation du régime colonial pourrait être rédigée en corps de loi?

La stabilité qui doit caractériser toutes les parties de la législation, pourrait-elle s'attacher aux institutions que nous ferions à présent, lorsque nous connaissons à peine ce qui se passe dans la plupart de ces pays lointains, à une époque si voisine de la paix générale, où tant de précautions doivent être employées, après des crises qui exigeront une si grande circonspection, et lorsqu'aussi nos établissemens sont si différens par leur situation, par leur étendue, par leur population et par la nature de leurs productions?

Un seul moyen s'offre devant nous: c'est de confier au gouvernement le droit de pourvoir, pendant un tems donné, au régime des colonies.

Si la nécessité le veut ainsi, combien il est consolant de savoir que le gouvernement ne fera qu'un usage légitime de cette importante délégation!

Nous en avons pour garans sa sagesse, et le soin qu'il prendra toujours de sa gloire.

Oui, citoyens législateurs, le gouvernement conciliera les droits de la métropole, et les égards dus aux colonies, les droits des propriétaires et les ménagemens que méritent les cultivateurs.

Il fera refleurir la culture, sans que l'humanité soit outragée, Dès réglemens paternels aideront à cicatriser les plaies.

Dés encouragemens donnés au commerce accroîtront son zele, étendront son industrie.

Et vous, infortunés colons, vour pourrez enfin travailler à réparer une partie des maux que vous avez soufferts; mais qu'il ne se présente de souvenirs à votre esprit que pour exciter votre émulation.

Lorsque le renversement dés principes sociaux a menacé le

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