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"l'esprit et les principes quand je serai appelé dans le sénat à en "déveloper et en expliquer les dispositions, de défendre toujours "les droits et les intérêts du peuple, et la stabilité du gouverne" ment."

Tous les membres du sénat ont aussitôt prêté le même serment. Des projets de sénatus-consulte, discutés, conformément à l'article 67 du sénatus consulte organique, dans un conseil privé auquel avaient été appelés les citoyens.

Talleyrand, ministre des relations extérieures;
Chaptal, ministre de l'intérieur ;

Barthelemy, sénateur;

Fargues, sénateur;

Regnier, conseiller d'état ;

Portalis, conseiller d'état ;

Kellerman, membre du sénat et du grand-conseil d'administration de la légion d'honneur; et

Joseph Bonaparte, conseiller d'état, membre du grand-conseil d'administration de la légion d'honneur:

Ont été présentés au sénat, et successivement présentés par des orateurs du gouvernement.

(Moniteur, No. 334. 4 Fructidor, An 10.)

MINISTERE DES RELATIONS EXTERIEURES.

Rapport fait au Premier Consul, en Sénat, par le Ministre des Relations Extérieures.—Séance du Samedi, 3 Fructidor. Le traité de Luneville avait opéré le rétablissement absolu de la paix entre la France et l'Allemagne. Il avait réglé d'une maniere expresse et définitive les rapports généraux entre ces deux pays, et la France se trouvant de tout point satisfaite, l'entiere exécution du traité, n'aurait eu besoin d'aucun réglement ultérieur, s'il n'avait été reconnu juste et formellement stipulé que la cession consentie par l'empire au profit de la république, serait supportée collectivement par la fédération Germanique, en admettant toutefois la distinction de princes laies héréditaires, et des ecclésiastiques usufruitiers.

Ce principe, une fois posé, il paraissait que c'était au corps Germanique à s'occuper spontanément, et sans délai, de son application.

Le vœu sincere du gouvernement Français uniquement appliqué aux affaires de l'intérieur, était de n'entrer pour rien dans le réglement des indemnités promises, et il borna son influence à témoigner souvent qu'il était empressé de voir que le traité de Luneville reçut le complément de son exécution par celle de l'article 7. Mais ses excitations resterent sans effet, et plus d'une année s'écoula sans qu'on put s'appercevoir, qu'il y eut seulement rien d'entamé pour la repartition des dédommagemens.

Le défaut d'exécution d'une des stipulations capitales du traité de Luneville, laissait l'Allemagne entiere dans un état d'incerti

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tude qui devenait chaque jour plus embarrassant, en cela que les prétentions, les intrigues s'élevaient et se fortifiaient à mesure qu'il y avait plus d'indécision dans les affaires, et dans les esprits. L'espece de dissolution ou se trouvait le corps Germanique relardait pour l'Europe entiere les avantages de la paix, et il pouvait à quelques égards compromettre la tranquillité générale. Le gouvernement de la république n'eut pas seul le sentiment de ce danger, et tandis qu'il recevait de toute part les réclamations des parties intéressées à la répartition des dedommagemens, la cour de Russie témoigna combien il lui paraissait urgent que les affaires d'Allemagne fussent réglées.

L'empereur Alexandre, à son avénement au trône, sentit le noble désir de contribuer au maintien de la paix rétablie; et un concert intime, une association franche et complette des vues les plus généreuses s'étant promptement formé entre le premier consul et l'empereur il fut reconnu par eux que la pacification du continent ne pouvait être solidement garantie qu'autant que le traité de Luneville aurait reçu sa complette exécution; et que cette exécution ne pouvait plus être procurée que par l'incitative et l'influence de deux puissances parfaitement désintéressées, dont la médiation préponderante écarterait tous les obstacles élevés depuis dix-huit mois contre la repartition definitive des indemnités.

Ce fut donc uniqement pour mettre le sceau à la pacification de l'Europe et pour en garantir la stabilité que le premier consul et S. M. l'empereur de Russie se déterminerent, d'un commun accord, à intervenir dans les affaires d'Allemagne, pour effectuer, par leur médiation, ce qu'on aurait vainement attendu des délibérations intérieures du corps Germanique.

Ce premier point étant convenu, une discussion fut ouverte et suivie entre les deux cabinets, pour l'examen des voies et moyens qui devaient conduire au résultat désiré. Il fut arrêté qu'un plan général d'indemnisation serait présenté à la diéte, et ce fut dans la rédaction de ce plan qu'on porta des deux parts le soin le plus scrupuleux à compenser toutes les pertes, a satisfaire tous les intérêts, et à concilier sans cesse les réclamations de la justice avec les convenances de la politique.

Il ne suffisait pas, en effet, de déterminer rigoureusement la valeur des pertes éprouvées, et d'y proportionner les compensa tions; les résultats de la guerre ayant altéré l'équilibre intérieur de l'Allemagne, il fallait s'appliquer à le rétablir. L'introduction de princes nouveaux dans le systême Germanique exigeait des combinaisions nonvelles.

La valeur réelle des dédommagenens ne devait plus seulement résulter de leur étendue, mais souvent de leur position; et les avantages que pouvaient procurer à quelques puissances la concentration de leurs anciens et nouveaux domaines, étaient euxmêmes d'une considération importante et qui devait être ob

servée.

Les deux gouvernemens s'appliquerent dont à examiner avec un soin scrupuleux la question des indemnités sous tous ses rap

ports. Ils sentirent que si la politique exigeait la complette sás tisfaction des maisons principales, il n'était pas d'une justice moins rigoureuse de procurer aux états du second et du troisieme le dédommagement de leurs pertes, et le premier consul mit un empressement particulier à soutenir des droits qui auraient pu trouver moins d'appui au milieu des intéressés.

Le concert parfait qui s'était formé entre la France et la Russie, résultat heureux des rapports directs que le premier consul avait aimé à entretenir avec S. M. l'empereur de Russie, ayant présidé à toutes les discussions, on fut bientôt d'accord sur tous les points, et un plan général d'indemnisation arrêté à Paris entre les plénipotentiaires respectifs, reçut l'approbation du premier con sul et celle de l'empereur.

Il a été convenu que ce plan serait présenté à la diéte de l'empire, sous la forme d'une déclaration qui serait faite simultanément par des ministres extraordinaires nommés à cet effet. Dela part du premier consul, c'est le citoyen Laforest, ministre de la république près l'électeur palatin de Baviere, qui a eu ordre de se rendre à Ratisbonne, de la part de l'empereur de Russie, c'est pareillement le baron de Buhler, son ministre à Munich.

Cette déclaration doit avoir été présentée ces jours derniers, et la lecture que le premier consul a ordonné qui lui en fût faite en sénat, va faire connaître les principes qui ont dirigé les deux gouvernemens, et le soin qu'ils ont mis à en ménager l'application.

En effet, si on examine le plan proposé, on verra que dans l'exécution d'un système qui a pour but principal de consolider la paix de l'Europe, on s'est surtout appliqué à diminuer les chances de guerre, c'est pourquoi on a pris soin d'éviter tout contrat de territoire entre les deux puissances qui ont le plus souvent ensanglanté l'Europe par leurs querelles, et qui, réconciliées de bonne foi, ne peuvent avoir aujourd'hui un désir plus vif que celui d'éloigner toutes les occasions de mésintelligence qui naissent du voisinage, et qui, entre ces états rivaux, ne sont jamais sans péril. Ce même principe adopté, non dans toute sa rigueur, mais autant que les circonstances ont pu le permettre, a décidé a placer aussi les indemnités de la Prusse hors de contact avec la France et la Batavie. De cet arrangement, l'Autriche aura retiré l'immense avantage de voir toutes ses possessions concentrées.

La maison palatine aura pareillement reçu une organisation plus forte et plus avantageuse pour la défense.

Et la Prusse continuera à former, dans le système germanique, la base essentielle d'un contrepoids nécessaire.

Le réglement des indemnités secondaires a aussi été proposé d'après des convenances générales et particulieres, et on n'a rien négligé pour les établir dans une juste proportion des pertes reconnus. Il pourra cependant paraître que la maison de Bade a été plos avantageux que les autres; mais il a été jugé nécessaire de fortifier le cercle de Suabe qui se trouve intermédiaire entre la France et les grands états Germaniques, et le premier consul s'est applaudi que dans cette circonstance la politique fut parfaitement

d'accord avec la dispositiou du gouvernement Français qui ne pouvait pas voir qu'avec plaisir une augmentation de puissance accordé à un prince dont les vertus avaient obtenus depuis longtems l'estime de l'Europe, dont les alliances avaient si honorablement distingué la famille, et dont la conduite, pendant tout le cours de la guerre, a mérité particulierement la bienveillance de la république. C'est aussi avec une véritable satisfaction que la France et la Russie, obligées de prendre la sécularisation pour base des dédommagemens, ont reconnu la possibilité de conserver en empire un électeur ecclésiastique, et qu'ils ont proposé de lui assigner un sort convenable en lui laissant le titre et les fonctions d'archichancelier.

On a dû présenter encore à la diéte de l'empire quelques considérations générales qui doivent servir de base aux réglemens intérieures qu'exigera la nouvelle organisation du corps Germa nique; et le premier consul et S. M. l'Empereur de Russie peuvent sans doute se rendre le témoignage qu'uniquement animés du désir de consolider la paix en Europe, et n'étant mus par aucun intérêt personnel, il n'a rien été négligé de leur part pour présenter à la diéte de l'empire un plan d'indemnisation tel, qu'il a paru impossible d'en rédiger un dont les bases et les développemens fussent plus conformes à l'esprit et au texte du traité de Lunéville, plus analogues aux convenances politiques de l'Europe, plus favorables au maintien de la paix.

Les deux gouvernemens de France et de Russie ont la persua sion que le temps qu'ils ont marqué doit suffire pour la décision des intérêts Germaniques et ils trouvent dans la longue prospérité qui en résultera pour l'Allemagne, une douce et honorable récompense des efforts qu'ils auront faits pour la lui procurer. CH. MAUR. TALLEYRAND.

(Signé)

(Moniteur, No. 344. 14 Fructidor, an 10.)

Extrait d'une Lettre de Londres, le 8 Thermidor.

Je viens aux élections,

La premiere chose qu'on désire savoir, est celle-ci : à quelles conditions est-on électeur? En effet, la solution de cette question peut seule apprendre si le système représentatif est democratique ou aristocratique. Il sera tout ce que vous voudrez, car il n'y a rien de fixe à cet égard.

Pour être électeur là il faut une propriété; iei, une quotité déterminée d'impôts; ailleurs, rien. A Londres même, qui vote dans la cité, ne voterait pas s'il habitait le quartier dit Westminster. Il y a plus, tel homme qui, dans son canton, n'a pas les qualités requises pour être électeur, n'en est pas moins nommé membre du parlement par le canton voisin du sien. Voulez-vous, plus encore? Vous trouverez des bourgs où l'élection se fait tout simplement par le maire et les municipaux ; et si cela ne vous

suffit pas, on peut vous offrir des bourgs où il n'y a plus d'élec teurs, faute d'habitans, mais où il y a toujours élection; vous sentez qu'en pareille circonstance il n'y a pas de dispute qu'on ne s'y ruine pas; c'est effectivement là où le titre de membre de parlement coûte le moins à acquerir, car on ne le paie que ce que le propriétaire du bourg le vend. Le prix varie suivant les tems; il est très-haut cette année par deux motifs: le premier, que la guerre a produit beaucoup de nouveaux riches qui ne demandent plus qu'à s'illustrer; le second, que plus la corruption devient générale, plus on trouve d'avantage à être membre du parlement; et qu'ainsi on ne risque rien en achetant fort cher un objet dont on est sûr de tirer bon parti.

Nos faiseurs de constitution vont dire que la constitution Anglaise aurait dû arranger tout celà; mais la constitution Anglaise a arrangé fort peu de choses: on peut assurer qu'elle n'est qu'un recueil de concessions arrachées par des esclaves mécontens à des maîtres faibles, fous ou tyrans; et il n'y a pas là de quoi se vanter beaucoup. La constitution Anglaise n'a pas empêché trois ou quatre révolutions, puisqu'on prétend qu'elle existait avant Charles Ier.; d'où l'on concluera, qu'une constitution ne met pas toujours à l'abri des événemens politiques. Les Anglais ont eu long-tems mieux qu'une constitution: ils ont eu un excellent esprit public qu'ils ne devaient qu'à eux, et l'admiration de l'Europe qu'ils n'ont due qu'à nous. L'esprit public s'y perd, l'admiration de l'Europe nous est revenue; et pour tracer d'un mot la position actuelle des Anglais et des Français, je dirai: qu'au dehors comme dans l'intérieur, la France a retrouvé son équilibre, et que l'Angleterre cherche le sien.

Si les conditions pour être électeur varient suivant les localités, du moins dira-t-on, il y a égalité dans le droit qu'ont les comtés pour députer au parlement; autrement l'Angleterre ne serait pas representée.

En ce cas, affirmez que l'Angleterre n'est pas representée, il y a des villes considérables qui ne députent pas, et qui sont bien loin de s'en plaindre. Malgré l'ambition naturelle à tous les hommes, jamais on n'a vu ces villes réclamer pour obtenir le droit de co-operer à la représentation nationale. Elevées par le commerce, elles ne redoutent rien tant que d'être livrées au trouble, aux vices, à la paresse qui naissent des élections. Mais si on n'a jamais entendu ces villes, d'une grande richesse et d'une nombreuse population, proclamer pour avoir droit de députer au parlement, en récompense on a vu des villes présenter des pétitions pour être exemptées de ce droit. Un pareil rapprochement en dit plus que toutes les phrases.

Les comtés d'Angleterre nomment deux députés au parlement; les comtés d'Ecosse et de Galles n'en nomment qu'un ; car l'Angleterre n'a jamais partagé franchement avec les pays qu'elle a réunis à elle, et c'est une des causes qui fait qu'en dépit de toutes les réunions, il n'y a pas amitié entre elle et les peuples

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