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toyaume d'Etrurie et des républiques Italienne et Ligurienne, avaient leur date avant le traité d'Amiens; que dans la négociation de ce traité, la France avait désiré que l'Angleterre reconnut ces trois puissances; mais que, comme on n'avait pu s'accorder ni sur ce point, ui sur les affaires de l'Inde, en ce qui concernait la déstruction de quelques états principaux, et les inappréciables acquisitions faites par l'Angleterre dans cette contrée, on en était resté à considérer la discussion de ces objets comme ne tenant pas à l'exécution des articles préliminaires, et à l'objet fondamental de la pacification des deux états. Le soussigné observa enfin que le gouvernement Français ne demandait sur ce point aucune approbation, ni reconnaissance à S. M. B.

Le soussigné ajouta que, quant à la république Batave, elle avait été reconnue par l'Angleterre puisqu'il avait traité avec elle, et que par les traités existans entre cette république et la France, l'arriere garde des troupes Françaises devait évacuer ce pays à la nouvelle de l'entiere exécution du traité d'Amiens.

Quant aux criminels refugiés à Londres et à Jersey, où ils se livraient à tous leurs penchans pervers, et où loins d'être réprimés, ils étaient traités et pensionnés par l'Angleterre, le gouvernement Français concevait que, dans la situation actuelle des négociations, il ne devait y attacher aucune importance.

S. E. lord Whitworth proposa un second projet.

L'Angleterre demandait que le gouvernement civile de Malte étant laissé au grand maître, les garnisons Britanniques continuassent d'occuper les fortifications de l'île. Cette proposition était impraticable et inouie. Comme celle du premier projet, elle était contraire au traité d'Amiens, et conséquemment aux bases de négociation, offertes par le premier consul, elle avait de plus l'inconvénient irrémédiable de remettre un ordre de chevaliers, appartenant à toutes les puissances de l'Europe, sous l'autorité et la tutelle d'une seule puissance; elle était enfin par elle même une offence à l'honneur et à la religion d'un ordre lié par tous les élémens à l'honneur et à la religion de l'Europe entiere.

Ainsi, dans tous les pas de cette négociation, le gouvernement de la république était obligé de voir que le gouvernement Anglais n'avait qu'une seule volonté, qu'un seul objet en vue, celui de ne pas reinplir les stipulations du traité d'Amiens, et de conserver Malte, par la seule raison que Malte était à sa convenance, et qu'elle appelait cette acquisition une garantie suffisante.

Mais quelle est la puissance de l'Europe, dut-elle se reconnaître inégale, qui put souffrir de se soumettre aux volontés d'une autre sans discussion de ses droits, sans appel aux principes de la justice? Qu'elle est la puissance surtout qui, placée comme l'a été la France, dans le cours de cette discussion, eût pu souscrire à des conditions dictées dès le début d'une négociation, et plutôt annoncées au bruit des menaces de guerre par des préparatifs et des ar memeus, que proposées comme un moyen d'accorder les droits et les intérêts des deux états?

Dans une circonstance, à quelques égards analogue, une nation faible, non par son courage, mais par l'étendue et la population de ses provinces, osa braver la puissance Anglaise, dans sa capitale menacée, exposer la demeure de ses rois, compromettre ses magazins, sa seule richesse, résultat de cent ans de paix, et d'une industrieuse économie, plutôt que de souscrire à des conditions injustes proposées alors, comme aujourd'hui sur le motif de la couvenance de l'Angleterre, et appuyées par l'appareil d'un armement considérable. Des braves y périrent; les colonies Danoises furent envahies, mais quelque inégale que fut la lutte, l'honneur ne laissait pas à cette généreuse nation le choix du parti qu'elle avait a prendre.

Dans la discussion présente, la politique parle le même langage que l'honneur, si le gouvernement Britaunique est le maître de se conformer ou de ne pas se conformer à ses engagemens; s'il peut, dans les traités qu'il a faits, distinguer l'esprit de la lettre; si l'on admet ses restrictions mentales comme aulant d'exceptions autorisées; si les convenances de l'Angleterre doivent enfin expliquer le sens des conventions politiques, quel sera le terme des concessions qu'on se flattera d'arracher successivement à la faiblesse de la France? Quelle sera la mesure des sacrifices et des humiliations qu'on entreprendra de lui imposer? Aujourd'hui la convenance de l'Angleterre exige une garantie contre la France et l'Angleterre garde Malte! Autrefois la convenance de l'Angleterre voulait une garantie contre la France, et l'on détruisit Dunkerque! Et un commissaire Anglais donna des lois dans un pays ou flotterent les couleurs Françaises! Demain la convenance de l'Angleterre demandera une garantie contre les progrès de l'industrie Française, et on proposera un tarif de commerce pour arrêter les progres de notre industrie.

Si nous réparons nos ports, si nous construisons un môle, si nous relevons nos manufactures etc. on demandera que nos ports soient dégradés, que nos môles soient détruits, que nos canaux soient comblés, que nos manufactures soient ruinées ; ́on exigera que la France devienne pauvre, et soit désarmée pour se confor mer aux convenances de l'Angleterre, et donner une garantie suffisante à son gouvernement.

Que l'on considere les principes, ou qu'on examine les conséquences, on est également frappé de l'injustice et du scandale de ces prétentions. On peut le demander, si elles étaient soumises à un jury Anglais, hésiterait-il à les réprouver unanimément ?

Le gouvernement de la république a droit de s'étonner que le ministere Brittannique ait pu se croire autorisé à lui supposer ce degré d'avilissement. Comment a-t-il pu penser que le gouverne ment actuel de la France perdrait, dans un lâche repos, et le souvenir de tout ce qu'il a fait, et le sentiment de tous ses devoirs ? Nos provinces sont elles moins étendues, moins peuplées? ne sommes nous plus ces mêmes hommes qui ont tout sacrifié au maintien des plus justes intérêts? et si, aprês nos succès, nous

avons fait éclater une grande modération, à quelle autre cause cette modération pent-elle être imputée, si ce n'est à la justice de nos droits et au sentiment de nos forces?

Le soussigné, en exposant à S. E. Lord Whitworth ces observations, croit avoir le droit de lui faire remarquer que la conduité modérée de toute l'administration Française, pendant deux mois entieres d'une suite de provocations offensantes, et malgré la profonde impression qu'elle en ressentait, doit lui faire apprécier le véritable caractere du gouvernement français. Cependant, c'est lorsque, par son profond silence sur des insultes répétées, le Gouvernement de la République eu dû s'attendre à voir qu'on chercherait à les réparer, ou au moins à y mettre une terme; lorsqu'évitant de préjuger la tournure finale que pourraient prendre les affaires, il n'a montré que de l'attention et de l'empressement à examiner les moyens qui pourraient être proposées pour concilier et satisfaire le Gouvernement Anglais; c'est alors que verbalement et sans vouloir consentir à donner aucune déclaration écrite, S. E. Lord Whitworth a fait, au nom et par l'ordre de son Gouvernement le 6 Floréal au soussigné les demandes suivantes : Que l'Angleterre garde Malte pendant dix ans ;

Que l'Angleterre prenne possession de l'Ile Lampedosa.

Que la Hollande soit évacuée par les troupes Françaises. S. E. Lord Whitworth a de plus déclaré que ces propositions étaient l'ultimatum de sa Cour et que sur le refus de les accepter, il avait ordre de quitter Paris dans le délai de sept jours.

Le soussigné ôse dire qu'il n'y a pas d'exemple d'une telle forme donnée à un ultimatum aussi impérieux.

Eh quoi! la guerre ne doit-elle avoir d'inconvéniens que pour nous? Le Ministere Anglais juge-t-il la nation Française tellement faible que dans une circonstance où il s'agit pour elle de la plus importante des délibérations, il ne se croie pas tenu à se conformer, à son égard, aux usages qui sont observés par tous les gou veruemens des nations civilisées?

Ou bien n'est-ce pas plutôt que le sentiment de l'injustice qué pese sur la conscience de l'homme public, comme sur celle de l'homme privé, a empêché le Gouvernement Britannique de signer la demande qu'il avait faite; et que, par une marche moins décidée, il a cherché à se reservir, pour l'avenir, les moyens dé faire perdre les traces de ses véritables prétentions, et de tromper un jour l'opinion sur l'origine de la rupture?

Ou enfin, les Ministres de S. M. Britannique connaissant mal le caractere du Premier Consul, ont-ils espéré, à force de provocations, de l'exaspérer ou de l'intimider, de le porter à oublier les intérêts de la nation, ou de l'exciter à quelqu'acte d'éclat, qu'ils pourraient ensuite travestir aux yeux de l'Europe en initiative de guerre ?

Le Premier Consul plus qu'aucun homme qui existe, connaît les maux de la guerre, parce que plus que personne il est accou tumé à ses calculs et à ses chances i croit que, dans des circontances telles que celles où nous nous trouvons, la premiere pensée

des gouvernemens doit se porter sur les catastrophes et les malheurs qui, peuvent naître d'une nouvelle guerre; il croit que leur premier devoir est non-seulement de ne pas céder à des motifs d'irritation, mais de chercher par tous les moyens à éclairer, à modérer les passions imprévoyantes des peuples.

Le soussigné s'arrêtant donc d'abord à la forme de cette communication de S. E. Lord Whitworth, le pria d'observer que des conversations verbales et fugitives sont insuffisantes pour la discussion d'aussi immenses intérêts, dont ordinairement tous les motifs sont traités dans les conseils des nations, après les plus mures délibérations. Dans ces conseils, et dans de telles circonstances, rien n'est jugé indifférent; les formes, les expres sions mêmes y sont pésées, examinées, de battues, appréciées, et servent toujours à déterminer comme à justifier le parti que l'on doit prendre.

Si, une aussi imprudente, aussi inconvenante violation de toutes les formes, avait été faite par la France, que n'aurait-on pas dit, que n'aurait on pas écrit en Angleterre? Il n'est pas un orateur dans les deux Chambres du Parlement qui n'eut déclaré que cet écart des régles générales établies entre les nations dans des circonstances importantes, était un outrage à la nation Anglaise. Aux yeux de tous, une telle offense eut été regardée comme un motif suffisant de rompre toute négociation.

Quant au foud de l'ultimatum proposé, le soussigné a l'hon neur de rappeler à S. E. Lord Whitworth, qu'il fut chargé de déclarer par une note qui lui fut remise le 12 Floréal, que le Premier Consul restait impassible aux menaces comme aux injures et passait par dessus l'oubli des formes dont il n'est pas d'exemple qu'aucun gouvernement dans l'histoire se soit écarté dans une aussi importante circonstance.

Que l'Isle de Lampedosa n'appartenait pas à la France; qu'elle était sous la souveraineté d'une puissance étrangere, et que sur le désir de S. M. B. d'en avoir la possession, le Premier Consul, n'avait le droit d'énoncer ui consentiment ni refus;

Que l'indépendance de l'Ordre et de l'Ile de Malte était le résultat d'un article spécial du traité d'Amiens; que le Premier Consul ne pouvait prendre, à cet égard aucune nouvelle détermi uation, sans le concours des deux autres Puissances contractantes à ce traité, S. M. le Roi d'Espagne et la République

Batave.

Que l'indépendance de l'Ile de Malte avait été garantie par S. M. l'Empereur d'Allemagne, et que les ratifications de cette ga rantie étaient échangées; que leurs Majestés l'Empereur de Russie et le Roi de Prusse avaient garanties l'indépendance de l'ordre et de l'Isle de Malte que ces garanties avaient été demandées à ces Puissances par l'Angleterre, comme par la France; qu'il était du devoir du Premier Consul de les accepter, et qu'il les avait accep tées, que le Premier Consul ne pouvait donc entendre à aucune proposition relative à l'indépendance de l'Ordre et de l'Isle de Malte, sans qu'au préalable il eut connu, relativement à cette

indépendance, les intentions des gouvernemens qui l'avaient authentiquement garantie;

Qu'un corps peu nombreux de troupes Françaises était encore, au moment du message, stationné en Hollande; en vertu d'une convention conclue entre cette République et la France; et que le Premier Consul n'avait point hésité à dire qu'il ferait évacuer la Hollande aussitôt que les stipulations du traité d'Amiens auraient eu leur entiere exécution de la part de l'Angleterre.

A cette note qui, dans les expressions et dans l'exactitude surtout et la précision de ses motifs, ne respirait qu'équité, paix et modération, S. E. Lord Whitworth répondit par une demande péremptoire de passeports et en informant qu'il comptait en faire Mercredi 4 Mai, à cinq heures du matin.

Le Gouvernement Français sentit profondément le contraste d'une détermination aussi absolue, avec le caractere de bienséance, de justice et de conciliation que, dans toutes les circonstances, et principalement dans la derniere, il s'était attaché à donner à ses démarches.

Neanmoins il crut devoir faire un sacrifice aux intérêts de l'humanité. Il ne voulut abandonner tout espoir de paix qu'au dernier moment, et le soussigné remit à S. E. Lord Whitworth une nouvelle note par laquelle la France offrait de consentir à ce que Malte fut remis à la garde d'une des trois Puissances garantes, l'Autriche, la Russie ou la Prusse.

Cette proposition parut à Lord Whitworth lui-même devoir satisfaire les prétentions de sa Cour; il suspendit son départ, et prit la note ad referendum.

En même tems l'Ambassadeur de la République à Londres, prévenu de la demande que S. E. Lord Whitworth avait fait à Paris de ses passeports pour retourner cu Angleterre, eut ordre de se tenir prêt à partir. Il fit en conséquence la demande de ses passeports qui lui furent accordés sur l'heure.

Le mezzó terminé, proposé par le Gouvernement Français s'éloignait de l'article du traité d'Amiens; mais il avait le double avantage de se rapprocher, le plus possible, de son esprit, c'est-àdire, de mettre Malte dans l'indépendance des deux nations, et d'offrir cette garantie tant réclamée, et que le Ministre Britannique prétendait être le seul objet de ses alarmes.

Le Gouvernement Britannique comprit la force de ces raisons, et la malheureuse fatalité qui l'entraîne à la guerre, ne lui offrait de réponse que dans une fausse allégation, Le 21 de ce mois, Lord Whitworth remit une note; dans laquelle il déclara que la Russie s'était refusée à ce qu'on demandait d'elle.

Les Puissances garantes étant au nombre de trois, si la Russie s'y était refusée, il restait encore l'Empereur d'Allemagne et le Roi de Prusse; mais comment la Russie pouvait-elle avoir fait connaître son opinion sur une proposition nouvelle et faite depuis peu de jours? Il était à la connaissance de l'Angleterre que la Russie et la Prusse avaient proposé de garantir l'indépendance de Malte avec de légeres modifications, et que le Gouvernement

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