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conviendrons que, sur les milliers de bâtimens neutres qué les Anglais ont saisis dans la derniere guerre, il y en a à-peu-près une vingtaine qui ont été restitués. Nous voulons croire que, plus prudens dans la guerre actuelle, les restitutions seront plus nombreuses. Dans ce cas même, qui est le plus favorable, on ne se fait point d'idée des vexations dont les cours de l'amirauté Anglaise ont l'habitude, et reçoivent l'instruction.

On ne peut ignorer combien il importe à tout bâtiment commerçant quel qu'il soit, d'arriver promptement à sa destination, tant à cause de la nature des marchandises, qu'à cause des saisons, des tems, des marchés, et surtout des salaries et de la solde d'équipage. Une fois visité et emené dans les ports d'Angleterre, ce bâtiment est jugé sur-le-champ, si on le croit coupable; mais si on croit qu'il n'a contrevenu en rien aux traités de commerce, on l'oublie. Il demeure ainsi en panne une année entiere, sans que le patron puisse obtenir une audience. Peudant ce tems, voici ce qui arrive : le bâtiment se détériore, la cargaison s'avarie, les matelôts, circonvenus par les récruteurs Anglais, désertent, et passent au service de la Grande-Bretagne. A la fin, cependant, l'amirauté consent à le renvoyer. Mais alors son-propriétaire, ruiné, est forcé de la vendre sur place et à bas prix, ne fut-ce que pour payer sa dépense, ainsi que les frais de justice, dont aucune imagination ne peut se figurer l'excès (2).

Le lecteur apperçoit facilement les résultats de cette savante méthode. La guerre n'est pas plutôt déclarée par l'Angleterre, que l'effroi gagne tout le monde commerciale. L'idée seul d'être visité, amené en Angleterre, et de subir un jugement de l'amirauté Anglaise, paralyse toutes les spéculations, arrête toute activité. Tous les ports des puissances en paix, se changent, par ce moyen, en comptoirs de l'Angleterre. Mille considérations de profit et de sûreté font penser qu'il vaut mieux confier à des vaisseaux Anglais, qu'à ses propres vaisseaux, les objets de commerce dont on peut disposer. Les Auglais consentent à aller prendre avec leurs propres vaisseaux les matieres premieres de toutes les puissances du continent; ils consentent même à les leur rapporter ensuite, quand ils les ont ouvrées et manufacturées (3).

Si c'est cet ordre de choses sur lequel M. Adington a compté, quand il a établi ses droits sur les consommations interieures et sur les douanes, et quand il s'est vanté de faire d'autorité l'approvisionnement de tout le continent (4), nous croyons et nous espé rons qu'il a pu se tromper. La France respectera la neutralité de toutes les puissances. Mais elle a lieu de croire que l'Angleterre la respectera elle-même, ou que ces puissances la feront respecter. Elle a lieu de croire que par des considérations d'aucun genre, aucun état de l'Europe ne s'abaissera jusqu'à envoyer, dans cette guerre, des tributs à la Grande Bretagne. Nous appelons ici franchement tributs, non-seulement encore cette honteuse condescendance avec laquelle une puissance enverrait à l'Angleterre ses vaisseaux, afin qu'elle les saisit et qu'elle en soudoya ses matelôts. On ne nous contestera point que c'est être tributaire de

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l'Angleterre, que de se laisser terrifier par elle au point de lul abandonner l'empire exclusifs des mers, et le commerce de tous les pays. On ne nous contestera point que c'est être tributaire et esclave d'un état, que de le laisser, sans prétexte de la guerre, en possession de toutes les transactions commerciales et maritimes, au point qu'il n'y ait plus d'autres vaisseaux que les siens qui aient voiturée sur les mers les denrées de l'Europe, celles de l'Amérique et de l'Asie.

Il nous paraît très-probable que M. Addington se trompera sans le rapport du monopole qu'il ose proclamer, et alors il se trompera manifestement sur le produit des douanes. Nous croyons qu'il se trompera encore sans le rapport de l'esprit public et des armées. Ces deux points, que nous n'avons fait qu'effleurer, demande une attention et des réflexions particulieres.

(1). There was a report yesterday also, which we hope is wholly unfounded, that the Danes begin to complain of the manmer in which their ships are detained or visited. We do not chuse at present to say all that might be said on this subject. (Morning Chronicle).

(2). Ceux qui ne connaissant que les traités écrits, s'imagi neront que, dans ce cas, le preneur doit être tenu aux-dédomagement. Nous le savons parfaitement. Mais des dédomagemens obtenus sont une chose sans example dans les cours d'amiranté Anglaise, et nous n'avons pas connaissance d'un seul cas de cet espece.

(3). C'est ce qui fait que, pendant la derniere guerre, la somme des importations et des exportations a été si immense en Angleterre; la paix n'est pas plutôt survenue, que tout a changé. Inde iræ.

(4). Command of the supply of the world.

(Moniteur, No. 295.)

Paris, le 25 Messidor.

Dans les vingt-quatre heures de l'arrivée du courier porteur de la Convention de Sublingen, relative à l'armée du Roi d'Angleterre en Hanovre, le Premier Consul fit envoyer cet acte au gou vernement Anglais, afin de connaître si S. M. Britannique voulait le ratifier.

Le citoyen Talleyrand, ministre des relations extérieures; écrivit en conséquence à Lord Hawkesbury la lettre ci-après:

Lettre du Ministre des Relations Extérieures, à Lord Hawkesbury.-Paris, le 21 Prarial, An 11:

Milord,

Après un léger engagement avec les troupes de S. M. Britannique l'armée Française occupe le pays de Hauovre.

Le Premier Consul n'ayant eu en vue que d'obtenir des gages pour l'évacuation de Malte et de travailler à accomplir l'exécution du traité d'Amiens, n'a point voulu faire éprouver toutes les rigeurs de la guerre aux sujets de S. M. Britannique. Cependant, le Premier Consul ne peut ratifier la convention conclue entre l'armée Francaise et celle de S. M. Britannique, dont j'ai l'honneur de joindre ici copie, qu'autant qu'elle sera ratifiée par S. M. Britannique, et dans ce cas, le Premier Consul me charge expressément de déclarer qu'il est dans son intention que l'armée du roi d'Angleterre en Hanovre soit d'abord échangée contre tous les matelots ou soldats que les vaisseaux de S. M. ont fait ou sont dans le cas de faire prisonniers.

Le Premier Consul verrait avec peine que S. M. Britannique, en refusant de ratifier la ditte convention, obligeait le Gouverne ment Français à traiter le pays de Hanovre avec toute la rigueur de la guerre, et comme un pays qui, livré à lui-même abandonné par son souverain, se serait trouvé conquis sans capitulation, et laissé à la discretion de la puissance occupante.

J'attendrai avec empressement, milord, que vous me fassiez connaître les intentions de S. M. Britannique.

Recevez, milord, l'assurance de ma plus haute considération. CH. MAU. TALLEYRAND.

(Signé)

Convention passée entre MM. les Députés civils et militaires de la Régence d'Hanovre, et le Lieutenant-Général Mortier, Commandant en Chef l'Armée Française.

Art. I. L'électorat d'Hanovre sera occupé par l'armée Française ainsi que les forts qui en dépendent..

11. Les troupes Hanovriennes se retirerent derriere l'Elbe. Elles s'engageront, sur parole d'honneur, à ne commettre aucune hostilité et à ne porter les armes contre l'armée Française et ses alliés, aussi long-tems, que durera la guerre entre la France et l'Angleterre. Elles ne seront relevées de ce serment qu'après avoir été échangées contre autant d'officiers-généraux, officiers, sous-officiers, soldats ou inatelots Français que pourrait avoir à sa disposition l'Angleterre.

III. Aucun individu des troupes Hanovriennes ne pourra quitter l'emplacement qui lui est désigué, sans que le général commandant en chef en soit prévenu.

IV. L'armée Hanovrienne se retira avec les honneurs de la guerre. Les régimens emmeneront avec eux leurs pièces de campagne.

V. L'artillerie, les poudres, les armes, et munitions de toutes espèce, seront mis à la disposition de l'armée Française. VI. Tous les effets quelconques, appartenant au Roi d'Angleterre, seront mis à la disposition de l'armée Française. VII. Le sequestre sera mis sur toutes les caisses. l'université conservera sa destination. VIII. Tout militaire Anglais, ou agent quelconque, à la solde

Celle de

de l'Angleterre, sera arrêté par les ordres du général commandant en chef, et envoyé en France.

IX. Le général commandant en chef se réserve de faire dans le gouvernement et les autres autorités constituées par l'electeur tel changement qu'il jugera convenable.

X. Toute la cavallerie Française sera remontée aux frais de l'Hanovre. L'électorat pourvoira également à la solde, à l'habillement et à la nourriture de l'armée Française.

XI. Le culte des différentes religions sera maintenu sur le pied actuellement établi.

XII. Toutes les personnes, toutes les propriétés et les familles des officiers Hanovriens, seront sous la sauve-garde de la loyauté Française.

XIII. Tous les revenus du pays, tant des domaines électoraux et des contributions publiques seront à la disposition du gouvernement Français. Les engagemens pris jusqu'ici se ront respectés.

XIV. Le gouvernement actuel de l'électorat s'abstiendra de toute espèce d'autorité dans le pays occupé par les troupes Françaises.

XV. Le général commandant en chef prélevera sur l'électorat d'Hanovre telle contribution qu'il croira nécessaire aux besoins de l'armée.

XVI. Tout article sur lequel il pourrait s'élever des doutes sera interprété favorablement aux habitans de l'électorat.

XVII. Les articles précédens ne porteront pas préjudices aux stipulations qui pourront être arrêtées en faveur de l'électorat entre le Premier Consul et quelque puissance médiatrice.

Au quartier-géneral à Suhlingen, le 14 Prairial, an 11, (3d June, 1803).

Sauf l'approbation du Premier Consul.

Le lieutenant général, commandant en chef,
ED. MORTIER.

(Signé)

(Signé) F. DE BRUNER, chef de la cour électorale de justice, et conseiller-provinciale. J. DE BOCK, lieutenant-colonel comman dant le régiment des gardes-du-corps, électoral.

(Signé)

Le général Mortier reçut en même tems l'ordre d'annoncer au général de l'armée du Roi d'Angleterre en Hanovre, que le Premier Consul ne ferait aucune difficulté de ratifier la convention de Suhlingen, aussitôt que S. M. Britannique l'aurait ellemême ratifiée. Il n'est pas un seul homme sensé en Europe qui ait pu douter un seul justant de la ratification du Roi d'Angle

terre.

L'étonnement fut donc très-grand, lorsqu'on reçut la réponse de Lord Hawksbury.

Réponse de Lord Hawkesbury, au Ministre des Relations Extérieures.

Monsieur,

Downing Street, le 15 Juin, 1803.

J'ai mis sous les yeux du Roi votre lettre du 10 du courant. J'ai l'ordre de S. M. de vous informer que comine elle a toujours considéré le caractere d'Electeur d'Hanovre comme distinct de son caractere du Roi des royaumes unis de la Grande-Bretagne, et de l'Irlande, elle ne peut consentir à acquiescer à aucun acte qui pourrait consacrer l'idée qu'elle est justement susceptible d'être attaquée dans une capacité pour la conduite qu'elle peut avoir cru de son devoir d'adopter dans l'autre. Ce n'est pas de ce moment que ce principe est avancé pour la premiere fois. Il a été reconnu par plusieurs puissances de l'Europe, et plus particu lierement par le Gouvernement Français, qui, en 1795, en conséquence de l'accession de S. M. au traité de Basle, reconnut sa neutralité dans sa capacité d'Electeur d'Hanovre, dans le moment où il était en guerre avec elle en la qualité de Roi de la Grande Bretagne. Ce principe a été de plus confirmé par la conduite de S. M. à l'occasion du traité de Lunéville, et par les arrangemens qui ont eu lieu dernierement relativement aux indemnités Germaniques, qui doivent avoir eu pour but de pourvoir à l'indépendance de l'Empire, et qui ont été solennellement garanties' par les principales puissances de l'Europe, mais auxquelles S. M. comine Roi de la Grande Bretagne, n'a pris aucune part.

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Dans ces circonstances, sa majesté est détermineé, dans son caractere d'Electeur d'Hanovre, à appeler à l'Empire, et aux puissances de l'Europe qui ont garantie la constitution Germanique, et par conséquent ses droits et possessions en qualité de Prince de cet Empire.

En attendant que sa majesté soit informée de leurs sentimens, elle m'a commandé de dire que, dans son caractere d'Electeur d'Hanovre, elle s'abstiendra scrupuleusement de tout acte qui pourrait être considéré comme contrevenant aux stipulations contenues dans la convention qui fut conclue le 3 Juin, entre les députés nommés par la régence d'Hanovre et le Gouvernement Français.

Je désire que vous acceptiez les assurances de la haute considération avec laquelle j'ai l'honneur d'être, Monsieur, votre trèshumble et obéissant serviteur.

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On fit dès lors connaître au général Mortier que, par le refus de la ratification de la part du Roi d'Angleterre, la convention de Suhlingem était considérée comme non-avenue.

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