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Copie de la Lettre écrite par le Lieutenant-Générale Mortier, à M. le Maréchal Comte de Walmoden, en date de Lunebourg, le 11 Messidor.

J'ai eu l'honnenr de prévenir votre excellence que le Premier Consul approuverait dans son entier la ratification de Suhlingen, si le Roi d'Angleterre consentait lui-même à la ratifier. Il m'est donc pénible d'avoir à vous apprendre que Lord Hawksbury a fait connaître au citoyen Talleyrand, ministre des relations extérieures, que sa Majesté Britannique se refusait formellement à cette ratification.

Votre excellence se rappelera qu'en 1757, pareille convention fut conclue à Closter-Seven, entre M. de Richelieu et le Duc de Cumberland; et que le Roi d'Angleterre n'ayant pas voulu y adhérer, il douna ordre à son armée de recommencer les hostilités.

C'est pour éviter le renouvellement des scenes qui eurent lieu alors, que mon Gouvernement me charge de prévenir votre excellence que le refus de sa Majesté Britannique rendait nulle la convention de Suhlingen.

Il est évident, M. le Maréchal, que l'Angleterre sacrifie indignement vos troupes, dont la bravoure est connue de l'Europe entiere; inais il ne l'est pas moins que tout projet de defense de votre part serait illusoire, et ne ferait qu'attirer de nouveaux malheurs sur votre pays.

Je charge le général Berthier, chef de l'état major-général, de vous faire part de mes propositions. Je dois insister pour que votre excellence venille bien me faire, daus les vingt-quatre heures, une réponse cathégorique. L'armée que j'ai l'honneur de commander est prête, et n'attend que le signal du combat. Je prie votre excellence de croire à ma haute considération très-distinguée.

Pour copie conforme,

(Signé) ED. MORTIER.

Le lieutenant-général, ED. MORTIER.

Lettre du Général Mortier, au Premier Consul, au QuartierGénéral à Lunebourg, le 17 Messidor, An 11.

Citoyen Premier Consul,

J'écrivis le 11 au Maréchal de Walmoden la lettre dont je joins ici copie. M. le Baron de Bock, colonel au régiment des gardes, vint me trouver le lendemain de sa part; il me dit que la proposition de faire mettre bas les armes à son armée pour être conduite prisonniere de guerre en France, était d'une nature tellement humiliante qu'ils préféraient mourir tous les armes à la main, qu'ils avaient assez fait de sacrifices pour leur pays par la capitulation de Suhlingen; qu'il était tems enfin de faire quelque chose pour leur propre honneur; que leurs officiers, leur armée étaient réduits au désespoir. M. de Bock me représenta alors l'extrême loyauté avec lequel les Hanovriens avaient remplis scrupuleuse

ment tous les artcles de la convention de Suhlingen qui les concérnaient; que leur condute à notre égard était exemple de tout reproche, et qu'elle ne devait point leur attirer les malheurs dont je les menaçais. Je me recriai de mon côté sur la perfidie du Roi d'Angleterre, qui avait refusé la ratification de la convention du 14 Prairial; que c'était le machiavêlisme seul de l'Angleterre qu'ils devaient accuser, et qu'il était constant que ce Gouvernement les sacrifiait, comme il avait toujours sacrifié ses amis du Contineut.

M. de Bock est un homme plein d'honneur et de loyauté. Il me dit que si je pouvais faire des propositions acceptables, telles que de renvoyer une partie de l'armée en semestre et de garder un noyau de 5 à 6 mille hommes dans le Launbourg, &c. il croyait que M. le Maréchal entrerait en arrangement. Ma réponse fut négative, et nous nous quittâmes. J'avais déjà pris toutes ines dispositions pour le passage du fleuve. Une quantité de barques ramassées tant sur l'Elbe que dans l'Elmenau, m'avait procuré de grands moyens. L'ennemi occupait une position entre le Steknitz et la Bille.

C'est dans la nuit du 15 au 16 que l'attaque générale devait avoir lieu : l'ennemi s'était procuré du gros calibre à Ratzebourg; it en avait garni toutes ses batteries sur l'Elbe. J'avais fait établir de mon côté des contre-batteries: mes troupes étaient bien disposées, et tont annonçait une heureuse issue, lorsque M. de Walmoden me fit faire de nouvelles propositions.

Citoyen Premier Consul, l'armée Hanovrienne était réduite au désespoir; elle implorait votre clémence. J'ai pensé qu'abandonnée par son roi, vous voudriez la traiter avec bonté. J'ai fait au milieu de l'Elbe, avec le Maréchal de Walmoden, la capitulation · que je joins ici. Il l'a signé le cœur navré. Vous y verrez que son armée met bas les armes ; que sa cavalerie met pied à terre, et nous remet près de 4000 excellens chevaux. Les soldats rentrant chez eux, vont se livrer à l'agriculture, et ne doivent faire éprouver aucune espèce d'inquietude. Ils ne seront plus aux ordres de l'Angleterre.

Salut et profond respect,

(Signé) ED. MORTIER. P. S. Il serait difficile de vous peindre la situation du beau régiment des gardes du Roi d'Angleterre au moment où il met pied à terre.

"Le Roi d'Angleterre, s'étant refusé de ratifier la convention de Sullingen, le Premier Consul s'est trouvé obligé de regarder cette convention comme non-avenue. En conséquence, le lieutenant-général Mortier, commandant en chef l'armée Française, et son excellence M. le Comte de Walmoden, commandant en chef l'armée Hanovrienne, sont convenus de la capitulation suivante, qui devra immédiatement avoir son exécution sans être de nature à être soumise à la ratification des deux Gouverne

mens:

Art. I. L'armée Hanovrienne déposera les armes : elles seront remises, avec toute son artillerie, à l'armée Française.

II. Tous les chevaux de troupes de la cavalerie Hanovrienne, ceux de son artillerie, seront remis à l'armée Française par l'un des membres des états; il sera envoyé de suite à cet effet une commission nommée par le général en chef, pour en prendre l'état et le signalement.

III. L'armée Hanovrienne sera dissoute, les troupes repasseront l'Elbe et se retireront dans leurs foyers; elles s'engageront avant, súr parole d'honneur, de ne porter les armes contre la France et ses alliés, qu'après avoir été échangées à grade égale pour autant de militaires Français qui pourraient être pris par les Anglais, dans le courant de cette guerre.

IV. MM. les généraux et officiers Hanovriens se retireront, sur parole, dans les lieux qu'ils choisiront pour leur domicile, pourvu qu'ils ne sortent pas du Continent. Ils conserveront leurs épées, et emmeneront avec eux leurs chevaux, effets et bagages.

V. Il sera remis, dans le plus bref délai, au général commandant l'armée Française, un contrôle nominatif de tous les individus formant l'armeé Hanovrienne.

VI. Les soldats Hanovriens renvoyés dans leurs foyers ne pourront porter l'uniforme.

VII. Il sera accordé des subsistances aux troupes Hanovriennes jusqu'à leur entrée dans leurs foyers.

Il sera également accordé du fourrage pour le même objet, aux chevaux des officiers.

VIII. Les articles XVI et XVII de la convention de Suhlingen seront applicables à l'armée Hanovrienne.

IX. Les troupes Françaises occuperont de suite la partie de l'électorat d'Hanovre, située dans le pays de Launbourg.

Fait double, sur l'Elbe, ce 16 Messidor an 11 de la République Française.

Le lieutenant-général commandant en chef l'armée Française. (Signé) ED. MORTIER.

Le Maréchal Comte de WALMODEN.

(Moniteur, No. 297.)

La mesure que vient de prendre le Gouvernement Anglais en bloquant l'embouchure de l'Eibe, et celle du Weser, est un nouvel acte d'infraction aux droits des neutres, et à la souveraineté de toutes les puissances.

La France attaquée par l'Angleterre, acquit le droit de porter la guerre dans toutes les possessions Britanniques, et de s'emparer, comme elle l'avait fait dans les guerres antérieures, de l'Hanovre qui en fait partie. Mais elle n'a occupé les bords de l'Elbe que dans les pays dont cette conquête l'a mise eu possession; elle a respecté la neutralité de Breme, d'Hambourg, et des autres états du Continent.

Quelle circonstance aurait donc autorisé le Roi d'Angleterre à défendre aux puissances neutre la navigation d'Elbe et du Weser, Si le pavillon Anglais ne peut paraître sur tous les points qu'une batterie Française peut atteindre, du moins il ne doit pas empêcher les neutres de naviguer partout où les chances de la guerre ont conduit des armées Françaises, et d'entretenir leurs communications entr'eux. L'Elbe et le Weser baignent une grande étendue de territoires neutres; les rivieres qui s'y jettent agrandissent encore les relations commerciales dont ils offient le débouché; fermer l'entrée de ces fleuves, c'est intercepter les communications d'une grande partie du Continent; c'est commettre une acte d'hostilité contre tous les pays auxquels cette navigation appartient.

L'Angleterre aurait dû déclarer plus franchement, qu'elle ne veut souffrir aucune puissance neutre. Mais les neutres souffriront-ils à leur tour que leur pavillon et leurs droits soient méprisés ?

Si l'Angleterre a voulu punir l'Allemagne de n'avoir pas protégé et défendu l'Hanovre, c'est sans doute comm.e Prince de l'Empire qu'elle a crut avoir des droits à cette protection. Ce pendant comment oserait-elle réclamer une garantie des membres de l'Empire au moment où elle viole les droits de l'un d'entre eux. Le Roi d'Angleterre, en sa qualité de membre du Corps Germanique, avait consenti à des arrangemens, avait stipulé des indemnités en faveur de l'Ordre de Malte, également considéré comme Prince de l'Empire. A peine S. M. avait solennellement signé ces dispositions, qu'elle attente à l'indépendance du territoire de l'Ordre. Elle n'a pas le droit de former pour elle des récla inations qui seraient plus justement élevées contre elle.

Au reste, la mesure de fermer l'entrée des principaux fleuves d'Allemagne est comme toutes celles que l'Angleterre a prises depuis plusieurs mois; un acte d'aveuglement qui retombe sur ellemême. Elle rompt les liens de son commerce avec l'Allemagne. et se ferme les principales voies pour l'introduction de ses marchandises sur le Continent. Elle en accoutume les peuples à se passer des produits de son industrie; elle les oblige, pour obtenir des articles équivalens, à s'adresser à la France, à qui, lorsque l'embouchure de l'Elbe est fermée toutes les voies de terre restent Ouvertes. La fureur et la passion sont de bien mauvais conseillers.

Les journalistes Anglais annoncent, comme un fait d'armes don't ils tirent vanité, l'enlèvement des pêcheurs Français, et cependant l'Angleterre agit ici encore contre elle-mème. En dérobant Ja propriété aux malheureux habitans des côtes, et en privant les familles de leurs soutiens, elle mit au désespoir cette population dont elle a détruite les ressources; elle l'excite à se porter avec plus d'ardeur à la défense de notre territoire et à venger la patrie. Elle allume le sentiment de la haine dans le cœur des honimes qui, par l'obscurité et la tranquillité de leur vie, semblaient y être le moins accessibles.

Ainsi une mauvaise action entrâme toujours de funestes résul

tats; ce qui est injuste n'est jamais profitable, et ne peut que soulever l'opinion.

Il est dans la nature de l'homme de refuser son intérêt et ses vœux aux entreprises évidemment contraires à l'équité et à la bonne foi; et quelles que soient ses préventions, il finit toujours par être entraîné vers la cause la plus juste. Eh! quel serait le sort de l'Europe, s'il n'y avait aucune puissance disposée à continuer l'ambition d'un état qui ne compte pour rien les traités et la justice.

Le ministere Anglais suit au surplus la pente où l'entraîne son caractere bien connue de l'Europe entiere. Les hommes faibles ne peuvent obéir à la raison: abandonnés à leurs passions, ils se trouvent sans cesse hors de mesure. Une conduite modérée at teste la vigueur d'un jugement sain: l'injustice et la violence proviennent d'une véritable faiblesse, comme le transport est l'effet naturel de l'état de maladie. Comment les lumières de la raison pourraient-elles briller au milieu des illusions du délire? ne dit-on pas chaque jour au peuple Anglais que la France est en proie à tous les désordres, et toujours déchirée par les factions; que le Gouvernement, est sans force, l'esprit public sans énergie? peutêtre en parlant contre l'évidence, les Ministres de S. M. Britannique ne parlent pas plus contre leur conscience qu'un malade dans le délire, lorsqu'ils montre à ceux qui l'environnent les fantômes que son imagination a créés.

Malheur au peuple conduit par des hommes faibles et sans plan! malheur aussi à l'Europe, si ces homines disposent ce qui reste encore de la puissance et de la prospérité d'un grand peuple.

(Moniteur, No. 305.)

RÉPUBLIQUE HELVÉTIQUE.

Fribourg, le 7 Juillet, 18 Messidor. Le 3 de ce mois, les députés de la diéte, sur l'invitation du Landamman, se sont rendus chez lui pour conférer sur le rang qu'ils devaient respectivemant tenir à l'assemblée du lendemain. Après quelques discussions, on est convenu que le sort en déciderait provisionnement, et le sort a donné le premier rang au canton d'Underwalden, l'un des plus petits de la Confédération Hel vétique.

Le cortége du Lundi a été brillant. La jeunesse Fribourgeoise, organisée en divers corps: les troupes Françaises en garnison dans la ville, et les milliers du canton, formaient une double haie depuis la maison du Landammam, jusqu'à l'église des Cordéliers. lieu de la premiere assemblée de la diete.

Arrivés à l'eglise, les députés se sont placés sur des bancs rangés en circle. Derriere eux, et dans la même direction, étaient placés leurs conseillers et secrétaires; les huissiers de la députation, couverts de manteaux aux couleurs des divers can

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