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des orages que la rivalité des puissances suscite trop souvent contré les grands états, obtiendra ce bienfait par une attention circonspecte à honorer les principes constitutifs de tout gouvernement; nous le conserverons en observant une impartialité absolue dans tous les différens qui nous seront étrangers, en empêchant qu'is se passe chez nous rien qui puisse exciter l'attention inquiette de nos voisins. Une nation loyale, paisible, simple et heureuse, doit avoir des admirateurs, et quelquefois des envieux.

"Je lis, Messieurs, dans vos regards; vous vous étonnez de m'entendre parler d'une impartialité absolue: l'habitude de plusieurs siecles, le souvenir d'un bienfait immense, tout vous porte à adresser vos premiers vœux à cette puissance, qui dès les tems les plus reculés, s'est montrée notre grande alliée, et notre principal appui. La France prompte à réparer les maux dont des chefs indignes d'elle nous avaient frappés, ne vous trouve pas moins impatiens qu'elle d'en perdre le souvenir. A Dieu ne plaise, Messieurs, que je veuille arrêter ce mouvement de vos nobles pensées; j'ai parlé d'impartialité, mais non d'indifférence, et je déclare avec satisfaction que le gouvernement Français aetuel étant à mes yeux le premier bienfaiteur de la Suisse, c'est vers lui que se tourne, sur-tout, mon attention et mon espoir. Le premier consul demeure garant naturel des institutions qu'il a conseillées. Mon admiration pour lui égale mon attachement pour le pays qu'il gouverne; et je me réjouis de la douce certitude qu'ici mon affection n'est pas contraire à la sage politique de nos ayeux.

"Telles sont, Messieurs, les pensées que j'avais besoin de vous confier. Maintenant ma tâche est finie. Je promene mes regards sur le sort de ma patrie; je la vois par tout tranquille et renaissante au bonheur. Je concentre mes regards dans cette enceinte ; j'y vois une réunion de magistrats digues de la plus grande confiance.

"J'invite la diéte, à commencer l'exercice des pouvoirs que la constitution lui attribue; et sous les auspices de la divine Providence, j'ouvre ici la premiere assemblée.”

Le général Ney, ministre plénipotentiaire de la république Helvétique, a pris ensuite la parole, est s'est exprimé en ces termes: "Messieurs les députés,

"La solicitude du premier consul envers la Suisse, n'est plus aujourd'hui un problême systématique : les hommes bien pensans honorés de la confiance de leurs commettans, et réunis dans, cette enceinte, sont vivement pénétrés de l'importance des travaux dont ils auront à traiter pendant la durée de la diéte; ils se presuaderont aisément que les intentions du premier consul ont été constamment dirigées vers le bonheur, la liberté, et l'indépendance de l'Helvétie; tout son désir est de fortifier ces liens d'affec tion et de bon voisinage, qui ont existé depuis tant de siécles entre les deux nations.

"Dès que le grand homme qui gouverne la France, a connu la

véritable position de la Suisse, si long-temps en butte aux factions révolutionnaires, et aux agitations intestines, il a pris sa ferme résolution d'enchaîner à jamais la discorde et tous les fléaux dévastateurs qu'elle traîne à sa suite; de ramener ses habitans à l'ordre sociale, convaincu qu'une nation qui s'est toujours signalée par la franchise et la loyauté de son caractere ne pourrait qu'être digne de sa protection spéciale.

"La journée du dix-huit Brumaire, an 8, d'où la France date de sa renaissance à la prospérité, est aussi l'époque où les Suisses ont dû commencer à espérer un ordre de choses plus stable et plus conforme à leurs mœurs. Leur attente se trouve justifiée ; et si elle ne l'a été plutôt, c'est que les plaies profondes de la révolution Française ne pouvaient se cicatriser tout-à-coup; de grands changemens devenaient indispensables, dans l'état, et absorbaient les momens précieux que Bonaparte consacrait au bonheur des peuples, dont il avait si glorieusement défendu les intérêts; ce sont ses succès qui ont amené la tranquillité dont vous jouissez maintenant, et qu'il dépend de vous de perpétuer.

"L'acte de médiation du 13 Pluviôse, an 11 (19 Février 1803), chef-d'œuvre de législation et l'admiration des plus célebres publicistes, a été présenté avec cette magnanimité qui caractérise ce génie extraordinaire : l'empressement que vous ayez montré à l'accueillir, et les témoignages de reconnaissance que vous avez manifestés pour ce bienfait inappréciable, sont des garants incontestables du bonheur que vous avez lieu d'en attendre.

"Vous êtes tous convaincus, messieurs les députés, que la prospérité dont jouissait la Suisse avant l'époque malheureuse des fluctuations révolutionnaires, provenait essentiellement des bienfaits sans nombre de la monarchie Française, soit par les traités d'alliance défensive, de commerce et de capitulations militaires, soit par les forces imposantes qu'elle pouvait à chaque instant déployer contre toute puissance qui aurait voulu porter atteinte à votre territoire, ou à votre constitution fédérale. Et bien! messieurs les députés, ces mêmes bienfaits vous sont offert par le premier consul; ce gage d'estime qu'il accorde à la Suisse, doit vous convaincre de l'intérêt personnel qu'il attache à votre prospérité future. Il vous mettra à même de recouvrir cette situation heureuse, due à la modération et à l'économie que vos ancêtres avaient établies dans votre administration. Des jours plus sereins présagent un avenir satisfaisant, et la premiere diete Helvetique aura eu l'avantage glorieux d'avoir posé la premiere piece de votre édifice politique.

"Le choix qu'il a fait de M. le général d'Affry pour premier Landammam de la Suisse, est une nouvelle preuve de l'intérêt que vous lui inspirez. Personne ne pouvait sans doute mériter davantage votre confiance. La modération des principes du général d'Affry, ses talens, sa fermeté et son amour pour la patrie devaient nécessairement lui assurer tous les suffrages. Vous avez

senti combien, dans des circonstances difficiles, il était heureux pour vous de l'avoir pour premier magistrat.

"Je suis chargé d'annoncer à la diete, messieurs les députés, que le premier consul m'a conféré les pouvoirs nécessaires pour renouveller avec elle une capitulation militaire, ainsi que de coulracter une alliance défensive sur les bases que j'aurai l'honneur de vous communiquer. J'espere que la diete trouvera les clauses du traité de capitulation, qui lui seront proposeés incessamment aussi avantageuses qu'honorables à la Suisse. La France, en prenant des troupes Helvétiques à son service, témoigne combien elle fait cas de leur fidélité et de leur valeur ; elle maintient chez elles cet esprit militaire, qui, de concert avec les secours de la république Française, assure l'indépendance de votre patrie. Croyez, je vous prie, messieurs les députés, que je m'estimerai heureux d'avoir été chargé par mon gouvernement de concourir à l'affermissement de votre organisation actuelle, et que je ne cesserai pas de faire, dans toutes les circonstances, ce qui dépendra de moi pour opérer la réconciliation de tous les esprits, enfin pour assurer le repos et la félicité de la Suisse, suivant les vues bienfaisantes du premier consul.

(Moniteur, No. 309.-28 Juillet, 1803.)

Paris, le 8 Thermidor.

Une guerre terrible nous a été declarée par les Auglais; et ce, pendant chez ces Anglais mêmes, un grand nombre d'entre nous se trouve avoir reçu, dans les tems révolutionnaires, secours, hos pitalité, asyle. Le rapprochemeut de ces circonstances offre des traits que la malveillance a voulu saisir, et qu'il importe d'exami ner. Les droits et les devoirs qui peuvent être prescrits en pareil cas, présentent une grande question de morale publique, c'est-àdire de droits des gens. Je vais tacher de traiter celte question aussi succinctement qu'il me sera possible.

On a trop cru qu'il n'y avait de morale dans l'univers que pour les individus; on a trop dit que l'équite des nations consistait dans Jeur intérêt. Un grand et antique precepte dément cette doctrine "Sachez, est-il dit dans le Deuteronome, que le Seigneur " votre Dieu, est le Dieux des dieux, le maître des maîtres, qu'il "aime l'étranger, qu'il lui donne la nourriture et le vêtement: et vous aussi, vous aimerez les étrangers, car vous avez été étrangers en Egypte." Telle est la loi que Dieu même dicta à une nation envers les autres nations.

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Les Gentils n'ont pas eu à cet égard d'autre doctrine que les Hebreux. Leurs lois sur l'hospitalité sont connues; ils ont particulierement distingué dans ces lois des étrangers malheureux. Ceux qui se sont trouvés avoir, avec les nations dont ils reclamaient les secours, des rapports de lois, de religion, d'une cause commune ont dû être un objet de préférence.

Les exemples ne manquent pas à cet égard. Les Ioniens, menacés par le roi de Perse, reçurent des Lacédémoins l'offre de les transporter en Grece, par la seule considération qu'ils étaient Grecs d'origine.

Dans des tems postérieurs, les habitans de la Neustrie, ceux des Armoriques, un grand nombre d'Espagnoles échappés à la tyrannie des Sarrazins, reçurent dans l'intérieur de la France protection et faveur.

Ce fut le lieu d'une croyance commune et d'un ennemi commun qui arma toute l'Europe en faveur des chrétiens d'Orient et qui forma les croisades.

Ce fut encore ce lien qui attacha Louis XIV au sort du roi Jacques. Lorsque ce prince, la reine, le prince de Galles viurent implorer sa protection, le monarque Français ne se contenta pas de les combler personnellement de bienfaits, il prit à sa charge vingt mille Anglais, tant soldats que fugitifs, qui s'étaient associés à leur fortune.

Dans les mêmes circonstances, les Français ont éprouvé les mêmes bienfaits. Lors de la proscription des protestans en France, tous les états protestans de l'Europe ont regardé comme un devoir de les accueillir.

Enfin, dans ces derniers tems, une grande révolution ayant éclaté en France, tout son sol s'est vu couvert de ruines, toute l'Europe de fugitifs et de proscrits.

Il faut le dire franchement; le peuple Anglais est celui qui, dans cette grande cause, commune à toute la civilisation, a été le plus fidele à la loi des nations; jl a reçu avec bonté les proscrits; il leur a donné du pain, un couvert, un asile. Il ne s'agit pas ici d'accuser sa maniere ou ses vues: une nation n'est pas tenue d'emprunter d'autres manieres que les siennes; elle n'est pas non plus tenue de renoncer à tout espoir d'avantage et d'intérêt dans sa conduite.

Je n'ai point dissimulé le bienfait; je ne veux pas dissimuler non plus l'obligation: que personne ne prétende s'en dispenser. Le devoir peut même être considéré ici comme imposé à la France entiere. La France en reprenant ses enfans a du adopter en effet Jeurs engagemens et leur reconnaissance. Il ne s'agit plus que de rechercher en point de morale publique, qu'elle doit être, en pareil cas, la nature de la reconnaissance, et son étendue.

D'abord on ne peut douter que des étrangers admis dans un pays, ne doivent à ce pays, tant qu'ils y sont, protection et appui, même contre leur propre patrie. Cela a été pratiqué ainsi dans Sous l'empire Romain, les Goths ont quelquefois servi contre les Goths, les Francs contre les Francs. Sous la féodalité, les Français, soumis au roi d'Angleterre, ont servi contre

tous les tems.

le roi de France.

Après la révocation de l'Edit de Nantes, les réfugies Français ont composé en Hollande est en Prusse des corps dont la fidélité ne s'est jamais démentie, même contre les Français.

La même régle a été observé dans les tems revolutionnaires. Je puis me dispenser de citer les divers corps étrangers au service de l'Angleterre: l'éloquence de M. Pitt et celle de M. Windham les ont assez celébrés.

Le résultat que présentent ces faits, c'est que les natious ont droit de compter sur le dévouement des étrangers, tant que ceuxci leur appartiennent et quils sont dans leur sein. Mais cette prétention ne s'est jamais étendue jusqu'au tems où les étrangers ont été rendus à leur patrie. Je défie qu'on cite à cet égard une seule autorité et un seul exemple.

Il était réservé au Morning Post d'oser proclamer une maxime contraire; il était réservé à des écrivains Anglais, d'oser invoquer la trahison en faveur de la reconnaissance. Qui croirait que ces écrivains se sont élevés en imprécations contre ceux des évêques et des individus Français, qui, après avoir été accueillis en Angle terre pendant les bourrasques révolutionnaires ont l'ingratitude (c'est l'expression dont ils se servent) d'épouser aujourd'hui la cause de la France? Eh quoi! les bienfaits que vous avez accordés à ces hommes, avaient donc pour objet de leur faire abjurer tout sentiment Français? De quelle nature était donc le pain que Vous avez approchez de leurs levres, pour que vous l'ayez cru capable de corrompre en eux, tout intérêt de patrie, tout honneur national? Singulier signalement que ces écrivains donnent à toute la terre de l'espece de générosité qui caractérise la nation Britannique!

Ah! sans doute, avant que la guerre fut élevée, j'espere qu'il n'est aucun des Français qui ont été reçus en Angleterre, qui n'ait désiré ardemment le maintien de la paix entre les deux pays. Pour ce qui me concerne, je puis dire que j'ai formé à cet égard les vœux les plus ardens. J'espere les avoir assez manifestés, et pourtant je déclare que si j'eusse eu l'honneur d'être ministre des relation extérieures, au moment où Lord Whitworth est venu porter son ultimatum de trente six heures, son excellence ne fut pas demeurée trente six secondes dans moncabinet, et trente six minutes dans la capitale. Il ne s'agit pas de contester ce que nous devons à une terre qui nous a reçu au passage; nous devons encore plus à la terre qui a été notre berceau, qui a reçu la cendre de nos peres, et qui recevra bientôt la nôtre. Nous devons à la Grande Brétagne; mais nous ne lui devons pas au moins de supporter ses affronts, et de conspirer avec elle son élevation et notre perte.

Les vœux les plus ardens pour que la Providence écartât des deux pays le fléau de la guerre: voilà quel a été notre devoir; mais actuellement qu'elle est déclarée, un autre sentiment doit nous animer. Le choix d'Albe et de Rome est fait; il ne s'agit plus de gémir sur ce malheur; il faut l'affronter. Singuliere prétention de ces hommes qui nous envoient tous les foudres de la guerre et qui prétendent ne recevoir de nous en retour que des complimens et des actions de grâce!

Je n'ignore pas ce que peuvent suggérer de vieux ressentimens. L'ancienne France a été éffacée. .............Nous sera-t-elle

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