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Continent, quelques poignées de son or pour animer les combattans. La Reine d'Hongrie, Marie Therese, montra un beau caractere; elle résista à tous ses ennemis. Le Roi de Prusse fit son accommodement particulier, et eut le prix de son courage. Louis XV, quoique vainqueur, se piquant de je ne sais quel esprit de générosité, ne demanda rien, et n'eut rien. Il disait qu'il ne voulait pas traiter de la paix en marchand; mais aussi il traitait en dupe. L'Angleterre obtint au contraire, à la fin de la guerre, les résultats suivans:

Paix d'Aix la Chapelle, en 1748. "La France garantit l'ordre "de succession établi en Angleterre, en faveur de la Maison "d'llanovre.

"Les fortifications de Dunkerque resteront dans l'état où ils "sont du côté de la mer; mais du côté de la terre, elles seront "remises dans l'état par le traité d'Utrecht, c'est-à-dire, qu'elles "seront démolies.

"Quant aux limites de l'Acadie, ou Nouvelle Ecosse, toutes "les choses seront remises sur le pied où elles devaient être "avant la fin de la guerre." (Traité d'Aix la Chapelle Français et Anglais.)

"L'Espagne paiera cent mille livres sterling à la compagnie "Anglaise de del Assiento.

"Dans tous les ports d'Espagne, les Anglais ne paieront pour "leurs marchandises, que les mêmes droits qui sont payés par "les Espagnols mêmes." (Traité de Buen Retiro, qui fut un supplément à celui d'Aix la Chapelle).

Ne craignez jamais qu'au sortir de ces affreuses boucheries, qui inondent de sang le continent et les deux Indes, ne craignez pas, que l'Angleterre perde un cheveu de sa tête. Quels que soient les événemens, elle est bien sûre d'y gagner; voyez comme ici, la conclusion de chaque traité, et demandezvous, à vous même, comment ceux qui avaient triomphé à Laufeld et à Fontenoy, ceux qui avaient su prendre Berg-op-Zoom et Maestricht, ne savent, pas défendre les murs de ce pauvre Dunkerque, du côté de la terre, et s'asservissent de nouveau à recevoir, dans cette ville, un commissaire Anglais !

"On serait bien plus révolté si, dans un coup-d'œil historique nécessairement trop rapide, je pouvais détailler les vexations, les chicanes, les actes oppressifs exercés à Dunkerque de la part des Anglais. Les choses ont été portées à un point qu'on ne croirait pas. On avait voulu déssecher un lac ou plutôt un marais, dont la surface à plusieurs lieues, et, que l'on appelle les Moires. C'était une opération utile à la culture, et absolument nécessaire à la salubrité des deux Flandres Française et Autrichienne. Mais il falloit bien que ces eaux, qui infectaient un grand pays, fussent détournées vers la mer. Jamais le commissaire Anglais ne voulut le souffrir.

Ce n'est pas tout. Ce grand traité de 1748 ne parut pas encore assez avantageux au ministre Anglais. En 1749, aussitôt après cette paix, la misérable équivoque de ces mots devaient

être, glissée sans doute à dessein par les plénipotentiaires Anglais, occasionna d'interminables contestations entre l'Angleterre et la France, relativement aux limites de l'Acadie. Cette équivoque ouvrait une immense carriere à leur insatiable cupidité. On négocia vainement, dans la vue d'éclaircir cette confusion affectée et préméditée. Pour soutenir une cause aussi juste, l'Angleterre arma ses vaisseaux, en 1755. A ce signal que fit la France? Des propositions très-douces furent adressées au cabinet de Londres, par nos très-pacifiques ministres. Elles furent rejetées avec dédain, et la guerre nous fut déclarée................par des hostilités, par la prise de trois cents vaisseaux, par l'assassinat de Jumonville, &c. Mais, malgré un si beau début, cette guerre languissait encore, et le succès en était incertain. Revenons, se dit à lui-même, le cabinet de Saint James, revenons sur le Continent. C'est une folie de se battre soi-même, quand on peut se battre par d'autres.-Aussitôt des avis astucieux furent donnés au Roi de Prusse, et Frederic alluma la guerre de sept ans. Le sang recommença à couler. Eh! qu'importe que le sang coule, pourvu que l'Angleterre nous arrache le Canada!

A cette époque encore, les Ministres royaux seconderent trop bien les vues du Cabinet Britannique. Ils firent faute sur faule. Il serait trop long et trop douloureux de suivre les détailles de cette guerre. Il suffit d'observer que la France sollicita et que l'Angleterre lui en dicta les conditions. C'est assurément un beau rôle que celui de dicter la paix.-Louis XV l'avait fait à Aix la Chapelle, d'une maniere magnanime, Nous allons voir comment il fut récompensé de son désintéressement !

Traité de Paris en 1763," La France rénonce à toutes pré"tentions sur l'Acadie.

"Elle cede à l'Angleterre, et Ini garantit en toute propriété "le Canada avec toutes ses dépendances.

"Les Iles neutres de Saint Vincent, la Dominique, Tabago, "Sainte-Lucie, appartiendront aux Anglais."

De son côté L'Espagne cede et garantit à l'Angleterre la "Floride, la Baye de Pensacola, et généralement tout ce qu'elle "possede sur le Continent de l'Amérique Septentrionale.

"La France cede, en outre, la Riviere du Sénégal, avec "toutes ses dépendances.

Elle restituera tout ce qu'elle peut avoir conquis sur la Grande Bretagne dans les Indes Orientales.

"La ville et le port de Dunkerque seront détruits, ainsi que les forts, les batteries, les écluses servant à nettoyer ce port; "et il sera pourvu à la salubrité de l'air et à la santé des habi"tans par quelque autre moyen, à la satisfaction du Roi d'An"gleterre.

"Et un commissaire Anglais y résidera, jusqu'à ce que le tout "soit exécuté."

Ici, la plume tombe des mains: O France! O mon pays! quel excès d'humiliation! Deux cents mille Français out été moissonnes dans le cours de cette guerre. La moitié de notre

numéraire fut enfouie en Allemagne, et nous perdimes nos plus importantes possessions dans le nouveau monde ! Et un commissaire étranger vient faire la police dans une de nos villes !

On ne manqua pas, au surplus, de rappeler dans ce traité ceux de Westphalie, de Nimegue, de Riswick, d'Utrecht, &c. &c. Le Ministere Anglais prétendait s'assurer par là ce qu'il avait volé, en un siècle à-peu-près, dans les quatre parties du monde, et dont le seul détail fait un volume dans les livres même de géographie.

La France a eu aussi l'ambition de conquérir; mais quelle différence! ses acquisitions ont été constamment le fruit de sa valeur. L'Angleterre n'a rien conquis que par des bras des autres peuples, et au prix de leur sang.

Traité de 1783.-On se flattait en France, et l'on s'attendait en Europe, que l'état des choses fixés par la Paix de Paris, serait modifié d'une maniere plus avantageuse à la France, mais la Paix de Versailles y apporta bien peu de changemens. Cinq années de guerre valurent à peine quelques restitutions. On crut avoir beaucoup gagné de ce que l'Angleterre voulut bien consentir à l'abrogation de tous les articles relatifs au ports et aux fortifications de Dunkerque, insérés dans les traités antérieures, que furent d'ailleurs tous expressément renouvelées, depuis celui de Westphalie jusqu'à celui de 1763. (voyez le tableau analytique de ces traités, disposé avec une méthode précise et lumineuse, dans La Science de l'Histoire, par le Citoyen Chantereau, tome 1, page 501.)

L'indépendance des Etats-Unis, reconnue par la France, fut le motif de cette guerre. Puissent-ils sentir tout le prix de ce que nous avons fait et de ce que nous désirerions encore faire eux!

pour

De quelque nation que puissent être les lecteurs de ce petit écrit, je crois qu'ils seront indignés de la prétention qu'avait le Cabinet de Londres, de fonder son dernier traité avec la République, sur la base de ceux qu'on vient de parcourir.

On n'y voit qu'une suite d'usurpations et d'outrages patiemment soufferts par le Cabinet de Versailles, mais dont aucun Anglais sensé ne voudrait, aujourd'hui, faire l'apologie. Quand le vent ou la rame porte l'armée Française en Angleterre, les Anglais voudraient-ils qu'on prenne pour texte de la convention qu'on leur offrirait de signer les traités qu'on vient de voir! voudraient-ils que les pierres qu'ils ont arrachées de Dunkerque, fear retombassent sur la tête!

A ces faits positifs et authentiques, je n'ajouterai point la liste des griefs que nous avons ens contre le Gouvernement Anglais dans tout le cours de la Révolution. Ici ce ne sont plus seulement des outrages; ce sont des crimes répétés ; mais cet affreux tableau n'est pas de mon sujet. L'empreinte en était effacée par le traité d'Amiens. Ce n'est pas la France qui en réveille l'horrible souvenir. Si l'on joint ces griefs à l'esquisse sommaire

que

l'on vient de tracer, on aura une idée fidelle du système despotique que suit, depuis deux siècles, le Cabinet de Londres. II s'embarrasse peu que deux millions d'hommes soient égorgés sur Je Continent, pourvu qu'on puisse faire dire au Roi, dans un discours d'ouverture du parlement! Nos revenus se sont accrus; notre cominerce franchi ses anciennes limites. Nous sommes parvenus à dépouiller nos anciens amis les Hollandais des possessions précieuses dont pourtant nous n'avons pas besoin. Qu'importe à l'Angleterre le désastre du monde entier, pourvu qu'elle soit à son aise! Tout est jutifié, tout est dit par ces mots : Nos affaires vont bien, et celles des autres vont mal!

Il est à remarquer qu'au milieu des troubles civils, dans le sein des malheurs, dans les crises les plus terribles de la révolution Française aucun de nos traités avec les puissances étran geres n'a été violé. Jamais peuple ne s'est montré plus scrupuleux observateur de ses engagemens nationaux, même de ceux qu'il aurait pu désavouer, comme n'étant point son ouvrage : que n'aurait-on pas dit contre la République, si l'on eut eu contr'elle un prétexte semblable à cette soudaine rupture du traité d'Amiens! mais les Français ne pouvait même en avoir la pensée.

Quant aux anciens traités, dont on vient d'avoir la série, si le cabinet de Saint James regrette de ne pouvoir plus en faire parade aux yeux des puissances étrangeres; et nous aussi, nous lui dirons; Lisez voilà les titres du Gouvernement Anglais à l'estime, au respect à l'amour de la République Française et de l'univers entier.

Paris, 9 Janvier.

Il n'y a point d'artifice que le Gouvernement Anglais n'ait employé pour faire croire aux Français qu'on les détestait en Irlande, et qu'ils n'y seraient jamais reçus qu'en ennemis et pour faire naître, dans l'esprit des Irlandais, des craintes chimériques sur les intentions des Français.

Conformément à cette politique infernale, on ne manqua point, dans le tems de tronquer et de torturer le discours que le jeune et malheureux Emmet prononça devant ses juges, lorsqu'on le fit appeler pour entendre sa sentence de mort. On se rappelle les invectives que, dans cette occasion, on lui fit débiter contre la République et son premier magistrat, invectives qui ne sortirent jamais de sa bouche: aussi supprima-t-on ce qu'il avait réellement dit, et le surplus fut rendu méconnaissable, même pour ceux qui l'avaient entendu.

Le Gouvernement Anglais, en altérant ainsi les dernieres paroles de Mr. Emmet, espérait, d'une part, que les sentimens qu'on lui prêtait aussi impudemment seraient accueillis du public, comme provenant d'un tel homme, qui avait vu de près le Gouvernement Français; de l'autre, il voulait faire croire au-debors, que ces prétendus menaces et ces invectives, étaient partagées par la

grande massé des Irlandais, et se flattait en conséquence, de détourner la République Française de ces projets, par des dé goûts et par la crainte d'une inimitié réelle. M. Addington lui. même ne rougit point de propager cette calomnie jusque dans le sein du Parlement. Mais on n'en impose point si facilement au Gouvernement Français, ni aux républicains de l'Irlande.

Quoiqu'ik, en soit nous sommes aujourd'hui en état de détromper le public sur ce sujet, en lui soumet aut quelques fragmens authentiques du discours de M. Emmet. Ce que nous en publions est d'autant plus précieux, qu'aucune feuille périodique ni dans ce pays, ui en Irlande, n'osa le consigner dans le tems, le Gouvernement ayant enjoint trois jours d'avance, à tous les jour nalistes, de ne rien imprimer sur ce procès que de l'aveu et par l'autorisation du magistrat.

Quiconque lira le peu que nous rapportons du discours de ce jeune homme mort à la fleur de l'âge (il n'avait que 26 ans), ne s'étonnera plus, qu'il ait été pour ses compatriotes un objet d'admiration et d'enthousiasme, et pour le despotisme Anglais et pour ses adhérens, un sujet d'alarmes et d'épouvante.

Extrait du Discours de Mr. R. Emmet.

Lorsqu' interpellé s'il n'avait rien à opposer à ce que sentence de mort ne fut point prononcée contre lui, il répondit:

"Je ne m'oppose en aucune maniere à ce que sentence de mort "soit prononcée contre moi. Sur ce point je n'ai pas de motif à "faire valoir. Mais il n'en est pas de même de la lâche et odieuse "calomnie dont on cherche à ternir ma réputation; et sur ce "point, mes moyens de défense seraient nombreux. On m'accuse "d'avoir été l'émissaire à gage du Gouvernement Français: cette "arcusation est fausse. Je n'ai point agi comme émissaire "d'aucune Puissance étrangere: je n'ai agi que comme Irlandais, "animé du désir d'arracher ma Patrie au joug d'une faction domestique et venale, et à l'influence corruptrice d'une tyrannie étrangere et atroce. C'était là l'objet de mes vœux : c'était là "le mobile de toutes mes actions. Ces sentimens sont ceux, de "plusieurs Irlandais, qui l'emportent sur vous, My Lord, et sur vos associés, et par leur rang dans la société, et par leurs "mérites et par leurs vertus.

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"Vous m'appelez cependant l'âme de la rebellion: c'est me "faire trop d'honneur; sachez que je n'y suis pas parvenu à un rang secondaire. Cette cause glorieuse compte parmi ses

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soutiens des hommes qui ne s'abaisseraient point à votre niveau, en vous saluant, My Lord.....

"On m'accuse de vouloir vendre à la France la liberté et "l'indépendance de ma patrie. Exécrable calomnie!

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mes

Non,

compatriotes, je voulais placer vos droits hors de l'atteinte "d'aucune puissance sur la terre. Je voulais vous élever à ce rang "honorable que la natare vous a destiné parmi les nations de "l'Europe: il n'y a point de considération personnelle que je "n'aie sacrifié à cet objet.

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