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Un premier débarquement s'est opéré; c'était Georges avec huit de ses brigands.

Georges retourne sur les côtes pour assister au débarquement de Coster Saint Victor, (condamné par le jugement rendu du 3 Nivose) et de dix autres brigands.

Dans les premiers jours de ce mois, un troisieme débarquement s'effectue; c'est Pichegru, Lajollais, Armand, Galliard, frere de Raould, Jean Marie; un des premiers affidés de Georges, et quelques autres brigands de cette espece.

Georges avec Joyau, dit d'Assur, Saint Vincent et Picot, dit le Petit, vont au devant de ce troisieme débarquement, la réunion se fait à la ferme de la poterie.

Un quatrieme débarquement est attendu. Les vaisseaux sont en vues; mais les vents contraires les empêchent d'approcher: il y a peu de jours encore qu'ils faisaient les signaux de reconnais

sance.

Georges et Pichegru arrivent à Paris; ils sont logés dans la même maison, entourés d'une trentaine de brigands, auxquels Georges commande. Ils voient le général Moreau; on connaît le lieu, le jour, l'heure, où la premiere conférence s'est tenue; un second rendez-vous était convenu, et ne s'est pas réalisé; un troisieme, un quatrieme, ont eu lieu dans la maison mênre du général Moreau.

Cette présence de Georges et de Pichegru à Paris, ces conférences avec le général Moreau, sont constatées par des preuves incontestables et multipliées. Les traces de Georges et de Pichegru sont suivies de maison en maison. Ceux qui ont aidé à leur débarquement, ceux qui, dans l'ombre de la nuit, les ont conduits de poste en poste; ceux qui leur ont donné asyle à Paris, leursTM confidans, leurs complices, Lajollais, leurs principal intermédiaire, le général Moreau sont arrêtés; les effets et les papiers de Pichegru sont saisis, et la police suit ses traces avec une grande activité.

L'Angleterre voulait renverser le gouvernement; par ce ren versement, opérer la ruine de la France, et la livrer à des siéclès de guerres civiles et de confusion. Mais renverser un gouvernement soutenu par l'affection de trente millions de citoyens, et environné d'une armée forte, brave, fidelle, c'était une tâché à la fois au dessus des forces de l'Angleterre et de celles de l'Europe; aussi l'Angleterre ne prétendait-elle y parvenir que par l'assassinat du premier consul, et en couvrant cet assassinat de l'ombre d'un homme que défendait encore le souvenir de ses services.

Je dois ajouter que les citoyens ue peuvent concevoir aucune inquiétude. La plus grande partie des brigands est arrêté. Le reste en faite, el vivement poursuivi par la police. Aucune classe de citoyens, aucune branche de l'administration, n'est atteinte par aucun indice, par aucun soupçon.

Je ne donnerai point de plus amples développemens dans ce

rapport : vous avez toutes les piéces : vous ordonnerez que tôūtes soient mises sous les regards de la justice. ·Legrand Juge, Ministre de la Justice Certifié conforme.

(Signé)

REGNIER.

Le Secrétaire d'Etat, (Signé)

H. B. MARET.

TRIBUNAT, 28 Pluviôse.

Moreau (frere du général). Je demande la parole.

Le président. Vous l'aurez, mais vous ne pouvez pas interranpre l'ordre du jour.

Le président donne lecture du secrétaire d'état, qui annonce l'ea voi au tribunal de trois orateurs du gouvernement chargés de faire uve.communication.

Quelques instans après on introduit les conseillers d'état Treilhard, Lacée, et Fleurieu.

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Le citoyen Treilhard prens la parole.

(Voyez actes du gouvernement.). Jaubert, président, répond en ces termes :

Citoyens Conseillers d'état, orateurs du gouvernement. Lorsqu'un grand empire, après de longues secousses, est enfin parvenu à se rassurer sur ses bases, que pourraient contre lui, et les efforts de quelques ennemis et le délire de quelques passions?

Si notre pensée est toujours pour le peuple, n'embrasse-telle pas le chef qu'il a choisi, et que nos cœurs, comme notre raison, éleveraient chaque jour au rang suprême, si déjà les Français ne l'avaient investi d'un pouvoir égal à leur confiance?

Cependant quelle époque pour l'histoire ! quel avertissement pour les nations!

Les Français n'appellent du parjure d'un gouvernement ennemi qu'a leur vaillance...... Le gouvernement ennemi organise l'assassinat; et pour comble de malheur, on trouve mêlé dans ces complots un nom accompagné depuis long-tems d'illustres souvenirs. Citoyens, soldats, fonctionuaires, nous répondons à notre siècle, aux siécles à venir, à l'histoire qui jamais n'a eu de si grandes choses à raconter, et qui néanmoins attend de nouveaux prodiges, nous répondons tous de la vie de Bonaparte, dont l'exis tence garantit à la France et sa gloire et sa prospérité,

Le tribunat donne aux citoyens conseillers d'état orateurs du gouvernement, acte de la communication qu'ils viennent de lui faire, et il ordonne l'insertion du message au procès-verbal.

Le tribunat ordonne l'impression du rapport du grand juge, communiqué par les orateurs du gouvernement, et de la réponse du président.

Le président. Je crois être l'organe du tribunat en lui propo sant de se rendre auprès du premier consul pour lui exprimer toute l'horreur qu'un pareil attentat lui a fait éprouver, et le féli citer en même tems de ce qu'il a échappée au danger qui l'en tourait.

Cette proposition est adoptée à l'unanimité.
Le président prononce la levée de la séance,

Moreau, Citoyen président, j'avais demandé la parole.
Le président. Je pensais que vous y aviez renoncé.

Moreau. Vous venez d'entendre les orateurs du gouvernement vous avez lu ce matin l'ordre du jour, publiée par le gouverneur de Paris; ces deux pieces sont en partie dirigées contre le général Moreau. Je ne puis voir sans le sentiment de la douleur la plus vive, qu'on se soit attaché depuis si long-tems à calomnier un homme qui a rendu des services importans à la république, et qui, dans ce moment, n'a pas la liberté de se défendre. Je le déclare à la nation toute entiere, mon frere est innocente des atrocités qu'on lui impute, qu'on lui donne les moyens de se justifier, et il se justi fiera. Je demande en son nom, au mien, au nom de toute sa famille éplorée, qu'on apporte à son jugement la plus grande solennité.

Je demande qu'il ne puisse être traduit que par devant un tribu-, nal ordinaire. Il lui sera facile de faire éclater son innocence, J'affirme que tout ce qu'on a dit est une infâme calomnie.

Curée. C'est un juste mouvement que celui que vient de faire éclater notre collégue.

Moreau. Ce n'est point un beau mouvement; c'est l'expression de la vérité et de l'indignation.

(Le citoyen Moreau sort de la salle.)

Curée reprend : Il a parlé pour son frere. Quelle est l'âme -honnête qui n'ait approuvé l'émotion qui l'a entraîné à la tribune? Un vaste projet de conspiration est dénoncé aux premiers autori tés, est dénoncé à la nation, va l'être aux tribunaux. La défense. du général Moreau aura devant la justice toute l'étendue, toute la liberté, tout l'éclat dont peut être susceptible une aussi grande cause; mais que devez-vous faire, si non désirer, et votre désir, j'en suis sûr, est patragé par le gouvernement, que le général sorte innocent d'accusations; qui, intéressant la sûreté intérieure et extérieure de la république, doivent être approfondies et jugées, quels que soient la réputation et les services des hommes qui y sont compromis.

Le citoyen Treilhard demande la parole.

Le président. Je vous ferai observer citoyen orateur du gouvernement, qu'aucune proposition n'a été faite, et qu'il n'y a aucun objet en délibération; cependant vous avez la parole.

Treilhard. Citoyens tribuns, l'orateur qui a précédé à cette tribune celui que vous venez d'entendre, a satisfait à ce qu'il a cru'aux liens étroits qui l'unissent au général Moreau.

Si je n'étais retenu par cette considération et par le respect dû à un citoyen en état d'inculpation, je dirais que le zele de cet orateur s'est manifesté avec un emportement, Si sa sensibilité lui avait permis d'écouter tranquillement la lecture que j'ai faite du rapport du grand juge, il aurait vu que son résultat était un renvoi à la justice. Le gouvernement s'est trop constamment montré

scrupuleux observateur de la loi, pour qu'on ait le droit de sup poser qu'il veut s'en écarter. L'empressement même qu'il met à vous instruire de ce qui s'est passé, prouve assez le prix qu'il attache à l'opinion publique et la vôtre. La marche de la justice s'oppose à la publicité actuelle des pieces; elles ont été communiquées au sénat et au conseil d'état qui déliberent dans le sécret. Je n'ajouterai qu'un mot; le général Moreau, ses parens, ses amis, auront toute latitude pour sa défense; il n'est personne qui n'eût désiré fortement de ne pas le croire coupable.

Le tribunat ordonne l'impression des observations du citoyen Treilhard.

La séance est levée.

Paris, le 28 Pluviôse.

Le premier consul a reçu aujourd'hui le sénat, une députation du corps législatif ét le tribunat.

Les membres du sénat ayant été introduits, le citoyen Bertholet, vice-président, a présenté au premier consul la délibération ciaprès, et prononcé le discours suivant:

Extrait des Registres du Sénat Conservatour, du Samedi 27 Pluviose, An 12 de la République.

Le sénat conservateur, après avoir entendu les communications qui lui ont été faites au nom du gouvernement, par le grande juge ministre de la justice, dans la séance de ce jour.

Arrête qu'il se rendra en corps demain, 28 Pluviôse, auprès du premier consul de la république, pour lui témoigner les sentimens dont il est pénétré.

Les président et secrétaires.

(Signé) CAMBACERES, Second Consul, Président. MARARD DE GALLES, Secrétaire.

JOSEPH CORNUDET, Secrétaire.

Vue et scellé, le Chancelier du Sénat, (Signé) LAPLACE.

Discours du Vice-Président du Sénat.

Citoyen Premier Consul,

Lorsque le sénat se réunit auprès de vous, il n'a ordinairement qu'à vous offrir des actions de grâce pour la gloire à laquelle vous élevez la république, et pour la sagesse et la vigilance de votre ad

ministration.

Aujourd'hui, il est amené par la profonde indignation dont l'a pénétré le complot qui vient d'être découvert, et dont l'Angleterre a soudoyé les agens.

Il est affligeant pour l'humanité de voir les chefs d'une nation s'avilir au point de commander l'assassinat, ils sont donc bien fai bles, puisqu'ils se condamnent à tant d'infamie.

Le sénat a vu avec douleur, au nombre des accusés, l'un des

plus illustres défenseurs de la patrie: la gravité des inculpations et des circonstances nécessitaient impérieusement les mesures qui out été prises à son égard. Vous avez fait ce qu'exige la sûreté individuelle des citoyens, par le renvoi des accusés devant les tribunaux.

Le vœux du sénat, citoyen premier consul, est qu'écoutant moins un courage qui méprise tous les dangers, vous ne portiez pas seulement votre attention sur les affaires publiques; mais que vous en réserviez une partie pour votre sûreté personnelle qui est celle même de la patrie.

Le premier cousul a répondu à ce discours en ces termes :

Depuis le jour où je suis arrivé à la suprême magistrature, un grand nombre de complots ont été formés contre ma vie.

Nourri dans les camps, je n'ai jamais mis aucune importance à des dangers qui ne m'inspirent aucune crainte.

Mais je ne puis me défendre d'un sentiment profond et pénible, lorsque je songe dans quelle situation se trouverait aujourd'hui ce grand peuple, si le dernier attentat avait pu réussir, car c'est principalement contre la gloire, la liberté et les destinés du peuple Français que l'on à conspiré.

J'ai depuis long-tems renoncé aux douceurs de la condition privée : tous mes momens, ma vie entiere, sont employés à remplir les devoirs que mes destinées et le peuple Français m'ont imposés.

Le ciel veillera sur la France, et déjouera les complots des méchans. Les citoyens ne doivent être alarmés: ma vie durera tant qu'elle sera nécessaire à la nation. Mais ce que je veux que le peuple Français sache bien, c'est que l'existence, sans sa confiance et sans son amour, serait pour moi sans consolation, et n'aurait plus aucun but.

La députation du corps législatif ayant été introduite, le citoyen Fontanes, président du corps législatif a présenté la délibération ci-après, et s'est exprimé comme il suit:

Extrait des Registres des Délibérations prises en Comité général, conformément à l'Article 30 du Sénatus-Consulte organique du 28 Frimaire, An 12, du 27 Pluvióse, An 12.

Le corps législatif se forme en comité général pour délibérer sur la communication qui lui a été faite par le gouvernement dans la séance publique de ce jour.

Sur la proposition de plusieurs de ses membres, le corps légis latif arrête à l'unanimité qu'une députation formée d'après l'article 34 du sénatus-consulte, se rendra auprès du premier consul pour le féliciter de la découverte d'une conjuration qui menaçait l'état et sa personne, pour lui exprimer dans les termes les plus formels, l'indignation que le rapport du grand juge a excité dans les cœurs des représentans de la nation Française, et pour lui renouveller, au nom du corps législatif, les témoignages de toute sa confiance

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