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tions. En second lieu, elle est contrevenue à la loi du contrat, en refusant à Quentin l'effet de la stipulation de garantie solidaire et indéfinie exprimée dans l'acte de vente. En effet, il n'existe point de loi positive en France qui règle l'aliénation des biens des mineurs et interdits. Nous avons adopté sur ce point la législation romaine dans ses prohibitions comme dans ses exceptions. —A Rome, une loi de l'empereur Sévère interdisait aux tuteurs l'aliénation des biens de leurs pupilles, excepté cependant dans ce cas, si communis res erit, et socius ad divisionem provocet. La même prohibition, comme la même exception, peut s'induire de l'art. 239 de la Coutume de Paris. Si la licitation est provoquée par un copropriétaire majeur, et que le domaine commun ne soit pas susceptible de partage, alors on s'adresse aux juges pour avoir l'autorisation de vendre. A cet égard, la loi romaine avait introduit la même forme.

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Tunc prætor urbanus adeatur, qui pro sua religione estimet quæ possint alienari, obligarive debeant, manente pupilli actione, si posteà potuerit probari obreptum esse prætori. Loi 2, § 9, de rebus eorum qui sub tutel.

A Rome, comme on le voit, si le mineur était lésé, il avait la ressource de la rescision. Il a chez nous le même moyen; mais quant aux formalités préalables à l'aliénation, ni dans nos lois ni dans la législation romaine on ne trouve rien de fixe, de déterminé à cet égard; elles varient suivant les circonstances, et, dès le moment où le mineur n'a éprouvé au- 300 cun dommage, dès l'instant où ses intérêts n'ont point été compromis, il est impossible d'annuler une vente où il a figuré comme covendeur, sans abuser des lois introduites en faveur des mineurs et des interdits. Il est bien vrai que nous avons sur ce point quelques usages locaux introduits par des arrêts de règlement, et certifiés par des actes de notoriété; mais ce ne sont pas des lois, c'est-à-dire un droit obligatoire pour tous. Ces usages ont varié suivant les temps et les circonstances; et toutes les fois qu'on peut raisonner sur un usage, y voir des variations, des nuances différentes,

impossible de voir une loi qui oblige. Les seules qui existent sur la matière sont l'ordonnance de Moulins et l'édit des criées; mais ni l'une ni l'autre ne prescrit la pluralité des publications. Les arrêts de règlement de 1620 et suivans en ont, à la vérité, introduit plusieurs; mais, encore une fois, ce ne sont là que des usages; ce sont des formes usitées, mais non prescrites par les lois; et lorsque, dans cette absence de lois, lorsqu'au milieu de cette diversité de jurisprudence et d'usages, un tribunal crée une nullité qui n'est prononcée par aucune disposition législative, il est évident qu'il tombe dans un excès de pouvoir. Ce n'est pas tout : la Cour de Paris a porté une atteinte sensible à la loi du contrat. La clause de garantie était solidaire et absolue; elle comprenait indistincment tous les genres d'éviction possibles ; et dès le moment où l'éviction qui pouvait procéder des vices du contrat n'était point exceptée, elle y était nécessairement comprise comme toutes les autres. En effet, chacun, au moyen de la solidarité, garantissait de fournir et faire valoir la portion de son colicitant; chacun promettait à l'adjudicataire, non pas seulement qu'il n'éprouverait aucun dommage provenant des hypothèques, mais encore qu'il n'éprouverait aucune éviction, soit de son propre fait, soit du fait de son colicitant. Ainsi la Cour d'appel, en décidant qu'une garantie générale et absolue de toutes évictions, de tous troubles, ne pouvait porter que sur certaines évictions, certains troubles, et en refiisant à Quentin son recours pour la portion évincée contre les covendeurs majeurs, a violé tous les principes, est contrevenue particulièrement à la loi que les parties s'étaient elles-mêmes dictée dans le contrat, et son arrêt doit être cassé.

M. Delamalle, avocat du sieur Lebon Laboutraye, n'avait à répondre qu'au premier moyen de cassation; le second, relatif à la garantie, ne le concernait pas. Il a développé les motifs des jugemens de première instance et d'appel, et ajouté que le long usage avait force de loi; que la nécessité de plusieurs publications dans les ventes des biens des mineurs et interdits avait été consacrée par plusieurs arrêts de règle

nens; que les arrêts de règlement publiés étaient exécutés. comme des lois; que même, dans l'hypothèse contraire, la loi du 7 messidor an 2, relative au mode de procéder en matière de licitation entre des mineurs, aurait imprimé à l'usage" adopté par les parlemens le sceau d'une disposition législative, puisque l'art. 4 dit positivement « que le procès verbal d'adjudication sera précédé des affiches et publications pres« crites pour les ventes judiciaires ».

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Le sieur Bouillerot et les autres covendeurs ont, par l'organe de M. Jousselin, leur avocat, soutenu le bien-jugé de l'arrêt de la Cour d'appel, au chef qui a rejeté la demande en garantie formée contre eux par Quentin : ils ont présenté les mêmes moyens que devant les premiers juges, et ont ensuite prétendu que, lors même que la clause de garantie n'aurait pas été interprétée selon son véritable sens, ce ne serait qu'un mal-jugé qui ne pourrait pas donner ouverture à cas

sation.

Dù 19 floréal an 12, ARRÊT de la Cour de cassation, M. de Malleville président, M. Rousseau rapporteur, M. Lamarque avocat-général, MM. Couture, Delamalle et Jousselin avocats, par lequel:

loin

« LA COUR,-Attendu, sur le premier moyen, que, bien que les juges aient commis un excès de pouvoir en annulant la vente d'un bien d'un interdit, faite sur une seule publication, leur jugement serait plus légitimement critiqué s'ils l'avaient autorisée, quoique faite au mépris d'une formalité prescrite par un usage constant, par des arrêts de règlement et par la loi même du 7 messidor an 2;- Attendu, sur le second moyen, que l'aliénation de l'immeuble d'un in terdit ne se composait pas de la seule adjudication, mais de tous les actes de formalité exigés par les lois et les règlemens pour sa régularité, et sans lesquels elle ne pouvait valablement être faite; qu'il en résulte que, pour faire annuler cette vente, lorsqu'elle manque de quelque formalité essentielle, il n'est pas nécessaire de les attaquer chacune en particulier, et que le jugement qui a permis la vente sur une seule pu

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ication n'a pas plus besoin d'être attaqué séparément que s autres actes de l'instruction, pour qu'on soit admis à faire nuler la vente, lorsqu'elle n'est pas faite sur une procéure régulière; que, s'il en était autrement, et qu'on pût oposer au jugement qui casse une vente nulle celui qui l'auait mal à propos autorisée, il s'ensuivrait que le bénéfice de estitution, accordé aux mineurs par la loi, leur deviendrait resque toujours inutile, parce que le délai pour se pourvoir ɔntre le jugement d'adjudication serait expiré avant celui ue les lois leur accordent; Mais, sur le troisième et derier moyen, vu l'art. 46 de l'ordonnance de 1510, l'art. 50, h. 8, de celle d'octobre 1555, et l'art. 4 de celle de 1559, qui eulent que les conventions des parties soient exécutées suiant leur forme et teneur, si elles ne sont attaquées par les oies de droit;-Et attendu que, par les clauses de l'adjudiation, telle qu'elle devait être faite, les vendeurs ont gaanti l'adjudicataire; que cette garantie est non seulement e tous dons, douaires, dettes ou hypothèques, mais encore u'elle est expressément stipulée pour toutes évictions, troules et empêchemens quelconques, avec solidarité entre les liitans;-Qu'une clause aussi générale, et qui n'excepte rien, omprend nécessairement l'éviction résultante de l'action. ême du colicitant mineur ou interdit qui pourrait prétenre par la suite que l'adjudication serait nulle relativement lui, par le défaut de quelque formalité; que la connaissance onnée, lors des enchères, de l'omission de deux des formaliés d'usage, est une raison de plus de juger que tel a été le ens de la clause souscrite envers l'adjudicataire;—Que cette viction particulière pouvait être d'autant moins exceptée de a clause générale de garantie, qu'elle n'était interdite par ucune loi, que rien n'empêchait que des majeurs colicitans vec l'interdit garantissent l'adjudicataire; que le vice de 'adjudication, à l'égard de l'interdit, résultant de son priviége personnel, ne peut dispenser les majeurs de l'exécution le la garantie solidaire par eux promise; - Qu'il y a donc dans le jugement attaqué violation de la loi du contrat et

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des lois qui veulent que les actes et conventions des parties soient exécutées ;-REJETTE relativement à Lebon-Laboutraye, et CASSE quant aux autres, etc. »

COUR DE CASSATION.

En matière criminelle, faut-il donner connaissance à l'accusé, non seulement des charges qui résultent des informations, mais aussi de celles puisées dans des actes étrangers aux dépositions des témoins? (Rés. aff.).

Faut-il que la liste des témoins notifiée à l'accusé contienne les noms de tous ceux qui ont été entendus? (Rés. aff.)

POURVOI DU SIEUR LAFON.

Jean Lafon fut poursuivi comme complice d'un vol devant le tribunal criminel d'Angoulême. Le directeur du jury ne lui donna connaissance que des charges qui résultaient des dépositions des témoins, et ne lui communiqua pas un procès verbal qui constatait le corps du délit et qui servait à motiver l'accusation. D'un autre côté, on produisit aux débats un témoin dont le nom n'avait pas été porté sur la liste notifiée au prévenu. — Malgré ces vices de forme, le tribunal criminel d'Angoulême condamna Jean Lafon à la peine de six années de fer.

Il se pourvut en cassation, et soutint 1° que, conformément à l'art. 10 de la loi du 7 pluviôse an 9, il ne suffisait pas de lire au prévenu les dépositions des témoins, mais qu'il fallait aussi lui faire connaître les autres charges, notamment les procès verbaux constatant le corps du délit, et qui font naturellement la base de l'accusation; 2o que, d'après l'art. 556 du Code des délits et des peines, on doit notifier à l'accusé la liste des témoins; que cette formalité n'avait pas été remplie, puisque, dans la liste qu'on lui avait signifiée, on ne trouvait pas le nom de tous les témoins entendus.

Du 21 floréal an 12, ARRÊT de la Cour de cassation, section criminelle, au rapport de M. Barris, sur les conclusions de M. Lecoutour, avocat-général, par lequel :

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