Page images
PDF
EPUB

les arrêts rendus au parlement de Paris en 1782, 1783 et 1784 devaient être exécutés, dans le pays de Liége, sur de simples lettres rogatoires, sans qu'il fût permis aux juges de ce pays d'en discuter la forme ni le bien-jugé; qu'ils devaient l'être encore, à bien plus forte raison, d'après le concordat passé en 1615 entre les archiducs Albert et Isabelle et le prince de Liége; qu'ils devaient l'être également d'après la réciprocité que l'usage avait établie à cet égard entre la France et les États liégeois; qu'ils devaient l'être surtout et sans aucun obstacle, sans même qu'il fût encore besoin de lettres rogatoires, depuis la réunion du pays de Liége à la France; qu'en jugeant le contraire, la Cour d'appel a violé l'autorité de la chose jugée entre les parties par les arrêts rendus au parlement de Paris, en 1782 et 1785.

M. le procureur-général Merlin a réfuté ces diverses propositions et a conclu au rejet du pourvoi.

Du 18 thermidor an 12, ARRÊT de la Cour de cassation, section des requêtes, M. Muraire premier président, M. Gandon rapporteur, M. Prieur avocat, par lequel :

« LA COUR,-Attendu qu'il n'y a ni usurpation de pouvoir, ni violation d'autorité de la chose jugée, si les arrêts rendus au parlement de Paris, en 1782 et 1783, long-temps avant la réunion du pays de Liége, n'avaient pas l'autorité de la chose jugée dans ce pays, étranger alors; qu'il n'existait aucune convention entre la France et le pays de Liége pour que les jugemens rendus dans un pays fussent exécutés dans l'autre; que le traité souscrit à Maëstricht, en 1615, n'a établi de réciprocité qu'entre le duché de Brabant et le pays de Liége, en sorte qu'il est absolument étranger; que les de mandeurs n'ont même cité aucun exemple d'un jugement français dont l'exécution ait été permise contre un Liégeois, dans le pays de Liége, sans que les juges du lieu aient pris connaissance des moyens de nullité et des injustices alléguées contre ce jugement; que la famille Selys, Liégeoise, obligée de plaider en France, puisqu'elle était demanderesse et que son débiteur demeurait en France, n'a pas, pour cela, con

શે

cté l'obligation de subir sur ses biens et sa personne, ége, l'exécution des jugemens rendus en France; que la nion postérieure du pays de Liége à la France n'a apporté un changement aux droits acquis aux Liégeois; que ceux›nt été réunis avec tous leurs droits, leurs actions et leurs eptions; d'où il résulte que le jugement attaqué ne conit aucune contravention aux lois;-REJETTE, etc. »

COUR D'APPEL DE DIJON.

tranger, acquéreur d'une part indivise dans un objet léterminé de la succession, peut-il être évincé par les utres héritiers en vertu de l'art. 841 du Code civil? (1) Rés. nég.)

it-il, au moins, ne provoquer le partage de l'objet sur equel il a acquis un droit de copropriété que lorsque a succession a été partagée entre les héritiers? (Rés. aff.)

MUNIER, C. LABRUÈRE ET AUTRES.

Le sieur Munier était décédé, laissant pour héritiers trois ans. Deux d'entre eux vendrent aux sieurs Labruère, card et Brochot, leurs parts indivises dans une forêt qui pendait de la succession. Les acquéreurs formèrent ausit, contre Françoise Munier, troisième enfant du défunt, e demande en partage. Celle-ci leur offrit alors le remursement du prix de leur acquisition, et soutint qu'elle vait être subrogée à leurs droits, aux termes de l'art. 841 Code civil. — Les premiers juges accueillirent cette exotion, et prononcèrent en effet qu'il y avait lieu à subrotion, au moyen de l'offre de remboursement.

Appel de la part des acquéreurs. L'art. 841 du Code il, disaient-ils, permet bien aux cohéritiers d'écarter du

1) « Toute personne, même parente du défunt, qui n'est pas son successible, et à laquelle un cohéritier aurait cédé son droit à la succession, peut être écartée du partage, soit par tous les cohéritiers, soit par un seul, en lui remboursant le prix de la cession.» (Art. 84.1)

partage l'acquéreur d'une part héréditaire, en lui remboursant le prix de son acquisition; mais il ne s'applique qu'à la cession de l'universalité d'un droit successif, et non à la vente d'une part indivise dans un objet déterminé de la succession. Pour se convaincre de cette vérité, il suffit de connaître les motifs du législateur. Il n'accorde aux héritiers le privilége exorbitant qui résulte de l'art. 841 que pour empêcher un étranger de s'immiscer dans le secret des affaires domestiques, de jeter le trouble et le désordre dans une famille. Or il n'y a qu'un successeur in universúm jus qui puisse exiger qu'on lui fasse connaître tous les titres, tous les biens, qu'on l'appelle à tous les actes capables d'augmenter ou d'affaiblir ses droits. Mais celui qui ne devient copropriétaire que d'un objet déterminé ne doit pas porter ses regards sur la masse héréditaire. Un seul objet l'intéresse: il ne doit pas plus s'occuper des autres biens que ne le devrait un copropriétaire dont le titre serait antérieur à l'ouverture de la succession. Les inconvéniens que la loi a voulu éviter ne se rencontrent donc pas dans l'espèce. - Mais il y a plus: le texte même de l'art. 841 prouve qu'il n'est pas applicable. Cet article parle de la personne à laquelle un cohéritier aurait cédé son droit à la succession. Par ces mots, son droit à la succession, il est impossible d'entendre un droit particulier dans un seul objet de l'hérédité. Ajoutons que, quand il s'agit d'interpréter une loi de cette nature, il faut la restreindre plutôt que l'étendre au delà de ses limites, parce qu'elle déroge aux principes généraux sur les conventions qui veulent que les actes consentis de bonne foi soient exécutés. Tous les motifs se réunissent donc contre le jugement de première instance. Ce jugement ne saurait donc subsister.

L'intimée répondait : L'art. 841 s'applique aux cessionnaires à titre singulier, comme aux cessionnaires à titre universel. Les uns et les autres sont des spéculateurs avides qui ne méritent pas la faveur des lois; les uns et les autres troublent également la bonne harmonie qui doit exister entre les cohéritiers. Le cessionnaire d'une part dans un ohjet déter

miné de la succession peut élever les mêmes difficultés sur 1 es droits des autres successibles, sur les actes de libéralité du défunt, que s'il avait acquis une part héréditaire toute entière: de là des procès injustes, des dissensions qu'il fallait prévenir. Il est donc certain que par l'art. 841 le législateur a voulu écarter indistinctement tous les cessionnaires, 'à quelque titre que ce soit. Le système contraire impliquerait contradiction: un cohéritier vendrait en détail à plusieurs personnes tout ce qui lui revient dans la succession, et parce qu'il y aurait dix, vingt cessionnaires étrangers, les autres cohéritiers seraient forcés de les admettre parmi eux, tandis qu'ils auraient pu éloigner celui qui se serait présenté seul ! C'est une absurdité dont la loi n'est point complice.

Du 20 thermidor an 12, ARRÊT de la Cour d'appel de Dijon, par lequel :

« LA COUR, -Considérant que les appelans ne se présentent point dans la cause comme cessionnaires d'un droit à la succession, mais comme acquéreurs d'un objet déterminé; que le partage qu'ils en provoquent n'a rien de commun avec le partage d'une succession; qu'ils ne représentent pas l'héritier, et que ce serait seulement dans ce cas qu'on pourrait leur appliquer l'art. 841;—Que, les premiers juges en ayant fait l'application, il est évident qu'ils se sont trompés, et que dès lors il y a lieu à réformer leur décision sur ce point; — Considérant, sur la seconde question, que la succession dont il s'agit étant encore indivise, il est clair que les acquéreurs ne peuvent encore former leur demande en partage des bois par eux acquis; qu'ainsi, c'est le cas de renvoyer, quant à présent, l'intimée; - Par ces motifs, la Cour, prononçant sur l'appellation interjetée par Simon Labruère, Jean Picard et Jean Brochot, de la sentence rendue par le tribunal de première instance d'Autun, le 22 floréal an 12, A Mis ladite appellation et ce dont est appel au néant, en ce qu'on aurait déclaré qu'il y avait lieu à subrogation; et par nouveau jugement renvoie, quant à présent, Françoise Mu

nier de la demande en partage formée par les appelans, sauf à ceux-ci à se pourvoir en la forme de droit. »

Nota. La question a été jugée dans le même sens par un arrêt de la Cour de cassation, du 22 avril 1808, qui sera rapporté à sa date : au surplus, tous les commentateurs s'accordent à dire que, quand la cession ne comprend que la part indivise qui appartient à l'héritier dans des objets certains et déterminés, l'art. 841 n'est pas applicable, puisqu'en ce cas le cessionnaire n'a pas le droit de s'immiscer dans le partage de toute la succession, mais qu'il suffit de l'appeler au partage des objets certains et déterminés dont il a acquis une portion. (Chabot de l'Allier, Traité des Successions, tom. 3, pag. 187, n° 9.-Toullier, Droit civil français, tom. 4, pag. 445, no 447-)

COUR DE CASSATION.

En matière d'action possessoire, est-ce par les dommages et intérêts demandés, et non par la valeur de la chose dont la possession est réclamée, que se détermine la compétence du juge de paix pour statuer en dernier ressort? (Rés. aff.)

LINGOIS, C. DOUTRELEAU.

La jurisprudence de la Cour de cassation a varié sur cette question (V. tom. 5, pag. 589); mais elle est depuis longtemps fixée pour l'affirmative. Voici un premier arrêt rendu dans ce sens :

Au mois de vendémiaire an 11, le sieur Doutreleau a fait citer le sieur Lingois, devant le juge de paix du canton d'Ourville, en condamnation d'une somme de 50 francs, pour avoir fait abattre des baliveaux et des sepées, et ébrancher un chêne, offrant de prouver que, de tout temps, il était en possession de ces arbres.

Lingois a offert de prouver une possession contraire d'an et jour, pour avoir toujours disposé en maître de ces mêmes

« PreviousContinue »