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capitaines étrangers qui reçoivent à leur bord des haitiens pour les conduire à l'étranger. Arrêté concernant les vagabonds.-Gazette du Cap.-Corruption dans les mœurs-Assassinat de Brochard et de Darassan.- Exécution de Ducoudray, espion français.-Ordonnance concernant les cartes de sûreté L'ordre cst envoyé aux généraux et aux hauts fonctionnaires civils de se rendre à Marchand pour assister au deuxième anniversaire de l'Indépendance-Aspect de Marchand. Fête de l'Indépendance.-Dessalines est provoqué à l'expédition de l'Est pr un arrêté infâme de Ferrand.-Tournée de Dessalines dans l'Ouest.-Retour de David-Troy, de Mentor, de Dartiguenave en Haïti - Dessalines ôte à David Troy son grade et le fait soldat-Il confie au général Yayou le commandement de Parrondissement de Léogane.-Dessalines entre en campagne contre la partie de l'Est La division de l'Artibonite part de la Petite Rivière --Elle est jointe an Mirebalais par la division de l'Ouest, sous les ordres de Pétion —Le bourg de Lamatte fait sa soumission L'armée haïtienne traverse St-Jean, et arrive au fort dit Tombeau des indigènes –Ce fo test enlevé, et le lieutenant-colonel Vist qui y commande est pris et horriblement exécuté-L'armée traverse Azua, et arrive à Gaillard, à une lieue de Sto Domingo-Description des fortifications de Sto-Domingo.-Le général Christophe part du Nord, à la tête de sa sion, et arrive devant St-Yague; il en'ève cette ville après un combat acharné -Il est joint par le général lervaux. Il traverse la Végn, Cotay, et arrive devant Sto Domingo Garnison de cette ville.-L'armée haïtienne cerne SantoDomingo.- Dessalines parcout ses lignes. L'adjudant général Damestois reçoit la mort à ses côtés. Les français font une sortie contre la position qu'occupe le général Magny et sont ramenés-Ferrand fait une nouvelle sortie pour déloger Magny de St Carle; il est encore refoulé dans la place.-Arrivée de la division du Sad sous les ordres de Geffrard; elle porte l'armée haïtienne à 29,500 hommes Origine de la danse le carabinier-Sto-Domingo est réduit à la dernière extrémité-Dessalines reçoit des dépêches par lesquelles il apprend que les Anglais ont aperçu une escadre française faisant voile vers les Antilles Le général Dubarquier fait une sortie pour faire du bois, et est refoulé dans la place par le général Geffrard.—Dessalines se prépare à donner un assaut général à la place; mais l'escadre du contre-amiral Missiessy se présente devant Sto-Domingo; le général Lagrange débarque dans la place un bataillon de 500 hommes, de l'argent, des munitions de guerre et de bouche Dessalines croyant que les autres points de l'ile sont menacés d'un débarquement de troupes françaises, lève le siège de Sto Domingo, et retourne dans l'ancienne partie française. Les Haïticus, en se retirant, livrent tout à feu et à sang sur leur passage.-Dessalines fit connaître, à la nation, par une proclamation, les opérations de la campagne de l'Est-Don Augustin Franco médina vient réoccuper St-Yague, et reprend les limites de l'ancienne partie espagnole. Ferrand le nomme commandant du département de Cibao.

EN Janvier 1804, aussitôt après la proclamation de l'indépendance, le gouverneur de la Jamaïque, M. Nugent, avait envoyé en Haïti, auprès de Dessalines, M. Edouard Corbet, écuyer, chargé de renouveler le traité de commerce qui avait été conclu entre le gouverneur Toussaint Louverture et S. M. B. Pour faciliter les ouvertures qu'il avait à faire, il avait envoyé à Dessalines trente quatre, prisonniers noirs et de couleur, indigènes d'Haïti, qui avaient été pris avant la proclamation de l'indépendance, alors que le pays était encore français. Les dispositions de ce traité étaient entièrement à l'avantage de l'Angleterre, car à l'époque où il fut fait, Toussaint Louverture,

voulant se détacher de la France, avait besoin de la protection et mème des armes de la Grande Bretagne.* Mais Dessalines, chef d'un peuple déjà indépendant, y apporta des modifications en harmonie avec la dignité et les nouveaux besoins de la nation, et le retourna, par Mr. Corbet lui-même, au gouverneur de la Jamaïque pour qu'il le ratifiât. Corbet revint en Haïti, porteur de dépêches à l'adresse de Dessalines. Nugent avait répondu, à la date du 31 Janvier, qu'il n'acceptait pas à regret les modifications apportées au traité. Il priait Dessalines de lui renvoyer à la Jamaïque, sans délai, Mr. Edouard Corbet, attendu que sa présence en Haïti devenait inutile. Hlui annonça en même temps que l'amiral Duckworth lui expliquerait comment seraient traités les bâtimens haïtiens qui seraient rencontrés hors de leurs eaux. M. Corbet partit pour la Jamaïque, et l'amiral Duckworth, croisant le long des côtes d'Haïti, fit savoir à Dessalines que les bâtimens indigènes même légalement expédiés qui seraient trouvés hors de leurs eaux se dirigeant vers les possessions anglaises seraient exposés à être capturés; que ceux qui ne seraient pas légalement expédiés seraient traités comme pirates. Les anglais qui possédaient des esclaves redoutaient le contact des haïtiens avec les noirs et les hommes de couleur de leurs colonies. Ils

Voici la réponse de Dessalines à la première lettre du général Nugent. On voit qu'il ne parle point du traité de Toussaint, qui ne panvait lui convenir, et qu'il n'agit que sous l'influence des devoirs que lui prescrivait le nouvel ordre de choses établi en Haïti

Port-au-Prince le 19 Janvier 1804, l'an 1er. de l'Indépendance. J'ai reçu, par la frégate de S. M. P. le Tartare, les trente-quatre prisommiers que votre Excellence m'a envoyés. Cette marque de bienveillance m'a flatté bien agréablement, et ce serait mettre le comble à votre générosité que de me faire parvenir le reste des malheureux que vous m'avez promis.

Je prie votre Excellence de permettre que des bâtimens soient affrétés pour les transporter ici aux frais de ce gouvernement qui n'apportera aucun retard à remplir un engagement sacré. Le capitaine Perkins s'est chargé avec plaisir du soin de rappeler cette promesse à votre souvenir.

Mr. Corbet a reçu de moi l'accueil distingué et favorable auquel il devait nécessairement s'attendre; quoique je le crusse muni de pouvoirs assez amples pour conclure définitivement avec moi un traité réciproquement avantageux, il a pensé devoir l'apporter à la sanction de votre Ex

cellence.

L'amitié d'un gouvernement aussi puissant que le vôtre m'est trop précieuse pour que je ne saisisse pas toutes les occasions de la cimenter. Sensible aux désirs du Roi votre maître, de répondre à mes attentions par des considérations particulières, il ne dépendra pas de moi que notre amifié et notre bonne intelligence ne soient jamais interrompues. Ayant ouï dire que le gouvernement espagnol est en guerre avec le vôtre, j'ai l'honneur de prévenir votre Excellence que j'ai armé plusieurs corsaires contre les corsaires espagnols, notamment ceux de St.-Yago de Cuba.

avaient été satisfaits de voir la France perdre la plus riche de ses colonies; mais ils voulaient mettre leurs possessions à l'abri de ces secousses revolutionnaires dans lesquelles s'était engloutie la société coloniale de St.-Domingue. Ils avaient même proposé à Dessalines de ne pas armer de corsaires, s'offrant à veiller eux-mêmes à la garde des côtes d'Haïti et à en éloigner toujours les bâtimens de guerre français. Cette proposition, qui n'avait pas été accueillie était un acheminement à un protectorat.

Le 31 Mai, Dessalines écrivit, du Cap, au gouverneur Nugent, que les bonnes relations qui avaient existé jusqu'à présent entre Haïti et la Grande Bretagne ne pourraient pas être interrompues parce qu'on ne s'était pas entendu relativement au traité; que ce traité, qui était en harmonic avec les interêts d'une colonie, ne pouvait convenir à un peuple libre et indépendant. Il lui fit savoir qu'il se tiendrait toujours en garde contre le gouvernement Français et ses alliés, et qu'il n'agirait jamais hostilement contre les ennemis de će gouvernement perfide, régicide et tyran. Nous avons vu que Dessalines avait épargné tous les Polonais lors du massacre général des Français. Cent soixante d'entre eux lui avait manifesté le désir de quitter le pays. Dessalines accéda sans difficulté à leur demande, et obtint du capitaine Perkins, commandant de la frégate le Tartare qu'il les transportát à la Jamaïque. Le gouverneur Nugent, moins généreux que Dessalines, en cette circonstance, ne consentit à les recevoir qu'autant qu'ils voulussent prendre du service dans les troupes anglaises. Les Polonais refusèrent formellement de servir sous le drapeau britannique. Le gouverneur Anglais les renvoya en i en exhortant Dessalines à les chasser du pays. Mais Dessalines lui répondit que ces Polonais étaient devenus Haïtiens, qu'il était le chef d'un peuple libre, et qu'il ne pouvait, par conséquent, contraindre ses nationaux à quitter la terre de la patric.

Nous devons nous rappeler qu'après l'évacuation du Cap, le général Ferrand qui commandait à Monte-Christ, en était parti, et avait traversé St. Yague qu'il avait abandonné à ses propres ressources; que les habitans du département de Cibao avaient reconnu l'autorité de Dessalines pour se mettre à l'abri des excursions des indigènes. Ferrand avait atteint Sto. Domingo presque seul, laissant derrière lui trois-cents hommes qu'il avait levés, sur son passage et qui le joignirent ensuite. Aussitôt après son entrée en cette ville où commandait le général Kerverseau, il avait déclaré que Rochambeau lui avait confié le commandement en chef de la partie de l'Est, peu de jours avant l'évacuation du Cap. Kerverscau, de son côté, lui avait annoncé qu'il ne lui remettrait l'autorité que s'il en recevait l'ordre du 1 Consul. Ferrand audacieux et adroit, et ayant l'avanta- ge, aux yeux des soldats, d'ètre plus ancien général que Kerverseau, se fit, en peu de jours, de nombreux partisans, pénétra dans les casernes,

et gagna les troupes à son parti. Kerverseau se présenta aux soldats et les harangua; mais ils lui répondirent par les cris de vive le général Ferrand. Cependant quelques troupes lui étaient demeurées fideles. Mais voulant éviter l'effusion du sang, il s'embarqua pour l'Europe, abandonnant l'autorité à son rival. Quelque temps après, il apprit que Rochambeau, loin d'avoir livré le commandement en chef à Ferrand, l'avait placé sous ses ordres.

Le général Ferrand pour arrêter les excursions des Hitens sur le territoire espagnol du département du Sud-Est ou de l'Ozama établit aussitôt un cordon qui s'étendit de Hinche à l'étang Henriquille ou salé, passant par Lescahobas. I fit armer une position forte par son site, non loin de la rivière du Petit Yaque, entre Azua et St. Juan. Il en confia le commandement au lieutenant colonel Viet, qui avait évacué la Croix des- Bouquets sur la partie espagnole en Septembre 1803, après la défaite de la 5e. légère à Sarthe. Viet annonça avec orgueil que si Dessalines osait marcher sur Sto. Domingo, la fortification qui venait d'être établie deviendrait le tombeau des indigènes.

Il porta ensuite sou attention sur le département de Cibao où flottait le drapeau Haïtien. Comme on l'a vu, Tabarrès, homme de couleur espagnol, natif d Haïti, commandait ce département, au nom de Dessalines, ayant son quartier général à St. Yague. N'ayant pas sous ses ordres, un seul des régimens Haïtiens, il avait formé un bataillon de noirs et de mulàtres espagnols anciens esclaves, recrutés sur les habitations du voisinage de la ville. Fort peu des anciens libres avaient voulu s'armer en notre faveur. La terreur de Dessalines seule maintenait les indigènes-espagnols sous l'autorité haïtienne; ils n'attendaient que l'apparition d une force française quelconque pour secouer un jong qu'ils trouvaient fort pesant. Le géné ral Ferrand qui n'ignorait pas leur antipathie pour les Haïtiens, après s'être bien assuré de son autorité à Sto. Domingo, confia à l'adjudant commandant Deveau un cent de grenadiers européens, lui ordonna de faire des levées de miliciens espagnols et d'aller prendre possession du département de (ibao. Deveau partit de Sto. Domingo, et avant qu'il eut atteint St. Yague, il avait réuni un millier de volontaires espagnols. I surprit Tabarrès qui ne s'attendait pas à cette agression, pénétra audacieusement à St. Yague, rencontra-sur la place de la paroisse le petit bataillon qui en formait la garnison, l'attaqua résolument et le mit en pleine déroute. Il se rendit maître de la ville après avoir perdu quelques soldats (14 Mai 1804.) A la nouvelle de cette action le général Toussaint Brave partit du Fort Liberté, et marcha sur St. Yague. Dès que l'adjudant commandant Deveau apprit son approche, il abandonna sa conquête avec tant de précipitation, se jetant dans la grande route de Sto. Domingo, que les habitans, partisans la plupart des

Français, n'curent pas le temps de réunir des chevaux pour s'enfuir. Les meilleures familles suivirent à pied les troupes françaises ; et celles qui ne purent atteindre Sto. Domingo s'arrêtèrent à Cotuy. Le 26 Mai Toussaint Brave arriva à St. Yague. N'y ayant pas rencontré l'ennemi, il retourna dans la partie française.

Deveau, après avoir réuni une forte troupe d'Espagnols, revint à St. Yague qui était entièrement abandonné des Haïtiens, et y établit son quartier général. N'ayant pas l'espoir de conserver ce quartier, il ne songea pas à en ménager les habitans. I fit faire des patrouilles sur toutes les habitations du voisinge; ses soldats en enlevèrent les objets les plus précieux et les transportèrent à St. Yague. Quoiqu'on lui réclamât chaque jour ces objets, il continua, pendant plusieurs semaines, à dépouiller les plus riches propriétaires. Ceux-ci cessèrent de se plaindre; mais ils gagnèrent les trou pes espagnoles qui formaient la plus grande partie de la division française et assaillirent, pendant une nuit, le général Deveau. Les soldats européens enveloppés de toutes parts furent obligés de se rendre à discrétion. Deveau fait prisonnier, fut acheminé, sous cscorte, sur Sto. Domingo. Les habitans de St. Yague n'abandonnèrent pas la cause française, parce qu'ils avaient secoué le joug de l'adjudant commandant Deveau. Aussi le général Ferrand, ne vou lant pas les exaspérer, approuva t il leur conduite. Il leur envoya l'ordre de reconnaître pour commandant général du département de Cibao, Serapio Reynoso, noir, créole de la Véga d'Haïti. Serapio, après avoir été installé dans son commandement, jura sur le Saint Sacrement, en présence du peuple et de la garnison de respecter religieusement les personnes et les propriétés.

Le département de Cibao qui s'était soumis à l'autorité de Dessalines, après l'évacuation du Cap par Rochambeau, redevint feançais. Ouaniaminthe seul était au pouvoir des Haïtiens. Le général Ferrand entretenait des garuisous à Montéchrist, à Puerto Plata, à St Yague, à St-Jean, à Azua et à Sto Domingo. La vaste étendue de terre de la partie espagnole, d'une grande fertilité, occupe presque les trois quarts de l'ile d'Haïti. Les Français, dès le mois de Juillet 1802, y avaient rétabli l'esclavage, mais un esclavage doux tel que celui qui y existait sous le gouvernement de Madrid; et sur une population de 125,000 àmes, il n'y en avait pas 20,000 dans la servitude. Les hommes dont l'esprit et le coeur n'ont point été cultivés, lorsqu'ils ne souffrent pas matériellement, ne songent point à sortir de leur état de degradation.

Dessalines, aussitôt après son entrée au Cap, avait formé le projet de s'emparer de Sto-Domingo. Il eût dû se précipiter comme un torrent dans la partie de l'Est, et rien, alors, n'eût pu résister à son impétuosité. Mais son élan vers Sto-Domingo avait été arrêté par la soumission du département de Cibao. Il s'attendait à voir

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