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pour les exterminer, la 5e légère cantonnée à la Croix-des-Bouquets. Mais le commandant de la garde nationale, Lespinasse, citoyen blanc, calma sa fureur en lui exposant énergiquement que la garnison fran-çaise pourrait elle même être anéantie. Ceux des indigènes de la famille de Lamarre.qui se trouvaient au Port Républicain auraient été sacrifiés, s'ils n'avaient été protégés par un vieillard blanc nommé None, qui habitait la rue des Fronts Forts. Ce vieillard fournit même des secours de tous genres aux parents de Lamarre. La garde d'honneur fut réorganisée, et l'adjudant-général Néraud en prit le

commandement.

Lamour Dérance apprenant par une lettre de Lamarre le succès qui avait été obtenu au Petit-Goâve, y vint avec plusieurs de ses lieutenans. Il portait une ceinture d'osselets qui, croyait-il, le garantissait des balles. I nomma Lamarre colonel de la milice du Petit-Goâve. retourna devant Jaemel qui était cerné par Magloire Ambroise Lacroix et Macaque.

Pendant cet intervalle, Toussaint Brave, dans le Nord, cernait étroitement le Fort Liberte. Il entretenait des intelligences avec les indigènes qui composaient, sous les ordres des français, la milice de cette ville. La plupart des noirs et des hommes de couleur de la place formèrent une couspiration en faveur des independans qui durent assaillir les français le jour qu'elle éclaterait. Le 2 Avril 1803 les indigènes de la ville se précipitérent à l'improviste sur tous les postes qu'occupait la 110e demi-brigade de ligne. Le géneral Quentin, par son énergie, déjoua tous les projets des conspirateurs. Mais en même temps, Toussaint Brave, à la tête de 1400 independans, attaquait vigoureusement la place et y pénétrait. Il se retrancha dans les rues qui furent barricadees. Les bourgeois blancs, saisis de terreur, se retirerent vers le rivage et s'embarquèrent sur la corvette la Sagesse. La 110e de ligne se réfugia dans le fort. La moitié de l'équipage de cette corvette commandée par le lieutenant de vaisseau Bar nesche vint au secours de la ga nison. Le general Quentin fit contre les indépendans une vigoureuse sortie; il fut refoulé dans le fort. L'adjudant géneral Dumont fit une nouvelle sortie et livra bataille, au centre de la ville, à Toussaint Brave. On se battit avec acharnement, de part et d'autre. Un chef de bataillon d'artillerie, Orange, détermina la victoire en faveur des français, en faisant dresser contre les indigènes une batterie de trois pièces de canon. Toussaint abandonna le champ de bataille, et sortit de la ville avec la plupart des familles indigènes qui habitaient. Quentin fit noyer tous ses prisonniers. Le Fort-Liberté demeura bloqué par les independans.

Le 8 Avril, Toussaint Brave assaillit de nouveau la place, à 5 heures du matin; mais il ne put en escalader les remparts. Le général Quentin qui, depuis l'affaire du 2, s'attendait chaque jour une nouvelle attaque, l'aecueilli par un feu des plus meurtriers. L'adjudant géneral Dumont le

poursuivit jusqu'à une demi-lieue de la place. Les troupes européennes étaient si faibles qu'elles ne pouvaient que se tenir sur la défensive.

Le capitaine général Rochambeau ayant appris les pertes considérables que le général Sarrasin avait éprouvées dans sa marche de de Tiburon aux Cayes, fut contraint d'embarquer pour le Sud 2000 hommes de troupes fraîches, polonaises et françaises, qui venaient d'arriver de France au Port-Républicain sur une escadre commandée par l'amiral Bedout. Ces troupes qui furent confiées au général Brunet partirent pour leur destination le 16 Germinal an 11 (6 Avril 1803) et arrivèrent à Jérémie le 20 Germinal (10 Avril). Elles devaient exécuter les opérations dont avait été chargé le général Sarrasin. Darhois reçut l'ordre de pénétrer dans la plaine des Cayes; et en même temps les troupes de cette ville et celles de l'Anse à-Veau devaient sortir de leurs cantonnemens pour assaillir le général Geffrard. L'armée indépendante occupait toute l'étendue qui s'étend entre St. Louis et le Port-Salut. Chaque nuit des jeunes gens des Cayes venaient grossir le parti des indépendans. Tous les postes que les français avaient établis autour des Cayes étaient tombés au pouvoir du général Geffrard qui avait des intelligences dans la place. La plupart des cultivatrices, qui entraient dans la ville, char gées de vivres, en sortaient avec de la poudre sous leurs robes. Comme la famine commençait à se faire sentir, le colonel Berger était contraint d'ouvrir les portes des Cayes à ceux des laboureurs qui apportaient des vivres, des fruits, des légumes. Beaucoup de soldats indépendans déguisés en paysans pénétraient ainsi dans la place, y achetaient clandestinement des munitions qu'ils apportaient au camp Gérard, quartier-général de Geffrard. Ce fut à cette époque que Boisrond Tonnère, homme de couleur instruit, qui devint plus tard un des secrétaires particuliers de Dessalines, sortit des Cayes à la faveur d'un déguisement, et se rendit auprès de Geffrard qui l'accueillit avec distinction et l'attacha à sa personne. Boisrond Tonnère était créole d'Aquin, et sa famille habitait alors le bourg de St Louis du Sud. Si les indépendans avaient eu de l'artillerie ils eussent réduit en peu de jours la ville des Cayes. Le général Geffrard ne voulant pas perdre un temps précieux, en de vains efforts, devant eette place garnie de canons, résolut d'aller attaquer l'Anse à Veau, à la tête d'une des divisions de son armée. Mais il apprit que les français s'avançaient sur plusieurs colonnes pour l'envelopper de toutes parts. Au lieu d'attendre l'ennemi, il marcha à sa rencontre, après avoir divisé ses troupes en plusieurs corps.

Le général Darbois, parti de Jérémie, était arrivé aux Baradaires avec 1000 hommes de troupes d'élite dont 200 cavaliers. Il s'achemina sur la plaine des Cayes. Quand il atteignit les hauteurs de Cavaillon, il rencontra le colonel Gérin à la tête de 900 hommes (qui formèrent plus tard la 16°), que Geffrard avait détachés du gros de

l'armée. Les indépendans l'attaquérent sur l'habitation Bérette; mais ils furent repoussés. Dans la même journée, deux bataillons sortis de la plaine du Fond vinrent les renforcer. Dans la nuit qui suivit, Gérin enleva un convoi de poudre qu'un détachement européen, sorti des Baradaires, conduisait à Darbois. Ce général n'était demeuré immobile à Bérette que parce qu'il attendait ces munitions. A la pointe du jour, le colonel Gérin distribua des cartouches à ses soldats qui en étaient dépourvus la plupart, et assaillit Darbois qui fut battu et poursuivi jusque sur Thabitation Lacombe près du bourg Corail, où il se retrancha. Gérin demeura maître des montagnes de Cavaillon, et couvrit, de ce côté, la plaine des Cayes où Geffrard avait son quartier-général.

En même temps une autre colonne française, sortie de Jérémie, sous les ordres du commandant Mafrant, avait traversé les mon. tagnes de Plimouth, pour pénétrer dans la plaine des Cayes. Geffrard lança contre elle la 13e., commandée par Moreau ou Coco Herne, et Thomas Durocher, guérillas intrépide, qui était à la tête d'un millier de cultivateurs volontaires. Les français battus à Thomas Quinis furent poursuivis par Thomas Durocher jusque sur l'habitation Lacombe, où ils se rallièrent au général Darbois. Moreau et Durocher couvrirent la plaine des Cayes du côté de Plymouth.

Geffrard apprit qu'une nouvelle division française, sous les ordres du général Brunet venait de débarquer à Tiburon. Il envoya au devant d'elle le colonel Férou. Celui ci alla se retrancher à Garata, forte position naturelle, dans un chemin rocailleux le long du rivage, entre les Cayes et Tiburon. Férou avait sous ses ordres Bazile, Jean Louis François, et les troupes qui formèrent depuis les 15e et 18e. Le général Brunet confia le commandement de la division débarquée à Tiburon à un général polonais avec ordre de suivre la route des Côteaux et de pénétrer dans la plaine des Cayes, pendant que le commandant Mafrant, dont il ignorait la défaite, y arriverait en passant par les mornes de Plymouth. Il partit lui-même pour les Cayés sur un vaisseau. vaisseau. Dès qu'il y arriva, il apprit la mort du général polonais. Il envoya aussitôt à Tiburon l'adjudant général Cercley, pour le remplacer. Les officiers indigènes qui servaient encore dans les rangs français conseillèrent au général Cercley de ne pas entreprendre la marche, et de se rendre aux Cayes par mer, sur l'avis d'un conseil de guerre. Le chef d'escadron Borgella lui fit observer que toute la campagne était en insurrection, qu'il pourrait succomber au milieu des embuscades qui devaient être dressées le long du chemin. Cereley lui répondit que rien ne l'arrêterait puisque le général Sarrasin avait pu atteindre les Cayes. Il partit de Tiburon, à la tête de 1500 hommes, traversa les Anglais et arriva à Garata où il rencontra l'ennemi. Férou qui occupait cette position était retranché derrière des remparts de pierre recouverts de terre.

Le chef d'escadron Borgella qui commandait l'avant garde de la division française reconnut que les indépendans pourraient être avantageusement attaqués en flanc. Il conseilla à Cercley de faire occuper par un bataillon une ravine qui s'ouvrait derrière les retranchemens, que le colonel Férou n'avait pas fait garder. Cercley, offi❤ cier plein de fougue, lui demanda s'il avait peur. Borgella, indigué, ordonna aussitôt aux grenadiers de l'avant-garde de commencer le feu. Les français attaquèrent les retranchemens à la baïonnette; mais ils rencontrèrent une résistance si opiniâtre qu'ils furent contraints de battre en retraite, laissant le champ de bataille couvert de leurs morts. Férou se tenait debout sur les remparts, soutenant le courage de ses soldats. Les français revinrent à la charge avec fureur; mais leur rage excita celle des indépendans; après une demiheure de combat, ils furent de nouveau repoussés avec perte. général Cercley se souvint alors de l'avis que lui avait donné Borgella avant l'action. I ordonna à l adjudant général Bernard d'aller occuper la ravine qui longeait les retranchemens. Mais on lui annonça que les indépendans venaient de s'y établir. Attaquez néanmoins, dit-il à Bernard. Celui ci pénétra dans le ravin, et en même temps Cercley assaillait le retranchement. Bernard fut accueilli par le feu le plus vif. Les polonais qui étaient sous ses ordres, accablés par le soleil des tropiques, jetèrent leurs armes et prirent la fuite. Cercley, de son côté, fit en vain des prodiges de valeur. La déroute

devint complète.

Le

L'adjudant-général Bernard avait été renversé dans la ravine, atteint d'une balle. Les français ne s'arrêtèrent qu'aux Coteaux où ils s'embarquèrent pour les Cayes. Cerely mourut de maladie peu de jours après sa défaite. La victoire de Garata eut de grands résultats; elle fit tomber Tiburon au pouvoir des indépendans, et sauva le département du Sud. Si Cereley avait atteint les Cayes avec sa division, la garnison de cette ville renforcée de 1500 hơm • mes eût fait contre Geffrard une vigoureuse sortie dans la plaine, et eût peut-être complètement dispersé larmée indigène.

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Le général Geffrard, apprenant que le bourg de Corail était toujours occupé par Darbois, partit du camp Gérard et marcha contre l'ennemi. Dès que Darbois sut qu'il s'approchait avec des forees supérieures, il abandonna ses troupes au milieu de la nuit, et se rendit à Jérémie dans un canot de pêcheur. Les français cernés de toutes parts mirent bas les armes. Pendant cet intervalle les troupes sous les ordres de Férqu s'efforçaient de cerner I habitation Welche grande place qu'occupait avec 600 hommes le général Sarrasin. Celui-ci était sorti des Cayes pour aller au devant de la colonne de Cercley dont nous avons rapporté la défaite. Le général Brunet commandant du département du Sud fit une sortie et dégagea les troupes françaises. Geffrard, revenu du Corail, s'établit au pont

Dutruche. Le général Brunet voulant le chasser de sa position confia une division au général Sarrasin, et lui ordonna de faire contre lui une sortie. Les français atteignirent les indépendans et leur li

vrèrent une bataille rangée.

trèrent aux ayes.

Férou commandait l'aile droite des indigènes, Gérin l'aile gauche, et Geffrard le centre. Après deux heures d'un combat opiniâtre les français abandonnèrent en bon ordre le champ de bataille. Ils ne purent néanmoins se maintenir dans la plaine. Ils ren Ce fut leur dernier effort. Les indépen dans demeurerent finalement paisibles possesseurs de la magnifique plaine de Jacob de 20 lieues carrées. Loin de l'incendier Geffrard ordonna à une partie de ses soldats de se livrer aux travaux agricoles. Gérin partit avec 1000 hommes pour aller faire le siège de l'Anseà Veau. I traversa Aquin, d'où il se rendit au Petit Trou que les français avaient abandonné. Il marcha sur l'Anse à Veau qu'occupait un bataillon européen. Le général Sarrasin était venu par mer au secours de cette place. Il était parti des Cay es aussitôt après la bataille de Dutruche. Après avoir supporté un siège de moins de quinze jours, il fit une honorable capitulation et transporta à Jérémie toute la garnison blanche. Gérin prit possession de la place; il y trouva des munitions de tous genres. Les français ne possédaient plus dans le Sud que les Cayes, Jérémie et Pestel.

Le général Geffrard déployait une prodigieuse intrépidité et de rares talens militaires. Le plan de campagne du général Brunet avait été combiné de manière à écraser l'insurrection d'un seul coup. Les indigènes devaient être enveloppés de toutes parts par quatre colonnes. Geffrard au lieu d'attendre l'ennemi dans la plaine des Cayes où les français l'eussent anéanti par leurs forces réunies, lança au devant de leurs corps d'arméee qui s'avançaient par des routes différentes, les Gérin, les Moreau, les Férou, les Jean Louis François, les Bazile, et les battit successivement. Par ses manœuvres habiles, il sauva la cause indépendante dans le département du Sud.

Ces échecs qu'essuyaient les français rendirent le général Rochambeau plus sombre, plus soupçonneux. Sa défiance se porta sur les officiers noirs et de couleur qui jusqu'à présent donnaient les plus grandes preuves de dévouement à la métropole. Il envoya l'ordre au général Brunet d'embarquer pour France Laplume, tout en l'entourant de considération. Depuis quelque temps Laplume témoignait le désir d'aller en France pensant que sa présence était devenue inutile dans la colonie. La couleur de Laplume, comme ◄ nègre, dit "Laujon, jetait la plus grande timidité sur toutes ses actions et faisait céder l'autorité dont il était revêtu aux égards qu'il avait pour les officiers de notre armée, quoique placés sous << son commandement. Cette pernicieuse considération nous fit per

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