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dre connaissance des lettres qu'il avait reçues. Il apprit peu d'instans après qu'un soldat de la 4e nommé Dupuy, jeune homme de couleur, recruté au Port-au-Prince, parlait et écrivait cette langue. Il le fit aussitôt appeler. Le jeune homme fut au désespoir; il crut que le général, en chef voulait le faire fusiller. Il fit ses adieux à ses camarades en leur disant qu'il avait été toujours été bon soldat et qu'il ne concevait pas quel pouvait être son crime. Dessalines lui présenta lui même les lettres de Loring. Dupuy les traduisit. Le commodore anglais priait le général en chef des indigènes de lui envoyer des pilotes pour qu'il pût entrer dans la rade du Cap, capturer les vais. seaux français et les amariner.

Dessalines, qui ne voulait pas qu'on pût croire qu'il avait joint ses forces à celles des Anglais pour chasser les Français, no répondit pas sur le champ à Loring. Les Indigènes en effet avaient toujours combattu leurs ennemis sans le secours d'aucune puissance étrangère; et ils ne devaient les grands succès qu'ils avaient obtenus qu'à leur héroïsme. Le commodore écrivit de nouveu; alors Dessalines lui répondit :

Liberté

ou la Mort.

Au quartier-général, le 6 Frimaire an 12 (28 Novembre 1803.) Le général en chef de l'armée Indigène à M. Loring, commandant les forces navales de S. M. B. devant le Cap.

Monsieur,

Je vous accuse réception de la lettre que j'ai eu l'honneur de recevoir; vous pouvez vous convaincre que mes dispositions pour vous et contre le général Rochambeau sont invariables. J'entrerai dans la ville du Cap demain à la tête de mon armée. Je ne puis, M'., quoiqu'à regret, vous envoyer les pilotes que vous me demandez. Je présume que vous n'en aurez pas besoin, car je forcerai les bâtimens français à sortir de la rade, et vous en agirez avec eux comme vous le jugerez convenable.

J'ai l'honneur d'être, etc.

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Le commodore n'insista pas davantage. Le jeune soldat se saisit de son fusil, et salua Dessalines en lui présentant les armes. Il allait se retirer quand le général en chef lui dit laisse là ton fusil, tu deviens un de mes secrétaires et en outre officier attaché à mon état-major. Il parviendra au grade de général dans les armées indigènes, et la connais. sance de la langue anglaise fera sa fortune sous roi le Christophe,

Les Français s'embarquèrent le lendemain; et l'adjudant général d'Henin livra à Bazelais la place et les forts. En vertu de l'article 5 du traité, Rochambeau avait laissé dans les hôpitaux les blessés et les fiévreux européens, n'ayant pas assez de bâtimens pour les transporter à l'étranger. Dessalines avait promis au général Lapoype, commandant de la division du Nord, de leur donner toutes sortes de soins jusqu'à ce qu'il pût les envoyer en France sur des bâti

mens neutres.

les

Les indigènes prirent possession du Cap le 7 Frimaire an 12 (29 Novembre 1803). Dans la journée il y eut de grandes fêtes et il y régna un ordre parfait. Les soldats, les femmes, enfans parcouraient les rues en chantant des hymnes de liberté. Des publications promirent de nouveau aide et protection aux blancs plauteurs, négocians, ouvriers qui n'avaient pas suivi l'armée française. Ils vinrent se prosterner aux pieds du général en chef qu'ils traitaient de brigand la veille, et firent des voeux ardens pour le bonheur de ses jours. Ils l'appelaient Jean-Jacques le Bon. Dessalines les accueillait en effet comme un père de famille; mais dès qu'ils se retiraient, son front prenait une expression menaçante. Cependant les membres du conseil des notables, l'ordonnateur Perroud et plusieurs familles blanches s'embarquèrent n'ajoutant pas foi à ses promesses. Le général Christophe fut aussitôt nommé commandant de l'arrondissement du Cap. I apprit que les Français avaient embarqué les archives du greffe; il en avisa aussitôt Dessalines qui écrivit à Rochambeau qu'il eût à les débarquer attendu qu'elles appartenaient à la ville du Cap. Ce qui fut exécuté sur le champ.

*

* La proclamation suivante que nous rencontrons dans la plupart des écrivains étrangers qui ont parlé d'Haïti est apocryphe. Elle est datée du 29 Novembre 1803 du Fort Dauphin; ce jour, Dessalines était au Cap. Nous ne l'avons rencontrée nulle part, dans le pays, ni manuscrite, ni imprimée :

"Au nom des noirs et des hommes de couleur.

"L'indépendance de Saint-Domingue est proclamée. Rendus à notre première dignité, nous avons recouvré nos droits, et nous jurons de ne jamais nous les laisser ravir par aucune puissance de la terre. Le voile affreux du préjugé est maintenant déchiré! Malheur à ceux qui oseraient réunir ses lambeaux sanglans.

"Proprietaires de St Domingue, qui errez dans des contrées étrangèr res, en proclamant notre indépendance, nous ne vous défendons pas de rentrer dans vos biens; loin de nous cette pensée injuste. Nous savons qu'il est parmi vous des hommes qui out abjuré leurs anciennes erreurs, renoncé à leurs folles prétentions, et reconnu la justice de la cause pour laquelle nous versons notre sang depuis douze années. Nous traiterons en frères ceux qui nous aiment: ils peuvent compter sur notre estime et notre amitié, et revenir habiter parmi nous. Le Dieu qui nous protège,

dre connaissance des lettres qu'il avait reçues. Il apprit peu d'instans après qu'un soldat de la 4e nommé Dupuy, jeune homme de couleur, recruté au Port-au-Prince, parlait et écrivait cette langue. Il le fit aussitôt appeler. Le jeune homme fut au désespoir; il crut que le général, en chef voulait le faire fusiller. Il fit ses adieux à ses camarades en leur disant qu'il avait été toujours été bon soldat et qu'il ne concevait pas quel pouvait être son crime. Dessalines lui présenta lui même les lettres de Loring. Dupuy les traduisit. Le commodore anglais priait le général en chef des indigènes de lui envoyer des pilotes pour qu'il pût entrer dans la rade du Cap, capturer les vais. seaux français et les amariner.

Dessalines, qui ne voulait pas qu'on pût croire qu'il avait joint ses forces à celles des Anglais pour chasser les Français, no répondit pas sur le champ à Loring. Les Indigènes en effet avaient toujours combattu leurs ennemis sans le secours d'aucune puissance étrangère; et ils ne devaient les grands succès qu'ils avaient obtenus qu'à leur héroïsme. Le commodore écrivit de nouveu; alors Dessalines lui répondit :

Liberté

ou la Mort.

Au quartier-général, le 6 Frimaire an 12 (28 Novembre 1803.) Le général en chef de l'armée Indigène à M. Loring, commandant les forces navales de S. M. B. devant le Cap.

Monsieur,

Je vous accuse réception de la lettre que j'ai eu l'honneur de recevoir; vous pouvez vous convaincre que mes dispositions pour vous et contre le général Rochambeau sont invariables. J'entrerai dans la ville du Cap demain à la tête de mon armée. Je ne puis, M'., quoiqu'à regret, vous envoyer les pilotes que vous me demandez. Je présume que vous n'en aurez pas besoin, car je forcerai les bâtimens français à sortir de la rade, et vous en agirez avec eux comme vous le jugerez convenable.

J'ai l'honneur d'être, etc.

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Le commodore n'insista pas davantage. Le jeune soldat se saisit de son fusil, et salua Dessalines en lui présentant les armes. Il allait se retirer quand le général en chef lui dit laisse là ton fusil, tu deviens un de mes secrétaires et en outre officier attaché à mon état-major. Il parviendra au grade de général dans les armées indigènes, et la connais. sance de la langue anglaise fera sa fortune sous roi le Christophe,

Les Français s'embarquèrent le lendemain; et l'adjudant général d'Henin livra à Bazelais la place et les forts. En vertu de l'article 5 du traité, Rochambeau avait laissé dans les hôpitaux les blessés et les fiévreux européens, n'ayant pas assez de bâtimens pour les transporter à l'étranger. Dessalines avait promis au général Lapoype, commandant de la division du Nord, de leur donner toutes sortes de soins jusqu'à ce qu'il pût les envoyer en France sur des bâti

mens neutres.

Les indigènes prirent possession du Cap le 7 Frimaire an 12 (29 Novembre 1803). Dans la journée il y eut de grandes fêtes et il y régna un ordre parfait. Les soldats, les femmes, les enfans parcouraient les rues en chantant des hymnes de liberté. Des publications promirent de nouveau aide et protection aux blancs plauteurs, négocians, ouvriers qui n'avaient pas suivi l'armée française. Ils vinrent se prosterner aux pieds du général en chef qu'ils traitaient de brigand la veille, et firent des voeux ardens pour le bonheur de ses jours. Ils l'appelaient Jean-Jacques le Bon. Dessalines les accueillait en effet comme un père de famille; mais dès qu'ils se retiraient, son front prenait une expression menaçante. Cependant les membres du conseil des notables, l'ordonnateur Perroud et plusieurs familles blanches s'embarquèrent n'ajoutant pas foi à ses promesses. Le général Christophe fut aussitôt nommé commandant de l'arrondissement du Cap. I apprit que les Français avaient embarqué les archives du greffe; il en avisa aussitôt Dessalines qui écrivit à Rochambeau qu'il eût à les débarquer attendu qu'elles appartenaient à la ville du Cap. Ce qui fut exécuté sur le champ.

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*La proclamation suivante que nous rencontrons dans la plupart des écrivains étrangers qui ont parlé d'Haïti est apocryphe. Elle est datéedu 29 Novembre 1803 du Fort Dauphin; ce jour, Dessalines était Cap. Nous ne l'avons rencontrée nulle part, dans le pays, ni manuscrite, ni imprimée :

"Au nom des noirs et des hommes de couleur.

"L'indépendance de Saint-Domingue est proclamée. Rendus à notre première dignité, nous avons recouvré nos droits, et nous jurons de ne jamais nous les laisser ravir par aucune puissance de la terre. Le voile affreux du préjugé est maintenant déchiré! Malheur à ceux qui oseraient réunir ses lambeaux sanglans.

"Propriétaires de St Domingue, qui errez dans des contrées étrangèr res, en proclamant notre indépendance, nous ne vous défendons pas de rentrer dans vos biens; loin de nous cette pensée injuste. Nous savons qu'il est parmi vous des hommes qui ont abjuré leurs anciennes erreurs, renoncé à leurs folles prétentions, et reconnu la justice de la cause pour laquelle nous versons notre sang depuis douze années. Nous traiterons en frères ceux qui nous aiment: ils peuvent compter sur notre estime et notre amitié, et revenir habiter parmi nous. Le Dieu qui nous protège,

Dans l'après midi du même jour, les Français n'avaient pas encore appareillé. Christophe intima à Rochambeau l'ordre de lever l'ancre, sous peine d'être canonné à boulets rouges. Les batteries du fort Picolet furent aussitôt pointées contre l'escadre. Rochambeau était sur la frégate la Surveillante. Il fit écrire à Christophe, qu'il était certain que le général Dessalines, franc et loyal, respecterait l'armis. tice jusqu'au coucher du soleil. Dessalines qui eût pu en effet écraser les bâtimens sous le feu du fort Picolet, envoya l'ordre de ne pas les inquiéter. Rochambeau n'avait tardé à appareiller que parce qu'il avait entamé des négociations avec le commodore Loring pour sa sortie du port. Néanmoins il avait l'intention de s'efforcer d'éviter l'escadre anglaise et d'atteindre Sto. Domingo.

A la pointe du jour du 30 Novembre, le traité suivant fut con. clu entre lui et les Anglais.

le Dieu des hommes, nous ordonne de leur tendre nos bras victorieux. Mais pour ceux qui, enivrés d'un fol orgueil, esclaves intéressés d'une prétention criminelle, sont assez aveugles pour se croire des êtres privilégiés, et pour dire que le ciel les a destinés à être nos maîtres et nos tyrans, qu'ils n'approchent jamais du rivage de Saint Domingue: ils n'y trouveraient que des chaînes ou la déportation. Qu'ils demeurent où ils sont; qu'ils souffrent les maux qu'ils ont si bien mérités; que les gens de bien, de la crédulité desquels ils ont trop longtemps abusé, les accablent du poids de leur indignation. Nous avons juré de punir quiconque oserait nous parler d'esclavage. Nous serons inexorables, peut-être même cruels, envers tous les militaires qui viendraient nous apporter la mort et la servitude. Rien ne coûte et tout est permis à des hommes à qui l'on veut ravir le premier de tous les biens. Qu'ils fassent couler des flots de sang; qu'ils incendient, pour défendre leur liberté, les sept huitièmes du globe, ils sont "innocens devant Dieu, qui n'a pas créé les hommes pour les voir gémir sous un joag honteux.

"Si, dans les divers soulèvemens qui ont eu lieu, des blancs, dont nous n'avions pas à nous plaindre, ont péri, victimes de la cruauté de quelques soldats ou cultivateurs, trop aveuglés par le souvenir de leurs maux passés pour distinguer les propriétaires humains de ceux qui ne l'étaient pas, nous déplorens sincèrement leur malheureux sort, et déclarons à la face de l'univers, que ces meurtres ont été commis malgré nous. Il était impossible, dans une crise semblable à celle où se trouvait alors la colonie, de prévenir ou d'arrêter ces désordres. Ceux qui ont la moindre connaissance de l'histoire, savent qu'un peuple, fût-il le plus policé de la terre, se porte à tous les excès, lorsqu'il est agité par les discordes civiles, et que les chefs, n'étant pas puissamment secondés, ne peuvent punir tous les coupables, sans rencontrer sans cesse de nouveaux obstacles. Mais, aujourd'hui que l'aurore de la paix nous présage un temps moins orageux, et que le calme de la victoire a succédé aux désordres d'une guerre affreuse, Saint-Domingue doit prendre un nouvel aspect, et son gouvernement doit être désormais celui de la justice.

"Donné au quartier-général du Fort-Dauphin, le 29 Novembre 1803. "Signé, DESSALINES, CHRISTOPHE, CLERVAUX. "

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