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Toutefois, nous comparerons la pratique anglaise avec ce que la tolérance et l'humanité avaient prescrit de plus sage dans la réquisition de l'ancienne corvée.

Par ce moyen nous espérons avoir fait un travail complet, dans une matière tout-à-fait neuve, et qui donnera lieu à beaucoup de difficultés.

Le ministre a promis, par sa circulaire du mois d'octobre 1824, de les résoudre à mesure qu'elles lui seront signalées, apparemment comme on l'a fait pour les élections.

L'examen approfondi de cette première instruction ministérielle nous a fait reconnaître déjà quelques principes dangereux, et dont on pourrait abuser; nous aurons soin de les relever et les combattre.

Le ministère a toujours un penchant à renforcer l'autorité des préfets au préjudice des corps municipaux; l'administration aime une sorte d'arbitraire.

Il est bon de la renfermer dans d'étroites limites, et de veiller avec soin à ce que tout ne puisse pas se centraliser autour de l'administration supérieure comme autrefois, quand la volonté du législateur a été si évidemment de laisser aux corps municipaux une grande latitude et une parfaite indépendance dans leurs votes.

Ce traité n'eût pas été complet si nous n'avions traité de la police de la voirie, matière épineuse à cause de la variété des compétences, et de la

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faculté de créer incessamment de nouvelles lois pénales, par le droit de faire des ordonnances de police.

En résumé, cet ouvrage intéresse toute la propriété de France. Nous aurons atteint notre but, si nous sommes parvenus à éclairer chacun sur ses droits, au point de pouvoir se faire justice à soimême, et de la rendre aux autres toutes les fois que l'occasion s'en présentera.

Cela ne dispensera pas de recourir, sur les questions épineuses, aux conseils éclairés qui, nous le savons, ne manquent pas dans les départements; mais il en résultera ce premier avantage pour ceux qui consulteront, ce livre, de ne pas s'engager mal à propos dans des contestations ruineuses, ou de prendre les précautions nécessaires pour les éviter.

Pour mieux éclairer notre matière, nous avons fait précéder cet ouvrage d'une Introduction historique qui fait passer sous les yeux du lecteur le tableau des législations étrangères et celle de l'ancienne France sur la voie publique. Cette étude agrandit l'esprit, et le prépare à l'intelligence des détails techniques dans lesquels il doit entrer; elle lui donne aussi la raison de beaucoup de choses dont il ne saisirait pas de prime abord le véritable motif.

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DE LA

VICINALITÉ.

NOTIONS HISTORIQUES.

SI. Législation des anciens peuples.

1. On ne trouve rien sur la vicinalité dans les lois des anciens peuples. Le savant auteur de l'Histoire de la législation parle, à la vérité, des travaux en faveur de l'agriculture pratiqués chez les Assyriens et les Babyloniens, des digues imposées aux fleuves pour préserver les campagnes des inondations, des canaux ouverts pour accroître et répandre la fécondité, mais il n'a rien découvert qui fût relatif aux chemins.

2. Chez les Syriens, l'absence de toute police publique rendait les voyages difficiles et dangereux on ne sait pas quelles lois régissaient les communications vicinales entre les habitants.

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3. En Égypte, qui n'est qu'une longue vallée fécondée par le Nil dont les inondations étaient périodiques, on avait plus besoin de canaux. que de chemins; cependant il est fâcheux qu'on ne sache pas comment se décidaient les questions de vicinalité dans un pays où la nature du terrain exigeait des dispositions spéciales.

4. Chez les Hébreux, on connaissait la distinction entre les grandes routes (1) et les communications vicinales; l'historien Josèphe célèbre les travaux du roi Salomon en cette partie. Un règlement, attribué à Josué, autorise les voyageurs à passer sur les terres des particuliers quand la voie publique est impraticable (2). Cette disposition a existé chez les Romains; elle subsiste en Angleterre et chez nous. Les Hébreux subissaient la corvée ; ce qui ne les empêchait pas de donner encore, à titre d'im

(1) Verset 22, chap. xxi, Ier livre des Nombres.

(2) Tempore quo cœnosæ nimis fuerint viæ publicæ, aut aquis impeditæ, fas esto viatoribus, viis relictis, in vicina loca se conferre, atque ibi transire, tametsi transierint in via quæ suos habet dominos. (Art. 9 des lois agraires attribuées à Josué, telles que les rapportent La Gémare de Babylone, Selden, Marsham, Leidekker. Accedit hisce, ajoute Selden, illud Salomonis, viatoribus fas esse tempore æstivo transire per semitas quæ in agris aliorum, usquedum descenderet pluvia secunda (c'est-à-dire jusqu'au mois d'octobre).

pôt, une partie du revenu de leurs terres ; elle était alors évaluée du tiers au quart. (Pastoret, Histoire de la législation, tom. I, pag. 420421.)

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5. Chez les Athéniens, il y avait des inspecteurs particuliers pour les chemins les routes étaient placées sous la protection spéciale de Mercure, et la statue de ce dieu apparaissait de distance en distance, pour indiquer la route aux voyageurs. (Pastoret, ibid., tom. VII, p. 135.) Il y avait un impôt pour l'entretien des chemins, qu'ils appelaient pocodos, et les Romains vectigal peregrinum sive portatorium.

6. On dit que les Carthaginois sont les premiers peuples qui aient fait des chemins en pierre lapidibus stravisse vias (1).

7. Les Romains les ont imités; la voie Appienne fut la première de ce genre: elle était assez large pour contenir deux chariots de front. On sait combien le peuple roi.les a multipliées (2). Tout l'ancien monde est couvert de voies romaines. Les Romains n'avaient pas comme nous la manie d'avoir des routes d'une largeur démesurée, mais ils savaient les entretenir. Les

(1) ISIDORE, Origines, liv. XV, ch. dernier.

(2) Voy. le savant ouvrage de l'avocat Bergier, in-4o, sur les voies romaines, 1662.

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