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compétent, puisqu'il a subordonné le jugement du déclinatoire à une enquête ordonnée sur le fond même du procès; que, par là, le tribunal a violé la maxime priùs de judice et l'art. 172 C. P. C. qui, quoique modifié sous certains rapports par l'art. 425, ne l'est pas sous le point de vue que la compétence doit être jugée avant de pouvoir s'occuper du fond; - Attendu que le §7 de l'art. 59 précité, qui autorise à citer, en matière de faillite, le défendeur devant le juge du domicile du failli, doit être interprété en ce sens, que si les syndics de la faillite doivent être cités devant le juge du domicile du failli, eux-mêmes pourraient aussi, à raison des opérations postérieures à la faillite, citer devant le même tribunal; mais qu'il en est autrement à raison des faits antérieurs à la faillite, qui ne rentrent ni dans le texte ni dans l'esprit du susdit paragraphe; qu'il s'agit ici de condamnations poursuivies à raison de prétendus engagements du sieur Lafont, contractés avant la faillite de Girard; qu'on ne peut donc pas s'appuyer sur ce 7° paragraphe du susdit art. 59, pour distraire le sieur Lafont de ses juges naturels, sur l'action réconnue pure personnelle à laquelle il est défendeur, pour laquelle il n'est justiciable que du juge de son domicile, sans que l'obligation d'une prétendue société entre Lafont et le failli ait pu, par elle-même et avant toute discussion ultérieure, dénaturer le caractère de cette action; Par ces motifs, rejette par fin de non procéder les demandes formées par les syndics. » Pourvoi pour violation des art. 59, §§ 2, 5, 7, et 425 C. P. C.

ARRÊT.

LA COUR;- Sur le premier moyen : — Attendu que le Tribunal de commerce d'Alais (à la juridiction duquel Lafont, domicilié à Cette, est demeuré constamment étranger), ne peut devenir compétent, à l'effet de connaître de l'action intentée contre lui, comme associé prétendu de Girard, par les syndics de la faillite de ce dernier, qu'autant qu'il deviendra constant: 10 qu'il a existé une société commerciale entre Girard et Lafont; 2o que le siége de la société a été établi à Alais; - Attendu que ces deux faits, encore incertains et simplement allégués par les syndics demandeurs, mais niés par le défendeur Lafont, sont l'unique fondement de l'action qu'ils ont dirigée contre lui, et à laquelle Lafont oppose une exception déclinatoire ;

Attendu que le commun adage : le juge de l'action est juge de l'exception, (en admettant qu'on puisse l'appliquer à un juge qui n'est lui-même qu'exceptionnel), suppose qu'il existe entre l'action et l'exception de telles différences, que le jugement de l'une sera tout à fait indistinct et indépendant de l'autre ; qu'on ne peut donc, sous peine de perturbation complète dans l'ordre des juridictions, appliquer cet adage que lorsque l'exception, si elle tend à dessaisir le tribunal devant lequel l'action a été portée, étant vidée dans un sens soit affirmatif, soit négatif, il restera quelque chose à juger; mais qu'on ne saurait appliquer ce même adage, si le jugement de l'exception devait, par la nature de la demande, être nécessairement le jugement de l'action elle-même; Qu'il en serait inévitablement ainsi dans l'espèce, et que le Tribunal de commerce d'Alais en a été tellement convaincu, qu'il a, par son jugement interlocutoire, joint l'exception d'incompétence au fond de la cause ; - Qu'en cela, il s'est, à proprement parler,

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saisi du fond lui-même, ce qui constitue un empiétement inévitable, soit sur sa propre juridiction, s'il retient la cause, soit sur la juridiction d'un tribunal égal en degré, s'il lui renvoie le fond à décider sous l'influence d'un immense préjugé résultant de la décision déjà rendue sur le déclinatoire;

Attendu enfin que le § 1er de l'art. 59 C. P. C. trace une règle fondamentale puisée dans ce principe de toutes les législations, que le juge du domicile du défendeur est le juge nécessaire du procès qu'il plaît au demandeur de lui intenter, tandis que le § 5 du même article, qui statue qu'en matière de société, tant qu'elle existe, l'action sera portée devant le juge du lieu où elle est établie, n'est lui-même qu'une exception au principe général; Que, dans ce conflit entre la règle et l'exception, et dans une espèce où le domicile du défendeur est déjà constant, tandis que l'existence de la société alléguée est problématique et ne cessera de l'être que par le jugement de l'action elle-même, l'arrêt attaqué, en donnant la prééminence à la règle sur l'exception, n'a violė ni pu violer aucune loi;

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Sur le deuxième moyen : — Attendu que ce serait abuser de la disposition du § a de l'art. 59 ̊C. P. C., que de se servir d'une action secondaire, dans la seule vue de distraire un défendeur de ses juges naturels; que l'arrêt attaqué a jugé, en fait, par des motifs explicites et en termes exprès, que Girard n'était pas dans la cause un second défendeur, proposition qui ne saurait être douteuse en présence de l'art. 494 C. Comm., qui, statuant qu'après l'ouverture de la faillite nulle action civile contre le failli ne peut être intentée que contre les agents et syndics, a par cela même concentré dans leurs personnes toutes les actions judiciaires, actives et passives du failli;

Sur le troisième moyen : - Attendu que s'il a existé une société entre Girard et Lafont, cette société a été nécessairement antérieure à l'événement de la faillite; Qu'en décidant que l'action tendant à faire déclarer l'existence de la société (action qui compéterait à Girard, s'il était resté en possession de la plénitude de son état civil et commercial, et pour l'exercice de laquelle il serait incontestablement demandeur), n'est pas l'action en matière de faillite, prévue par le § 7 de l'art. 59 C. P. C., l'arrêt attaqué a sainement interprété cet article;

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Sur le quatrième moyen : — Attendu que l'arrêt attaqué, loin de l'avoir dénié, a reconnu en termes explicites que l'art. 172 C. P. C. a été modifié, quant aux tribunaux de commerce, par l'art. 425 même Code ; — Que cet arrêt a d'ailleurs sainement décidé qu'en joignant le déclinatoire au fond, et en autorisant une preuve qui porterait sur l'un et sur l'autre, le Tribunal de commerce d'Alais a enfreint la règle générale qui veut que le jugement de la compétence soit tout à fait distinct de celui du fond; — Qu'en dernière analyse, ne s'agissant pas, devant la Cour de Nîmes, de l'appel d'un jugement qui aurait statué sur le fond en même temps qu'il aurait rejeté un déclinatoire, cette Cour n'a pu faussement appliquer l'art. 172, ni violer l'art. 425 C. P. C. REJETTE.

Du 10 juillet 1837.- Ch. Civ.

COUR DE CASSATION.

Séparation de corps. - Acquiescement. - Audience solennelle.- Réserve.

1o Une partie qui a signifié sans réserve et exécuté un arrêt de

séparation de corps, n'est pas recevable à se pourvoir contre cet arret, sur le motif qu'il n'a pas été rendu en audience solennelle. 2. L'ordonnance royale du 18 mai 1835, qui décide qu'en matière de séparation de corps l'appel sera jugé en audience ordinaire, n'est pas inconstitutionnelle; elle a pu modifier l'art. 22 du décret du 30 mars 1808.

(Dame Boisnard C. son mari.) ARRÊT.

LA COUR; Sur le pourvoi dirigé contre l'arrêt interlocutoire du 8 novembre 1824, et sur le moyen pris de ce qu'il aurait été rendu en audience -ordinaire, contrairement à l'art. 22 du décret du 30 mars 1808;

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Attendu que la demanderesse est non recevable à attaquer cet arrêt sous ce rapport, puisqu'en la signifiant sans réserve et en l'exécutant, elle est réputée y avoir acquiescé;

Sur le pourvoi formé contre l'arrêt du 16 mai 1836, et sur le moyen pris, soit de la violation du même art. 22 du décret du 30 mars 1808, soit de l'inconstitutionnalité de l'ordonnance royale du 18 mai 1835:

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Attendu que

la disposition purement réglementaire de l'art. 22 dú đé,cret de 1808 a pu être expliquée et modifiée par un acte de même nature émané du pouvoir exécutif; REJETTE.

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Du 26 mars 1838. - Ch. Req.

COUR DE CASSATION.

Timbre. Adjudication.

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Procès-verbal. Acté à la suite d'un autre.

Est passible d'amende, pour contravention à la loi du timbre, le notaire qui rédige un procès-verbal d'adjudication à la suite de l'acte constatant le dépôt, soit du cahier des charges, soit du rapport d'experts, et sur la mémě feuille. (L. 13 brum. an 7, art. 23.)

(Enregistrement C. Michel.) — ARRÊT.

LA COUR Vu l'art. 23 de la loi du 13 brumaire an 7; — Attendu que cet article dispose expressément qu'il ne pourra être fait ni expédié deux actes à la suite l'un de l'autre sur la même feuille de papier timbre; Aitendu que cette prohibition générale et absolue ne peut recevoir d'autres exceptions que celles établies par la loi; - Attendu qu'en matière de venté d'immeubles, renvoyées devant notaire, l'insertion du procès-verbal d'adjudication à la suite des actes constatant le dépôt, soit du cahier des charges, soit du rapport des experts, et sur la même feuille que ces actes de dépôt, n'est exceptée de la prohibition par aucune loi;· Qué ces actes et procès-verbaux sont distincts et constatent des opérations séparées; Qu'ainsi le notaire, en les inscrivant sur la même feuille, a contrevenu à l'article précité et le jugement dénoncé l'a formellement violé ; — Donne

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10 Péremption.

2° Peremption.

COUR ROYALE DE CAEN.

Jugement préparatoire. - Poursuites.
Reprise d'instance. Héritier.

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Décès.

1o Un jugement préparatoire n'étant qu'un acte d'instruction, ne peut empêcher la péremption d'instance pour cause de discontinuation de poursuites pendant trois ans. (Art. 397 C. P. C.)

2° Quoique l'héritier de la partie décédée n'ait point repris l'instance, la péremption n'en continue pas moins à courir si le décès n'a pas été notifié à l'adversaire.

(Delabrèque C. Lecarpentier).

La dame de Saint-Sauveur était créancière des époux Lecarpentier. Elle les assigna et obtint contre eux une condamnation au paiement de sa créance. Ceux-ci appelèrent du jugement, mais un arrêt du 24 avril 1829 autorisa la dame de Saint-Sauveur à se faire délivrer expédition des actes et du jugement qui établissaient sa créance.

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Les époux Lecarpentier firent, le 30 mai 1832, une sommation de communiquer. Sur ces entrefaites, la dame de SaintSauveur décéda. Le sieur Delabrèque, son légataire, forma, à la date du 3 septembre 1835, une demande en péremption fondée sur la discontinuation des poursuites pendant trois ans. Sur cette exception, les époux Lecarpentier répondirent que l'arrêt préparatoire de 1829 préjugeant le fond, avait pour effet de suspendre la péremption, et que le sieur Delabrèque n'ayant pas repris l'instance, la péremption n'avait pas pu ARRÊT.

courir.

LA COUR; Considérant que, d'après l'art. 397 C. P. C., toute instance est éteinte par discontinuation de poursuites pendant trois ans, sauf augmentation de six mois, s'il y a lieu à demande en reprise d'instance ou constitution de nouvel avoué; - Considérant que depuis la signification faite par les époux Lecarpentier le 30 mai 1832, jusqu'à la demande én péremption formée le 3 septembre 1836, c'est-à-dire pendant plus de quatre ans, aucun acte de poursuite n'a eu lieu; Considérant qu'on objecte inutilement l'impossibilité d'agir de la part des époux Lecarpentier, à raison de l'ignorance dans laquelle ils étaient du legs universel fait par la dame Larcher de St.-Sauveur à Delabrèque; que ce moyen n'est fondé ni en fait ni en droit; en fait, parcé qu'il résulte de la signification par eux adressée à Delabrèque, le 15 mars 1832, qu'ils connaissaient sa qualité; en droit, parce qu'à défaut de notification du décès de la dame Larcher de St.-Sauveur, ils pouvaient utilement poursuivre la procédure contre cette dernière ; Cónsidérant que l'arrêt rendu le 24 avril 1829 ne faisait pas davantage obstacle aux poursuites; qu'il n'était lui même qu'un acte d'instruction qui ne paralysait aucunement l'action des parties; Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que l'instance est périmée, et qu'aux termes de l'art. 479 C. P. G., la péremption en cause d'appel a l'effet de donner au jugement la force de la chose jugée; Considérant que l'art. 401 du même Code met tous les frais de la procédure périmée à la charge du demandeur principal; que les époux Lecarpentier, appelants, doivent donc y être condamnés, ainsi qu'aux dépens de fa demande en péremption qu'ils ont mal à propos contestée; dit à bonne cause la demande en péremption formée par Delabrèque. Du 18 mai 1838. 2. Ch.

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ACTE ADMINISTRATIF. (Compétence. Interprétation.) Les tribunaux sont compétents pour connaitre de toutes les questions de propriété soulevées à l'occasion d'actes administratifs, lorsqu'elles sont de nature à pouvoir étre jugées, soil par les principes du droit commun, soit par l'application même des dispositions d'actes administratifs qui ne peuvent donner lieu aucune interprétation (1).

Arr. Toulouse (3o ch.), 7 février 1835. (Cazaubon C. Cassagne.)

APPEL. (Demande en liberté provisoire. - Délai.)- Le ministère public peut attaquer par la voie de l'appel les jugements qui ont accordé à un prévenu sa liberté provisoire moyennant caution. Dans ce cas, le délai de l'appel est de dix jours (art. 203 C. I. C.), et non de vingt-quatre heures comme dans le cas prévu par l'art. 135 du méme Code.

Arr. Caen (ch, corr.), 28 mars 1838. (Ministère public C. Lemeneur.)

APPEL INCIDENT. (Jugement.-Motifs. Recevabilité.) -Est recevable l'appel incident qui ne porte que sur les motifs du jugement.

Arr. Colmar (3 ch.), 18 janvier 1837. (Siegel C. Utard.)

Nota. Dans cette espèce, les enfants Utard avaient interjeté appel incident d'un jugement du Tribunal de Schelestadt qui, tout en repoussant l'action du sieur Siegel, avait cependant reconnu dans ses motifs que le testament dont argumentaient les deux parties était entaché de substitution. La Cour de Colmar a admis l'appel, mais elle l'a déclaré mal fondé.

APPROUVÉ D'ÉCRITURE. (Propriétaire.-Cultivateur.)— Le propriétaire habitant la campagne qui fait valoir ses propriétés, ne peut pas étre rangé dans la classe des cultivateurs dont parle l'art. 1326 C. C., lorsqu'à raison de son éducati on et de sa position sociale il est démontré que l'exploitation à

(1) V. HENRION DE PANSEY, Compétence des Juges de paix, p. 534.

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