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Nature des fonctions des avoués.

Sont-ils fonctionnaires publics?

Les avoués tiennent leur pouvoir de la loi ; ils ne sont tenus de justifier du mandat qui leur a été donné que dans certains cas exceptionnels, énoncés en l'art. 353 C. P. Č.

De ce principe que l'avoué est le représentant de sa partie, il résulte : 1° que les actes qui lui sont signifiés sont censés l'être à celle-ci (art. 153, 160, 261, 669, 763 Č. P. C. ); 2° qu'il est le maître de la cause (dominus litis); que ses aveux lient la partie, sauf le désaveu, dans le cas où il peut être proposé; 3° que par suite du droit exclusif qu'ils ont de postuler, les avoués peuvent seuls faire signifier les actes et remplir les formalités nécessaires à l'instruction des affaires; 4o que leur démission, la mort ou le changement d'état des parties, ne peuvent porter atteinte au contrat qu'ils ont formé devant la justice. (Art. 342C. P. C.)

Jusqu'à la loi du 29 pluviôse an 9, les fonctions d'avoué près les tribunaux civils étaient séparées de celles des avoués près les tribunaux criminels, et elles étaient exercées par des personnes différentes; cette loi permit aux avoués de première instance et d'appel d'exercer près des tribunaux criminels, et réciproquement aux avoués près ces derniers tribunaux d'exercer près ceux de première instance et d'appel, mais à la charge de fournir un supplément de cautionnement. Aujourd'hui les Cours d'assises ayant remplacé les Cours criminelles, et aucun avoué n'ayant reçu la mission de postuler devant les Cours d'assises, la loi de pluviôse est demeurée sans objet.

Le ministère d'avoué n'existe pas non plus devant les justices de paix ni devant les tribunaux de commerce. (Art. 9 et 414 C. P. C.)

On a agité la question de savoir si un avoué pouvait être considéré comme un fonctionnaire public. Cette question avait de l'importance dans certains cas, notamment pour bien déterminer le droit de révocation qui appartient au gouvernement contre les fonctionnaires publics, et, en second lieu, pour savoir devant quelle juridiction devait être portée l'action en diffamation qu'un avoué pourrait avoir à intenter, etc.

La Cour de Cassation (9 sept. 1836. J. A., t. 51, p. 696 et 697) a décidé que les avoués ne peuvent être considérés comme dépositaires ou agents de l'autorité publique, puisqu'ils

gislatives suivantes : Par la loi du 27 ventôse an 8; par les arrêtés des 13 frimaire an 9 et 2 nivôse an 11; par la loi du 22 ventôse an 12; par les Codes de procédure civile et d'instruction criminelle; par les décrets des 16 février et 31 mai 1807, 6 juillet et 14 décembre 1810; par la loi du 28 avril 1816; par les ordonnances des 23 décembre 1814, 27 février 1822 et 14 août 1831.

ne sont chargés d'aucune partie de l'administration, et n'exercent leurs fonctions que dans des intérêts privés.

La Cour royale de Paris avait adopté la même doctrine (J. A., t. 51, p. 465): on peut voir aussi un autre arrêt de la Cour de Cassation, sous la date du 14 avril 1831. (J. A.,t. 40, p. 256 et 257.)

Cette opinion nous semble fondée; la conséquence à en tirer en faveur des avoués est grave et importante: les greffiers et les avoués ont été créés par la loi du 27 ventôse an 8. D'après l'art. 92 de cette loi, les greffiers sont nommés directement par le chef de l'Etat, qui se réserve la faculté de les révoquer à volonté. L'art. 95 porte : « Les avoués seront nommés par le premier consul sur la présentation du tribunal devant lequel ils doivent

exercer. »>

Ainsi la nomination des greffiers est toute spontanée; celle des avoués a lieu avec le concours des tribunaux: le droit de révocation existe dans la loi, quant aux greffiers; il n'existe pas à l'égard des avoués. On remarque d'ailleurs une différence notable entre ces deux fonctions: le greffier est un employé du gouvernement, rétribué par lui; l'avoué est un mandataire légal que le gouvernement commissionne, mais avec lequel il n'a plus aucun rapport, et auquel l'Etat ne paie aucun salaire.

Une grave discussion a eu lieu devant la Chambre des députés le 20 juillet 1822, à l'occasion d'une révocation d'avoués, par une ordonnance royale de proprio motu. On s'éleva avec force contre cette révocation; on argumentait : 1o des art. 92 et 95 ci-dessus cités de la loi du 27 ventôse an 8. Puis on rappelait les dispositions des art. 102 et 103 du décret du 30 mars 1808; ces textes, en donnant aux tribunaux le droit de prononcer des peines contre les avoués qui se sont rendus coupables de contraventions aux lois et règlements, et en déterminant les formes à suivre pour parvenir à leur application, n'ont évidemment pas permis que la destitution fût laissée à l'arbitraire du gouvernement. Au surplus, la loi du 28 avril 1816, si la révocabilité des avoués eût existé antérieurement, aurait changé cet état de choses, puisque, d'après l'art. 91, les avoués, en remplissant les conditions imposées par cette loi, ont acquis la libre disposition de leurs offices. On soutenait en conséquence que la destitution de propre mouvement serait une confiscation, genre de pénalité réprouvée par la Charte.

Malgré la force de ces raisons, la Cour de Cassation, qui avait décidé, comme nous l'avons vu plus haut, qu'un avoué (et par une conséquence d'analogie, un huissier) n'était pas un fonctionnaire public, a néanmoins sanctionné (11 avril 1835) la légalité d'une ordonnance de propre mouvement, prononçant la révocation d'un huissier; elle s'est fondée sur les motifs suivants: << Attendu que de la combinaison des art. 102 et 103 du décret

du 30 mars 1808, il résulte que tout officier ministériel qui a été l'objet d'une condamnation judiciaire peut, sur le compte rendu par le procureur général au ministre de la justice, et sauf les réclamations qu'il est autorisé à présenter, être destitué par ordonnance royale, s'il y a lieu; que cette disposition est générale; qu'elle confère une attribution formelle; que l'exercice n'en est subordonné par la loi à aucune condition ;-Attendu que la loi du 28 avril 1816, loin d'avoir abrogé cette disposition, l'a au contraire reproduite en réservant le droit de destitution conformément à la législation en vigueur. (J. A., t. 48, p. 204.)

Cette doctrine nous paraît contraire à l'esprit de la législation et à la lettre même des art. 102 et 103 du décret de 1808. L'art. 102 porte: « Les officiers ministériels qui seraient en contravention aux lois et règlements pourront, suivant la gravité des circonstances, être punis par des injonctions d'être plus exacts et plus circonspects, par des défenses de récidive, des condamnations de dépens en leur nom personnel, par par des suspensions à temps. L'impression et même l'affiche du jugement à leurs frais pourront aussi être ordonnées, et leur destitution pourra être provoquée, s'il y a lieu. » Et l'art. 103, après avoir parlé des cas où des mesures de discipline doivent être prises par le tribunal, ajoute : « Ces mesures neseront pas sujettes à l'appel ou au recours en cassation, sauf le cas où la suspension serait l'effet d'une condamnation prononcée en jugement. Le procureur général rendra compte de tous les actes de discipline au ministre de la justice, en lui transmettant les arrêtés avec ses observations, afin qu'il puisse être statué sur les réclamations que la destitution soit prononcée s'il y a lieu. »

et

Le texte de ces dispositions semble d'une clarté qui ne comporte pas de discussion. Dans le premier article il est dit : La destitution pourra être provoquée, s'il y a lieu; dans le second, la destitution pourra être prononcée, s'il y a lieu. Ainsi le tribunal peut frapper de toutes les peines de discipline; il ne peut que provoquer la destitution. D'un autre côté, le ministre peut, si cette destitution est provoquée, la prononcer souverainement. Voilà le texte. » Pourquoi le législateur ne veut-il pas que le ministre destitue de son propre mouvement? c'est qu'il ne nomme pas de son propre mouvement, mais seulement sur la présentation du tribunal.

C'est par une conséquence rigoureuse de la différence qui existe entre la nomination des avoués, huissiers et celle des greffiers, que la loi de ventôse autorise la révocation de proprio motu du greffier, parce que sa nomination a été faite également proprio motu. Dans l'intérêt des justiciables auxquels il l'impose, le gouvernement doit exiger que l'avoué remplisse exactement ses devoirs; s'il trahit la confiance dont il a été l'objet,

il doit être puni, sans doute; mais c'est le tribunal devant lequel il postule qui doit être le seul juge des fautes dont l'avoué a pu se rendre coupable; c'est le tribunal qui doit être l'appréciateur des peines de discipline auxquelles il doit être soumis. La loi est tellement précise à cet égard, qu'elle a déterminé la compétence du tribunal qui aura à appliquer les peines disciplinaires. Si la faute qui y donne lieu est commise à l'audience, la peine sera prononcée par la chambre qui en aura été témoin ; si le fait a eu lieu hors de l'audience, le tribunal prononcera dans la chambre du conseil en assemblée générale, après avoir entendu l'inculpé.

Enfin, et comme nous l'avons déjà fait remarquer, la loi du 28 avril 1816 a de beaucoup amélioré la situation des officiers ministériels : l'art. 91, en les soumettant à fournir un supplément de cautionnement, leur a donné le droit de présenter leurs successeurs à l'agrément du souverain; il a fait plus, il a voulu que cette faveur survécût aux titulaires, et il a étendu ce bienfait à leurs héritiers ou ayants droit. Cette loi a donc fait des offices d'avoués de véritables propriétés. C'est là un point clairement établi par la jurisprudence elle-même. (V. Paris, 28 janv. 1819;-Cass., 20 juin 1820, J. A., t. 14, vo Greffier, p. 526, no 42.) (1)

D'ailleurs le droit de révocation par ordonnance n'a jamais existé. La législation de l'an 8 ne l'avait réservé que contre les greffiers. L'arrêté de l'an 9 a concentré l'action disciplinaire dans les mains des Cours et des tribunaux, le décret du 30 mars 1808 l'a donné aux tribunaux ; et le droit de haute police réservé au ministre de la justice n'est qu'une faculté de grâce, lorsqu'il croit devoir tempérer la rigueur de la décision du tribunal, et au contraire, une sanction, quand il veut en assurer l'exécution, mais sur la provocation du tribunal.

Conditions requises pour la nomination des avoués.

L'étendue que le législateur moderne avait donnée aux fonctions d'avoués le mettait dans la nécessité d'exiger de ceux qui se destinaient à l'exercice de cette profession une certaine somme de garantie; de là les conditions suivantes exigées de tous ceux qui veulent se faire recevoir avoués.

Il faut 10 produire un certificat de capacité obtenu dans une faculté de droit (art. 26 de la loi du 22 vent. an 12(2). Ce certificat

(1) V. aussi dans le même sens, J. A., t. 48, p. 214, t. 43, p. 631; t. 50, p. 27, les arrêts des 11 décembre 1834, 14 novembre 1832, et 6 janv. 1836. (2) Aux termes de l'art. 27 de la même loi, celui qui aspire aux fonctions d'avoué doit avoir suivi un cours de législation criminelle, dans une école

peut être remplacé par le diplôme de licencié en droit. A Paris, ce diplôme est exigé par la chambre des avoués, tant en première instance qu'en Cour royale;

2o Il faut avoir satisfait à la loi sur le recrutement (décret du 7 therm. an 12);

3o Etre âgé de vingt-cinq ans accomplis (art. 95 de la loi du 27 vent. an 8);

4° Aux termes de l'art. 115 d'un décret du 6 juillet 1815, celui qui veut postuler comme avoué près une Cour royale doit justifier de cinq années de cléricature;

Cette condition est-elle imposée aux candidats qui veulent obtenir une charge près des tribunaux de première instance? L'affirmative résulte d'une circulaire du garde des sceaux, sous la date du 20 déc. 1827, qui porte: « Nul ne peut être nommé aux fonctions d'avoué s'il ne justifie de cinq années entières de cléricature chez des avoués; mais il suffit de trois ans si le candidat est licencié ou docteur en droit. » La chambre des avoués de Paris exige même des licenciés en droit cinq années de cléricature, dont une en qualité de principal clerc;

5° Il faut justifier par un certificat du maire de son domicile qu'on ne se trouve dans aucun cas de suspension ou de privation totale des droits civils et politiques, qui empêche d'exercer une fonction publique (décision du garde des sceaux);

6o Produire un certificat de moralité et de capacité, délivré soit par la chambre des avoués du tribunal près duquel on veut exercer, soit par tous les avoués s'il n'y a pas de chambre (article 95, loi du 27 vent. an 8); il faut, en outre, un certificat de bonnes vie et mœurs, délivré par le maire du domicile du candidat et de celui de ses père et mère ;

70 Il faut justifier qu'on n'exerce aucune fonction incompatible avec les fonctions d'avoué. Or il y a incompatibilité, suivant l'article 42 de l'ordonnance de 1822, entre les fonctions d'avoué et celles d'avocat, de notaire, greffier, huissier; enfin entre toutes celles de l'ordre judiciaire, à l'exception de celles de juge suppléant, auxquelles l'avoué peut être appelé, dans certains cas, comme nous le verrons plus loin. L'avoué ne peut cumuler également les fonctions de préfet, sous-préfet, conseiller de préfecture, etc. (avis du Conseil d'Etat du 8 juillet 1809);

8o D'après l'art. 91 de la loi du 28 avril 1816, il faut être pré

de droit ; il doit avoir subi un examen devant les professeurs et en rappor ter une attestation visée de l'inspecteur général; les études exigées par cet article se trouvant nécessairement comprises dans celles qui sont réclamées pour l'obtention du diplôme de licencié, il est évident que la délivrance de ce dernier titre dispense de l'accomplissement de toute autre condition. (V. J. A., t. 47, p. 649 et 650 notre revue, Avoué,)

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