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No XII.

Proclamation de Joachim Murat adressée aux peuples d'Italie, du 30 mars 1815 (1).

ITALIENS, l'heure est arrivée où de hautes destinées doivent s'accomplir. La Providence vous appelle enfin à être une nation indépendante. Des Alpes au détroit de Scilla, l'on n'entend plus qu'un cri: Indépendance de l'Italie. De quel droit des peuples étrangers veulent-ils vous ravir cette indépendance, le premier droit et le premier bien de tous les peuples? De quel droit s'approprient-ils vos richesses, pour les transporter dans des pays qui ne les ont pas produites? De quel droit enfin vous enlèventils vos enfans, pour les faire servir, languir et mourir loin des tombeaux de leurs ancêtres? Ce seroit donc en vain que la nature auroit élevé pour vous le rempart des Alpes? qu'elle vous a entourés d'un autre plus insurmontable encore, celui de la différence des langues et des mœurs, de l'antipathie des caractères? Non,

(1) Quoique cette pièce soit connue en France, nous P'insérons ici pour l'intelligence de nos numéros XII

et XIII.

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non! toute domination étrangère doit dispa · roître du territoire italien. Maîtres autrefois du monde, vous avez expié cette gloire dangereuse par vingt siècles de revers et d'oppression. Que votre gloire soit maintenant de n'avoir plus de maîtres. Toute nation doit rester dans ses frontières naturelles. Les vôtres sont des mers ét des montagnes qu'on ne peut franchir. N'essayez jamais d'en sortir; mais éloignez-en l'etranger qui les a violées, s'il ne se hâte de rentrer dans les siennes. Commandés par leur Roi, 80,000 Napolitains sont en marche, et jurent de ne poser les armes qu'après la délivrance de l'Italie. Ils ont déjà prouvé qu'ils savent accomplir ce qu'ils ont juré. Italiens des autres contrées, soutenez ce plan généreux. Que ceux d'entre vous qui ont déjà porté les armes, les reprennent, et instruisent à les manier la jeunesse sans expérience. Que tout homme de tête se lève pour un si généreux effort, qu'il parle le langage de la liberté pour le soutenir, et qu'il l'adresse au nom de la patrie à tous les cœurs vraiment italiens. Que l'énergie du peuple se prononce sous toutes les formes. Il s'agit de décider si l'Italie sera libre ou encore asservie pour des siècles. Que la lutte soit décisive, et bientot nous verrons assuré pour long-temps le bien

ètre de notre belle patrie qui est encore déchirée et ensanglantée.

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Les hommes éclairés de toutes les nations, les peuples dignes d'un gouvernement libéral les souverains qui se distinguent par un grand caractère, se réjouiront de votre entreprise et applaudiront à votre triomphe. Comment n'auriez-vous pas le suffrage de l'Angleterre, ce pays modèle d'un gouvernement constitutionnel, ce peuple libre qui se fait gloire de combattre et de prodiguer ses trésors pour l'indépendance des peuples? Italiens! vous vous êtes étonnés de nous appeler en vain; vous nous croyiez peut-être oisifs, tandis que vos désirs parvenoient jusqu'à nous. Mais le moment favorable n'étoit pas encore arrivé; je n'avois pas encore de preuves de la perfidie de vos ennemis; il étoit nécessaire que l'expérience fit voir la fausseté des promesses dont vos anciens souverains ont été si prodigues, lorsqu'ils ont reparu parmi vous. C'est à cette prompte et malheureuse expérience que je vous appelle, braves et malheureux Italiens de Milan, de Bologne, de Turin, de Venise, de Brescia, de Modène, de Reggio et des autres pays célèbres, qui ont été opprimés.

Combien de braves guerriers et de patriotes

vertueux ont été arrachés à leur sol natal! combien gémissent encore dans les fers! combien de victimes, de vexations et d'humiliations inouies! Italiens, réunià vous par un pacte solide, je réparerai tous ces maux; un gouvernement de votre choix, une représentation vraiment nationale, une constitution digne du siècle et de vous, garantiront votre liberté intérieure et vos propriétés, dès que votre courage aura assuré votre indépendance.

J'appelle autour de moi tous les braves pour combattre; j'appelle également tous ceux qui ont profondément médité sur les intérêts de leur patrie, pour préparer une constitution et des lois par lesquelles l'Italie 'indépendante et heureuse sera désormais gouvernée.

Rimini, le 30 mars 1815.

JOACHIM NAPOLÉON.

No XIII.

Réflexions de l'Observateur autrichien sur la proclamation de Joachim Murat, du 30

mars.

La tranquillité régnoit à Milan comme dans toutes les parties del'Italie, et grâces aux mesures

énergiques du Gouvernement autrichien, elle ne sera pas aisément troublée par les événemens du moment. L'opinion du peuple se prononce hautement pour les gouvernemens paternels, qui ont assuré pendant des siècles le bonheur et le repos des peuples d'Italie. Ici, comme dans tous les pays qui ont essuyé des révolutions, il y a des hommes qui regrettent encore l'époque funeste que l'on a parcourue, parce qu'elle a favorisé leurs intérêts personnels; mais il n'y a nulle part plus de disproportion qu'en Italie entre le nombre de ces hommes et la population entière.

Le vœu général se prononce entièrement pour la tranquillité. Le roi Murat est hai, parce que depuis la première guerre d'Italie, il a été un des principaux instrumens de la propagation du malheur général. Dans le cours de la campagne de 1814, le système de pillage fut rapidement organisé dans son armée; maintenant il crie aux mauvaises têtes: Devenez Italiens, et prenez-moi pour Roi. Il donne aux Princes les assurances les plus solennelles qu'il est et veut rester dans la meilleure intelligence avec eux; en même temps, il fait proposer à Buonaparte de partager avec lui la possession de l'Italie; il a demandé à l'Autriche la recon

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