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qu'il falloit prendre, de concert avec les alliés, les mesures les plus vigoureuses; que la nature de ces mesures à concerter devoit être prise plus tard en considération par le gouvernement; et que, sans doute, la chambre étoit trop sage pour demander aux ministres de révéler les délibérations qui pourroient influer sur leurs conseils. Dans ces circonstances il se borneroit à deux points; savoir, que les derniers événemens avoient tellement mis l'Europe en danger, qu'il étoit impossible à l'Empire britannique de ne pas s'armer, et qu'il étoit également impossible de ne pas agir de concert avec les alliés pour rétablir la tranquillité en Europe. Dans cet état de choses, il étoit persuadé que la chambre seroit disposée à adop

ter les mesures nécessaires en se réservant le droit d'entamer plus tard les discussions que les circonstances pourroient exiger. Il croyoit devoir passer de suite à quelques éclaircissemens propres à détromper le public sur certains points. On a cru que l'arrangement de Fontainebleau avoit été fait par pure générosité envers un ennemi qui étoit au pouvoir des alliés, et que par conséquent les alliés avoient agi avec peu de sagesse et de prudence en ac

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cordant à Buonaparte, par principe de générosité, un asyle à l'île d'Elbe, dont il pouvoit

abuser.

Napoléon ne revient pas après une réquisition quelconque, mais sur le seul principe d'un droit qui, selon lui, résulte de son ancienne autorité. Quelle que soit l'erreur qui ait été commise, elle est l'effet de la générosité nationale, et Buonaparte est bien persuadé que le parlement d'Angleterre ne condamnera pas légèrement une pareille erreur. Il savoit que les François, ainsi que toute autre nation, avoient le droit de s'attendre à une conduite généreuse de notre part, s'ils ne se plaçoient pas eux-mêmes dans une situation où il nous seroit impossible d'être généreux envers eux sans être injustes envers notre propre pays. La France n'a pas à se plaindre de nous; on lui a laissé ses anciennes frontières, qui ont même reçu par-ci par-là quelque augmentation; on ne lui a imposé aucune contribution onéreuse; elle a même conservé ses monumens, résultat de ses pillages dans tous les autres pays. Cependant il ne pouvoit pas dire, qu'au moment où le traité de Fontainebleau fut conclu, l'état de choses étoit tel, qu'une guerre prolongée auroit dû mettre Buonaparte au pouvoir des

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alliés. Il auroit pu prolonger la guerre dans la partie méridionale, peut-être pendant un temps considérable. Quant aux bases de ce traité, le noble lord n'avoit à ce sujet aucune responsabilité personnelle : on en étoit convenu avant son arrivée à Paris. L'Empereur de Russie avoit considéré un pareil traité comme accéptable, de sorte qu'il ne peut être regardé comme un acte purement de générosité, mais en même temps comme une mesure politique. Le fait est que lorsque Buonaparte fut retourné dans les environs de Paris, il étoit à la tête d'un corps considérable de troupes qui lui étoit dévoué. L'Empereur de Russie craignoit aussi que dans le cas d'une guerre prolongée, beaucoup d'autres corps françois ne se joignissent à lui. On n'étoit pas non plus assuré des dispositions de l'armée que le maréchal Marmont avoit paralysée. Le gouvernement provisoire avoit approuvé cet arrangement, dans la persuasion qu'il seroit très-difficile d'en obtenir un meilleur. Le noble lord, à son arrivée à Paris, l'affaire étant déjà arrangée, avoit bien fait des observations sur le danger de laisser un tel homme dans le voisinage de son ancien empire, et si près d'un autre pays, qui avoit peutêtre les mêmes sentimens pour lui; mais con

sidérant combien il seroit difficile de trouver

pour lui un autre asile qui ne fût pás également dangereux, il avoit rétracté son opposi tion. Il étoit même très-probable, qu'ayant par son abdication dissous toutes les relations entre lui et son armée, et celle-ci ayant juré fidélité au Roi, Buonaparte ne seroit plus en état de troubler la tranquillité de la France ou celle de l'Europe. Il est au reste évident, par le texte du traité, que l'intention des alliés n'étoit nullement que Buonaparte fût considéré comme prisonnier à l'ile d'Elbe. Il devoit sans doute être réputé libre, tant qu'il ne violoit pas le traité.

Lord Castlereagh dit que les préparatifs d'évasion faits par Buonaparte ont été si précipités et si inopinés, que le général Bertrand, qu'on supposoit être dans la confidence, n'en étoit pas informé la veille. Buonaparte avoit récemment établi une telle étiquette, que le colonel Campbell ne pouvoit plus le voir que dans certaines occasions. Cependant il lui avoit communiqué une lettre officielle, contenant des plaintes sur ce qu'il avoit augmenté le nombre de ses gardes et fait recruter en Corse, contre l'esprit du traité; et cette lettre avoit en outre pour objet de pourvoir aux be

TOME. V.

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soins pécuniaires que Buonaparte pouvoit avoir individuellement, parce qu'on avoit appris que pour se procurer de l'argent il avoit vendu de l'artillerie et des subsistances. Il avoit été aussi représenté au Roi de France qu'il falloit éviter que Buonaparte n'eût lieu de se plaindre de la non-exécution du traité, en ce qui concernoit sa pension. Mais Buonaparte ne s'en est jamais plaint, et il n'a voulu rien faire qui pût être considéré comme une reconnoissance ou une suite du traité. Il est donc inutile de parler d'infraction du traité de la part des alliés. Toute la conduite de cet homme est expliquée par la déclaration qu'il a insolemment faite : que la signature de ce traité n'avoit pour but que d'en imposer aux alliés, et qu'elle n'atténuoit aucunement ses droits au trône de France. La chambre n'a pas à se décider aujourd'hui entre la paix et la guerre; mais elle sera convaincue que tant que le pouvoir du gouvernement de France sera exercé par un tel homme, il sera incompatible avec la sûreté de ce pays-ci d'en réduire les forces et les établissemens ainsi qu'on auroit pu le faire dans d'autres circonstances. Le danger est d'autant plus redoutable, qu'en conséquence d'un état de choses qui par malheur a duré trop long-temps,

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