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» se le tiendra pour dit, et cessera l'exercice de ses » fonctions. >>

Ces deux renonciations comparées ensemble, diffèrent entre elles, non par le fond, mais par un ton de solennité et d'expression presque testamentaire, qui n'est pas dans la dernière que je viens de citer. J'ai su depuis que les conseils du roi Charles trouvèrent trop de simplicité dans cet acte, et que ce fut d'après ses ordres que le prince fut obligé d'y faire ces changemens. Ce que je sais très-bien, c'est que les adulations que l'on peut y remarquer ne viennent point de Napoléon. Son amour - propre plus approprié aux lumières du siècle n'en admettait pas de pareilles. A mes yeux la deuxième renonciation est la seule officielle pour l'histoire. En la recevant de mes mains, l'empereur en parut satisfait et la remit en ma présence, sans aucune observation, à M. Escoïquiz, qui dut la faire signer au prince Ferdinand.

CHAPITRE XIII.

Arrivée de l'infant don Antonio à Bayonne. Traité conclu entre l'empereur et le roi Charles. —Sur le roi Charles IV. Sur la reine d'Espagne. Anecdote sur la duchesse d'***.

sa cour partent pour Fontainebleau.

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Le roi Charles et

Départ de Bayonne de Fer

dinand et des infans pour Valençay. Proclamation des infans au peuple espagnol. Arrivée de Joseph à Bayonne. - Hommages et représentations des grands d'Espagne. Discours préparé du duc de l'Infantado au nom des grands d'Espagne ; il n'est pas prononcé. Scène au sujet de ce discours. Constitution espagnole adoptée par les Cortès. Effet qu'elle produit. Entrée du roi Joseph en Espagne.

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L'infant don Antonio n'ayant plus de fonctions à exercer à Madrid, arriva bientôt à Bayonne. Les premiers mots qu'il prononça en descendant dans la cour du palais, furent qu'il était impossible de voyager avec plus de rapidité qu'il ne l'avait fait. Ce prince ne savait pas que les ordres étaient donnés sur la route pour presser son voyage. A peine lui laissa-t-on le temps de respirer.

Un traité conclu entre l'empereur et le roi Charles transféra à Napoléon tous ses droits à la couronne d'Espagne. Le prince Ferdinand et tous les autres infans adhérèrent à ce traité qui termina pour le moment toutes les difficultés qui existaient.

On aurait tort d'imaginer que le roi Charles n'ait

TOME I.

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pas agi en toute liberté dans cette circonstance en dépit de tous les sentimens de la nature, ce qui dominait le plus chez lui, c'était une haine violente contre son fils et contre ses partisans. Rien ne prouve mieux que son abdication du 19 mars avait été forcée. Les ressentimens qui partent du trône en pareil cas laissent des traces profondes, qui ne s'effacent jamais. On accoutume d'ailleurs les rois à ne considérer que leur postérité dans leurs enfans, et à n'être jamais pères. Une ligne de démarcation cérémonieuse et froide sépare toujours un roi de son héritier, dans lequel il ne voit souvent qu'un successeur impatient de régner... Ce fut donc avec empressement que Charles IV offrit le sacrifice de ce que tous les hommes estiment le plus. Ici Napoléon n'eut rien à désirer, rien à demander. Charles, dont les mœurs simples, je dirai presque bourgeoises, l'avaient toujours éloigné des affaires, même des détails les plus simples de l'administration, n'aimait dans le monde que le prince de la Paix. Et par le plus étrange des aveuglemens, sa femme, ses enfans et sa couronne n'étaient presque rien pour lui. Godoï, qui ne pouvait et ne voulait plus même rentrer en Espagne, en avait dégoûté le roi, que le souvenir récent des outrages qu'il y avait soufferts ne portait que trop déjà à renoncer pour toujours à un pays où son favori n'aurait pu se maintenir. Avant de quitter Bayonne, il adressa la proclamation suivante aux conseils de gouvernement de Castille et de l'inquisition :

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«Dans ces circonstances extraordinaires, nous » avons voulu donner une preuve de notre amour » à nos fidèles sujets, dont le bonheur a été pendant » tout notre règne le constant objet de nos sollicitudes; nous avons donc cédé tous nos droits sur » les Espagnes, à notre ami et allié l'empereur des Français, par un traité signé et ratifié, en stipu» lant l'intégrité et l'indépendance des Espagnes et >> la conservation de notre sainte religion, non-seu>>lement comme dominante, mais encore comme » seule tolérée en Espagne.

>> Nous avons en conséquence jugé convenable de » vous écrire la présente, pour que vous ayez à vous » y conformer, à la faire connaître et à seconder de » tous vos moyens l'empereur Napoléon. Soyez unis » avec les Français, et surtout portez vos soins à garantir le royaume de toute rébellion.

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» Dans la nouvelle position où nous allons nous >> trouver, nous fixerons souvent nos regards sur » vous, et nous serons heureux de vous savoir tranquilles et contens.

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Ici finit le rôle politique de Charles IV 1. Ce

1 Charles IV était né à Naples le 21 mai 1748; il monta sur le trône d'Espagne le 14 décembre 1788.

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prince était d'une taille élevée, d'un port noble et assuré la parfaite harmonie de son visage annonçait la bonté et le calme habituel de son âme : en le voyant on était certain d'avance que ses mœurs avaient été toujours pures. C'était un roi-bourgeois et sans caractère politique. Ses seules passions furent l'amitié pour Godoi et un asservissement sans mesure aux volontés de la reine. Je crois même que son amitié pour ce favori l'emportait sur tout autre sentiment. Il lui sacrifia tout sans regret et sans hésiter. Il avait mis la vie privée sur le trône, et il ne perdit aucune jouissance en résignant la monarchie d'une partie des deux mondes, pour entrer dans cette vie privée. Il s'y trouva naturellement placé dans un état approprié à ses goûts simples et faciles. Et lorsque sa santé, altérée par des accès fréquens de goutte ou par l'àge, ne lui permit plus de se livrer aux délassemens de la chasse, il sut remplacer ce plaisir par celui de la musique, et en rendant heureux le petit nombre de sujets fidèles qui s'étaient voués à sa personne. Non-seulement il aimait à entendre les artistes distingués qu'il s'était attachés, mais il exécutait lui-même sur le violon quelques morceaux de symphonie, tant bien que mal. C'était toutefois un amateur d'un geure nouveau. J'ai ouï raconter à l'un de mes amis qui connaissait beaucoup M. Boucher,

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1 M. Emilien de Ginestet, conseiller à la cour royale de Montpellier, magistrat intègre, homme d'esprit, de bonne

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