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financiers qu'il s'en promettait, s'est vue dans la nécessité humiliant d'impurifier le purifié!

Ce petit livre donnera certainement à réfléchir aux monopolistes alcooliques qui le liront, et nous ne saurions trop les engager à le lire et à en faire leur profit.

Quant aux questions agraires en Espagne, elles ont été traitées tant de fois en ces derniers temps dans tous les pays, qu'on se demande si les lecteurs n'en sont pas fatigués. Nous nous bornerons donc à quelques mots. M. Conte n'admet pas que l'on pratique le libre-échange avec les étrangers, alors qu'on ne le pratique pas entre concitoyens. Si le libre-échange est une bonne chose, dit-il, la charité bien ordonnée veut, en effet, que l'on commence par soi. M. Conte croit aussi que la réduction des impôts est la principale solution du problème agricole. En somme, des trois chemins par lesquels, selon Franklin, une nation peut s'enrichir : la guerre, le commerce et l'agriculture, M. Conte préfère ce dernier sans, toutefois, exclure le second.

ROUXEL.

CHRONIQUE

SOMMAIRE.

Les deux Congrès socialistes internationaux. Comment le socia

lisme s'est transformé en protectionnisme.

- Le socialisme d'État en BelLa prohibition de l'importa

gique. La Bourse du travail de Liège. tion du blé en Portugal et l'économie politique du marquis de Pombal. Le protectionnisme Crispinien appliqué à la diplomatie italienne.

Deux congrès socialistes internationaux ont eu lieu à Paris, en même temps, du 16 au 21 juillet, l'un réuni par le parti possibiliste avec le concours des délégués des trades unions anglaises, l'autre convoqué par les socialistes allemands et les disciples de Karl Marx. Tous deux avaient à peu près le même programme, et il semble,au premier abord, assez singulier qu'ils n'aient pas fusionné, mais les partis socialistes à l'exemple des partis politiques, sont profondément divisés. Ces divisions ne portent point, comme autrefois, sur les doctrines; elles tiennent à l'opposition des intérêts des États majors et à l'antagonisme des ambitions personnelles. Pour en avoir T'explication, il faut se rendre compte du changement qui s'est opéré depuis l'avènement du suffrage universel, dans le caractère et les procédés du socialisme. A l'origine, les socialistes étaient de simples utopistes, ordinairement convaincus et naïfs. Comme ce roi de Castille qui se plaisait à critiquer l'œuvre du Créateur, en déclarant qu'il s'en serait mieux tiré, ils étaien d'avis que la société était mal faite et qu'il fallait absolument la refaire. Chacun d'eux avait son système, et ce système était naturellement infaillible; il suffisait de l'appliquer pour guérir d'une manière instantanée tous les maux de l'humanité. Autour de l'inventeur se groupaient peu à peu des disciples; il se constituait une église ou une école, église simonienne, école phalanstérienne, icarienne, et cette église ou cette école avait un caractère et des procédés non pas seulement différents de ceux d'un parti mais diamétralement opposés. Ce qui caractérise une église ou une école, c'est une croyance ou une doctrine à laquelle elle s'efforce de gagner des fidèles ou des disciples, sans s'a-viser de rechercher si cette croyance ou cette doctrine est conforme ou non à ce qu'ils croient ou ce qu'ils pensent, et à plus forte raison, sans la subordonner à leur manière de croire ou de penser. Ce qui caractérise un parti, au contraire, c'est de conformer son programme à l'opinion de ses électeurs. L'église ou l'école impose son opinion, le parti se laisse imposer la sienne.

Comment et pourquoi les églises ou les écoles socialistes sont-elles devenues des partis? cette transformation, comme on disait autrefois, cette évolution comme on dit aujourd'hui, n'aurait eu aucune raison d'être à l'époque où les classes ouvrières n'avaient point de droits politiques. A quoi aurait servi de se conformer à leur opinion sur les questions sociales, à supposer qu'elles eussent une opinion quelconque? D'ailleurs, les pères du socialisme, précisément parcequ'ils étaient convaincus et sincères, n'auraient jamais consenti à subordonner les conceptions sublimes de leur génie à celles de la foule. Est-ce que Moïse, Lycurgue et Solon consultaient le peuple sur la loi à faire ? Ils faisaient la loi, en suivant leur propre inspiration, et le peuple respectueux l'acceptait sans avoir la prétention téméraire de la discuter. Malheureusement, cet état des esprits et des choses a changé. Le peuple n'a pas cessé sans doute de croire à la toute-puissante efficacité des lois pour faire son bonheur; mais à dater du jour où il est devenu souverain, où, ce qui revient au même, on lui a persuadé qu'il l'était, il s'est cru, de bonne foi, investi de la capacité législative et il a exigé de ses représentants, de ses délégués ou de ses commis, qu'ils conformassent, en cette matière comme en toute autre, leurs opinions et leurs décisions à la sienne. D'abord, les socialistes ne erurent pas devoir tenir compte de ce changement que la participation à la souveraineté avait opéré dans l'esprit des masses populaires. Ils continuèrent leur propagande comme d'habitude, en s'imaginant que le peuple accepterait respectueusement leurs plans de régénération sociale et nommerait les députés qu'ils lui désigneraient pour voter les lois destinées à les réaliser. Mais le peuple se montra récalcitrant. Il n'alla point au socialisme. Alors le socialisme comprit la nécessité d'aller à lui. Dans la première séance du congrès marxiste, un des représentants notables du socialisme au Reichstag, M. Bebel a admirablement expliqué comment cette nécessité s'est révélée et imposée; comment les écoles socialistes ont dù descendre des régions élevées de la théorie dans le terre à terre de la pratique, s'occuper des coalitions, des grèves, des conditions du travail, c'est-à-dire de questions qu'elles considéraient comme si peu importantes, qu'en 1848 par exemple, elles dédaignèrent, en France, de réclamer l'abrogation des lois sur les coalitions en laissant cette besogne inférieure aux économistes.

Dès le commencement des premières agitations, a dit M. Bebel, le parti socialiste allemand a fait mouvoir des forces organisées. Les socialistes se présentaient alors avec une sorte de propagande révolutionnaire pour des revendications communes.

On s'aperçut bientôt que, pour entraîner les populations ouvrières, il était de toute nécessité de s'occuper des questions relatives au sort même des ouvriers, à l'amélioration de leurs conditions de travail. Ce n'est qu'en allaut de ce côté qu'il était possible de faire des progrès parmi les masses ouvrières.

On vit bientôt que c'était là la voie dans laquelle il fallait marcher hardiment. Les ouvriers exploités et opprimés, se tournèrent de plus en plus vers les socialistes, dont les doctrines se répandirent dans toutes les grandes villes de l'Allemagne. Eux qui en 1867, n'avaient pu recueillir que 3.000 voix, en réunirent en 1875 plusieurs centaines de mille.

Le gouvernement fut effrayé et n'attendit que la première occasion pour édicter les mesures les plus rigoureuses en vue d'enrayer la propagande.

Toutes ces mesures furent vaines. Malgré l'interdiction de plus de douze cents écrits non périodiques, malgré la suppression des journaux, les forces socialistes augmentaient tous les jours, et les masses entières des travailleurs venaient aux socialistes.

On le vit bien aux élections. En 1881, les députés socialistes avaient réuni 300.000 voix; en 1884, 480.000 électeurs leur donnaient leurs suffrages, et, en 1887, 750.000. Depuis, les progrès du socialisme ont encore augmenté; les élections prochaines le prouveront.

Seulement, ce que M. Bebel n'a pas dit, c'est que le socialisme allemand n'a réalisé ces progrès qu'en abandonnant son programme doctrinal pour se mettre à la remorque de l'opinion de ses électeurs. Or l'opinion des électeurs ouvriers ne diffère point, autant qu'on pourrait le croire, de celle des électeurs bourgeois, conservateurs ou libéraux. Ils sont avant tout protectionnistes. De même que les classes moyenne et supérieure exigent de leurs députés, sous peine de non réélection, qu'ils votent des lois destinées à protéger leurs rentes et leurs profits, ou à augmenter le nombre et le taux des appointements dont elles tirent principalement leurs moyens d'existence, les classes ouvrières demandent à leurs représentants de faire des lois protectrices des salaires dont elles vivent, c'est à-dire des lois qui aient pour effet d'abréger la durée de leur travail sans diminuer, en augmentant même leur rétribution. Pas plus que les députés conservateurs ou libéraux des classes moyenne ou supérieure, les députés socialistes des classes ouvrières ne s'inquiètent de rechercher si ces lois de protection sont conformes ou non aux intérêts généraux de la nation ou même aux intérêts particuliers de leurs électeurs. Ils ne sont plus les fidèles d'une église ou d'une école, ils n'ont plus une foi ou une doctrine à eux, ils ont un

programme politique et économique qui leur est imposé par l'opinion de la foule à laquelle ils quémandent ses suffrages. Ils sont des politiciens!

Ce changement dans le caractère du socialisme et dans les procédés des socialistes est apparu avec une clarté saisissante dans les deux congrès concurrents des marxistes et des possibilistes. Dans aucun des deux, il n'a été question des doctrines. Nous ne savons pas plus aujourd'hui que nous ne le savions hier en quoi la doctrine possibiliste diffère de la doctrine marxiste; en revanche nous avons pu constater qu'à l'exemple des politiciens bourgeois, les politiciens socialistes sont divisés; qu'ils forment deux partis et qu'ils ont deux états-majors. Nous avons pu constater encore qu'ils sont à peu près également protectionnistes, et qu'en cela ils obéissent à la « demande » de leur clientèle électorale. Peut-être le protectionnisme des possibilistes est-il un peu plus exclusif et nationaliste que celui des marxistes, mais ce n'est qu'une nuance. Les uns et les autres ont voté, à peu près dans les mêmes termes la même résolution en faveur de la réglementation internationale du travail.

Voici le texte de la résolution votée par les marxistes:

1o Il y a lieu, pour les organisations ouvrières et les partis socialistes des deux mondes, de poursuivre en commun l'établissement d'une légis lation internationale du travail et d'appuyer la République helvétique dans la conférence intergouvernementale convoquée à Berne à cet effet;

2o Cette législation internationale, pour être protectrice de l'existence et de la liberté ouvrières, pour réduire les chômages et raréfier les crises de surproduction, devra porter avant tout sur les points suivants :

a) Interdiction du travail des enfants au-dessous de quatorze ans,e t, de quatorze à dix-huit ans, réduction de la journée à six heures; b) Limitation à huit heures de la journée de travail des adultes. c) Repos obligatoire d'un jour par semaine ou interdiction aux employeurs de faire travailler plus de six jours sur sept;

d) Interdiction du travail de nuit, sauf certains cas à déterminer d'après les nécessités de la production mécanique moderne;

e) Interdiction de certains genres d'industrie et de certains modes de fabrication préjudiciables à la santé des travailleurs;

f) Fixation d'un minimum international de salaire, le même pour les travailleurs des deux sexes.

3o Pour assurer l'application des dispositions ci-dessus, il sera institué des inspecteurs nationaux et internationaux élus par les travailleurs et rétribués par l'État.

L'élection des inspecteurs internationaux sera notifiée, par

voie diplo

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