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LES CAISSES D'ÉPARGNE EN HOLLANDE

Aperçu historique et statistique des caisses d'épargne fondées et administrées par la Société néerlandaise du Bien Public (Maatschappij tot nut van 't algemeen, fondée le 17 novembre 1784.)

On peut dire que dans les Pays-Bas l'histoire des caisses d'épargne fait partie intégrante de l'histoire de l'association « Tot nut van 't alge

meen».

Cette association, en effet, a donné la première impulsion à la fondation des caisses d'épargne et dans la mesure de ses forces elle en a soutenu le développement.

Aujourd'hui encore la plus grande partie de ces établissements se trouve, sur tout le territoire du royaume, en relation plus ou moins intime avec l'association, ou, pour parler plus juste, avec ses différentes sections, qui portent le nom de départements.

L'association du Bien Public, plus connue en France depuis qu'elle a obtenu un diplôme d'honneur à l'Exposition de 1867, n'a cessé de prospérer à partir de sa fondation en 1784 (le 17 novembre). A l'origine ce ne fut qu'un petit cercle d'amis. Elle entreprit sa tâche de la façon la plus modeste. Au fur et à mesure du développement de ses ressources matérielles et de ses forces morales, le cercle de ses travaux s'étendit, les moyens d'action se multiplièrent et furent appliqués sur une plus grande échelle.

Son programme était large et grandiose : favoriser le développement intellectuel, la civilisation et le bien-être du peuple, spécialement dans les classes les moins privilégiées 1. Les membres de l'association, dont le nombre allait croissant chaque année, s'appliquaient sans relâche à trouver les moyens d'exécuter ce programme; et l'on ne saurait

1 Le premier article de la loi de l'Association, revisée en 1888, résume ce programme ainsi : « Elle veut collaborer à l'amélioration de la condition in tellectuelle, morale et sociale du peuple, spécialement par l'influence qu'elle désire exercer sur l'éducation et l'enseignement, l'épurement des notions populaires, le renforcement de la faculté de travail et de la vitalité des ouvriers. »

s'étonner que leurs réflexions les portassent à jeter aussi les yeux sur ce qui se passait à l'étranger.

C'est ainsi que vit le jour une proposition de la section de l'association, établie à Bergum en Frise, proposition mise en discussion dans l'assemblée générale de l'association en 1817.

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En voici la teneur :

< Attendu que l'expérience a démontré, combien salutaire est l'action « des caisses de secours et d'épargne, fondées en Écosse, pour encou<rager le travail et l'épargne, et pour améliorer les mœurs des classes populaires; attendu qu'il est en conséquence désirable de voir les «< caisses de secours et d'épargne s'établir dans le royaume des Pays◄ Bas, le département propose qu'il sera rédigé par les soins ou sous la surveillance de la direction centrale de l'association ou proposé par elle, comme sujet d'un concours extraordinaire pour l'obtention d'un < prix : un mémoire, touchant les moyens d'établir des caisses de ce «< genre dans les Pays-Bas et d'engager les classes ouvrières à y donner leur participation ».

Ces dernières paroles indiquèrent assez clairement l'intention du département. Ce qu'il désire, ce n'est pas un travail de pure théorie, touchant les établissements dont il s'agit; mais surtout un écrit où des exemples frappants, soit réels, soit fictifs, mais fondés sur la notion mème de la chose, qui fassent clairement voir aux classes ouvrières quelles précieuses ressources pour la maladie ou la vieillesse elles peuvent se ménager au moyen d'une minime épargne.

Combien l'assemblée générale goùta cette proposition, c'est ce qui ressort du mandat qu'elle conféra a la direction centrale, pouvoir exécutif de l'association, de procéder à la rédaction des règles générales pour la fondation de caisses d'épargne.

Tandis que la direction se préparait à exécuter ce mandat, elle eut l'honneur de recueillir en audience royale et de la bouche de S. M. le roi Guillaume Ier une parole d'encouragement pour la fondation de caisses d'épargne.

Peu de temps après, à la suite de négociations ouvertes avec le gouverneur de la province de Hollande Septentrionale, la direction centrale recut une communication du ministre de l'intérieur, contenant l'arrêté royal du 17 mai 1817.

Voici ce que disait le ministre : « Convaincue de l'utilité què les caisses d'épargne peuvent avoir dans les Pays-Bas comme ailleurs, en secondant l'économie et la moralité dans les classes inférieures de la population, après examen attentif, Sa Majesté est également convaincue que votre association est propre entre toutes, à assurer à

ces établissements la prospérité et le développement progressif, qui leur sont nécessaires. Le zèle louable de votre association pour tout ce qui peut contribuer à civiliser ces classes sociales et à les rendre meilleures, et d'autre part, les rapports qu'elle entretient avec ces classes, en sont de sûrs garants. Enfin, il a plu à Sa Majesté de déclarer qu'elle voit dans ces tentatives de vos départements une preuve nouvelle de l'utilité du but poursuivi par votre association et de l'esprit vraiment national qui l'anime pour seconder les efforts du gouvernement pour le bien de nos populations ».

L'arrêté royal, dont il vient d'être parlé, stipulait en outre que des instructions seraient envoyées aux gouvernements des provinces, leur prescrivant d'encourager et d'appuyer de leur autorité et de leur influence les tentatives de l'association auprès de l'administration et des communes et de rechercher les moyens de procurer à l'épargne populaire un placement à la fois sûr et facile.

Le pouvoir central n'avait pas encore expédié ces documents, bientôt insérés au supplément du Journal officiel (1818, cinquième partie, p. 216, que déjà quatre sections de l'association (Rotterdam, Dordrecht, Gorkum et Haarlem) avaient fondé chacune une caisse d'épargne.

Cet exemple fut suivi dans le cours de cette année par les dix sections La Haye, Enkhuisen, Weesp, Bolsward, Hoorn, Leeuwarde, Middelharnis, Gouda, Amersfoort, et Delfshaven, tandis que 28 autres départements avaient fait de cette affaire l'objet de sérieuses délibérations. En août 1818, elles avaient déjà nommé dix commissions spéciales à

cet effet.

A cette époque, l'association comptait 116 départements et 7.801 membres.

En 1819, elle avait 124 départements et 8.929 membres. Le nombre des caisses d'épargne s'était alors accru de 14 à 48. En même temps d'autres caisses d'épargne (par exemple celles de Sneek et Marssum) avaient été fondées sans la coopération officielle des départements, mais toutefois presque exclusivement par des membres de l'association.

En vérité, la proposition de Bergum était tombée en terre féconde et la jeune plante étendait déjà vigoureusement ses rameaux. Sous les auspices de l'association, le nombre des caisses d'épargne s'accroissait d'année en année.

Toutefois ces caisses eurent une terrible épreuve à traverser durant les années 1830 et 1831. Le soulèvement de la Belgique, les complications qui en étaient la suite, firent baisser considérablement les rentes du Royaume des Pays-Bas, qui avaient été presque exclusivement choisies pour le placement des épargnes. Plus d'une caisse en ressentit douloureusement les conséquences. La confiance fut fortement ébranlée, sur

tout lorsqu'on vit plusieurs caisses ne pouvoir effectuer leurs payements que par fractionnement proportionnel.

Et cependant dans le mémorial édité en 1834 par l'association, à l'occasion du cinquantième anniversaire de sa fondation, on voyait figurer les noms de soixante-quatorze sections qui avaient ouvert un placement à l'épargne et l'on pouvait exprimer avec confiance l'espoir que l'utile institution qui nous occupe retrouverait assurément sa première prospérité.

Pourtant, malgré le nombre des établissements déjà fondés, on constatait une certaine hésitation dans certains départements, on y reculait devant la difficulté et devant l'éventualité d'un danger de si récent. Cette situation porta la direction centrale à faire à l'assemblée générale de 1849 la proposition suivante :

« Il sera nommé une commission, chargée de préparer un règlement applicable aux caisses d'épargne aussi bien dans les petites que dans « les grandes localités et de nature à prévenir tout inconvénient ».

L'assemblée adopta cette proposition. Le projet de règlement, accompagné d'un exposé de motifs, fut présenté à la direction centrale en octobre 1847 et les règlements des caisses d'épargne furent revisés selon ce modèle.

A partir de cette époque, le nombre des caisses d'épargne commença à s'accroître de nouveau. En 1854 la direction centrale publia pour la première fois un aperçu statistique sur les caisses d'épargne, destiné à remplacer les renseignements sur cet objet disséminés dans les rapports des sections.

Dans l'annuaire concernant l'exercice du premier juillet 1862 au 30 juin 1863 la direction centrale a publié un Rapport très détaillé sur ces établissements.

Il ressort de ce Rapport que de 1818 à 1850 il a été fondé 136 caisses dont 41 ont cessé d'exister, de sorte que l'association comptait à la fin de décembre 1850 un nombre de 95 caisses en activité.

De 1850 à 1862 quarante caisses nouvelles furent établies et dix furent supprimées. L'association possédait donc 125 caisses au 31 décembre 1862. Par conséquent, en dehors de son action indirecte, consistant dans l'emploi de son influence pour favoriser l'érection des établissements d'épargne, l'association en a fondé elle-mème 182 de 1818 à 1862. 47 de ces derniers ont cessé d'exister.

Le nombre des caisses d'épargne, non attachées aux sections de l'association, s'élevait à cette époque (1860) à 21 avec 10.331 déposants, 1.457.490 florins de capital, 1.336.460 florins remboursables aux déposants et 121.030 florins de bénéfices. Pour les caisses de l'association le nombre des déposants s'élevait à 53.361. Dans 123 de ces caisses le

montant des dépôts s'était élevé à 2 089.715.38 florins, et celui des remboursements à 1.837.272,28 de sorte que l'excédent des dépôts sur les remboursements représentait 252.443,07 florins.

La valeur totale des épargnes déposées dans les caisses d'épargne représentait environ neuf millions de florins.

L'association a donc le droit d'être fière de ce qu'elle a réalisé et réalisé seule, sans aide, sans conseil, sans aucun concours du gouver

nement.

D'après des tableaux statistiques, dont elle a déterminé la forme, l'association publia jusqu'à 1884, chaque année, des détails touchant les points suivants, savoir :

1o La localité à laquelle appartient chaque caisse;

2° L'époque de la clôture de l'exercice annuel;

3o Le nombre des déposants, celui des dépôts, le montant des dépôts et des remboursements, durant le dernier exercice:

4o Le nombre des comptes nouvellement ouverts;

5o Le capital de la caisse, ce qu'elle a à rembourser, sa dette et ses bénéfices;

6o Les frais d'administration;

7o Les intérêts servis aux déposants;

8° Le nombre d'articles de montants divers, restant ouverts à la clôture du dernier compte;

9o La position sociale des déposants, ayant accédé durant le dernier exercice.

Par la publication de ces tableaux les efforts d'autres personnes ont été encouragés.

L'accroissement du nombre des caisses postérieurement à l'exercice 1862-1863 n'est pas difficile à expliquer. Les grandes localités, où se trouvaient établies des sections de l'association, jouissaient presque seules des avantages des caisses d'épargne. Les petites n'offraient qu'un centre d'action trop restreint pour que l'on pût compter sur quelque succès, en ouvrant des facilités de dépôt à l'épargne.

Quelques caisses fondèrent à la vérité des succursales dans certaines petites communes, mais un lien d'ensemble faisait entièrement défaut. Fondées par des sections de l'association, qui sont indépendantes de l'association elle-même dans le cercle de leurs propres travaux, et n'ayant que des liens peu consistants avec ces sections, ces caisses étaient étrangères les unes aux autres et agissaient, chacune d'après ses inspirations indviduelles.

L'activité des caisses déjà existantes augmentait toutefois sans relâche. Chaque année voyait s'accroître le nombre des déposants et s'élever le chiffre des dépôts. Ces circonstances engagèrent l'assemblée

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