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Les grands industriels des provinces du Rhin et de la Westphalie escomptent à leur manière le renouvellement de la loi contre les socialistes, en se liguant pour soumettre leurs ouvriers à un régime qui ne diffère pas sensiblement du servage, Voici ce qu'on écrit à ce sujet au Journal des Débats:

« Les grands industriels des provinces du Rhin et de Westphalie semblent se faire une singulière idée de la « paix sociale », que devaient inaugurer les grandes lois sociales et économiques votées au cours des dernières années, des derniers mois. II ne paraît pas d'ailleurs que l'expérience, assez rude pourtant, des grèves du printemps, les ait fait suffisamment réfléchir, dans le bon sens du moins. Ils viennent d'adresser au président supérieur de Wesphalie et au président de régence à Dûsseldorf un rapport sur la situation économique dans le courant de l'année qui s'est écoulée, de juillet 1888 à juillet 1889. Ils y revendiquent le droit de renvoyer l'ouvrier quand il leur plait, tandis que l'ouvrier serait tenu, pour quitter l'atelier, d'en donner avis quinze jours d'avance; les salaires ne seraient pas payés aux ouvriers qui enfreindraient le règlement. Ils voudraient aussi que les réunions hebdomadairestenues par les mineurs fussent interdites; la tranquillité, disent-ils, està ce prix.

« Cette singulière sortie, officielle en quelque sorte, donne plus que jamais apparence de vérité au fait rapporté récemment par une feuille rhénane qui refusait d'y croire : les propriétaires de mines se seraient entendus pour ne pas reprendre un ouvrier qui aurait quitté un puits de la région, de son plein gré ou congédié. Un autre détail complète le tableau les administrations minières de Westphalie se seraient entendues avec les cabaretiers et aubergistes de la région, afin que ceux-ci ne prêtent pas leurs établissements pour les réunions locales de l'Association générale des mineurs allemands ».

:

Ne serait-il pas juste et raisonnable d'appliquer la loi contre les socialistes à ces grands industriels qui s'efforcent de faire baisser le prix du travail, en mettant les ouvriers à leur merci, sans oublier les grands propriétaires qui ont fait hausser le prix du pain, car les uns et les autres contribuent par leurs actes, bien plus efficacement que les Bebel et les Liebknecht par leurs paroles, à propager le socia lisme en Allemagne ?

Tandis qu'on germanise en Allemagne les provinces polonaises, on russifie, de l'autre côté du Niemen, les provinces allemandes :

Par ordre des gouverneurs de Livonie et de Courlande, les noms des rues dans toutes les villes de ces deux provinces ainsi que les enseignes des magasins devront être, à l'avenir. écrits en langue russe. Les enseignes en allemand seront ôtées et détruites et les propriétaires des boutiques qui désobéiraient à cet ordre seront passibles d'une forte amende.

Au fond, est-ce autre chose qu'une variété de protectionnisme? De chaque côté, on protège la langue nationale contre la concurrence d'une langue étrangère ou réputée telle, sans s'aviser, bien entendu, de consulter les convenances des consommateurs. Pauvres consommateurs! Infortuné troupeau!

On s'occupe actuellement en Danemark des assurances ouvrières. D'après l'Indépendance belge, le système auquel le gouvernement s'est arrêté, dans les projets qu'il vient de soumettre au Rigsdag, serait plus libéral que le système allemand, sans écarter cependant tout à fait la panacée en vogue de l'intervention tutélaire de l'État.

La question des assurances ouvrières contre les risques du travail dans les fabriques et les infirmités de la vieillesse, lisons-nous dans ce journal, est maintenant aussi posée en Danemarck. Le gouvernement vient de déposer sur le bureau du Rigsdag deux projets de loi relatifs à ce double objet. Le projet sur les invalides du travail diffère sensiblement de la législation allemande sur la matière. Le gouvernement propose le maintien des caisses d'assurances qui existent actuellement. Mais elles devront être agréées par le ministre de l'intérieur sur rapport conforme de l'inspecteur du trésor pour pouvoir fonctionner comme compagnies d'assurances officielles. D'autre part, l'assurance ne sera pas, comme en Allemagne, obligatoire. Le gouvernement a voulu laisser à chacun la liberté de s'assurer comme il l'entendait. Suivant son projet, les communes devront fournir des subsides assez importants aux caisses de secours.

Contre les accidents du travail l'assurance est également libre. Le projet qui s y rapporte est extrêmement simple et d'une clarté absolue. Nulle contrainte; nulle classification. Le ministre de l'intérieur déterminera les différentes catégories d'assurés qui sont divisés seulement en trois groupes ouvriers agricoles, ouvriers de l'industrie, ouvriers maritimes. La pension la plus élevée est de 35 0/0 du taux du salaire normal. Le fonds d'assurances sera formé en partie par l'État, en partie par les patrons et en partie par des retenues sur les salaires. Mais ouvriers et patrons pourront se retirer de toute caisse constituée pourvu

qu'ils prouvent qu'ils ont une organisation remplissant le but poursuivi par l'État en élaborant cette loi protectrice du travail.

Ces deux intéressants projets de loi seront discutés pendant la présente session. Le gouvernement se propose de les mettre en vigueur dès le 1er janvier 1891.

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Quoi qu'il soit généralement défendu de dérober le bien d'autrui, il y a cependant des variétés de vols qui jouissent d'une immunité particulière. Une annonce destinée à vanter les perfectionnements apportés aux instruments qui servent à crocheter les serrures et avoir raison des coffres-forts, tels que pinces, rossignols, monseigneurs, serait certainement refusée par le journal le moins scrupuleux. En revanche, personne ne s'étonne de trouver à la quatrième page d'une feuille respectable un avis conçu en ces termes :

Pour la fabrication de café artificiel en forme de fèves naturelles j'offre nouvelles machines à rotation brevetées pour la fabrication économique et en masses à bras et à force motrice. Renseignements par le possesseur du brevet H. W. Vogt, Cologne-sur-Rhin. Exploitation très facile. Très rentable.

Très rentable, soit! Exploitation facile, nous l'accordons! mais entre la mise en œuvre de cette machine « brevetée » à falsifier le café, en mélangeant les fèves artificielles avec les fèves naturelles, et celle des instruments à ouvrir les portes et à forcer les caisses, où est la différence? Si le vol par effraction est parfois suivi de meurtre, le vol par falsification n'est-il pas fréquemment compliqué d'empoisonnement? Décidément, nous engageons notre confrère à surveiller

ses annonces.

Quelques-uns de nos abonnés nous ont exprimé le désir d'être tenus au courant de la situation du marché financier. En déférant à ce désir, unous croyons inutile d'avertir les lecteurs du Journal des Économistes qu'ils trouveront dans la Chronique financière des informations et non des réclames.

G. DE M.

Paris, 14 novembre 1889.

CHRONIQUE FINANCIÈRE

Les affaires ne sont guère sorties du calme où elles étaient avant les élections. Cette date paraissait cependant devoir inaugurer l'ère d'une reprise considérable, et le succès du gouvernement avait été assez fortement escompté à l'avance. Grosses Banques en mal d'émissions, agents inoccupés, remisiers faméliques, tous les struggle for lifeurs de la haute et basse finance faisaient des rêves d'or; et... on attend toujours ces brillantes affaires. Le public hésite, se tâte, et sitôt qu'il voit un peu de hausse réalise ses bénéfices et consolide ses positions. De ce train-là, on n'avance guère.

FONDS D'ÉTAT

Le 3 0/0 qui était à 86,70, la veille des élections, a coté 87,65 pour retomber à 87, sur le bruit d'un emprunt du gouvernement de 100 millions à 1 milliard (une jolie marge), et à cause de l'approche de la rentrée des Chambres, coup classique que les baissiers n'ont eu garde de manquer. Le cours de compensation a été fixé en liquidation fin octobre à 87,25, et on reste aujourd'hui dans les environs de 87,35.

L'Amortissable sans grande variation fait 90,70.

Le 4 1/2 0/0 reste à 105 avec tendance à la hausse.

Grâce à Berlin et aussi, à certain gros établissement français qui n'a pas craint de mettre une forte somme (ce qui n'a du reste, pas paru faire grand plaisir à ses actionnaires) à la disposition de nos excellents voisins, le 4,34 Italien s'est maintenu à des hauteurs hors de toute proportion avec le fàcheux état du crédit de ce pays. Le gouffre financier de l'Italie se creuse de jour en jour davantage, et Berlin pourrait bien, avant qu'il fut longtemps, se repentir amèrement d'avoir voulu le combler en s'obstinant à faire la contrepartie de notre place.

Si mes lecteurs voulaient me permettre un conseil, je leurs dirais : vendez votre Italien pendant qu'il en est temps encore; il ne manque pas chez nous de bonnes valeurs qui vous rapporteront autant, sinon plus et avec de meilleures garanties.

L'Extérieure Espagnole 4 0/0 est faible à 74 1/4. Tous les projets de conversion des dettes Espagnole et Cubaine sont remis à plus tard en présence du mauvais états des finances de l'Espagne.

ETABLISSEMENTS DE CRÉDIT.

Le 1er de nos établissements de Crédit a vu des fluctuations assez considérables sur ses cours depuis le commencement du mois dernier.

On a exprimé un moment des craintes fort vives d'une élévation du taux de l'escompte de la Banque de France et l'on a baissé là dessus, ce qui paraît étrange, puisque, comme marchand d'argent, la Banque doit faire d'autant plus de bénéfices que le loyer de l'argent est plus cher. Elle reste à 4.280 après avoir compensé à 4.200.

La Banque d'escompte sans mouvement dans les environs de 527 fr. 50.

La Banque de Paris est restée sur son mouvement ascencionnel causé par l'émission des actions de la Banque nationale du Brésil et se tient à 850. Cette émission a été un gros succès et les actions de F. 566,50 ont été introduites sur le marché avec une prime de 151 francs qui dès le premier jour s'est élevée à 175 fr. Depuis, le tassement s'est opéré, et dans les cours actuels (145) ces actions constituent un placement excellent, la prime au Brésil étant de 213 fr., et la nouvelle Banque devant jouir de privilèges encore plus étendus que la Banque Internationale dont elle a pris la place, et dont les actions ont fait 39 0/0 de prime. Le Comptoir d'escompte ancien s'avance au delà de 80 fr.

Le Comptoir nouveau sans affaires à 660, les administrateurs paraissant ne plus vouloir s'en tenir strictement aux opérations prudentes et sûres sinon très lucratives prévues par les statuts.

Le Crédit Lyonnais après avoir détaché un coupon sur le cours de 690 a atteint 720 pour retomber presqu'aussitôt à 697,50 qu'il ne peut pas franchir. Charité bien ordonnée commence par soi-même, et il vaut mieux quelquefois ne pas trop obliger ses voisins.

La Société Générale est bien tenue à 460.

Le Crédit Mobilier après avoir atteint 495, sur le demi succès de l'émission des 96.000 obligations de la ligne de Linarès à Almeria retombe à 480.

Le Crédit Foncier est très ferme dans les environs de 1.300. Malgré les attaques périodiques de quelques affamés sans scrupules de la presse financière, les valeurs de cet établissement seront toujours de premier ordre, et constitueront un des placements les plus sùrs et les plus rémunérateurs.

Les Chemins de fer sont très fermes; l'Exposition a dù leur amener de jolies recettes.

Le Suez est ferme également dans les environs de 2.310.

Rien de particulier à signaler sur les valeurs industrielles et les valeurs en banque, si ce n'est la hausse considérable de la Société de dynamite et des actions de mines, du Rio en particulier.

Paris, 10 novembre 1889.

R. D'A.

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