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dispense qui ne pourraient donner lieu à aucune plainte, elles ne feraient pas naître des espérances détruites ensuite par l'événement, elles ne pourraient donner place à aucun soupçon d'arbitraire, comme les dispenses à titre de soutien de famille qui dépendent d'appréciation toujours incertaines et délicates; grâce à elles, chacun serait d'avance fixé sur son sort et, si l'impôt du service militaire n'est pas payé également par tous, le fardeau du moins en serait mieux réparti entre les familles et nul ne paraîtrait payer la dette personnelle d'un autre.

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Une amélioration que l'on pouvait aussi espérer trouver dans la loi nouvelle, mais qu'on y cherche en vain, concerne l'armée coloniale. Elle continue à se recruter par voie d'appel et tous les jeunes Français, à l'exception des dispensés sont toujours exposés à faire sortir de l'urne un de ces numéros « les moins élevés » qui les classent dans les troupes de marine, et les exposent aux lointaines garnisons, parfois plus meurtrières en pleine paix que la guerre elle-même. Si les rigueurs du service militaire ne peuvent, en général, inspirer que de stériles regrets et s'il faut les subir avec résignation parce que, dit-on, elles sont nécessaires à notre sécurité et communes à tous les peuples du vieux monde, il n'en saurait être de même pour celle-ci. Elle est à peu près inconnue hors de chez nous, les nations qui nous entourent ou bien n'ayant pas de colonies, comme la Prusse, l'Autriche et la Russie; ou bien ayant des armées coloniales recrutées par engagements volontaires comme l'Angle. terre et la Hollande. Sur ce point spécial, le citoyen français est donc plus durement traité qu'aucun des sujets des monarchies de l'Europe; et puisque c'est en Prusse qu'on cherche des modèles, il serait bon de ne pas oublier que, d'après M. de Bismarck, toutes les colonies du monde ne valent pas les os d'un grenadier poméranien. Sans pousser jusque-là un mépris un peu affecté sans doute, ne faut-il pas déplorer l'œuvre étrange que nous voyons s'accomplir chez nous et pour laquelle on invoque souvent des considérations économiques : chaque année des milliers de jeunes Français sont arrachés aux travaux productifs de la mère-patrie, pour aller au loin monter la garde autour d'établissements commerciaux en immense majorité étrangers; car, on ne saurait trop le redire, entre la France et ses colonies il n'existe pas d'autres courant d'émigration que celui tout artificiel qui résulte des envois de troupes et de fonctionnaires.

24 successions en ligne directe, 5 sont recueillies par un enfant unique, 8 par 2 enfants, 6 par 3 enfants, 2 par 4 enfants, 1 par 5 enfants, 1 par 6 ou 7 enfants, 1 par 8 enfants ou plus. (Journal officiel 1884, documents parlementaires, p. 261.)

Que ce courant, tout au moins, n'entraîne que des engagés volontaires. Est-il possible de soutenir qu'il ne s'en trouverait pas assez pour garder notre domaine colonial alors que celui, beaucoup plus important, des Anglais et celui des Hollandais n'ont que des garnisons recrutées de cette façon ? En fait, c'est 16.000 hommes de troupe européenne que la France entretient au dehors, dont 11.000 au Tonkin; c'est à un renouvellement de 6 à 7.000 hommes qu'il faut parer chaque année. Si la conscription n'existait pas, aurait-elle été inventée pour cela et, pour atteindre ce résultat si disproportionné à l'effort, faut-il que chaque année la menace du service colonial soit suspendue sur la tête de 300.000 familles françaises?

Il semble qu'il ne puisse guère y avoir de discussion là-dessus; il est également incontesté que la mortalité des jeunes soldats de 21 ans est, dans les garnisons coloniales, deux ou trois fois plus élevée que celle des hommes de 24 ou 25 ans et que le système actuel a pour conséquence certaine un nombre de décès très exactement connu. Comment donc un pareil état de chose subsiste-t-il encore et comment une loi générale de recrutement, qui a subi une si laborieuse préparation, n'a-t-elle pas radicalement supprimé cette rigueur inutile? Il semblait que, la question étant posée, la réponse ne pouvait guère être douteuse et, pour qu'elle ait pu être si longtemps différée, il faut vraiment que le suffrage universel soit bien distrait de ses véritables et sérieux intérêts. Voilà un mandat impératif qui devrait figurer dans les cahiers de toutes les élections et mieux vaudrait assurément imposer celui-là à son député que celui de siéger avec une blouse sur sa redingote.

CHARLES PARMENTIER.

L

LA REFONTE DES MONNAIES D'OR

EN ANGLETERRE

Il y a longtemps que la condition défectueuse des monnaies d'or a été signalée en Angleterre. On comprend facilement que des monnaies, dont les premières ont été frappées en 1817, aient pu par leur circulation perdre les quelques grains qui les placent au-dessous du minimum légal, indépendamment de certaines pratiques qui sont malheureusement en usage en Angleterre, et ont pour but d'obtenir artificiellement le frai des monnaies d'or. Déjà en 1842, une proclamation de la reine ordonnait de couper et de briser les souverains en-dessous de 122 grains 500 (7 gr. 938) et les demi-souverains inférieurs à 61 grains 125 (3 gr. 961), la Banque d'Angleterre rachetant les monnaies d'or à 3 liv. 17 sh. 10 1/2 d., le prix ayant été élevé de 4 deniers par once pour diminuer la perte des porteurs. Une somme de £ 11.137.000 fut ainsi retirée de la circulation et, en 1845, quoique la Banque d'Angleterre eût, depuis 1843, repris l'ancien prix pour l'once d'or, 3 millions de livres furent encore échangés. Mais après quelques années les mêmes inconvénients reparurent; en 1868, la Royal commission on International coinage écrivait dans son rapport: Nous croyons qu'il est indéniable qu'une très large portion des monnaies d'or circulant chez nous, est à peu près en dessous du poids courant, ou très près de l'être, et un remonnayage graduel deviendra bientôt nécessaire sous telles circonstances ». En 1881, le Comité des London City Lands (Thames Embankment), réuni à l'occasion du déplacement de la monnaie, confirmait absolument ces dires.

Cependant ce n'est qu'en 1884 que la question fut sérieusement reprise, et que M. Childers, alors Chancelier de l'Echiquier, présenta un projet de refonte de la monnaie d'or. Il proposait de frapper des pièces d'une valeur nominale de 10 shillings (un demi-souverain), mais avec 9 shillings d'or seulement, le bénéfice net résultant de l'opération, déduction faite des frais du nouveau monnayage, de la perte sur les demi-souverains et les souverains en-dessous du poids

courant, étant destiné à créer une sorte de fonds pour l'entretien de la monnaie d'or. Le résultat en était présenté ainsi :

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Balance suffisante pour consacrer annuellement 40.000 livres à l'entretien de la circulation d'or.

Ce projet, qui transformait tous les demi-souverains, c'est-à-dire une notable partie de la circulation d'or, en une sorte de billon supérieur, ne fut pas adopté, comme étant contraire aux intérêts qu'il voulait servir. Mais la circulation ne s'améliorait pas pour cela. De plus en plus, les monnaies d'or inférieures au minimum légal circulaient en Angleterre ; 'banquiers et particuliers s'ingéniant pour éviter la perte qui pouvait résulter d'une remise en telles monnaies à la Banque d'Angleterre ou à certaines administrations publiques.

Mieux conçu, le projet de M. Goschen, qui est maintenant dans sa période d'exécution, a été adopté et a reçu de toutes les autorités financières le meilleur accueil. Il ne s'agit ici que d'un commencement de refonte des monnaies d'or; la réfection complète de la circulation aurait entraîné une dépense actuellement trop considérable'.

1 Dans la discussion qui a eu lieu à la Chambre des communes, sir W. Harcourt a dit que plus de 700.000 £ devraient être dépensées pour remettre en bon état la monnaie d'or. Il est à remarquer que dans son projet, M. Childers portait une somme de 730.000 £ pour perte sur la refonte des souverains et des demi-souverains.

La mesure s'applique seulement aux monnaies frappées antérieurement à l'avènement de la reine Victoria (1817 à 1837) qui sont échangées pièce pour pièce, pourvu que l'usure constatée soit le résultat de la circulation, non celui de manœuvres frauduleuses, La limite adoptée est celle de 4 grains (0 gr. 259) au-dessous du poids légal pour le souverain, et proportionnellement pour les autres monnaies de dénomination supérieure ou inférieure. L'échange a commencé à partir du 14 octobre, et les dispositions de l'Act n'ont été appliquées qu'avec la plus grande modération, des souverains endessous de la limite fixée ayant été reçus sans aucune observation, les présentateurs ne pouvant être soupçonnés d'une altération volontaire.

L'opération d'échange aura probablement été effectuée cette fois par les banques seules, qui ont recueilli les monnaies à retirer de la circulation. C'est par une lettre adressée à sir John Lubbock, secrétaire honoraire des banquiers de Londres et communiquée par lui à qui de droit, que la Banque d'Angleterre a fait connaître que l'échange commencerait le 14 octobre, et dans quelles conditions il serait effectué. En agissant ainsi, on a voulu éviter les faits regrettables signalés en 1842. A cette époque, le retrait des monnaies d'or en-dessous du poids fut annoncé à tous par une proclamation de la reine; le samedi qui suivit cette proclamation, nombre d'ouvriers se virent refuser leurs souverains, que les marchands ne voulaient accepter que pour 19 shillings; d'autres même ne purent en recevoir que 18 shillings. On annonçait publiquement que les vieux souverains ne vaudraient plus que 15 shillings le mois suivant, et ces rumeurs, qui trouvaient facilement créance dans ce public spécial, causèrent une véritable panique parmi les classes ouvrières.

Il serait difficile de donner avec une approximation satisfaisante le montant qui va être présenté à la refonte. De 1817 à 1837, ces deux années comprises, la frappe d'or à la monnaie de Londres a été de 52.276.000 souverains et 8.256.000 demi-souverains pour une valeur totale de £ 56.404.000; mais en dehors de la somme retirée de 1842 à 1845, et qui doit être la très grosse partie du retrait de 14.137.000 €, plusieurs dizaines de millions st. ont dû être refondus par les soins de la Banque depuis cette époque, comme conséquence du bris des pièces n'ayant plus le poids légal, tandis que des sommes considérables ont été exportées définitivement ou employées dans l'industrie des métaux précieux. Dans la séance de la Chambre des communes du 1er août 1889, M. Goschen disait que les demi-souverains à retirer représentaient £ 157.000; et qu'il y avait encore en circulation des souverains légers, antérieurs à 1837, pour £ 4.295.000.

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